• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE II - LES LOGIQUES COMPORTEMENTALES DES USAGERS 1

7. LA DEMANDE DE TRANSPORT

7.1 L ES DETERMINANTS DE LA DEMANDE .1 Les critères relatifs au temps

Les usagers sont plus sensibles aux durées de trajets qu’à leur distance (Pazy, Salomon et Pintzov, 1995, d’après Jones, 1983). De plus, en raison de la subjectivité des notions de temps et d’espace, des distances objectivement semblables sont perçues différemment, notamment selon le contexte culturel (Pazy, Salomon et Pintzov, 1995, d’après Hall, 1966, 1969).

La question du temps comme déterminant de la demande est donc essentielle mais assez complexe. Différentes études mettent en évidence que lorsque les transports publics sont effectivement plus rapides que la voiture, la majorité ne les utilise pas pour autant (Kaufmann, 2002). A l’inverse, certains utilisent les transports publics même lorsque la voiture est perçue comme plus rapide. Ces observations sont à mettre en relation avec la notion de temps perçu que nous avons évoquée dans l’analyse de la perception de l’offre de transport et suggère l’importance d’autres critères.

De nombreuses études ont mis en évidence le fait que la fiabilité et la ponctualité des horaires sont des caractéristiques très importantes qui affectent à la fois les perceptions et l’usage des différents modes de transport (Hiscock, Macintyre, Kearns et Ellaway, 2002 ; Friman, Edvardsson et Gakrling, 2001 ; Tisato, 1998 ; Bates, Polak, Jones et Cook, 2001).

7 Des propositions relatives à l’amélioration des modes alternatifs seront intégrées dans le chapitre IV présentant les mesures particulières.

CPDT – PROGRAMME 2002-2003 – RAPPORT FINAL DE LA SUBVENTION -CREAT/LEPUR – 09/03

Dans un certain nombre de cas, les usagers préfèrent d’ailleurs réduire la variabilité de la durée des trajets que leur moyenne (Bates, Polak, Jones et Cook, 2001).

L’heure d’arrivée prévue des transports publics est souvent connue, ce qui permet aux passagers de la comparer à l’heure d’arrivée réelle et de remarquer tout retard. Un écart sera alors interprété comme un manque de fiabilité même si cela arrive tous les jours.

Pour améliorer leurs services, certains opérateurs prévoient donc un peu plus de temps que nécessaire dans les horaires. Cependant, lorsque plus de temps est alloué à un déplace-ment, celui-ci tend souvent à durer plus longtemps. Le gain obtenu risque donc d’être inférieur au gain prévu (Rietveld, Bruinsma et van Vuuren, 2001, d’après Carey 1998).

La survenance de grèves affecte aussi la perception de la fiabilité des transports publics et peut entraîner des baisses de parts de marché significatives (Job, van Exel et Rietveld, 2001).

Les encombrements auxquels font face les automobilistes engendrent de plus en plus une diminution de fiabilité. L’automobiliste a cependant davantage l’impression de contrôler la situation que l’usager des transports publics. Parmi ceux-ci, c’est le bus qui est perçu comme le moins fiable (Hine, Scott, 2000), sans doute en raison des problèmes de congestion rencontrés lorsqu’il ne circule pas en site propre. Une étude de Kenworthy et Laube (1999) (Cullinane, 2003) réalisée dans 46 villes à travers le monde met également en évidence ce manque de fiabilité.

Il existe différentes explications à l’importance de ces critères de temps. Les usagers sont sensibles aux conséquences associées à la variabilité des temps de trajet comme celles de rater sa correspondance ou d’être en retard au travail. D’autre part, ils peuvent être sensibles à la variabilité en tant que telle. Celle-ci peut causer un stress dû à l’incertitude ou irriter (Bates, Polak, Jones et Cook, 2001). Le manque de fiabilité donnerait par ailleurs l’impression aux gens de moins contrôler leurs vies (Hiscok, Macintyre, Kearns et Ellaway, 2002 ; Lyons et Harman, 2002).

Notons enfin que certaines études suggèrent que les individus sont plus sensibles à la fiabilité des transports qu’à leur prix (Pazy, Salomon et Pintzov, 1995, d’après Jones et al, 1983).

Dans le cas des transports publics, l’organisation et l’usage d’horaires impliquent par nature un temps d’attente. Les transports publics qui partent parfois trop tôt amplifient ce phénomène et forcent les passagers à arriver un peu à l’avance pour éviter de rater le départ. Quand on sait que le temps passé à attendre à l’extérieur du véhicule est perçu de une et demi à trois fois plus négativement que le temps passé dans le véhicule, il convient de prêter attention à ce genre de situation (Rietveld, Bruinsma, van Vuuren, 2001 ; Bates, Polak, Jones et Cook, 2001 ; Livre vert, 1995).

CPDT – PROGRAMME 2002-2003 – RAPPORT FINAL DE LA SUBVENTION -CREAT/LEPUR – 09/03

Le « temps »

La durée La fiabilité L’attente

La ponctualité La variabilité Les grèves Les correspondances

Les encombrements

Figure 3 : Les critères de temps

7.1.2 L’indépendance et la flexibilité

Ces deux critères de choix apparaissent dans de nombreuses recherches (Jensen, 1999).

Comme nous l’avons déjà mentionné, la voiture permet de se déplacer de façon indépen-dante et est perçue comme très flexible. Les erreurs d’itinéraires peuvent par exemple être facilement corrigées. Il en est même lors de déplacements réalisés à pied ou à vélo. Dans le cas des transports publics, une fois le déplacement commencé, il est beaucoup plus difficile de le modifier.

Les passagers doivent donc préalablement s’informer sur les horaires, les conditions du service et préparer leur déplacement (Hine et Scott, 2000). Cet effort cognitif associé à l’usage d’un mode collectif constitue un frein majeur à son utilisation (Petit, 2002). Si trop d’éléments sont perçus comme non contrôlables, l’usager en « souffre » et risque de ne plus recommencer l’expérience (Stradling, Meadows et Beatty, 2000 ; Hiscock, Macintyre, Kearns et Ellaway, 2002).

Dans le cas des transports publics, des éléments sous-jacents à la flexibilité sont la densité du réseau, la fréquence, l’intermodalité et la capacité de transport, en tant que capacité d’accès à des véhicules collectifs quelquefois débordant de passagers.

Une étude française met, par exemple, en évidence la fréquence comme premier facteur pour augmenter la part modale du train, avant la tarification ou les temps de transport (Mamoghli, 1998). La fréquence est par définition favorable à la voiture, au vélo et à la marche puisque des déplacements utilisant ces modes peuvent être entrepris à tout moment.

Les correspondances constituent un autre élément contraignant dont il faut réduire les désavantages réels ou perçus (Hine et Scott, 2000). Temps d’attente, de transfert, environnement d’attente et risque de retard influencent en effet négativement la demande en transports publics. Ce critère est lié à la variabilité des durées de déplacements ainsi qu’aux aspects de sécurité et d’information que nous verrons par la suite.

L’accès apparaît aussi comme un élément important (OCDE, 2001c ; Rietveld, 2000). La proximité et le temps mis pour se rendre à la gare ou à l’arrêt de bus sont essentiels (Hine et Scott, 2000), dans la mesure où ils diminuent l’incertitude et l’inconfort dus au nombre de correspondances (Cullinane, 2003, d’après Stead, 1999). Selon une étude néerlandaise, les usagers marchent au maximum 1.2 km entre le domicile et la gare et 2.2km vers leur activité finale. La bicyclette est ensuite utilisée pour des déplacements de 1.2 km à 3.7 km entre le

CPDT – PROGRAMME 2002-2003 – RAPPORT FINAL DE LA SUBVENTION -CREAT/LEPUR – 09/03

domicile et la gare tandis que les transports publics servent à parcourir les distances supérieures (Rietveld, 2000). La bicyclette est donc mode intéressant pour précéder ou suivre un déplacement en train ou en transport public (Rietveld, Bruinsma et van Vuuren, 2001). De même, les schémas de type « park and ride » offrent des perspectives intéressantes. Dans ce cas, certains inconvénients inhérents aux transports publics sont moins marqués en raison de la plus courte durée de déplacement et de la flexibilité gagnée.

Une fois expérimenté, un tel système peut fonctionner surtout si le parking est bien sécurisé.

Ce type de mesure reste cependant sujet à controverses (Parkhurst, 1995) et nécessite de faire le bilan entre les diminutions et les augmentations de trafic dues à des transferts modaux de sections initialement réalisées par des modes alternatifs (Hine, 1998)

La flexibilité et l’indépendance

La préparation L’accès Les

corres-pondances La densité

La capacité Les horaires La fréquence

Figure 4 : Eléments sous-jacents aux critères de flexibilité et d’indépendance

Les déterminants de la demande envisagés dans cette première partie constituent des exigences de base dont la non satisfaction peut entraîner l’abandon du recours au transport en commun par ceux qui disposent de solutions alternatives (CE, janvier 2002).

7.1.3 L’information et le service à la clientèle

Etant donné l’aversion à préparer son déplacement en transport public et l’importance des critères de temps, l’information à ce sujet et le service à la clientèle sont essentiels (Mackett, 2001 ; Lyons et Harman, 2002 ; ECE, 1998).

Les attentes des Européens en la matière sont élémentaires (CE, janvier 2002). Les usagers souhaitent qu’on leur annonce les retards et les suppressions de dessertes et que l’information soit simple et précise. En ce qui concerne le personnel, les usagers apprécient un nombre suffisant de guichets ainsi qu’un personnel poli, de bonne volonté et compétent (Friman, Edvardsson et Gakrling, 2001).

7.1.4 Le confort

Les attentes à cet égard sont basiques mais rarement satisfaites dans les transports publics durant les heures de pointe. Les répondants mentionnent par exemple les encombrements, le manque de capacité et la conduite quelquefois « brutale » des bus.

La propreté est également un facteur que l’on peut associer au confort de manière générale (Friman, Edvardsson et Gakrling, 2001).

Les infrastructures d’attente des transports publics et les abris contre les intempéries sont aussi souvent évoqués dans les enquêtes.

Certaines études révèlent par ailleurs les difficultés rencontrées par les personnes âgées ou lorsque l’on voyage avec des enfants (Mackett, 2001).

CPDT – PROGRAMME 2002-2003 – RAPPORT FINAL DE LA SUBVENTION -CREAT/LEPUR – 09/03

Si les voitures fournissent un confort et un espace privatif que beaucoup apprécient, certains n’y voient cependant pas une priorité. Le coté sociable et le fait de se mêler à d’autres sont dans ce cas plus importants (Hiscock, Macintyre, Kearns et Ellaway, 2002).

7.1.5 La sécurité

En ce qui concerne les transports publics, les agressions et le vandalisme, en particulier dans les transports urbains, constituent un premier élément (CE, janvier 2002) qui touche spécialement les femmes, les personnes âgées et les enfants. Les temps d’attente et les déplacements qu’ils doivent effectuer après la tombée du jour leur semblent les plus risqués (Hiscock, Macintyre, Kearns et Ellaway, 2002, d’après Hamilton, 1991). A l’inverse, les voitures sont perçues comme un espace de protection.

L’absence d’accidents, le strict respect des conditions de maintenance et la qualification du personnel sont des exigences de sécurité de base (CE, janvier 2002).

En ce qui concerne les modes lents, la sécurité est associée aux conditions de trafic et à l’aménagement des voiries. La sécurité personnelle est également importante, en particulier pour les marcheurs. Enfin, le risque de vol, notamment du vélo, constitue un autre aspect à prendre en compte.

7.1.6 Le coût

Les coûts liés à l’usage de l’automobile peuvent être subdivisés en trois catégories (Salomon et Mokhtarian, 1998 ; OCDE, 1998a ; URS Thorburn Colquhoun, Jill Watkinson Research and Marketing Services, 2001 ; Madre, 2002 ; Hine et Scott, 2000) :

le coût marginal d’utilisation du véhicule dont l’essence est la composante principale. Celle-ci semble faire partie du budget mensuel du ménage au même titre que des biens essentiels comme la nourriture, le chauffage ou l’électricité.

les frais indirects comme les frais de stationnement et les péages. Ceux-ci sont considérés séparément et issus d’un budget distinct.

les frais fixes comme l’assurance, la taxe annuelle et les entretiens. Les frais fixes sont aussi envisagés indépendamment des coûts généraux de transport.

Par conséquent, une fois les frais fixes payés, plus on utilise la voiture, plus elle est rentabilisée aux yeux des automobilistes. Ce n’est que dans des cas extrêmes comme le doublement du prix de l’essence que les répondants semblent envisager de s’adapter.

Il apparaît par ailleurs que le coût du transport privé a diminué en termes réels au contraire du prix des transports publics (European Environment Agency, 1995 ; EU, 2001).

Cependant, d’après Hilmann (1996), à moins d’augmenter significativement les coûts réels ou perçus de la voiture, maintenir le prix des transports publics bas ne peut avoir qu’un effet minime sur le choix modal. Le prix des transports publics serait en effet secondaire par rapport aux inconvénients identifiés (Mamoghli, 1998 ; Mackett, 2001).

Dans ce cadre, il faut adopter une optique de rapport qualité-prix. Si la qualité perçue est basse, le prix risque d’être toujours perçu comme trop élevé et dans ce cas, le réduire ne résout pas le problème (Andreassen, 1995). Certains auteurs suggèrent d’ailleurs qu’une fois la fiabilité et le confort améliorés, les clients seraient prêts à payer davantage (Rietveld, Bruinsma et van Vuuren, 2001) à condition que les augmentations ne deviennent pas prohibitives et qu’elles n’excluent pas toute une partie de la population de l’accès au service (CE, janvier 2002).

D’autres suggèrent que le coût peut au contraire devenir une préoccupation principale. Mais dans ce contexte, des tarifs préférentiels, sociaux ou des offres spéciales pourraient

CPDT – PROGRAMME 2002-2003 – RAPPORT FINAL DE LA SUBVENTION -CREAT/LEPUR – 09/03

encourager l’utilisation des transports publics (URS Thorburn Colquhoun, Jill Watkinson Research and Marketing Services, 2001 ; CE, janvier 2002)

Enfin, on notera également l’importance de mettre en place des systèmes de tarification intégrée (Livre vert, 1995 ; OCDE, 2001c).

7.1.7 La possession d’une voiture ou d’un abonnement

L’usage de la voiture est fortement corrélé et entretenu par la possession d’un véhicule. Selon différents auteurs, une fois la voiture acquise, celle-ci devient une nécessité et son propriétaire en est de plus en plus dépendant (Cullinane et Cullinane, 2003, d’après Goodwin et al. 1995, Begg, 1998, Banister, 2001 et Dargay, 2001). Le nombre et la longueur des déplacements augmentent alors et un transfert modal s’opère au profit de la voiture, même pour les trajets à distance de marche (Cullinane et Cullinane, 2003, d’apres Wootton, 1999 ; Gärling, Fujii et Boe, 2001).

Dans ce contexte, il peut sembler opportun de se pencher sur l’étape de décision de l’achat d’un véhicule. Des politiques encourageant la non possession, comme le car-sharing, peuvent permettre aux usagers de développer de nouveaux comportements (OCDE, 1997c). Wright et Egan (2000) soulignent toutefois les difficultés que peut rencontrer ce type d’approche et suggèrent plutôt d’orienter le choix du type de véhicule acheté8.

Dans le même esprit, les abonnements de transports publics influencent positivement l’usage des modes alternatifs et les comportements induits de la sorte peuvent être durables (Simma et Axhausen, 2001).

7.1.8 L’environnement et la santé

Selon une enquête européenne, certains usagers apprécient le respect de l’environnement.

Le chemin de fer est par exemple perçu comme relativement propre (CE, janvier 2002).

Cette demande ne paraît toutefois revêtir une réalité concrète que chez une minorité.

Il en est de même des avantages en termes de santé. Et pourtant, la santé, le sport et le physique sont devenus des réalités de plus en plus importantes dans notre société.

Arguments de vente très courants dans nos pays, ne pourraient-ils pas aider à convaincre les automobilistes d’abandonner plus souvent leur voiture ?