• Aucun résultat trouvé

L’activation de la mobilité et des circulations migratoires

2 | La place de l’associatif migrant dans les trajectoires de vie des migrants qualifiés

2.3. L’activation de la mobilité et des circulations migratoires

L’action sociale ne peut en aucun cas être le résultat mathématique d’une somme de paramètres sociaux et environnementaux. En revanche, on peut lui chercher des causes et la mettre en relation avec les évènements qui se produisent au cours de l’existence d’un individu. C’est pourquoi cette partie consiste à approfondir l’engagement individuel et collectif par l’étude des trajectoires individuelles des migrants rencontrés. Pour cela, on choisit le cas de trois migrants. L’ambition est double : confirmer l’implication des réseaux pré-migratoires dans la réalisation personnelle et professionnelle des migrants et lier l’engagement social à la trajectoire migratoire et professionnelle. Cette restriction de l’échantillon ne permet pas

!

"JU!

d’atteindre l’exhaustivité et ce ne sera pas l’objet de cette partie. En revanche, on explique notre choix par le degré de précision atteint lors de la collecte des informations personnelles et individuelles dans ces trois cas. Deux des migrants vivent en France et un en Espagne. L’argumentation s’imprègnera toutefois de cas supplémentaires permettant d’étayer notre réflexion.

On s’attend à ce que le projet de retour influence les circulations migratoires [Myers et Masnick, 1968 ; Hernandez-Leon, 1997] d’autant plus s’il s’agit d’un « contrat » passé entre le migrant et sa famille [Kyle, 2000]. Pourtant, le retour n’est pas l’unique moteur des circulations, et ce sont plus largement les contextes économiques, sociaux ou politiques qui autorisent ou non les circulations. La production d’espace d’échanges est alors conditionnée par le potentiel de mobilité, entendu comme la capacité à se mouvoir dans l’espace et l’effectivité du mouvement. Ici l’enrôlement individuel dans le collectif ressort dans l’étude diachronique de la construction du professionnel migrant.

Un voyage en quête d’excellence : de l’usage de la mobilité dans la poursuite du savoir Rendre intelligible les conséquences de l’enrôlement individuel dans le collectif sur la configuration de nouveaux réseaux socio-spatiaux implique de prendre en compte les moteurs de son engagement transnational :

- Le lieu d’origine comme activateur de la mobilité : les études sont la voie royale de l’expatriation [Meyer J.-B. and Hernandez V. in Nedelcu M. 2009; Freitas A., Levatino A., Pécoud A., 2012]. Les universités d’origine fonctionnent comme des leviers activant le départ des plus qualifiés, de façon plutôt involontaire (exemples 1 & 2). Les cas un et deux sont en effet intéressants dans la mesure où ce sont leurs universités qui leur ont permis (volontairement ou non) de s’établir, temporairement du moins, à l’étranger (master, thèse de doctorat). On questionne alors la durabilité des réseaux lorsque ceux-ci sont dépendants d’une institution.

- Le réseau comme moteur des circulations : les réseaux sociaux interviennent dans la mobilité individuelle (exemples 1, 2 & 3). Il permet aux migrants de transférer leurs compétences et connaissances plus facilement et plus rapidement.

! "6&!

Dans ces deux paramètres, les effets de contextes sont notoires et infusent les sociabilités. Les deux points suivant consistent donc à restituer l’importance des institutions d’origine et des réseaux interindividuels dans la production sociale en migration.

La production sociale en migration : retour au point « O »

Les trois figures de mobilité internationale présentées ici divergent en de nombreux points. Nous choisissons de mettre en relief les éléments ayant activé la mobilité internationale ainsi que le rôle des institutions dans l’enrôlement du migrant dans l’associatif.

Abordons d’abord le cas de S.C (figure n°7 page 175, exemple n°1). Lorsqu’elle était étudiante120F

121

, sa trajectoire migratoire a commencé avec la promotion des bourses françaises et du cursus d’ingénieur polytechnicien par la venue de D.C. à l’Université. Séduite par cette opportunité, et finalement acceptée au concours d’entrée à l’École Polytechnique, S.C. s’est rendue en France. On peut donc considérer que sa migration internationale est le résultat de l'incitation à la mobilité de D.C., conditionnée par l’acceptation de l’Université. Car si l’université n’est pas directement responsable du départ de S. C. à l’étranger, l’espace donné à D.C le temps d’un cours a été le déclencheur de cette mobilité internationale. C’est donc bien au sein de l’espace institutionnel que la décision de partir a germé, même si l’incitation est indirecte. Le rôle joué par D.C dans cette migration est incontestable. D'une part, sa visite à Quito est en effet très rapidement suivie de l’arrivée en France de S.C (promotion 2003 et arrivée en 2004), d'autre part, la migrante affirme elle-même être partie grâce à D.C.

L’exemple numéro 2, celui de T.H (figure n°7, exemple n°2), révèle une plus grande complexité de la trajectoire professionnelle et migratoire. Après avoir atteint le niveau master en Colombie et avoir fait partie du personnel de son université, T.H reprend finalement ses études à Paris pour réaliser un doctorat. Si l’on ne peut douter de son désir d’acquérir de nouvelles compétences au travers d’une mobilité géographique, il est toutefois avéré que cette migration est le résultat de la politique d’internationalisation de l’université (Universidad del Norte, voir figure page suivante). Des entretiens menés en Colombie, il ressort que la politique d’expatriation de l'Universidad del Norte se caractérise par la mise en place d’un dispositif institutionnel pourvoyeur de bourses directes ou complémentaires à celles de l’État,

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

!

"6"!

dans le but de promouvoir l’acquisition de compétences de très haut niveau (voir extrait d’entretien ci-dessous). À l’université, le groupe de « développement académique » est donc chargé du recrutement des futurs membres de la diaspora scientifique et technique. Dans le cas de T.H., c’est finalement en France qu’une opportunité s’est présentée121F

122 .

On constate une nouvelle fois que l’université cimente des relations sociales incitant à la mobilité spatiale. Dans ce cas, c’est l’université qui est directement responsable du départ à l’international et qui suscite encore l'intérêt des jeunes expatriés pour s'investir dans des activités scientifiques transnationales. De plus, on a ici la constitution d’un terrain propice au retour migratoire dans la mesure où un emploi lui est « réservé » dès la fin de son doctorat.

Extrait d’entretien n°3 :!$-.1*.(*-!>C*,!@%1(+.(>-!S2!,%>1K6!7'!K1&'/*!

7*!K*+.(&-!*.!7*!76C*)&//*5*-.!>,>765(<'*!G!)8T-(C*1+(7>7!7*)!L&1.*E! U!5>1+!MNOO2!

!

@2S2!#!V>!@&)&5B(*!-8*+.!/>+!'-!/>;+!.1>7(.(&--*))*5*-.!>..>,%6! G! )>! 1*,%*1,%*! +,(*-.(0(<'*2! 4W=! X'+<'8>'?! >--6*+! MNNN! -&'+! >C(&-+! *-C(1&-! '-*! <'>1>-.>(-*! 7*! 7&,.&1>.! 7>-+! .&'.! )*! />;+! +*')*5*-.! *.! ()+! 6.>(*-.! ,*-.16+! +'1! S&K&.>! ,*! <'(! /&+>(.! /1&B)Y5*!*-!.*15*!78>,,*++(B()(.6!4W=2!$-!OZZ[E!)*!K&'C*1-*5*-.! >!5(+!*-!/)>,*!7*+!,167(.+!7*!)>!B>-<'*!5&-7(>)*!/&'1!0&15*1!7'! ,>/(.>)! %'5>(-! G! )86.1>-K*1! >'! .1>C*1+! 7*! @\V@A$L@AP"2! $.! ,8*+.!G!/>1.(1!7*!,*..*!7>.*!)G!<'*!/1*-7!0&15*!)*!/1&,*++'+!7>-+! )*<'*)!*+.!]2!>'F&'178%'(2!V*!/)>-!7*!0&15>.(&-!7*+!/1&0*++*'1+2! V8T-(C*1+(7>7! 7*)! L&1.*E! *-! OZZ[E! >! ,&55*-,6! '-! /1&K1>55*! +'1! 0&-7+! /1&/1*+! >'! .1>C*1+! 7'<'*)! )8'-(C*1+(.6! G! *-C&;6! 7*+! /1&0*++*'1+E! *.! /)'+! 16,*55*-.! 7*+! F*'-*+! 7(/)H56+! >;>-.! '-! /&.*-.(*)! 7*! 1*,%*1,%*E! +*! 0&15*1! G! )86.1>-K*1! /&'1! <'8()+! 1*-.1*-.!*-!@&)&5B(*!*.!1*+.*-.!.1>C>())*1!7>-+!)8T-(C*1+(.62!

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

"$$!

! "6$!

Figure n°6 : L’internationalisation de l’Universidad del Norte

Le troisième cas exposé ici (figure 7, exemple n°3) diffère des deux autres par la complexité qu’il offre. En effet, le choix de la première mobilité géographique a été guidé par des raisons familiales depuis l’Équateur vers l’URSS122F

123

. Ce sont en effet les connaissances de la famille, les liens tissés avec le parti communiste et les anciens étudiants de l’URSS, qui ont autorisé l’individu à acquérir une bourse d’études supérieures123F

124

. Ce n’est donc pas l’université d’origine qui active la migration, mais le lien social déjà existant avec le dispositif institutionnel militant. En revanche, cette participation familiale aux réseaux communistes a grandement participé à ce que W.M.L participe en Russie à des réseaux étudiants équatoriens. C’est aujourd’hui ce tissu social qui guide les circulations migratoires de ce migrant et du collectif auquel il appartient. Pourtant, ses liens sont minimes avec son pays d’origine (même familiaux), les retours peu nombreux et l’opportunité d’y retourner un jour, proche de zéro. Dans ce cas, c’est le recentrement du lien identitaire sur la Russie et la constitution d'un corps

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

123

!!""#$%&'$'()&*'&+#,,-*.)#-(&+/&*01(#-(&2-$#%)#3./4&50/,)&6-."&5/*'&3./&*0-(&.)#*#,/&#5#&*0'5"-(78/&1922:!

124! !"#$%&'"() *$%&"'$) + !"#$%#&' !" #$%&" '()" (*+,*-)" .(" /(/0&()" .%" #,&-12" 34,%-&()" 5-,1(*-" #$%&6%()" #,&" ',"

!

"6%!

social au moment des études, qui cimentent le désir de pratiquer l’espace international et contribuer au développement de l’Amérique Latine.