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Comment les territoires se sont-ils emparés de la question du climat ?

CHAPITRE 2 Les mobilisations internationales

2.1. La Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique : de Rio à Bali

2.1.3. L’après Kyoto et les conséquences de la ratification

Précisons que les discussions post-Kyoto n’associent pas l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à la Convention Climat, pour éviter que les intérêts financiers des grandes firmes soient mis en avant et bloquent les négociations97.

En septembre 2002, le Sommet de Johannesburg fait le point sur les engagements pris à Rio et à Kyoto. Il apparait très vite que la CCNUCC et les engagements de Kyoto ne sont pas à la hauteur des attentes. Les résultats chiffrés sont faibles et assez flous et il n’y a pas d’engagements nouveaux de la part des gouvernements98. Les responsables reprennent donc les principes de base des rencontres précédentes sans aucune avancée opérationnelle99 et pour certains, on assiste même à un retour en arrière. Jeffrey Sachs, conseiller de Koffi Annan et Secrétaire Général à l’ONU, accuse les pays riches de recycler les promesses qu’ils n’ont pas su respecter depuis 20 ans. Outre cela, les Etats-Unis, la Chine, l'Inde, l'Australie et le Japon, qui jugent irréaliste tout objectif chiffré de promotion des EnR, se sont alliés à l’OPEP qui protège les hydrocarbures.

En juin 2004, la conférence mondiale sur les EnR, Renewables 2004, se déroule à Bonn, en présence de 154 pays100. Pour Scheer (2007), « la communauté internationale se décidait enfin à considérer que les énergies renouvelables étaient devenues un sujet politique de première importance »101, qu’elles pouvaient participer à la baisse des GES et à l’indépendance énergétique des Etats. Pour favoriser le développement de ces énergies, les pays disposent de solutions diverses, adaptées au contexte local, qui contribuent notamment à un environnement de meilleure qualité, à un développement économique équilibré et au principe d’équité. Pour certains spécialistes comme Scheer (2007), « une chose est d’ores et déjà certaine : un jour viendra où les EnR couvriront tous les besoins de l’homme en la matière »102. Pour d’autres en revanche, comme Jancovici et Grandjean (2006), « ce ne sont pas les énergies renouvelables qui nous tirerons d’affaire. […] elles ne nous

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L’Union Européenne est le premier contributeur financier de l’OMC (à hauteur de 40 %) et elle négocie ses différends. Elle participe ainsi à son fonctionnement institutionnel. Il est donc difficile pour l’Europe de faire converger les principes du développement durable et la doctrine de l’OMC.

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Les paroles du Président français – « notre maison brûle et nous regardons ailleurs » – ont eu un impact médiatique important mais elles n’ont pas favorisé la mise en place d’un nouvel objectif chiffré de réduction des émissions (ni à l’échelle de la France, ni à l’échelle de l’Europe).

99 Par exemple, le chapitre 28 du programme Agenda 21 réaffirme le rôle des collectivités locales pour parvenir à un développement durable. 100 http://www.renewables2004.de/ 101 p. 9 102 p. 47

seront que d’un maigre secours pour remplacer une fraction significative des combustibles fossiles dans les décennies qui viennent »103.

Entre Johannesburg (2002) et Montréal (2005), les Parties de l’Annexe I ont multiplié les rencontres – New Delhi en 2002, Milan en 2003, Buenos Aires en 2004 – pour discuter des éléments laissés de côté et pour préparer les autres conférences sur le climat. Néanmoins, elles n’ont pas réussi à s’entendre sur les actions à engager, sur le suivi et les sanctions à adopter en cas de manquement des engagements en vertu du Protocole et sur l’après 2012. La conférence de Montréal marque cependant l’entrée des Etats-Unis dans les discussions internationales, mais ces derniers ne sont qu’observateurs dans le cadre du Protocole de Kyoto.

En novembre 2006, l’Afrique accueille pour la première fois une rencontre climatique : la conférence de Nairobi au Kenya. Cette dernière est présentée comme une conférence de transition, avec la confirmation des engagements et des accords existants :

o volonté de répartir plus équitablement les projets de MDP dans les pays les plus démunis.

Source : PNUE, Risoe Centre, 2007 Réalisation : Vaché I., 2008

Fin 2006, les MDP (462 projets au total) restent en effet très localisés entre l’Inde (266 projets), le Brésil (131 projets) et la Chine (45 projets). L’Afrique compte aussi 20 projets dont huit en Afrique du Sud (Carte n°2).

Carte n°2 : Les projets MDP dénombrés fin 2006

La quantité de CO2 évités par an n’est pas proportionnelle au nombre de projets MDP. Notons que les données qui suivent restent très aléatoires car « pour savoir si un projet a évité ou non des émissions de GES, il faut arriver à décrire ce que la situation aurait été sans ledit projet. Il faut

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donc faire des anticipations relativement précises sur ce qui se serait passé en l’absence d’action de réduction des émissions sur plusieurs années » (Flipo, 2004)104.

19 50 21 7 0 10 20 30 40 50

Brésil Chine Inde Afrique

Source : PNUE, Risoe Centre, 2007 Graphique n°1 : Emissions de CO2 évités chaque année grâce aux projets MDP

(en millions de tonnes équivalent CO2 économisés)

Les 462 projets MDP dénombrés fin 2006, éviteraient ainsi le rejet de 97 millions de tonnes équivalent CO2 chaque année (Graphique n°1). C’est en Chine que les projets sont les plus performants en terme d’émissions évitées. En effet, 45 projets permettent d’économiser 50 millions de tonnes équivalent CO2. En Inde, 266 projets donnent lieu à une économie annuelle de 21 millions de tonnes équivalent CO2. Nous pouvons également constater que l’Inde compte deux fois plus de projets que le Brésil ; pourtant, les émissions économisées sont d’un volume approchant. Le continent africain accueille une vingtaine de projets et les émissions évitées chaque année sont estimées à 7 millions de tonnes équivalent CO2.

o volonté de renforcer les infrastructures et les capacités des pays en voie de développement pour qu’ils puissent avoir accès aux MDE.

o confirmation par l’Union Européenne de son soutien financier aux pays en développement et en transition, pour encourager les acteurs privés à investir dans l’efficacité énergétique et les EnR.

A Nairobi, les participants ont souligné la nécessité d’une division par deux des émissions de GES d’ici 2050 mais ils n’ont pris aucune mesure concrète. Les discussions sur l’après 2012 ont même été reportées à 2008. En revanche, le contrôle du Fonds pour l’Adaptation, alimenté par une taxe sur le MDP, a été confié aux pays en voie de développement et une somme de 300 millions d’euros pourrait être dégagée pour leur permettre de développer des projets d’efficacité énergétique.

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Néanmoins, ces pays ne sont toujours pas associés aux discussions. Mais comment les faire participer sans les contraindre et sans compromettre leur développement ? Le développement de ces pays devrait s’effectuer dans un contexte de hausse du prix de l’énergie, qui entraînera sans doute une augmentation de leur dette, isolera les populations les plus démunies, favorisera une dégradation de leur environnement local et accentuera la dépendance énergétique. Puisqu’ils n’ont pas le même niveau de développement, il serait intéressant qu’ils prennent des engagements différenciés sur le principe de l’Europe mais non contraignants. Il s’agit d’un groupe très hétérogène en terme de contribution et de vulnérabilité. Quenault (2006) distingue à cet égard trois sous groupes :

- les pays peu émetteurs, à faible revenu et vulnérables aux changements climatiques que nous ne pouvons pas contraindre à des engagements à court terme. Les petits états insulaires (AOSIS) et l’Afrique Subsaharienne entrent dans cette catégorie.

- les pays utilisant les énergies fossiles, au revenu moyen, mais qui éprouvent des difficultés à développer des alternatives. Nous pouvons envisager des engagements qui tiennent compte des spécificités nationales. C’est le cas par exemple de la Chine, de l’Inde et de l’Indonésie.

- les pays possédant un niveau élevé de revenu, qui peuvent prendre des engagements plus contraignants. Les membres de l’OPEP appartiennent à cette catégorie.

Pour Quenault (2006), il serait intéressant d’adapter le système d’échange des quotas en indexant ces derniers à la croissance observée. Il s’agirait alors de soumettre les pays en développement à des objectifs quantitatifs, sans les pénaliser en cas de non respect, mais en leur permettant justement de tirer des revenus s’ils vont au-delà des objectifs fixés. Cette démarche permettrait de répondre à leurs besoins de développement. Quenault propose la création d’une nouvelle Annexe au Protocole (sur le principe de l’Annexe I) qui regrouperait les pays en développement désireux de souscrire des engagements non contraignants et différenciés.

Indépendamment de tout accord international et avant la conférence de Bali en décembre 2007, les pays européens décident de préparer l’après 2012. Ils parviennent à un accord, le 9 mars 2007, qui porte sur trois objectifs : une réduction des GES jusqu’à 80 % en 2050, une croissance de l’efficacité énergétique de 20 % en 2020 et un objectif global de 20 % d’EnR dans la consommation électrique en 2020, nous y reviendrons plus loin. L’Europe montre ainsi l’exemple aux autres pays développés pour qu’ils s’engagent sur des objectifs plus ambitieux, particulièrement les Etats-Unis et certains pays émergents comme la Chine et l’Inde. Malgré sa bonne volonté, elle n’a pas réussi à soumettre les pays signataires de la CCNUCC à des objectifs contraignants de baisse des émissions lors de la conférence de Bali.

Les Etats-Unis ont également souhaité organiser une réunion pour préparer l’après Kyoto. Elle s’est aussi déroulée avant la rencontre de Bali, en septembre 2007 à Washington, avec quinze pays parmi

les plus gros pollueurs105. Les échanges ont porté sur les technologies qui pourraient permettre de diminuer les émissions, mais surtout sur les moyens d’accroître la compétitivité économique et l’indépendance énergétique (le stockage et la capture du CO2, l’efficacité énergétique, les biocarburants…). Aucun objectif contraignant de baisse des émissions n’a été discuté. L’orientation prise par les Etats-Unis pour agir sur les émissions et les consommations portent avant tout sur les technologies ; celle de l’Europe sur de nouveaux comportements à travers une politique d’économie et de développement des EnR. Dès lors, l’Europe et les Etats-Unis défendent deux positions distinctes : l’Europe agit sur la demande et elle est partisane d’objectifs contraignants de baisse des émissions, alors que les Etats-Unis agissent sur l’offre et sont fermement opposés à des objectifs de baisse des émissions.

Bien qu’elle se soit ouverte favorablement avec la ratification du Protocole par l’Australie, la conférence de Bali est décevante. Les pays signataires de la CCNUCC ont défini une feuille de route pour parvenir à un accord : une première négociation est prévue en avril 2008, une seconde en décembre 2008, pour aboutir à un nouveau traité devant débuter en janvier 2009. Des clarifications sur le Fonds d’adaptation, la création d’un nouveau mécanisme financier Forest Carbon Partership Facility et un accord sur le développement et le transfert de technologies ont été discutés. Bien que l’Europe aspire à plus d’ambition, à l’exemple de son accord du 9 mars 2007, aucun objectif n’a été adopté puisque chaque pays reste sur ses positions et défend ses intérêts. Les négociations à venir risquent d’être difficiles.