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I.1. Matières colorantes, de quoi s’agit-il ?

I.1.1. Couleur, matière colorante, pigment, etc : définitions essentielles

I.1.1.1. Couleur et teinte

Pour décrire l’apparence visuelle macroscopique d’un objet, il est possible de faire appel à deux types de caractéristiques : celles qui définissent sa géométrie (morphologie, dimensions et topographie) et celles relatives à sa matière (transparence, brillance et couleur) (Perraudeau, 2004).

Si la couleur semble le plus souvent être un effet de surface (concept de couleur-matière), elle peut aussi appartenir à un volume (le bleu du ciel, le rouge du vin, etc.) ou être une caractéristique d’une lumière émise par un objet (couleur-lumière : halo bleuté d’une étoile par exemple) (Dupont et Steen, 2004a).

La perception d’une couleur nécessite une source de lumière, c’est-à-dire un rayonnement électromagnétique auquel l’organe visuel est sensible. Dans le cas de l’œil humain, ce rayonnement doit avoir une longueur d’onde λ généralement comprise dans l’intervalle 380-780 nm (les valeurs extrêmes étant 360- 830 nm). Cet intervalle constitue le domaine du visible pour l’Homme (tableau 1).

Plusieurs phénomènes interviennent lors de l’interaction lumière-matière (figure 3) : • le rayonnement incident, provenant

d’une source lumineuse, éclaire l’objet ; • le rayonnement transmis est la part de

rayonnement lumineux qui passe au travers de l’objet. La transmission est inversement proportionnelle à l’opacité de l’objet ;

• le rayonnement absorbé correspond à la part d’énergie, généralement transformée en chaleur, absorbée par l’objet ;

Tableau 1. Dénomination des couleurs en fonction de la longueur d’onde.

Figure 3. Phénomènes produits lors de l’interaction lumière-matière. Matière Rayonnement incident Réflexion Absorption Transmission

Gamme de longueur d’onde Couleur

380 à 430 nm Violet 430 à 460 nm Indigo 460 à 490 nm Bleu 490 à 560 nm Vert 560 à 580 nm Jaune 580 à 620 nm Orangé 620 à 780 nm Rouge

• le rayonnement réémis ou renvoyé est, comme le rayonnement transmis, caractéristique de l’objet qui le renvoie. Il se décompose en deux lobes de diffusion (figure 4) :

◊ la composante diffuse, réémise dans toutes les directions, qui contient l’information liée à la couleur ;

◊ la composante spéculaire, renvoyée symétriquement au rayonnement incident pour un objet brillant, ou dans toutes les directions pour un objet mat.

En définitive, la perception colorée résulte de l’interaction de trois composantes (Dupont et Steen,  2004a)  : (i)  la couleur définie par son rayonnement (caractère intrinsèque de l’objet), (ii) l’ensemble des objets de notre univers physique (les conditions d’éclairement ou encore le fond par exemple, sont des caractères extrinsèques) et (iii) l’observateur, en particulier ses récepteurs visuels (i.e. son système œil-cerveau).

Autrement dit, quand, en regardant le rayonnement réémis, l’observateur a une impression de couleur rouge, plusieurs cas sont possibles :

• l’objet est éclairé en lumière blanche, et absorbe dans les domaines du vert et du bleu ; seul le rayonnement rouge est réémis ou transmis ;

• l’objet est blanc et réfléchit (ou transmet) le spectre d’éclairement dans sa totalité, et il est éclairé avec une source rouge ;

• l’objet est blanc et éclairé par une lumière blanche, mais l’observateur est monochromate et ne perçoit que les rouges.

Nous remarquons ici que l’appréciation «  à l’œil nu  » de la couleur, ou sensation colorée, est une interprétation subjective des signaux visuels, opérée par le cortex (Perraudeau, 2004, p.  5), conditionnée par des caractères physiologiques (daltonisme par exemple) et culturels. Ainsi, les Inuits vivant dans un environnement neigeux en quasi permanence, distinguent sept sortes de blanc, chacun ayant un terme associé bien défini (Varichon, 2000).

Matériau mat Matériau brillant

Réflexion directe Réflexion diffuse

Réflexion diffuse + réflexion directe composante spéculaireDéformation due à la

La colorimétrie est la discipline « qui a pour but de quantifier la couleur des objets lumineux et des corps colorés opaques ou transparents, à l’aide de grandeurs physiques mesurables » (Dupont et Steen, 2004a, p. 5).

La couleur d’un objet peut être décrite par trois critères (Perraudeau, 2004) :

• la teinte est associée à une (alors qualifiée de dominante) ou deux longueurs d’onde. Dans le système CIE L*a*b*, les quatre teintes élémentaires sont regroupées par paires antagonistes  : bleu- jaune et rouge-vert. Les autres teintes (ou teintes binaires) sont obtenues par combinaison de deux prises dans chacune des paires antagonistes (figure 5) ;

• la saturation (ou intensité) est la proportion de blanc et de noir de la teinte ;

• la clarté (ou luminosité) est le rapport entre blanc et noir.

La saturation et la clarté permettent de qualifier la teinte (tableau 2).

Enfin, il faut prendre en considération le métamérisme, phénomène par lequel différentes couleurs peuvent être perçues comme identiques, ou l’inverse. Le métamérisme est imputable à l’illuminant ou à l’observateur (Perraudeau, 2004). C’est pourquoi la comparaison entre deux objets nécessite des conditions de mesure (illuminant, état de surface, etc.) identiques, et la colorimétrie fait appel à des illuminants standardisés (Dupont et Steen, 2004b).

I.1.1.2. Matière colorante, pigment et colorant

Par l’expression matière colorante, nous désignons un corps, solide ou fluide, naturel ou issu d’une fabrication anthropique, pouvant transmettre sa couleur à un autre, soit en recouvrant la couleur initiale, soit en la transformant dans la masse.

Nous distinguerons trois composantes dans une matière colorante :

• la substance colorante est le constituant chromogène. Nous faisons une distinction entre (Perego, 2005) :

Figure 5. Système CIE L*a*b* (d’après Dupont et Steen, 2004b).

Saturation

Faible Moyenne Élevée

Clarté

Élevée Pâle Clair Lumineux Moyenne Gris Moyen Vif

Faible Sombre Foncé Profond

◊ les pigments, d’origine inorganique. Pour être employé, un pigment doit être finement broyé et mis en suspension dans le milieu colorant. Il recouvre le support à colorer, et n’y pénètre pas. La peinture utilise des matières pigmentaires ;

◊ les colorants, d’origine organique1. À la différence d’un pigment, le colorant est solubilisé

dans un milieu fluide. Il est absorbé par le support, pour se mélanger à sa couleur initiale et la modifier. C’est le principe des encres et de la teinture ;

• les charges sont des substances solides non miscibles et non colorantes, présentes naturellement dans la matière colorante ou ajoutées pour en diminuer le coût et pour modifier plusieurs propriétés comme la densité ou la siccativité* par exemple. Ainsi, la présence naturelle de nombreux silicates biogéniques (des frustules de diatomées) dans la véritable «  terre de Sienne » de Toscane rend cette matière idéale pour la technique du glacis (Triat, 2010, p. 23) ; • le liant est le milieu qui agglomère la substance colorante et les charges. En peinture, le liant

doit former une matrice homogène et plastique, permettre au mélange d’adhérer au support, et d’y rester accroché par réticulation (formation de macromolécules lors du séchage). Dans le cas de géomatière, on emploiera plutôt le terme ciment*.

Le pigment n’est donc pas synonyme de colorant ou de matière colorante, comme on le lit souvent, mais une fraction de cette dernière, parfois même minoritaire. Ainsi, 30 % d’hématite dans de la chaux, procure au mélange une couleur très proche de celle de l’hématite pure (Pomiès, 1997). C’est pourquoi nous privilégierons l’emploi de l’expression « matière colorante ». « Matériau colorant » pourra s’appliquer si une modification physicochimique anthropique2 est perceptible. Dans le cas

d’une roche pouvant être exploitée comme matière colorante, nous pourrons utiliser l’expression « géomatière colorante ».