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2. L’organisation officielle de l’enseignement à partir de l’année 1911

2.1. L’organisation générale de l’enseignement

2.1.1. L’enseignement général

La structure de l’enseignement général avait été déterminée par l’arrêté du 4 avril 191164. Cependant, elle a été complétée par la circulaire n°8 du 8 mai 1925 et publiée par le Gouverneur Antonetti qui à cette époque déjà stigmatisait la qualité de l’enseignement dispensé aux indigènes, leur faible niveau de connaissances, ainsi que l’inadéquation entre la formation offerte et les réalités locales africaines de manière générale :

Trop d’élèves, chaque année, quittent nos écoles avec un mince bagage, sachant vaguement lire, ayant des notions d’écriture, ayant enregistré dans leur mémoire un certain nombre de mots français dont ils ignorent parfois le sens exact, juste assez savants en un mot pour s’écarter de la terre et mépriser leurs frères restés aux villages, mais incapables de se servir de ce semblant d’instruction dont ils sont puérilement fiers pour gagner leur vie. Aucun n’est capable de faire un écrivain, un dactylographe, un comptable. Ce sont trop souvent des déclassés, des mécontents, des parasites de la collectivité travailleuse65.

Si le premier arrêté avait décidé de la réforme et du détachement du Service d’Enseignement de la Direction Générale des Affaires Politiques, Administratives et Sociales le deuxième avait quant à lui permis, d’une part, au Gouverneur Antonetti de sanctionner l’ouverture anarchique des écoles publiques et le manque de coordination entre les principaux responsables de l’Enseignement. D’autre part, il lui reconnaissait le pouvoir de réorganiser

64 Journal Officiel de l’A.E.F du 1er décembre 1911.

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l’enseignement public en trois composantes : les écoles de village66, les écoles urbaines67 et régionales et l’école primaire supérieure de Brazzaville68. Il semble que des restrictions accompagnaient l’ouverture des écoles de village. Celles-ci ne pouvaient être approuvées qu’à la condition de trouver des villages pouvant avoir à peu près soixante enfants en âge scolaire dans un rayon de quatre à cinq kilomètres autour de l’école.

a) - L’école du village était une école de passage et de triage et se composait de deux niveaux : une première section qui ne gardait les enfants que pendant une seule année et une deuxième section qui les gardait durant deux ou trois ans. Par ailleurs, il semble que ce deuxième niveau ne concernait que les enfants jugés capables de faire preuve d’intelligence ou les élèves doués. Bien qu’elles aient été confiées à des moniteurs indigènes, ces sections demeuraient au plus haut niveau sous le contrôle des autorités urbaines et régionales. Il arrivait également qu’on trouve des sections dirigées par un instituteur européen, mais qui était assisté par des moniteurs indigènes.

Le but visé ici était d’attirer le maximum possible d’enfants noirs de 8 à 10 ans et de les intéresser à l’apprentissage de l’instruction élémentaire. Sauf mesure spéciale, un régime d’exception était applicable aux enfants ayant déjà atteint l’âge de 12 ans leur permettant de suivre plutôt les cours du soir réservés aux adultes. L’année scolaire s’étalait sur 10 mois au cours desquels les enfants devaient apprendre à écrire, à lire le français, à faire le calcul métrique et à s’initier aux méthodes d’hygiène. A la fin de l’année, une sélection était faite entre des meilleurs élèves jugés capables de poursuivre l’enseignement et ceux dont le niveau ne permettait pas de continuer l’école, et qui étaient remis à la disposition de leurs familles respectives. A la catégorie des doués il fallait ajouter les enfants des chefs ou ceux de leurs parents qui, bénéficiant des grâces de l’histoire coloniale, constituaient la classe des privilégiés.

Mais après cette première sélection, les enfants devaient encore être soumis à une deuxième sélection. Et ce n’est qu’au bout de cette seconde épreuve que les meilleurs pouvaient espérer atteindre le but visé par l’enseignement. Les admis (quand bien même

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Cf. Freyssinet - Dominjon (J.), op. cit., p.16.

67 La première école urbaine était fondée à Brazzaville en 1912 : voire Arrêté du 1er janvier 1912 du Gouverneur général portant création de 8 écoles de circonscription au Moyen-Congo (Journal Officiel de l’A.E.F, 1912).

68 Il est important de mentionner que jusqu’en 1925 l’école primaire supérieure de Brazzaville n’avait pas encore ouvert ses portes. Cette ouverture n’intervint qu’en 1927.

l’admission ne constituait pas en soi un droit), après leur formation, étaient recherchés et souvent utilisés comme boutiquiers, chefs d’équipes de manœuvres, chauffeurs d’automobiles, ouvriers ou comme des domestiques dans les habitations des colons. L’usage de la langue française était considéré par eux comme un signe de distinction sociale. Le rôle des écoles de village était donc de familiariser les enfants avec les notions élémentaires de la connaissance du réel.

Pour parfaire l’organisation de l’enseignement et, afin d’améliorer le statut des écoles de village dans les colonies, une autre circulaire datant du 23 janvier 1929 avait été publiée par le Gouverneur Général Antonetti. Ainsi, ces écoles étaient organisées de telle sorte qu'elles comportent trois niveaux : deux classes placées sous la responsabilité des instituteurs indigènes et une classe dont la direction était assurée par un instituteur européen. L’objectif visé à travers ce réaménagement des structures de l’enseignement était double : d’une part, permettre le recrutement au sein des écoles régionales de bons éléments capables de subvenir aux multiples besoins de l’administration coloniale ; d’autre part, faciliter le perfectionnement des instituteurs indigènes. Le directeur de chaque école devait en même temps donner des instructions à ses collaborateurs en ce qui concerne l’élaboration des fiches techniques, la préparation écrite des enseignements et assurer le contrôle permanent de l’ensemble des structures scolaires.

Il avait fallu attendre l’année 193469 pour que les écoles de village soient créées dans certaines parties du Congo, dont Madingo-Kayes, Mouyondzi, Makoua, Nola et Impfondo. En 193570 intervint la création de l’école de village de Mayama (région du Pool). En 193871, un certain nombre d’écoles avaient pu être enregistrées en A.E.F dans les localités suivantes : Loudima, Dolisie et Hinda, Bonga-Bela, Modambé, Manyanga, Kinkala, Impfondo, Makoua, Djambala, Gamboma, Mossaka, Ewo, Fort-Rousset, Okandja, Franceville, Poto-poto, Bacongo, Ouesso, Souanké, Sembé, Mindouli et Mouyondzi.

b) - Pour ce qui est des écoles urbaines et régionales il convient de noter, au départ, qu’elles ne fonctionnaient que dans les chefs-lieux de canton en attendant d’être vulgarisées

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Cf. La décision relative à l’institution des écoles de village dans le Moyen-Congo, in Journal Officiel de

l’A.E.F., du 1er novembre 1934.

70 Cf. La décision portant création d’une école de village dans la localité de Mayama, in Journal Officiel de

l’A.E.F., 1935. 71

dans la majorité de centres importants de chaque colonie. Ces écoles urbaines et régionales recevaient des élèves venant des écoles de village et ayant montré des capacités en écriture, en lecture et en calcul mental. Elles étaient administrées par un instituteur européen assisté par des instituteurs adjoints et des moniteurs indigènes. L’instituteur européen en tant que directeur de l’école assumait à partir de 192572 la charge de chef de service de l’enseignement du Moyen-Congo. Comparées aux écoles de village, les écoles urbaines et régionales, fonctionnaient avec des internats pour l’accueil des enfants venus des localités lointaines et ne disposant pas de familles d’accueil dans les lieux où étaient implantées les écoles.

Outre l’approfondissement des matières déjà programmées dans les écoles de village, les enseignements dans les écoles urbaines et régionales comprenaient : les leçons de choses, les sciences naturelles, l’arithmétique, l’orthographe, la rédaction, l’analyse grammaticale, les sciences physiques, l’hygiène, le dessin, la géographie et l’histoire de l’A.E.F et de la France, le chant et, parfois, l’éducation physique. La durée de l’enseignement était de 3 ans dont deux années consacrées au cours moyen. A la fin de la troisième année, les élèves devaient subir les épreuves d’entrée au cycle supérieur de l’enseignement, l’école primaire supérieure de Brazzaville. Ceux des élèves qui n’arrivaient pas à remplir les conditions ou ayant échoué à l’examen, pouvaient être employés dans différents services : administration, hôpitaux, commerce, etc.

c) - La création de l’Ecole Primaire Supérieure (E.P.S) de Brazzaville avait été décidée par Arrêté du 27 août 192773. Dans ce cadre, la décision d’instituer un enseignement secondaire avait été arrêtée à partir de l’année 1935. Cependant, elle n’avait été rendue exutoire qu’en 1937 par le Gouverneur général Reste74. Cette école portait le nom de son fondateur Edouard Renard et son institution obéissait à la nécessité de rendre plus efficace la formation des élèves les plus doués de toute la zone de l’Afrique Equatoriale Française.

L’entrée dans cette école était sanctionnée par l’obtention d’un diplôme. Les élèves étaient répartis entre trois sections spéciales dont l’enseignement, l’administration, le commerce et l’enseignement professionnel. En 1945, l’école Edouard Renard devenait l’E.P.S du Moyen-Congo et fut transférée à Dolisie dénommée Mbounda par les élèves de cette

72 Journal Officiel de l’A.E.F., 1er avril 1925, p.196.

73 Journal Officiel de l’A.E.F., pp.685-686.

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époque. Les locaux qui abritaient Edouard Renard servirent par la suite pour la création de l’Ecole des Cadres Supérieurs (ECS) de l’A.E.F75. En ce qui concerne la carrière d’enseignant, les récipiendaires étaient préparés à devenir des moniteurs. Mais, outre la formation qui leur était distribuée dans le cadre de l’enseignement primaire supérieur, les admis dans cette section devaient recevoir un enseignement de pédagogie ; ce dernier leur était dispensé par le directeur de l’école. A la fin de cette section un diplôme était délivré aux futurs moniteurs des écoles urbaines ou à ceux devant être employés comme instituteurs dans les écoles de circonscriptions.

Les élèves formés dans la section administrative et commerciale devaient être employés comme des comptables - dactylographes, des sténodactylographes76, des postiers - télégraphes et des infirmiers. En plus des enseignements prévus par l'organigramme du primaire supérieur, les élèves recevaient des notions de comptabilité administrative et un type d'enseignement pratique : les comptables (dactylographes effectuaient un stage dans les bureaux administratifs, les postiers) télégraphes apprenaient dans les bureaux de postes et télégraphes et les infirmiers devaient, quant à eux, exercer dans les formations sanitaires de leurs localités respectives. Il faut dire que cet enseignement avait cette particularité d'être dispensé uniquement à la dernière année d'études dans le primaire supérieur. Après l'obtention du diplôme, les élèves étaient employés au sein des administrations où ils avaient effectué leurs stages.

Pour ce qui est de la formation professionnelle, les élèves étaient répartis dans trois domaines distincts (la charpenterie et la menuiserie, la forge, la maçonnerie) sous le contrôle du responsable de l'école urbaine. Cette formation se pratiquait uniquement dans les matinées soit à l'école professionnelle, soit dans les ateliers des travaux publics, soit dans les directions de l'artillerie. Le diplôme de fin d'études accordait aux élèves la possibilité d'être employé dans les écoles précitées. Par ailleurs, à la suite de leur formation, les diplômés recevaient des mains du Lieutenant - Gouverneur un certain nombre d'outils pour leurs travaux personnels.

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Journal Officiel de l’A.E.F, 1946, p.372.

76 Né à Maboukou vers 1920, Kikhounga Ngot Simon était sténodactylographe de formation avant de devenir le dirigeant de l’Union des Syndicats de Dolisie et par la suite conseiller territorial du Niari sur la liste P.P.C. Homme influent du Niari, il se rapprocha du M.S.A de Jacques Opangault lors des élections de 1957 et fut nommé ministre des Affaires économiques dans le Conseil de gouvernement dirigé par celui-ci.