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CHAPITRE IV – EVALUATION PARTICULIERE DE MESURES

9.3.11.2 Analyses théoriques prospectives

Nous avons présenté en mars 2003 plusieurs études prospectives dont les résultats, valables pour les populations totales d’entités territoriales définies et rapportés aux kilométrage totaux parcourus dans ces entités, tournaient aux alentours de 1 pourcent des distances totales parcourues évitées grâce au télétravail. Deux nouveaux travaux européens ont été explorés depuis : leurs résultats sont cohérents avec les chiffres précédents. Les voici exposés, suivis des études déjà relatées en mars. Signalons que les résultats obtenus par la CPDT en collaboration avec ECONOTEC dans le même genre d’exercice sont expliqués dans la section 1.4.2.

• Le premier32, réalisé en Allemagne, estime la part des tâches réalisables par télétravail dans les tâches journalières des employés, en infère la force de travail concernée sur tout le pays, multiplie ces chiffres par les distances moyennes domicile-travail puis par la consommation de carburant. La consommation évitée concernerait, toutes choses égales par ailleurs, 1% du carburant utilisé annuellement dans le transport de passagers, ou encore 3,4% du carburant utilisé pour les trajets liés au travail.

• La seconde étude33, suisse, est plus complète en ce qu’elle envisage différents scénarios en fonction de la santé économique du pays et la diffusion des nouvelles technologies. Elle pose donc des hypothèses sur les taux de pénétration possibles du télétravail, sur sa fréquence, mais aussi sur la répartition des télétravailleurs entre leur domicile et des centres de proximité. En outre, le partage modal entre modes motorisés (voiture / transports en commun) est aussi pris en compte. De nouveau, une force de travail potentielle totale en Suisse est estimée, multipliée par la distance moyenne domicile-travail puis par les consommations de carburant. Mais le point le plus intéressant réside dans l’estimation des évolutions en terme de déplacements de loisirs. Supposés augmenter plus encore à l’avenir, ils ne compenseraient que 20% des économies en distances parcourues gagnées par ailleurs grâce au télétravail. En effet, on estime que le télétravailleur nouera plus de liens dans son quartier et y passera plus de temps pour ses loisirs. Ainsi corrigés par l’augmentation de la mobilité-loisirs, le bénéfice total serait de 2% des passagers-km par an.

• L’administration américaine34 estimait en 1994, pour deux hypothèses (haute et basse) de taux de pénétration du télétravail à l’horizon 2002, les effets du télétravail sur le transport.

Le calcul suppose un nombre de télétravailleurs égal, en 1992, à 2 millions, soit 1,6% de la population active, et se base sur un taux d’accroissement annuel de celle-ci de 1,2%.

Tableau 10 – Estimation des effets sur le transport du télétravail

Estimations des effets

32 par le Deutsches Institut für Urbanistik (DIFU) de Berlin, en 1983 ; se référer à HENCKEL D., NOPPER E., RAUCH N. (1984), Informationstechnologie und Stadtentwicklung, in Schriften des Deutschen Institut für Urbanistik (71), Stuttgart, Berlin, Köln, Mainz

33 Il s’agit du projet MANTO, mené par les ETH de Zürich ; se référer à ROTACH M., KELLER P. et al (1987), ETH Forschungsprojekt MANTO, Chancen une Risiken der Telekommunikation für Verkehr und Siedlung in der Schweiz, Schlussbericht Teil II, Wirkungen. Zürich.

34 Dossier rapporté dans CENTRE DE PROSPECTIVE ET DE VEILLE SCIENTIFIQUE (1994)

CPDT – PROGRAMME 2002-2003 – RAPPORT FINAL DE LA SUBVENTION – CREAT-LEPUR – 09/03 147

Réduction du nombre de

Sources : CENTRE DE PROSPECTIVE ET DE VEILLE SCIENTIFIQUE (1994)

Notons que les hypothèses de pénétration du télétravail formulées en 1994 se sont révélées prudentes comparées aux chiffres réels de progression du télétravail. En effet, en 1999, 12,9% de la population active aux Etats-Unis (soir 15,7 millions de personnes) participaient d’une manière ou d’une autre au télétravail35. Les projections de l’étude américaine n’atteignaient les 15 millions qu’en 2002.

Quoi qu’il en soit, elles démontrent que le télétravail peut concourir à réduire les distances parcourues et les émissions polluantes. Le CO2 n’est pas considéré ici, mais l’on peut avoir une idée de l’évolution de ses émissions par les consommations de carburant. Ces conclusions sont renforcées par une revue bibliographique proposée dans le même document. Diverses études de cas américaines et européennes ont été analysées, parmi lesquelles celles que nous proposons au point 1.4.1.1. Il en ressort qu’avec l’instauration du télétravail dans les entreprises :

- les déplacements domicile-travail sont réduits ; - les autres types de déplacements n’augmentent pas ;

- les télétravailleurs effectuent proportionnellement moins de trajets liés à leur déplace-ment principal ;

- les télétravailleurs ont tendance à transférer certaines de leurs activités vers des lieux plus proches de leur domicile ;

- le télétravail permet d’effectuer proportionnellement moins de déplacements en période de pointe ;

- les indications concernant les effets du télétravail sur la relocalisation résidentielle sont ambiguës.

• En Belgique, une étude SSTC36 a estimé les retombées possibles de l’introduction du télétravail à Bruxelles (Région de Bruxelles-Capitale). Deux modèles ont été utilisés dans un premier temps. Le premier (Lam et Olszewski) se base sur des taux de pénétration de 15,3 et 16,7% et des fréqences moyennes de 1,5, 2 et 3 jours de télétravail par semaine. Il estime, dans les différents cas, une réduction du nombre de navettes, puis compare ce chiffre au nombre total de navettes estimées. Cela donne par exemple, dans un scénario probable (1,5 jr/sem et 15,3% de taux de pénétration), un potentiel de réduction de 4,6%

(voir tableau ci-dessous).

Tableau 11 - Réduction des déplacements par l’introduction du télétravail dans la Région Bruxelles-Capitale

Fréquence : 1,5 jr/sem Fréquence : 2 jr/sem Fréquence : 3 jr/sem

35 European Telework Development Project 1998/1999

36 ILLEGEMS V. et VERBEKE A. (2001)

CPDT – PROGRAMME 2002-2003 – RAPPORT FINAL DE LA SUBVENTION – CREAT-LEPUR – 09/03 148

Taux de pénétration du télétravail dans la population active bruxelloise

15,3 % 16,7 % 15,3 % 16,7 % 15,3 % 16,7 % Réduction du nombre de navettes

motorisées suivant un taux de pénétration déterminé

19 047 20 790 25 396 27 720 38 094 41 580

Réduction du nombre de voitures réalisant les navettes suivant un taux de pénétration déterminé

10 434 11 389 13 912 15 185 20 868 22 777

Réduction du nombre de navettes motorisées pour un taux de pénétration déterminé / nombre de navettes pour un taux nul

4,6 % 5 % 6,1 % 6,7 % 9,2 % 10 %

Réduction du nombre de voitures réalisant les navettes pour un taux de pénétration déterminé / nombre de navettes pour un taux nul

4,6 % 5 % 6,1 % 6,7 % 9,2 % 10 %

Sources : d’après ILLEGEMS V. et VERBEKE A. (2001). Le nombre de navettes motorisées est estimé à 414 966 ; celui des voitures à 227 316.

Le second modèle permet d’affiner subtilement les taux de pénétration et de tenir compte du lieu de télétravail (domicile ou centre de proximité) comme des effets pervers (demande latente, relocalisation résidentielle, création de nouveaux trajets : voir plus bas).

Les calculs fournissent une réduction en véhicule-kilomètre pour un jour de semaine et sont inscrits dans le tableau 12. Il faut remarquer qu'ici, les effets de la relocalisation résidentielle et la création de nouveaux trajets non liés au travail ont été estimés comme nuls, vu le manque d’étude empirique sur le sujet. Par contre, la demande latente a été prise en compte. Quoi qu’il en soit, la conclusion est que le nombre de navettes peut diminuer de manière significative.

CPDT – PROGRAMME 2002-2003 – RAPPORT FINAL DE LA SUBVENTION – CREAT-LEPUR – 09/03 149

Tableau 12 - Réduction du nombre de kilomètres parcourus en véhicule privé un jour de semaine

Réduction suivant un taux de pénétration et une fréquence déterminés de télétravail (véh-km)

Réduction suivant un taux de pénétration et une fréquence déterminés, tenant compte de la demande latente, des déplacements non liés au travail et des relocalisations résidentielles (véh-km)

Hypothèse A (1,5 jr/sem) 654 327

Hypothèse B (1,5 jr/sem) 325 163

Hypothèse C (2 jr/sem) 872 436

Hypothèse D (2 jr/sem) 434 217

Hypothèse E (3 jr/sem) 1307 654

Hypothèse F (3 jr/sem) 651 325

Sources : simplifié d’après ILLEGEMS V. et VERBEKE A. (2001). Le nombre d’hypothèses (basées notamment sur différents nombres maximaux de télétravailleurs par jour) présentées ici a été réduit, mais montre bien la variabilité des résultats. La distance moyenne des navettes retenue est de 82 km, distance réduite de 65% pour les travailleurs en centre de proximité.

Par la suite, le second modèle est repris pour estimer les retombées économiques de ces changements et en particulier les réductions des émissions de CO2. On voit dans le tableau 13 ci-dessous les émissions de CO2 évitées un jour de semaine pour différents scénarios.

Tableau 13 - Réduction des émissions de CO2 (en kg) par jour de semaine suivant différents taux de pénétration du télétravail

Pénétration 15,3 % 16,7 % 15,3 % 16,7 % 15,3 % 16,7 %

Fréquence 1,5 jour par semaine 2 jours par semaine 3 jours par semaine Réduction des

émissions (kg) 95 103 126 138 189 207

Sources : simplifié et adapté de ILLEGEMS V. et VERBEKE A. (2001)

• Le rapport ECATT déjà cité permet de calculer, par les taux de pénétration existant du télétravail à domicile en Europe et sa fréquence (un jour par semaine dans 50% des cas ; deux dans 30% des cas), qu’il permettrait d’économiser 0,2 à 1% des trajets37. Ces chiffres valent cependant pour le nombre de déplacements et non pour les distances parcourues.

Ils seraient probablement plus élevés s’il s’agissait de kilométrages.

− Citons pour terminer une récente étude française38 consacrée au potentiel de réduction des émissions polluantes. D’une part, elle estime le potentiel de réduction des émissions par le télétravail (taux de pénétration = 10% un jour/semaine) à environ 2% pour les NOX et COV.

37 La lettre Emerit (2001) – voir ANONYME (2001)

38 INERIS (2002)

CPDT – PROGRAMME 2002-2003 – RAPPORT FINAL DE LA SUBVENTION – CREAT-LEPUR – 09/03 150

Tableau 14 - Synthèse des différents travaux

Etude Hypothèses principales Résultats

DIFU (Allemagne) Tâches éligibles : 9,6%

Force de travail :1,3%

Réduction des consommations : trafic passager 1% ; navettes 3,4%

MANTO (Suisse) Force de travail 8 à 11% en 2025

Fréquence : 3 à 4,5 jrs/sem

Réduction annuelle des passagers-km : 2%

(compte tenu de l’augmentation en déplacements de loisirs)

Administration américaine Tx de pénétration 1,2 %/an Fréquence : 5 jrs/sem

Réduction en véh-miles : 0,7 à 1,4%

Réduction des consommations : 1,1% à 2,1%

SSTC (Région Bxl-Capitale) Tx de pénétration 15,3%

Fréquence : 1,5 jrs/sem

Réduction des navettes motorisées : 4,6%

(modèle 1)

Réduction des émissions et des coûts par jour : 95 kg CO2 et 0,7 euros (modèle 2)

ECATT (Union Européenne) Tx de pénétr. : moyenne EU Fréquence : 1 à 2 jrs/sem

Réduction du nombre de trajets : 0,2 à 1%

OPTINEC (France) Tx de pénétration 10 % Fréquence : 1 jr/sem

Réduction des émissions NOX : 1,9%

Réduction des émissions COV: 2,3%

Estimations chiffrées en collaboration avec ECONOTEC 9.3.11.3 Nouveau scénario de référence

Dans le cadre de sa recherche « Analyse prévisionnelle des émissions atmosphériques liées au secteur du transport en Région wallonne » de 2001, ECONOTEC utilise le module Transport du modèle EPM en vue de chiffrer, à l’horizon 2010, les augmentations attendues des émissions de CO2 par rapport à 1990. Ce calcul est d’abord effectué pour un scénario de référence, par rapport auquel l’impact de mesures particulières est ensuite estimé. Le premier scénario de référence défini par ECONOTEC tient compte notamment des perspectives de croissance de la mobilité sur base d’une analyse économétrique réalisée en 1997.

Pour améliorer et actualiser l’analyse, la CPDT propose de définir un nouveau scénario de référence qui tiendrait compte de nouvelles perspectives de croissance, en l’occurrence celles retenues par STRATEC (2003) dans l’étude actuellement en cours sur l’élaboration d’un schéma de développement intégré des réseaux et terminaux de fret en Région wallonne (schéma logistique wallon).

En ajoutant les autres hypothèses retenues par ECONOTEC (y compris les dernières améliorations du modèle, apportées suite à une confrontation avec les données des bilans énergétiques wallons), ce nouveau scénario tient compte :

• des dernières perspectives de croissance de trafic pour la Région wallonne entre 2000 et 2010 (STRATEC, 2003) ;

− Véhicules légers (véh-km) : + 58% ;

− Véhicules lourds (véh-km) : + 58% ;

• Des mesures techniques de réduction d’émissions pour respecter les normes EURO I à EURO IV ;

CPDT – PROGRAMME 2002-2003 – RAPPORT FINAL DE LA SUBVENTION – CREAT-LEPUR – 09/03 151

• Des accords entre la CE et les différents constructeurs automobiles pour diminuer les émissions de CO2 sur les véhicules ;

• Des données du bilan énergétique wallon (jusqu’en 2000).

Pour ce nouveau scénario, ECONOTEC a réestimé les émissions de CO2 dues au transport routier (personnes et marchandises) à l’horizon 2010 ; celles-ci devraient augmenter de 48%

par rapport à 1990. Cette augmentation est sensiblement différente de celle présentée initialement dans le rapport d’ECONOTEC de novembre 2001 (soit 29% d’augmentation d’émissions de CO2 entre 1990 et 2010) car le nouveau scénario de référence tient compte de plusieurs améliorations, en particulier une correction du modèle suite à la confrontation aux données du bilan énergétique wallon.