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Les circulations migratoires : lier les Hommes et les lieu

3| Dénaturaliser les rapports de l’Homme à l’espace

3.2. Les circulations migratoires : lier les Hommes et les lieu

Au delà d'une perspective communautaire du lien social produit en migration, cette thèse s'intéresse à l'aspect circulatoire des biens et des idées dans l'espace migratoire. C'est pourquoi il est intéressant de rendre compte des perspectives qu'offrent les termes de diaspora et transnational pour une meilleure analyse des circulations. La perspective circulatoire, notamment détaillée par les travaux français de Poitiers, a pris son essor dans la littérature sur les dynamiques sociales transnationales. Pourtant la littérature diasporique permet aussi de rendre compte du potentiel circulatoire des communautés expatriées.

Cette sous-partie consiste à mettre en lumière ce que les termes de diaspora et transnational apportent de différent dans la conception des transferts de savoir, d'idées, de matériel et autres biens.

3.2.1. Une vie dans l'entre-deux

En France, les académiques se sont rapidement inspirés des travaux anglo-saxons mais en s’attelant à l’observation des processus de construction des collectifs ainsi qu’aux processus de maintien des collectifs en dépit des distances. Comme dans le cas de la

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migration Mexique/États-Unis, de nombreuses études ont très vite rendu compte des représentations institutionnelles que se donnaient les communautés locales mexicaines au-delà du Rio Bravo [Lanly 2004, Orozco 2005, Faret 2000,2003]. Révolutionnant les études géographiques et sociales par la mise en évidence de pratiques multi-situées, ces travaux ont conduit à centrer l'attention sur l'échelle locale. Première productrice des sociabilités, l'échelle locale devient alors prédominante dans les travaux sur le transnationalisme. On comprend alors que très rapidement les théories de l’appropriation spatiale aient émergées dans cette littérature. La spécificité française s'est forgée en alliant la perspective circulatoire à la quête de nouvelles territorialités. En témoignent les travaux empiriques d’Alain Tarrius lui permettant de conclure à la construction d'un « territoire des circulations transnationales » [Tarrius, 200992F

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Les preuves empiriques relevant les activités transnationales des migrants ont conduit les théoriciens à penser aux échanges et à leurs acteurs. Dans un monde se globalisant, l’entrée d’un acteur individuel et/ou collectif menant des activités localisées et/ou multi- localisées remet en cause le modèle unique du commerce et de la politique internationale. De nombreux travaux ont donc entrepris de caractériser le transnationalisme par les formes qu’il prenait dans l’espace. Dans ce sens, les travaux de Steven Vertovec sont d’une aide immense puisqu’en 2009 son travail de synthèse de la littérature lui permettait de mettre en place une typologie du transnationalisme. Il déduisait alors six types permettant d’appréhender les activités transnationales :

- Celle de Guarnizo et Smith 1998 : Par le haut et par le bas : le capital global, les médias et institutions politiques pour le premier et les activités grassroots, locales pour le deuxième.

- Celle de Itzigsohn et al. 1999 : Etroit et large : activités institutionnalisées et continues (étroit) et liens occasionnels (large).

- Celle de Gardner 2002 : grand et petit : par l’État et l’économie (grand) et par la famille, le ménage (petit).

- Celle de Itzigsohn et Giorguli-Saucedo 2002 et 2005 : Linéaire, dépendant des ressources et réactif : liens affectifs avec l’origine (linéaire) ou permis par les

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aléas du marché du travail et de l’acquisition des ressources nécessaires aux pratiques transfrontières, ou encore lorsque les conditions de maintien dans le pays d’accueil ne sont pas favorables (réactif).

- Celle d’Alejandro Portes, 2003 : Transnationalisme large et transnationalisme strict. Les liens sont réguliers ou occasionnels pour le premier, la participation est

régulière pour le deuxième.

- Celle de Peggy Levitt 2001 : en noyau ou étendu : soit le transnationalisme est prévisible et lié à des motivations particulières, il est alors le noyau de la vie sociale, soit il se pratique plus occasionnellement mais dans une « matrice de sphères » plus importante.

Dans tous les cas, c’est la circulation des biens, de l’argent, des informations et des individus qui contribue au maintien d'un continuum social entre deux espaces non continus. Mais si les travaux de Steven Vertovec ne laissent aucun doute sur la participation du global (le contexte économique, les États) et du local dans la production du transnationalisme, l’articulation des échelles ne semble pas être au cœur de la réflexion. C’est pourtant ce qui motive notre étude des espaces et réseaux de l’associatif migrant qualifié andin. C’est par la production de sociabilités multi-scalaires et d’échanges multi-acteurs que l’on imagine, en effet, l’émergence de nouvelles formes de productions territoriales.

Parce que le transnationalisme suggère des processus de constructions sociales ancrés dans deux voire plusieurs territoires alors il semble intéressant de mobiliser ce champ lexical dans l'étude des activités mises en place par les migrants. Cette perspective et l'usage de ce vocabulaire, dont l'emploi en France reste réservé aux pratiques par le bas, permettrait en effet de dissocier les circulations générées par les activités des migrants ancrés dans plusieurs lieux, des dispositifs à vocation circulatoire mis en place par les gouvernements.

3.2.2. Des communautés de projet sans frontières

Très tôt, les diasporas ont été théorisées et envisagées dans leur rapport à l’espace par leurs relations qu'elles entretenaient avec le centre. Si l’on ne raisonne pas à l’échelle locale de la communauté, de la famille ou du village, on raisonne à l’échelle de l’État et de la nation

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pour évaluer le socle identitaire fondateur de l’unité. Les exemples apportés pour la diaspora juive, grecque ou chinoise révèlent le rapport entretenu entre les diasporés et leur nation, celle-ci étant un référent dans le discours et dans les actes, fédératrice d’une identité qui se cultive au-delà des frontières territoriales, et repoussant les limites de la nation au-delà des limites des États.

Qu’elles soient « culturelles », « d’affaires » ou bien « classiques », les diasporas se définissent par leur articulation à une entité globale d’un ensemble de petites entités dispersées et minoritaires. Diaspora, comme processus, comme forme spatiale, comme minorité ethnique, revêt alors une sémantique large et englobante qui révèle d’elle-même la complexité du concept.

Définies morphologiquement par la multipolarité et l'interpolarité de leurs communautés, les diasporas jouissent d'une attention toute particulière des États d'origine dans la mesure où leur potentiel circulatoire permet de palier au manque de main-d'œuvre qualifiée. C'est par cette approche que les travaux sur la diaspora scientifique et technique envisagent les communautés qualifiées expatriées. Manne scientifique, politique et économique les migrants internationaux semblent ouvrir de nouvelles perspectives dans leurs pays d'origine. Disposés à coopérer ou non, il s'agit pour les gouvernements (et l'administration en général) de tisser un lien étroit avec les migrants, sur une base identitaire, afin de renforcer les échanges entre les pôles migratoires et le centre.

Se comprenant par l'ambition des pays d'origine de se hisser dans l'économie de la connaissance cette dynamique de production communautaire semble s'inscrire au service de la globalisation pour le compte d'États. C'est pourquoi la perspective circulatoire conçue à partir du champ lexical de la diaspora semble répondre des stratégies nationales et non de communautés d'intérêt de migrants internationaux.

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CONCLUSIONS DU CHAPITRE

Échelles

Si diaspora et transnational résultent sur des conceptions morphologiques contrastées, elles trouvent leur point d’intersection dans la dissociation faite entre le dedans et le dehors. Mais entre vision processuelle et vision communautaire, transnational et diaspora trouvent bien ici une ligne de divergence qui nous conduit à devoir user des deux champs lexicaux. D'une part, le transnationalisme permet de concevoir les activités produites par les migrants, d'autre part, la diaspora permet d'analyser les stratégies administratives d'absorption du capital humain et financier qui existe au delà des frontières territorialisées de l'État. Cette tendance des États à vouloir dominer les échanges transnationaux et bénéficier de ceux-ci se retrouve dans les agendas politiques qui, de plus en plus souvent, cherchent à valoriser la présence des citoyens à l’extérieur des frontières et à renforcer leur capacité de transferts matériels et immatériels. C’est pourquoi, les agendas politiques peuvent avoir rendu possible l’existence du transnational en soutenant les organisations de migrants. C’est ainsi que l’on comprend la tendance à la déterritorialisation des nations d’origine, puisque c'est à partir d'un socle social que les nations se constituent et non territorial tel qu'on le pensait jusqu'au siècle dernier. La communauté s'appuie alors sur un espace de partage identitaire, culturel, économique, financier etc. qui dépasse le cadre national territorial. Les États peuvent alors mettre en place des stratégies d'expansion symbolique de la nation afin de mieux récupérer le savoir et les biens possédés par les citoyens de l'étranger. Ces « nation building practices » (pratiques d’édification de la nation) consistent donc plus clairement à mettre les transmigrants au service de leur État :

« The nation’s people may live anywhere in the world and still not live outside the state » [Linda Basch, 1994]93F

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Qu'il s'agisse d'une reconstitution mnémonique d'un territoire ou d'une volonté politique de reproduire l'identité nationale par delà les frontières, ces nouvelles appropriations de l'espace de la nation ont conduit à théoriser les recompositions territoriales en cours par les notions d’a-territorialisation, de déterritorialisation et de reterritorialisation. Mais cette thèse cherche à identifier les espaces et surtout les territoires qui sont produits par des formes sociales articulant les espaces locaux, nationaux et internationaux. Ici le territoire n’est donc pas envisagé dans la continuité géographique, mais dans la continuité du social, le groupe faisant sens plus que la topographie ou la toponymie. Aussi, la territorialité ne peut être envisagée, selon nous, en dehors d'une étude de la réflexivité des acteurs sur ce territoire qu'il s'agisse aussi bien des États que des migrants. En aucun cas, nous ne pouvons considérer l'action centralisée des États comme un élément de territorialisation des citoyens expatriés. Toutefois, il convient de reconnaître que les apports scientifiques précédents ont le mérite de mettre en avant la reconfiguration géographique des États-nations.

Pour éviter toute dérive État-centrée, cette thèse de géographie se construit sur un support multi-scalaire de données empiriques. L’échelle locale tout d'abord. C'est à cette échelle que se situent les principaux acteurs, responsables et dirigeants associatifs ainsi que les institutions avec lesquelles les structures associatives sont en interaction. Les échelles régionale, nationale et internationale ensuite. Le besoin éprouvé par les structures associatives et leurs membres de trouver des partenaires, de collaborer avec des entités de natures et d’origines multiples introduisent nécessairement le besoin de tisser des liens en dehors de l’espace local d’accueil mais aussi en dehors de l’espace d’origine. On cherche donc à comprendre quels sont les rôles endossés par les agences internationales, les entreprises, les universités, les gouvernements dont les collaborations seraient susceptibles de produire un espace de circulations très hétérogène mais qui permettrait l’existence d’une communauté d’intérêt dépassant les frontières nationales autant par leur support géographique que social.

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CONCLUSION

PARTIE I

En quête d’une meilleure compréhension des mutations sociales et gouvernementales en marche dans le processus de socialisation des migrants qualifiés andins dans l’espace de la dispersion, cette thèse de géographie prend le parti d’user de l’espace diasporique comme espace englobant l’ensemble des initiatives ayant pour caractéristique commune de mobiliser les migrants qualifiés, que ces derniers soient acteurs ou agents des transferts et circulations migratoires.

En envisageant les dynamiques sociales dans l’espace diasporique sous des formes transnationales et diasporiques, notre recherche se différentie des travaux académiques réalisés jusque là. Parce que les acteurs sont diversifiés et qu’ils existent dans des espaces plus complexes qu’ils n’ont été envisagés jusque maintenant, l’hybridité conceptuelle se met ici au service de l’analyse affinée des espaces et des réseaux produits par et/ou pour les migrants qualifiés andins.

Aussi les processus de production de l’associatif migrant qualifié andin auront une place privilégiée dans notre réflexion. Ceux-ci nous éclairerons, en effet, sur les dynamiques par le bas ainsi que sur les dynamiques systémiques qui génèrent aujourd’hui un tissu associatif dont il nous incombe de connaître à la fois les limites, les acteurs et les productions spatiales.

C’est pourquoi transnational et diaspora permettront d’éclairer notre réflexion. D’abord en permettant de préciser les acteurs intervenant dans la socialisation en réseau des migrants qualifiés andins, mais aussi en saisissant les conséquences que ces différentes productions spatiales ont sur le retour, la circulation des compétences et plus largement sur la production des réseaux du savoirs au-delà des frontières nationales territoriales.

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