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le BahR el-ghazal et l’enClave de ladO

4. les RésIstanCes lOCales et la lIqUIdatIOn des sUltanats

4.2. l’assassInat d’engwetRa

La Biographie coloniale belge consacre une inté-ressante biographie au chef bandia Engwetra ou, de son vrai nom, Bwatara. Né vers 1851, il était le fils de Gatanga et le petit-fils d’Ino qui s’étaient installés sur la rivière Likati. La réputation de ce chef rebelle était considérable ; son nom revient dans les carnets de route de quasi tous les Belges qui ont fait partie des expéditions lancées par Léopold II en direction du Haut-Uele et la vallée du Nil (Coosemans 1951a : 366). Marthe Coosemans reproduit dans une pre-mière partie le portrait que Vande Vliet, chef de

poste du poste européen établi chez Engwetra, a fait de lui. Elle reconnaît qu’Engwetra s’est montré, dès le départ, hostile à l’installation des Européens chez lui, et explique cette hostilité par sa jalousie de l’im-portance accordée par les Blancs à son parent Djabir.

Il s’opposait au recrutement des porteurs afin d’em-pêcher Vande Vliet de se mettre en relations avec les Abandia du Nord de l’Uele (ibid. : 367).

Puis elle explique, d’une part, la cause de sa rébellion contre les Blancs, et la raison et les cir-constances de l’assassinat d’Engwetra, d’autre part.

Ici, Coosemans dit avoir fait confiance au récit de Gaspar, chef de poste à la Likati en 1903. Mais force est de constater qu’elle omet des passages compro-mettants pour certains Blancs, notamment pour le commandant Renette (ibid.  : 367-368). Ci-après, nous rproduisons le conflit d’Engwetra avec l’EIC entre 1894 et 1896, selon les carnets de campagne de Georges Bricusse.

Extraits des carnets de campagne de Georges Bricusse : 6 février 1894 – 18 juillet 1896

8 juillet 1894 : (à Engwettra). Chef de poste M. Pierlot. Il paraît qu’un de nous prendra le poste d’Engwettra où il y a beaucoup à faire, beaucoup d’ivoire aussi paraît-il…

26 juillet 1894 : Engwettra ne met plus le pied au poste. Il a nié jusqu’à présent avoir vendu de l’ivoire à Tchimbi, mais les preuves sont là. Un de ses hommes a été pris en flagrant délit et mis immédiatement à la chaîne.

28 juillet 1894 : (à Engwettra). Les indigènes s’épatent devant mon miroir grossissant. Mon revolver d’ordonnance leur tape dans l’œil. Il n’y a absolument rien à la station en fait de vivres. Je suis heureusement arrivé avec un chop-box et mon « private » schaner. Pas une perle, pas de cauris. Comme il nous faut vivre, nous en réquisitionnons trois kilos dans un sac qui transite.

2 août 1894 : nous venons d’en risquer une belle ! Engwettra que depuis mon arrivée je n’avais vu au poste s’est décidé à venir. Comme Pierlot avait des vérités à lui dire concernant sa vente d’ivoire à la Tchimbi, il le fait entrer dans sa chambre. Engwettra nie, naturellement. Pierlot pour le confronter dit au sergent de faire venir les hommes à la chaîne. L’imbécile comprend de travers et apporte des chaînes… La nombreuse suite d’Engwettra croyant que nous allons amarrer leur chef fait entendre des grognements sinistres… Ils se précipitent aux fenêtres, s’agitent. Nous sor-tons immédiatement pour les rassurer. Il était temps ! Heureusement j’ai ma bouteille de Schiedam. Pamba ! Tout le monde se raccommode. Engwettra me donne un couteau. Il explique que le Blanc ne lui en veut pas, mais qu’alors même qu’il en serait autrement, c’est le Blanc le maître, etc. Bref nous l’avons échappé belle. Voilà comme on serait

« escoffié » par la bévue d’un de ses soldats.

4 août 1894 : le sultan Engwettra, escorté d’au moins 30 lances et 20 fusils, est venu dîner avec nous. Il a d’abord demandé une « goutte ». Nous lui avons offert l’absinthe à table et il a mangé du potage, de la poule au riz, puis a redemandé de l’absinthe disant qu’il mangerait le restant chez lui… Si Djabir se comportait bien à table, celui-ci (Engwettra) croit qu’après avoir mangé, il est convenable de « roter ». Il prouve ainsi qu’il a bien mangé et que les plats lui ont surtout bien goûté. Le nègre tient cela des Arabes, paraît-il, qui sont très forts dans l’art de « roter ».

14 août 1894 : (visites du sultan au poste d’Engwettra). Un cochon de Sierra-Léonais travaillant au jardin a tordu le cou à une de nos poules. Aussitôt une bonne décoction de chicotte lui est appliquée sur les fesses et à la chaîne ! Sale bougre. Il fait très humide et très malsain dans ma chambre. J’ai hâte de pouvoir reprendre celle de Pierlot. Beaucoup d’hommes et de femmes du poste ont de vilaines plaies aux jambes. Le traitement à l’iodoforme est bon. Engwettra, vêtu d’une chemise arabe, arrive avec 71 porteurs et en annonce beaucoup d’autres. Pierlot lui donne un fusil en cadeau. Pas un trait de sa physionomie n’a bougé, aucun témoignage de satisfaction, de contentement. Il n’a pas

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165 même dit merci ; je crois du reste que ce mot n’existe pas en langue nègre. Les porteurs dès qu’ils ont leur charge se précipitent le sourire aux lèvres, et chose remarquable, plus la charge est lourde plus ils semblent contents, à moins qu’ils ne fassent comme nous jadis à l’École militaire où nous témoignions notre mécontentement par des chants et des ris (poétique).

16 août 1894 : Engwettra nous fait visite. Doaga (Duaga, Duaka = le fils de Gurza, lui-même fils de Gatanga et petit-fils d’Ino) n’a pas voulu fournir des porteurs ; je me charge dans quelques jours de lui infliger une de ces piles épou-vantables dont il se souviendra. Le Gouvernement a du reste grand besoin de « milices nationales à recruter par la persuasion ou par la force » (dépêche du 24 avril 1894).

25 août 1894 : (palabre à Engwettra). Zegbou, un des grands chefs d’Engwettra, est venu se plaindre de ce que deux soldats de Meeus soient venus lui faire la guerre. Après l’avoir attaché à un stick, ils lui ont pris deux fusils et trois femmes. Affaire à régler. Ce chef est sur mon territoire, moi seul ai le droit d’aller palabrer chez lui… Bonne journée, beaucoup de porteurs. Découvert une partie de la forêt au N.-E. de mon poste très facile à défricher…

29 août 1894 : le caporal de Nangwa a pris à Beretio 1 fusil, 2 femmes et 3 hommes – 1 tué – à examiner – Mavalanga qui vient d’être tué en palabre par Djabir avait été donné à ce chef par Lekeu (à tort). Son fils demande à rentrer sous la domination d’Engwettra – à examiner.

1er septembre 1894 : reprise du poste. Engwettra a eu l’autorisation d’aller palabrer sur la rive droite de la Likati. Il est parti avant-hier. Il ne rentrera pas avant 15 jours. Il a avec lui 6 hommes et 12 fusils à piston du poste…

12 janvier 1895 : Van Maele s’embarque avec une trentaine d’hommes pour obliger les villages à revenir sur la rive gauche de la Tchimbi. Je reste à Ibembo avec quelques hommes et l’armurier Dodernier… Vers 4 h, les indigènes de Djidji passent par la station, armés de leurs lances et boucliers – simagrées de guerre – sauts – cris féroces – etc. À mon avis, ces gens sont plutôt un embarras.

14 janvier 1895 : Van Maele rentre de sa palabre. – Hier 13, vers 2 heures, ses hommes ont attaqué le village de Lidjaka sur la Lessé. À peine avait-il débarqué qu’il fut soudain entouré par des forces considérables. Il eut à peine le temps de tirer un coup de feu. Van Maele et ses hommes sont poussés dans la rivière ; tous se noient ; Van Maele est sauvé par miracle. Il a perdu une vingtaine d’hommes, 30 fusils Albini, 1 fusil de chasse, 2 Mauser (le mien), clairon, boys, etc., etc. Bref pile épouvantable. J’avertis immédiatement le commandant de la zone de ce désastre et demande du renfort.

16 janvier 1895 : nous apprenons que Lidjaka et Moenge se dirigent vers le poste. Dodernier répare tous les fusils. On renforce la zeriba. Quelques hommes blessés rentrent par la forêt. Horribles les plaies ! Un homme blessé d’un coup de lance dans le dos fait peine à voir. Un paquet de chair et de graisse pend en dessous d’un trou béant. On devrait recoudre, mais comment ?

18 janvier 1895 : les bruits les plus divers circulent. Lidjaka a de nombreux alliés. Ses forces marchent vers le poste.

D’autre part on nous dit que des Blancs avec un fort détachement sont à quelques jours d’Ibembo.

20 janvier 1895 : le courrier envoyé à Engwettra revient avec nos lettres et rapports disant que le passeur n’était pas venu pour lui faire traverser la rivière. L’imbécile ! Au lieu de traverser à la nage ou même à gué quelques mètres plus loin. Chicotte ! Nous voilà donc seuls sans renfort. Djabir pas au courant de ce qui se passe. Envoyons immédiate-ment un nouveau courrier.

22 janvier 1895 : Delanghe nous apprend qu’Engwettra s’est révolté. Un sous-officier anglais Graham a été fait prison-nier. Devers et Nys ont échappé on ne sait comment. Un détachement de 3 Blancs est à un jour du poste. Vient de l’Ubangi probablement. Nous écrivons à tout hasard en priant le commandant de faire diligence.

23 janvier 1895 : arrive sous-lieutenant Melaen avec 35 hommes. Commandant Heymans et sergent Boulanger arri-veront le soir – 100 hommes en tout venant de Yakoma. Mission de reconnaissance. Sommes sauvés – Lidjaka est invisible – Heymans a parcouru un pays absolument inconnu sans tirer un coup de feu. Partout il a reçu le meilleur accueil. Sa boîte à musique, nous dit-il, y est pour beaucoup. Engwettra (Bwatara) a ravagé le pays jusqu’aux sources de la Likati et de la Tchimbi. Il a établi des bomas un peu partout – inspire une frousse inouïe dans toute la contrée.

26 janvier 1895 : nous ne recevons pas de nouvelles d’Engwettra. Le commandant Heymans, 75 hommes et moi, nous mettons en route pour secourir le poste.

2 février 1895 : arrivons devant la Likati vers 11 heures. Au poste Delanghe et sous-lieutenant Nys de Mont-Saint-Aubert-lez-Tournai – capitaine Vanderminnen et Devers sont partis à Ibembo… Engwettra est invisible. Tous ses villages sont abandonnés. Le commandant Heymans juge que sa présence n’est pas nécessaire, le poste n’étant pas immédiatement en danger et ayant reçu des renforts de Djabir. Delanghe en deux mots me met au courant des événe-ments qui se sont passés. Engwettra, mécontent depuis longtemps et furieux des menaces qu’on lui avait adressées s’il

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ne se rendait pas plus utile, a fait une démonstration aux environs de la station le long de la petite rivière. Delanghe lui a fait dire de décamper immédiatement. Comme il n’obéissait pas, Delanghe est allé lui tirer quelques coups de fusil. Trois ou quatre jours après descendait Graham. Le pauvre diable fut attiré chez Engwettra et probablement mis en pièces. Les deux soldats qui l’accompagnaient avaient été désarmés. Toutes les charges de Graham, une caravane d’ivoire, sont entre les mains d’Engwettra. La route entre Engwettra et Djabir étant coupée, Delanghe parvint cepen-dant à avertir le commancepen-dant de la zone en cachant un billet dans la coiffure d’un indigène. Chose singulière : la veille, Devers était passé sans incident et le lendemain, Nys avait causé longuement avec le sultan. Peut-être a-t-il eu peur du revolver que Nys portait constamment à la ceinture ? Engwettra a trouvé prudent de vider les lieux et depuis lors on est sans nouvelles.

3 février 1895 : une quinzaine d’hommes et toutes les femmes vont aux vivres tous les quatre jours et reviennent char-gés de bananes. Mais, quand les villages auront été mis à sac, où trouverons-nous les vivres ? Nous-mêmes sommes réduits aux conserves. Un seul chef Mobiri est resté fidèle. Il nous apporte de temps en temps une poule ou une petite antilope.

4 février 1895 : impossible de prendre l’offensive avec les forces dont nous disposons, car il nous faut aussi songer à défendre le poste. Nos magasins sont remplis – 75 touques de poudre sont en transit. J’envoie les indigènes de Djabir faire une reconnaissance chez Kaningbwi.

6 février 1895 : les indigènes de Djabir reviennent de la palabre en rapportant un fusil et quelques vieilles femmes. Ils désirent absolument rentrer chez eux.

7 février 1895 : j’apprends que ces cochons ont opéré d’un tout autre côté que chez Kaningbwi. Ils ont caché leur butin dans la forêt et ne m’ont donné que ce qu’ils ont bien voulu. Ayez donc confiance !

18 février 1895 : pendant la nuit, 5 indigènes d’Engwettra qui étaient à la chaîne sont parvenus à ficher le camp. Il en reste deux, dont un Niampara… Je les ai faits fusiller par six soldats… C’est la première fois que j’assiste à une

« mort par les armes » et je dois avouer qu’on éprouve une certaine émotion… Millard a été attaqué par les indigènes d’Engwettra et blessé d’une balle à la cuisse – 1 Zanzibarite tué et 3 blessés – 20 hommes d’Engwettra, paraît-il, sont restés sur le carreau…

25 février 1895 : Moressi a arrêté 4 indigènes d’Engwettra qui rodaient dans la forêt – Pendus illico – Oh ! les sales trognes. Nous sommes sans œufs, sans poules, sans rien…

26 février 1895 : partons en palabre capitaine Vanderminnen et moi avec 40 Albinis et 100 fusils à piston de Djabir. À peine avons-nous quitté le poste, nous nous trouvons dans une petite plaine. Une sentinelle avancée d’Engwettra y était placée. Elle est rentrée sous bois comme une flèche. Rencontrons quelques petits villages abandonnés…

27 février 1895 : … Arrivons à un village. Les sentinelles d’Engwettra après avoir fait feu ont fui dans la forêt. Sommes chez Gaïma, grand village divisé en plusieurs quartiers. C’est bien ici que s’était réfugié Engwettra…

28 février 1895 : indigènes de Djabir à la poursuite d’Engwettra…

1er mars 1895 : Engwettra, d’après un prisonnier, se serait retiré chez Kaningbwi. Bakia et Gaïma sont réduits en cendres…

3 mars 1895 : à la poursuite d’Engwettra !

4 mars 1895 : Doaga daigne venir au poste. Il a toujours eu peur d’Engwettra, dit-il.

6 mars 1895 : 35 femmes à la chaîne (Banangi près Kaningbwi = le deuxième fils de Gatanga et frère aîné d’Engwettra).

10 mars 1895 : 28 femmes et 15 boys dirigés sur Djabir… Encore des prisonnières et des prisonniers de Gelegbia (petit chef zande bandia dépendant d’Engwettra). Un indigène vient me dire que tous les chefs d’Engwettra désirent se sou-mettre. Ils crèvent de faim dans les bois. Je fais répondre que tant qu’ils ne me livreront pas Engwettra, je continuerai à leur faire la guerre. C’est le moment des plantations.

11 mars 1895 : les indigènes de Djabir rentrent chez eux pour commencer les plantations.

24 mars 1895 : un courrier de Foulon nous autorise à quitter Engwettra. Nous apprenons d’autre part que ce « sultan » est abandonné par tous ses hommes qui sont allés se soumettre chez Djabir…

13 octobre 1895 : une embuscade dans la Likati. Pierlot est arrivé le 3… Les gens d’Engwettra ont tendu une embus-cade à Pierlot, le soir, dans la Likati, à un jour du poste. Plusieurs coups de feu, balles dans la pirogue. Heureusement, rien de bien grave…

16 octobre 1895 : Pierlot a eu deux hommes tués à la palabre. Comme résultat zéro… Les hommes d’Ekumba (petit chef dépendant d’Engwettra) ont encore fait palabre chez Mavalenga – Sugi (petit chef dépendant de Djabir). Voilà un cochon qui doit disparaître. Toutes les palabres de femmes à régler commencent à me sortir rudement…

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167 2 novembre 1895 : (palabre à Engwettra) On enverra demain ou après des renforts à Engwettra pour faire une palabre.

22 novembre 1895 : (difficultés avec les captives). Les femmes prises à la dernière palabre d’Engwettra me donnent du fil à retordre. Tous les soldats voudraient en avoir une. Les sentinelles chargées de la surveillance des chaînes déta-chent les plus jolies et les violent. Ce que la chicotte fonctionne !

12 janvier 1896 : halte à 11 h 20 chez Malimba (petit chef dépendant d’Engwettra) dont le village est à 10 minutes à l’intérieur. Pauvre. Nous parvenons à acheter une poule… J’envoie mon caporal Doli chez Mokwakoro (petit chef dépendant d’Engwettra) pour acheter des poules. Celui-ci refuse catégoriquement de nous en donner. J’apprends que si Mokwakoro fournit des porteurs au poste d’Engwettra, il n’en est pas moins l’homme de l’ex-sultan. Donc ne pas vendre de poudre ni de capsules à cet individu…

Entre-temps, l’EIC avait non seulement à mater la révolte des Batetela et celle des Budja, mais l’Uele était aussi entré en révolte, notamment les Azande et les Ababua. Ce dernier fait gênait surtout l’oc-cupation de l’enclave de Lado où on projetait la construction de nombreuses forteresses. À ce moment, le district de l’Uele, dirigé par le com-missaire général Verstraeten, consistait en quatre zones administratives  : Rubi-Uele, commandant Verstraeten ; Uere-Mbomu, commandant De Bauw ; Makua, commandant Gehot ; Makrakra, comman-dant Wtterwulghe (Lejeune-Choquet 1906 : 14).

Le commissaire de district Verstraeten décide, au début de l’année 1900, une opération de guerre contre le chef Engwettra et ses vassaux. Il organise une expédition dont font partie les sous-lieutenants Tilkens, Hutereau, Lespagnard et Landeghem et le médecin italien Casalini. La colonne de la Force publique, qui compte 280 soldats noirs, est concen-trée au poste d’Engwettra le 21  février 1900. La première journée de marche, à travers une forêt touffue, est pénible mais n’offre rien de saillant.

Après l’établissement du campement du soir, elle est forcée d’envoyer une reconnaissance à la recherche d’eau, car, depuis le départ de la Likati, elle n’avait pas trouvé un seul ruisseau. Le ravitaillement en eau posera de sérieuses difficultés.

Les troupes de la Force publique sont en présence des premières sentinelles azande, le 23 février 1900 au début de l’après-midi. Ces gardiens, cachés der-rière de gros arbres et absolument invisibles, tirent,

«  avec un calme admirable et une justesse surpre-nante », aussitôt qu’ils aperçoivent les soldats. Armés de fusils Albini, postés aux coudes des sentiers suivis par la troupe, grâce au point d’appui qu’elles pren-nent pour placer leur arme et à la connaissance exacte de la visée à prendre, à chaque coup de fusil

ces petites patrouilles mettent un des soldats hors combat. Le 24, les troupes sont accueillies par une vive fusillade. Vers 7 h 1/4 une véritable charge de lanciers se produit sur les faces de devant, de gauche et de droite, mais les assaillants sont repoussés, lais-sant sept morts sur le terrain.

Le 25, la troupe est accueillie à coups de feu de tous les côtés à la fois. Le commandant s’empresse de quitter la plantation où la troupe forme une cible par trop belle et les soldats entrent sous bois. À ce moment, une véritable pluie de projectiles tombe sur eux et, immédiatement après, l’ennemi, qui enve-loppe le carré, se lance avec rage sur toutes les faces.

Le commandant ordonne le feu rapide. Plusieurs fois les assaillants plient, mais ils reviennent à la charge à plusieurs reprises, pour ne se retirer qu’après avoir été repoussés chaque fois avec de grandes pertes.

Engwetttion avec toutes ses forces réunies, dont 300 guerriers munis d’armes à feu, parmi lesquelles plu-sieurs fusils rayés.

Le 1er  mars, de fortes attaques des Azande se produisent de nouveau. Mais les troupes de l’État les mettent en déroute, en leur faisant éprouver des pertes sensibles. Dès lors, la marche vers le village d’Engwettra n’est plus sérieusement menacée pen-dant deux jours. Les troupes y arrivent le 5  mars.

Ci-après, le récit de Verstraete 58 .

58.Rapport de Verstraete sur l’opération de guerre contre le sultan azande Enguetra (février-mars 1900), Djabir, 30 mars 1900. In MRAC, Papiers Landeghem RG1010.

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5 mars : vers 5 h ¾ du matin, avant de quitter notre campement, un Azande, porteur d’une pointe d’ivoire, vient crier qu’il est envoyé, auprès de moi, par Enguetra, pour demander la paix. Après bien des pourparlers, il se décide à entrer dans le carré et me remet la pointe de la part du chef. Je comprends de suite que l’envoi de cette pointe d’ivoire n’a d’autre but que d’arrêter notre marche pour que nous n’arrivions pas à son village. Je refuse donc de croire aux

5 mars : vers 5 h ¾ du matin, avant de quitter notre campement, un Azande, porteur d’une pointe d’ivoire, vient crier qu’il est envoyé, auprès de moi, par Enguetra, pour demander la paix. Après bien des pourparlers, il se décide à entrer dans le carré et me remet la pointe de la part du chef. Je comprends de suite que l’envoi de cette pointe d’ivoire n’a d’autre but que d’arrêter notre marche pour que nous n’arrivions pas à son village. Je refuse donc de croire aux