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CHAPITRE IV – EVALUATION PARTICULIERE DE MESURES

E COBILAN DU TELETRAVAIL

Nous avons recensé deux éco-bilans du télétravail à domicile, réalisés en Europe. Nous les exposons ici. Il existe par ailleurs des outils d’estimation des gains énergétiques pour des projets précis : si une entreprise, une administration ou toute autre entité désire démarrer une expérience de télétravail, il lui est possible d’en estimer les retombées énergétiques. En effet il existe des logiciels de calcul prévus à cet effet et disponibles sur le web. En voici deux exemples :

- http://www.sys.mb.uni-siegen.de

- http://greenmfg.me.berkeley.edu/green/SoftwareTools/Telework/

Eco-bilan de l’Öko-Institut de Friburg (1997)46

L’institut propose un bilan énergétique complet du télétravail à domicile. Il comprend non seulement les dépenses énergétiques dues aux transports et à l’usage des bâtiments, mais aussi les dépenses liées à la construction et à l’utlisation du matériel. Le bilan tient compte précisément de l’énergie primaire (joules) nécessaire :

• à la construction du second PC nécessaire au travailleur (utilisé pendant 4 ans) ;

• à la mise sur pied du serveur (un serveur pour dix PC) ;

Le déménagement lointain avec usage du train reste avantageux. L’utilisation de la voiture présente un bilan inchangé, mais cache une nette « perte » pour le poste transport, laquelle est compensée par les gains énergétiques et CO2 dans le poste tertiaire. L’auteur note en outre que les habitants des zones rurales ont tendances à parcourir de plus longues distances pour les autres motifs que le travail. Les véhicules utilisés sont par ailleurs souvent puissants (cadres) et fortement émetteurs de gaz à effet de serre.

La fréquence supposée de travail au bureau peut paraître faible, mais elle est cohérente avec les fréquences observées : à moins de 50 km du lieu de travail, les télétravailleurs sont plutôt occasionnel et deviennent de plus en plus réguliers au fur et à mesure de l’éloignement, pour dominer au-delà de 100 km45.

46 VOGT W., DENZINGER S (2001) ; pour une description complète, se référer au rapport GRIESSHAMMER R.

et al (1997), Umweltschutz im Cyberspace. Zur Rolle der Telekommunikation für eine Nachhaltige Entwicklung, Öko-Institut e.V. (Hrsg.), Freiburg

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• à la fourniture de courant 24/24h au serveur (un pour dix PC de nouveau) ;

• au chauffage d’une pièce de 10 m2.

N’entre pas dans le calcul la construction d’appareils comme imprimantes, téléphones, modems, bureaux, armoires, chaises, lampes…

L’exercice donne ceci : les gains énergétiques résultant de la suppression des navettes sont compensés et dépassés par les consommations énergétiques nouvelles, dues à la fabrication et l’utilisation d’une infrastructure informatique supplémentaire ainsi qu’au chauffage de la pièce de télétravail. Le solde serait ainsi, finalement, clairement positif, et se traduirait par une consommation énergétique supplémentaire, comme on le voit sur la figure 9

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Figure 9 - Eco-bilans du télétravail à domicile

Source : VOGT W., DENZINGER S (2001)

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Cependant, la recherche ne s’arrête pas là : le bilan varie si l’on suppose que la pièce de télétravail correspond à une pièce de l’habitation (besoins en chauffage moindres), qu’une seconde personne du ménage utilise le PC à des fins personnelles (ce qui évite l’achat d’un PC « supplémentaire » pour la famille), que l’entreprise concernée pratique le desk-sharing… Aussi l’analyse retient-elle deux facteurs supplémentaires : l’utilisation de l’ordinateur par une seconde personne, et un éloignement plus grand du lieu de travail que supposé tout d’abord. Dans ce cas, le solde devient négatif (figure 9) et indique une moindre consommation d’énergie.

En conclusion, le télétravail peut effectivement présenter un bilan énergétique intéressant. Il ne peut certes pas réduire massivement les charges environnementales en général et le trafic en particulier, mais reste attractif écologiquement, économiquement et socialement s’il est bien pensé et organisé. Les auteurs ajoutent qu’il pourrait se révéler plus intéressant encore s’il aboutissait à une réduction de la motorisation des ménages ou était combiné au car-sharing ou à des abonnements pour transports en commun, ou encore s’il était proposé en priorité aux travailleurs qui résident loin de leur lieu de travail.

Eco-bilan de J-M JANCOVICI (France, 2001)47

• JANCOVICI J.-M. (2001) propose une évaluation moins complète du potentiel de réduction des gaz à effet de serre par le télétravail. Il tient compte uniquement des postes transports (suppression du déplacement domicile-travail) et alimentation énergétique locale (chauf-fage, éclairage, eau chaude…). Son bilan s’exprime sous trois formes : énergétique, gaz à effet de serre et financier. Les résultats se résument de la manière suivante pour les bilans énergie et CO2.

47 JANCOVICI J-M. (2001)

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Tableau 21 - Gains attendus pour différentes organisations du télétravail par travailleur en % de la consommation d’énergie (tep/an) et des émissions par individu en France (tonnes équivalent carbone)

Tableau 22 - Gains attendus pour différentes organisations du télétravail en cas de passage au télétravail de 50% des actifs du tertiaire (en % de la consommation d’énergie totale / des émissions nationales en France)

Lieu de travail Bureau,

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• On notera que le scénario que nous jugeons le plus probable, c’est-à-dire « domicile temps partiel » représente un économie importante. Non seulement sur le plan des consomma-tions et émissions individuelles, mais aussi au total des consommaconsomma-tions et émissions du pays (2,3%), et cela même si la construction d’un local supplémentaire au domicile s’avère nécessaire. Mais gardons à l’esprit que c’est surtout au plan individuel que les bénéfices énergétiques sont les plus visibles, et que d’éventuelles campagnes de promotion, ciblées sur les travailleurs, pourraient en tirer parti. Du point de vue des entreprises, les gains liés aux consommations dans les bâtiments auraient plus de portée ; ainsi que ceux en déplacements au cas où elles interviennent d’une manière ou d’une autre dans ce domaine.

A ce propos, il est important de remarquer que les économies se réalisent plus par les consommations énergétiques liées aux bâtiments qu’elles ne résultent de la suppression de déplacements. C’est une découverte intéressante, le télétravail étant généralement envisagé uniquement pour son effet sur la mobilité.

• Les résultats représentent des estimations grossières, qui supposent une série d’hypothèses. Afin de les juger d’un œil critique, signalons que :

- le « temps partiel » est considéré comme un mi-temps toujours presté par jours entiers (110 jours sur les 220 ouvrables), c’est-à-dire une situation « idéale » du point de vue des distances parcourues par le travailleur. Si celui-ci travaille en revanche cinq demi-journées par semaine, les bénéfices pour le poste « déplacements » disparaissent.

- du fait des systèmes de régulation thermique, il a été estimé que le chauffage des logements fonctionne toute la journée, quelque soit l’endroit où le salarié travaille. En effet, le maintien d’une température minimum en journée se différencie peu du maintien d’une température un peu plus haute quand les occupants sont présents, par rapport à une situation où l’on ne chauffe pas du tout.

- tous les travailleurs sont sensés effectuer 30 km de navettes par jour, et ce toujours en voiture. En revanche, dans l’hypothèse où ils adoptent le télétravail en centre de proximi-té, ils sont supposés ne plus se déplacer qu’à vélo ou à pied.

- la force de travail adoptée pour le calcul des gains potentiels correspond à la moitié des travailleurs du tertiaire. Cette estimation résulte de la prise en compte du pourcentage du temps passé par ces travailleurs à des tâches réalisables par télétravail. Le chiffre reprend ainsi des professions aussi diverses que fonctionnaires, commerçants, ensei-gnants… En Région wallonne, cette force de travail représenterait 350000 personnes (ordre de grandeur), qui se situe très loin des 9000 télétravailleurs wallons estimés aujourd’hui, et vaut environ 10 fois la force de travail proposée pour le scénario le plus optimiste des estimations réalisées avec ECONOTEC (point 1.4.2.) Quoi qu’il en soit, les estimations individuelles de Jancovici gardent cependant tout leur sens.

- les estimations peuvent en revanche paraître pessimistes en ce qu’elles supposent la construction systématique d’un local supplémentaire.

- les éventuels effets pervers ne sont pas pris en compte. L’auteur calcule pourtant leurs conséquences possibles, du moins en ce qui concerne les relocalisations résidentielles plus distantes et l’accentuation de l’étalement urbain. Nous relaterons ces calculs dans le point 1.5.3.

• En conclusion, le télépendulaire, suivant les calculs de Jancovici, permet des économies d’énergie et d’émissions de CO2 dans des proportions :

- importantes au niveau individuel (19 et 15% pour le télétravail à domicile à mi-temps) ; - non négligeables au niveau collectif (2,3 et 1,9%) ;

- moins marquées pour le poste transports que pour le poste tertiaire.

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Ce dernier point est intéressant du fait qu’il attire l’attention sur des économies souvent négligées, par les entreprises ou les travailleurs. Par ailleurs, le poids considérable des économies au plan individuel apporte un argument pour les éventuelles campagnes de promotion du télétravail à domicile.

Les hypothèses posées par l’auteur nous paraissent cependant optimistes, excepté dans un cas. Mais il s’agit surtout, d’après lui48, de trouver des ordres de grandeur destinés à donner des bornes supérieures, et non des projections les plus réalistes.