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2. L’école coloniale, un lieu de la stratification sociale

2.2. La formation d’une élite bureaucratique

2.2.1. La Conférence de Brazzaville et l’évolution de l’enseignement au Moyen Congo

La Conférence de Brazzaville avait donné une certaine impulsion à la dynamique de libéralisation de l’espace politique au Moyen-Congo à travers l’accord aux locaux par l’administration coloniale des possibilités d’accéder aux positions de gouvernement au sein des institutions politiques élargies de l’Union et par la suite de la Communauté. Dans ce sens, une lecture sérieuse du rôle joué par les lettrés autochtones permettra de mieux apprécier l’importance de l’acquisition du capital scolaire comme étant un moyen de libération et comme un facteur de construction de l'État au Congo. Il faut ainsi faire remarquer que l’action de ces lettrés, anciennement considérés comme simples commis, instituteurs, infirmiers, moniteurs, bref, comme des vassaux de l’administration coloniale, était d’une importance capitale dans cette nouvelle configuration de l’espace politique en vue de la reconquête de la personnalité africaine. Ce sont les mêmes lettrés sortis de différentes écoles coloniales (quoique leurs itinéraires scolaires ne se ressemblassent guère) qui avaient pu accéder à des positions de gouvernement longtemps réservées aux citoyens métropolitains.

Tout comme les ressortissants des autres pays africains (le Sénégal et le Bénin qui rivalisait avec le Congo), ces lettrés avaient conscience de la lourde mission de défense des intérêts de l’Afrique Noire qui leur était dévolue. Leur participation aux débats sur l’avenir de l’Afrique, en général et du Congo en particulier, au sein de différentes arènes207 politiques depuis le vote de la loi-cadre jusqu’à l’accession des pays africains à l’indépendance politique était le signe de la liberté reconquise et de l’importance reconnue au rôle qu’ils étaient appelés à jouer dans la construction de leur futur Etat. Sans courir ici le risque de professer une nouvelle idéologie anticolonialiste, il semble important de reconnaître que ces premiers lettrés devaient, sans complaisance, parler au nom de larges masses populaires africaines.

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Moumouni (A.), op. cit., p.99.

207 Pierre Bourdieu utilise ce concept pour définir le « champ politique » qui se donne à lire comme une sphère « dans laquelle il y a des combats, des affrontements déclarés. Comme dans tous les champs, il y a accumulation de force, de capital politique, c’est-à-dire de réputation (…). C’est de la réputation, de la renommée, si possible de la bonne renommée » (Cf. Propos sur le champ politique, Presses Universitaires de Lyon, 2000, pp.39-40).

Conscients donc du fait que la France n’était pas prête à accorder immédiatement aux indigènes la totalité de leurs droits, certains lettrés parlementaires avaient entrepris un grand travail de réforme législative en stigmatisant la politique coloniale française assise sur la domination des indigènes. Roland Colin208 analyse, par exemple, un certain nombre de lois qui étaient votées dans ce sens, à savoir le décret sur l’abolition du régime de l’indigénat et du système de justice indigène comme juridiction d’exception au pénal. Il fait référence à deux lois, la « loi Houphouët-Boigny » du 11 avril 1946 qui interdit le travail forcé et la « loi Lamine Guèye » du 7 mai 1946, qui reconnaît la citoyenneté française à tous les anciens « sujets ». Une référence à la position de Léopold Sédar Senghor exprimée au cours d’un entretien accordé à Gavroche le 8 août 1946 au sujet de la constitution de l’Union française permet également de saisir de manière générale l’enjeu des revendications de ces premiers lettrés africains :

Nous réclamons l’égalité des droits. C’est pourquoi, en attendant une indépendance complète, nous préconisons la solution d’une fédération dans le cadre de l’Union française, réalisable dès à présent. Cela nous permettrait d’assimiler rapidement certaines techniques modernes et de préparer les cadres qu’exigera l’établissement d’une autonomie à quoi nous sommes sûrs d’accéder (…) Je voudrais conclure en assurant les Blancs de la volonté inébranlable de gagner notre indépendance et qu’il serait aussi sot que dangereux pour eux de vouloir faire marche arrière209.

Pour revenir au cas du Congo, une rétrospective sur le nombre de positions de pouvoir occupées par les acteurs locaux dans les différentes Assemblées depuis le vote de la loi-cadre jusqu’à la proclamation de l’indépendance, ainsi que l’analyse de certains de leurs itinéraires personnels, permettra certainement de mieux comprendre le rôle joué par les lettrés dans la construction de l'État. Par ailleurs, à travers cette recherche, c’est surtout le rôle de l’école comme moteur du changement social et comme facteur de socialisation politique qui doit être relevé, car la construction de l'État est toujours dépendante de la formation des compétences. Avec la constitution d’un « champ politique » autonome, l’action des Congolais était déterminante à travers le rôle qu’ils étaient, désormais, appelés à jouer dans la construction du futur État congolais. Plusieurs facteurs (religieux, politique, scolaire, etc.) pouvaient être pris en compte dans la distribution des rôles au sein des instances politiques coloniales. Mais,

208 Colin (R.), op. cit., pp.383-384.

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parmi ceux-ci, le capital scolaire gagna en importance tant est vrai qu’il permettait à son détenteur d’avoir plus de visibilité sur la scène politique. A cet effet, la détention du capital scolaire constituait la voie idéale dans l’ordre d’acquisition des positions de gouvernement. L’administration coloniale n’avait nullement préparé les Africains en général et les Congolais, en particulier, à assumer des responsabilités politiques au sein des colonies puisque la formation distribuée à ces derniers était limitée. La majorité de ces cadres était à peine détenteur d’un certificat d’études primaires considéré à cette époque comme étant le diplôme sanctionnant le niveau d’études le plus élevé. Ce qui devait, à la longue, poser des problèmes au moment de l’octroi aux locaux de la possibilité de siéger au sein de différentes instances politiques de l’Union et, ensuite, de la Communauté.

Cependant, ce manque de cadres n’était nullement perçu comme un obstacle incontournable par ces premiers intellectuels dans cette dynamique de prise de conscience progressive de leur devoir. Au contraire, il était simplement vécu comme une étape provisoire vers la réalisation de l’idée de liberté et de dignité pour l’Afrique. Car, malgré tout, c’est les mêmes cadres indigènes formés par les missionnaires et l’administration coloniale qui siégèrent dans les Assemblées. Et leur nombre, au fur et à mesure que se constituait le « champ politique » autonome, allait croissant ainsi que leur formation. Avec les premières élections organisées dans le cadre des territoires de l’A.E.F, plusieurs Congolais avaient pu accéder au statut de parlementaire. Et, parmi ceux-ci, le poids politique des lettrés était à la mesure de leur représentativité quand bien même l’administration coloniale cherchait à restreindre l’expression de leur liberté, ainsi que les moyens permettant la reconnaissance de leurs droits. Cette représentativité était appréhendée comme l’amorce d’un processus de prise de conscience politique des locaux et comme moyen d’affirmation de leur identité face aux nouveaux enjeux politiques et économiques coloniaux.

Il est donc intéressant de montrer les diverses trajectoires suivies par l'État congolais dans sa dynamique de construction en insistant surtout sur les périodes cruciales au cours desquelles le cadre politique colonial fut investi par les locaux, c'est-à-dire de montrer comment les commis, les infirmiers, les instituteurs, bref, les simples cadres subalternes d’hier avaient su se réapproprier les moyens de l’administration coloniale (notamment le capital scolaire) afin d’en faire un outil principal de la construction de l'État. A travers ses travaux sur l’histoire et la sociologie du politique au Congo, Jean-Michel Wagret pense que la compréhension de la construction d’un État moderne dans ce pays ne peut être possible,

sans un regard rétrospectif sur les temps forts qui avaient marqué la période coloniale, du territoire d’outre-mer à l'État souverain. De ce fait, il considère une périodisation qui va de 1930 à 1946 et de 1946 à 1956, c’est-à-dire de la naissance du mouvement amicaliste à la loi-cadre210 en passant par la Constitution.

Déjà, au lendemain de la deuxième guerre mondiale dans les environs des années 1930, André Matsoua211 avait fondé à Paris le mouvement amicaliste réunissant tous les originaires de l’Afrique centrale, dont l’objectif premier était la formation d’une élite intellectuelle212 autochtone. Ce fut là une prémisse à l’éveil de la conscience politique pour les colonisés au moment même où à Paris l’Amicale tendait à prendre une coloration politique. Avec cette inflexion vers l’action politique Matsoua fut conduit, les 4 et 12 octobre 1928, à adresser deux lettres de contestation aux autorités de l’administration coloniale, dont le Président du Conseil. André Matsoua stigmatisait le code de l’indigénat, la stagnation économique de l’A.E.F en comparaison à l’évolution du Congo - Belge et revendiquait la reconnaissance de la citoyenneté française à tous les Africains. Au départ, l’action de l’Amicale n’avait aucune visée anticolonialiste, car les revendications formulées par son leader étaient conformes au cadre légal et juridique fixé par l’administration coloniale. Martial Sinda le démontre si bien lorsqu’il analyse la lettre adressée par Matsoua à son avocat en date du 6 novembre 1929 :

Depuis que nous avons pris part à la défense de la patrie et à l’extension de la France aux colonies, il est impossible maintenant de douter de notre loyauté; quoique nous soyons hommes de couleur, le gouvernement nous doit la même protection qu’aux habitants des bords de la Seine ou de la Loire. Il semble que c’est notre droit le plus strict d’attendre de lui la justice; il ne doit pas entraver nos efforts mais nous élever au niveau de vie de tout autre citoyen; nous voulons être dignes de notre nation213.

210 Loi n°56-619 du 23 juin 1956, in Journal Officiel de la République française, 24 juin 1956, p.5782.

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André Grenard Matsoua était un ancien séminariste originaire de la Région du Pool (au sud du Congo) formé chez les missionnaires catholiques. Il était né le 17 janvier 1899. Refusant de devenir prêtre, il s’engagea dans les services de douanes et fut coopté chez les francs-maçons par les frères Tréchot. Dès 1923, il partit pour la France et participa à la guerre du Rif de 1924 à 1925 au cours de laquelle il obtint le grade de sergent. Pour de plus amples informations sur la biographie de Matsoua : Sinda Martial, Le messianisme congolais et ses incidences

politiques, Paris, Payot, 1972, 385 pages.

212 Wagret (J.-M.), Histoire et Sociologie Politiques de la République du Congo (Thèse), Paris, L.G.D.J, 1963, p.43.

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Pour avoir connu du succès tant à Paris qu’au Congo où ses représentants, notamment Pierre N’ganga et Constant Balou s’étaient rendus à Brazzaville pour expliquer à leurs compatriotes le bien-fondé des idées de Matsoua, et afin de solliciter leur soutien matériel, ce mouvement qui se voulait d’abord apolitique devint par la suite un instrument de la lutte anticolonialiste, des revendications politiques214 et prit vite des allures d’un instrument de défense des intérêts des Kongo. Ce qui avait, non seulement débouché sur une répression farouche, mais également avait entraîné la mort dans des conditions demeurées jusqu’aujourd’hui assez mystérieuses de Matsoua en prison en 1942. Toutefois, cette triste fin de l’histoire du leader du mouvement amicaliste et de certains de ses collaborateurs ne signifiait guère l’abandon de la lutte anticolonialiste quand bien même sous le règne des Gouverneurs Antonetti et Félix Eboué la répression de l’Amicale (qui prit une coloration religieuse après la mort du leader) fut considérée comme le seul moyen d’enrayer le mécontentement des Balali et leurs visées anticolonialistes.

La période qui s’étend de 1945 à 1956 avait été considérée comme étant une étape décisive de l’histoire politique du Congo. Autant elle marquait la fin du mouvement amicaliste, autant elle montre l’évolution progressive de la vie politique au Congo. C’est le moment où plus que jamais, selon Wagret : « (...) lentement la vie politique pénètre les masses africaines »215. Lors des législatives 1945, Jean Félix Tchikaya216 ancien instituteur et fondateur du P.P.C, section locale du R.D.A, fut élu à l’Assemblée Constituante. Ses deux adversaires au moment de ces élections étaient Jacques Opangault217, ancien greffier et leader du M.S.A (auparavant section locale de la S.F.I.O) et Jean Dadet218 ancien instituteur.

Une décennie durant, c’est-à-dire de la constitution à la loi-cadre, toute la vie politique au Congo se cristallisa autour de ces deux partis politiques. Au cours de ces élections de 1946,

214 Idem, p.49.

215

Idem, p.60.

216 Originaire de la région du Kouilou, Tchikaya était né à Libreville le 9 novembre 1903. Là il fit ses études primaires et fut par la suite admis à l’Ecole Supérieure William Ponty de Dakar au Sénégal où il avait pu obtenir le diplôme d’instituteur. Détenteur de la citoyenneté française de droit commun, il avait participé à l’effort de guerre en France en qualité de sergent. Il fut élu, en 1946, à la seconde Assemblée Constituante et, par la suite, à l’Assemblée nationale.

217 Né le 13 décembre 1903 à Ikanga et d’origine mbochi (au nord du Congo), Opangault était formé à l’école de la mission de Boundji et fut intégré dans l’appareil judiciaire en qualité de greffier. En 1940, il avait contribué au ralliement de la colonie à la France Libre.

218 Né à Impfondo (Chef-lieu de la région de la Likouala au nord du Congo), Dadet était un instituteur et citoyen français de statut civil de droit commun. Elu député en 1947 à l’Assemblée de l’Union française et au Conseil territorial sous le signe du P.P.C, il y démissionna pour aller fonder le Front Démocratique Congolais qui ne connut guère de succès. Dadet se rallia par la suite à l’U.D.D.I.A et occupa plusieurs postes ministériels.

le P.P.C avait obtenu 46% des voix à l’Assemblée Nationale (2è collège) contre 28% reconnu à la S.F.I.O et au R.P.F. L’année 1956 représentait le moment où plus que jamais « la vie politique prend une série de tournants brusques, qui constituent autant de degrés franchis vers l’émancipation puis l’indépendance et qui se traduisent par une diffusion de la vie politique dans le peuple »219. Or, déjà en 1955, le P.P.C paraissait épuisé à cause du changement d’obédience du R.D.A qui passait de la ligne idéologique communiste à un parti de gouvernement. Cette situation fut au bénéfice de Jacques Opangault qui n’hésita pas à préparer la succession de Tchikaya au Palais Bourbon. Avec l’arrivée de Fulbert Youlou220, leader de l’U.D.D.I.A sur la scène politique, le jeu politique au Moyen-Congo prit une nouvelle tournure et bientôt l’opposition va se cristalliser autour d’Opangault et de Youlou.

Bazenguissa - Ganga considère que deux moments essentiels permettent de comprendre les diverses trajectoires de la construction de l’Etat au Congo. Le premier moment est lié à l’« État tronqué » constitué du seul pouvoir législatif, tandis que le second renvoie à l’« Etat autonome » et se caractérise par la constitution du pouvoir exécutif. Parlant de l’Etat tronqué, l’auteur distingue deux phases de sa constitution : la création du corps électoral et la création de la classe politique. Le corps électoral a été institué au terme de nombreuses dispositions portant à la fois attribution du droit de vote221 aux locaux de 21 ans en 1945 et l’ouverture de certaines positions politiques importantes aux premiers lettrés congolais.

Il insiste également sur la limitation par les dispositions administratives coloniales de la participation des autochtones aux élections. Ces dispositions accordaient plus de privilèges aux lettrés urbains en tant qu’ils constituaient une catégorie222 sociale particulière susceptible d’occuper des positions de gouvernement : « (…) car, après la suppression de l’Indigénat, il fallait justifier de certaines capacités : savoir lire, écrire et parler couramment le français, pour

219 Wagret (J.-M.), op. cit, p.60.

220 D’origine Balali, Youlou était né à Moumbonolo dans la région du Pool au sud de Brazzaville. Il entra au Petit Séminaire de Brazzaville en 1929 et fut envoyé simultanément au Petit Séminaire d’Akono et puis au Grand Séminaire de Nkolbisson à Yaoundé au Cameroun. De retour au Congo, il fut envoyé au Séminaire de M’bamou pour la suite de ses études théologiques et fut ordonné prêtre le 9 juin 1949 à Brazzaville. Youlou était un prêtre instituteur.

221 Pour ce qui est de l’organisation des élections à cette époque, l’on peut se référer au Journal Officiel de

l’A.E.F. du 15 novembre 1946 dans ses pages allant de 1381 à 1384.

222 Cette restriction du droit de vote ressort des dispositions coloniales établissant les catégories sociales capables d’exercer le métier de politique : les notables « évolués », les fonctionnaires, les membres ou les anciens membres des juridictions indigènes, les anciens militaires, les chefs de collectivités indigènes, les membres de la Légion d’Honneur, ainsi que l’ensemble de ceux qui étaient porteurs d’une décoration française.

bénéficier de l’inscription sur les listes et beaucoup d’électeurs ne pouvaient le faire »223. Ce qui rappelle le principe colonial de l’assimilation limitée. Ce n’est qu’en 1951 que le droit de vote avait été reconnu à tous les détenteurs d’une identité. Malgré ces dispositions le taux de participation de la population aux législatives de cette année fut très marginale : « il y eut beaucoup d’abstentions aux premières consultations électorales, malgré le nombre restreint des électeurs »224.

Ce qui est important ici c’est le fait de la substitution de la méritocratie à l’arbitraire des méthodes (surtout par cooptation) de sélection employées par l’administration coloniale qui cherchait, plutôt, à privilégier l’élection d’un corps intermédiaire. A ce sujet, le discours du Gouverneur général de cette époque demeure illustratif : « Ce n’est donc, en définitive, ni le collège des élites, ni le suffrage universel, mais le vote d’un corps intermédiaire où il est évidemment plus facile pour les leaders locaux de se créer une clientèle. En appelant à voter avec l’élite indigène proprement dite de nombreuses catégories de capacitaires, il avait surtout le grand mérite d’éviter à ces élites l’illusion d’être une classe à part, détachée du pays réel, désolidarisée et féodale »225. Les mesures prises dans ce sens étaient d’autant plus significatives qu’elles montrent l’éveil progressif des Congolais à l’effort conscient de construction de l'État.

Considérant la création de la classe politique congolaise, l’auteur estime que le nombre de positions politiques entre 1946 et 1947 dans l'État tronqué était l’objet de plusieurs décrets portant distinction et transfert des pouvoirs au niveau national, fédéral et local. Cette distinction concernait également le lieu d’exercice de ces pouvoirs : alors que les débats au niveau national se déroulaient à Paris, ceux au niveau fédéral et local se déroulaient, eux, à Brazzaville, capitale de la fédération. Mais, progressivement, c’est-à-dire entre 1950 et 1958, une séparation fut établie entre le fédéral et le local, Pointe-Noire devenant la capitale politique locale. C’est à partir de 1946 que les lois édictées par l’administration des colonies avaient connu un début d’application. En effet, la loi du 5 octobre 1946, avait permis aux Africains d’acquérir 3 sièges dans les Assemblées délibérantes : 1 siège à l’Assemblée Nationale pour les locaux et 2 sièges au collège des citoyens de statut métropolitain pour

223 Bazenguissa - Ganga (R.), Les voies du politique. Essai de sociologie historique du champ politique

congolais, Paris, Karthala, 1997, p.42.

224 Cf. Chabeuf, La situation politique du Moyen-Congo en 1958, mars 1959, p.5. Il s’agit d’une communication présentée par l’auteur à l’occasion d’une Table Ronde organisée par l’Association Française de Science Politique en 1959.

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l‘ensemble de l’A.E.F. Deux autres sièges furent également accordés au Moyen-Congo dans le Conseil de la République le 27 octobre 1946. Cette action était élargie jusqu’en 1947 avec l’élection par les Assemblées territoriales d’un représentant du Moyen-Congo à l’Assemblée de l’Union Française et d’un représentant de l’A.E.F au Conseil Economique et Social.

Cette ouverture politique aux locaux avait pris toute sa signification avec la création au niveau local de ces Assemblées territoriales, car le décret du 25 octobre 1946 portait institution des Assemblées territoriales dites « Conseils Représentatifs » dans les territoires de l’A.E.F. Ces Assemblées étaient composées de 37 sièges partagés entre deux sections : 13 pour les citoyens de statut de droit commun et 24 pour les citoyens de statut personnel. La loi du 27 août 1947 avait crée, au niveau fédéral, un Grand Conseil de l’A.E.F de 20 membres élus dans les Conseils Représentatifs réunis en collège unique à raison de 5 membres par