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2| Pour une étude géographique de l’associatif migrant

2.3. L’espace dans l’étude de l’associatif migrant

Puisque la dimension spatiale du fait social domine notre réflexion conceptuelle et qu’elle est l'objet de notre recherche empirique, il nous faut chercher dans la littérature existante le support adéquat de notre réflexion. Cette partie consiste donc à montrer comment l'espace des circulations migratoires a été envisagé par les chercheurs de manière à savoir quelle(s) forme(s) spatiales pourrai(en)t prendre les pratiques transnationales et diasporiques.

L’intérêt des travaux de Michel Bruneau sur les diasporas et les espaces transnationaux réside dans la prise en compte de la multi-localisation des communautés ce qui n'en fait pas pour autant « un ensemble chaotique, un essaimage sans structure, sans organisation ». Par conséquent, « un espace de diaspora est caractérisé par la multiplicité de ses communautés de base disséminées dans un espace transnational » [Bruneau, 2003 : 151], ce qui implique l'inclusion nécessaire du « peuple », du territoire et de l’État. Considérant la diaspora comme une communauté imaginée extraterritoriale [Ibid. : 155], Michel Bruneau décline les échelles auxquelles les diasporas « vivent » : l’échelle transnationale du monde, l’échelle locale de la communauté et l’échelle nationale du pays d’installation ou du pays d’origine. Si nous ne souhaitons pas remettre en cause la validité de ces échelles, il semble toutefois que nos recherches sur les collectifs professionnels ne puissent pas s'inspirer des configurations territoriales faites par des communautés de migrants construites sur la base du souvenir et de l'identité nationale ou ethnique. En effet, nous supposons que les échelles d'identification et d'organisation du territoire sont plus complexes dans le cas de la migration qualifiée puisque les intérêts en jeux sont plus nombreux et que les formes de remises (transferts) sont plus diversifiées et indépendantes de la proximité spatiale. En cela, la définition de l'espace transnational de Laurent Faret est fortement intéressante. Il suggère que celui-ci est un espace construit par des « réseaux transnationaux qui relient pays d’origine et pays de résidence, favorisant la participation des immigrés à la vie des deux espaces nationaux. » [Faret, 2003]. Aussi en 2003, Laurent Faret met sur pied la notion de territoire migratoire transnational qu’il entend comme un espace structuré par des « lieux forts (qui) s’articulent selon leur propre logique pour former un territoire migratoire, un espace organisé, et signifiant qui se superpose aux autres entités socio-spatiales en présence » [Faret, 2003 : 192] et dont le lieu d’origine reste un référentiel incontournable « le lieu de la matrice ». Si ces notions clarifient les constructions territoriales des migrants et de leurs

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organisations, elles s'appuient sur une définition affective du lien généralement basé sur la communauté locale ou l'appartenance ethno-nationale. A l'inverse, nous ne sommes pas en quête de lieux forts d'identification menant à la construction d'un territoire. En effet, cette thèse est à la recherche de liens construits dans l'espace international pouvant être les vecteurs de nouvelles territorialités. Nous les entendons moins par l'ancrage identitaire des migrants que par la construction d'un espace ressource répondant des stratégies collectives et individuelles.

Les différentes théories de l'espace migratoire déjà existantes et bien documentées ne répondent pas entièrement de notre besoin de nous affranchir de l'ancrage identitaire. De plus, la littérature reste majoritairement segmentée entre des écrits sur la migration qualifiée et les retours de compétences qui s'inspirent de plus en plus du modèle diasporique et des travaux sur les villageois organisés à l'échelle transnationale. En résulte un manque de théorisation de l’espace migratoire. Cette « rupture » annoncée entre l’espace façonné par les activités transnationales et les diasporas, sur laquelle le chapitre suivant propose de s’attarder, pénalise la théorisation de la construction spatiale. Il nous semble en effet indispensable de mobiliser ces deux concepts dans notre cadre heuristique, dans la mesure où ils ne recouvrent pas les mêmes réalités et échelles spatiales. Aussi, dans nos travaux, les termes de diaspora et transnational se complètent pour éclairer la dimension spatiale des sociétés et surtout interpréter les sociétés par l’espace qu’elles pratiquent, se représentent et produisent.

Comment alors combiner deux termes que l’on présente d’ordinaire comme quasi- antinomiques ? En effet si ces deux notions s’opposent par le contenu culturel et l’ampleur géographique qu’elles suggèrent, il semble intéressant de les combiner dans un même cadre théorique dans la mesure où ces notions peuvent recouvrir des réalités complémentaires :

- Les liens intra-communautaires : il s’agira de les observer et de comprendre leurs logiques et leurs échelles de fonctionnement. Le champ lexical du transnationalisme devra permettre d’analyser la construction de liens avec le pays d’origine, tant avec la société civile qu’avec les institutions publiques et privées ;

- Les liens extra-communautaires : C’est le propre d’une diaspora que de mobiliser des acteurs externes à la communauté nationale [Meyer 2003]. Aussi, le champ lexical de la diaspora s’impose pour théoriser les liens qui se tissent entre une communauté d'intérêt et l'extérieur (communauté nationale, professionnelle etc.).

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Afin de connaître le substrat socio-spatial sur lequel se construisent les organisations et leurs réseaux, il semble pertinent d’analyser les solidarités qui se tissent dans l’espace de la dispersion des groupes professionnels andins. Aussi la réflexion doit-elle se nourrir des connexions transnationales qui existent entre les nœuds du collectif migrant dispersé, ainsi que des réseaux construits dans l’espace pour évaluer l’ancrage territorial que les communautés de professionnels construisent pour perdurer et étendre leur influence.

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