• Aucun résultat trouvé

Le bilan des négociations climatiques est jusqu’à présent mitigé, d’une part parce que les Etats-Unis n’ont pas ratifié le Protocole de Kyoto, d’autre part parce que les actions mises en place n’ont pas permis de réduire les émissions, enfin parce que l’après Kyoto n’est toujours pas défini.

C’est le 23 janvier 2007 que George W Bush a abordé pour la première fois le problème du changement climatique, lors de son discours sur l’état de l’Union. Il a présenté différentes mesures qui tendent vers l’indépendance énergétique du pays. Elles concernent tout particulièrement les transports. Son objectif est de diminuer de 20 % la consommation de carburants d’ici 2017 mais cet objectif n’est pas basé sur la consommation actuelle mais sur ce qu’elle devrait être en 2010. Pour y parvenir, le Président américain souhaite développer les carburants de substitution, accélérer la recherche sur les technologies plus performantes (moteurs, batteries…), mettre en place des normes

105 France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Japon, Chine, Canada, Inde, Brésil, Corée du Sud, Mexique, Russie, Australie, Indonésie, Afrique du Sud.

de consommation plus contraignantes. Il ne mise donc pas sur une politique pertinente d’économie d’énergie et de développement des EnR. Selon lui, «l’Amérique est à la veille de percées technologiques qui nous permettront de réduire notre dépendance au pétrole » (Bush G.W., discours sur l’état de l’Union, 23/01/07). En revanche, pour Radanne (2007), « l’invocation d’une technologie salvatrice comme unique moyen de nous libérer des contraintes apparaît largement suspecte : elle consiste à se défausser des décisions sociales, économiques et politiques vers la seule technologie »106. En fait, le gouvernement Bush est animé par les lobbies pétroliers qu’il subventionne largement. Bell (2007) assimile ces subventions à des « assiettes au beurre »107. Cependant, des Etats américains, des villes comme des entreprises, souhaitent agir et se mobilisent pour mettre en place des actions afin de diminuer les GES (Petit, 2002 ; Chevalier, 2007). Par exemple, l’« U.S. Climat Action Partnership » (USCAP), une alliance d’entreprises et d’ONG environnementales, recommande une réduction des émissions de 60 à 80 % d’ici 2050108. La ville de New York vise une baisse de 30 % des GES émis par l’agglomération d’ici 2030109 et l’état du New Jersey conduit un certain nombre d’actions110. Beaucoup d’acteurs américains désapprouvent donc la politique du Président Bush et appellent le nouveau gouvernement à faire du changement climatique une priorité nationale. Le Président Barack Obama (élu en janvier 2009) souhaite proposer des alternatives pertinentes et favoriser un passage rapide à l’action avant que le coût environnemental des changements climatiques soit insurmontable111.

En outre, les gouvernements engagés dans le Protocole de Kyoto ont mis en place des politiques plus ou moins incitatives pour maîtriser les consommations énergétiques et les GES et pour développer

106

p. 174

107

pp. 85-113

108 L’USCAP s’est constituée en 2006. Elle cherche à engager le gouvernement américain dans un plan d’action de réduction obligatoire des GES pour les secteurs les plus émetteurs et propose ainsi un plan d’action basé sur six principes (Laby in. Actu-environnement, 23/01/2007) :

multiplier l’information et la sensibilisation pour expliquer les changements climatiques

accorder une place d’importance aux technologies plus propres

favoriser l’efficacité environnementale et énergétique

« booster » l’économie grâce aux actions de baisse des GES

agir équitablement sur les différents secteurs

engager rapidement l’action

109 Elle a réalisé un inventaire de ses émissions en avril 2007 et elle a élaboré un plan. La mise en place de différentes mesures est avancée : consacrer 10 % du budget énergie aux actions d’efficacité énergétique et au développement des EnR ; accroître massivement les transports en commun, mettre en place des mesures incitatives pour les véhicules propres et instaurer un péage du centre ville ; créer une agence transversale dans le cadre de la planification… Toutes ces mesures s’inscrivent dans une démarche d’adaptation.

110 Inventaire des émissions, définition d’un objectif de baisse des GES, signature de conventions avec des acteurs privés et publics, mise en place d’une redevance sur la consommation d’électricité…

111

Les émissions américaines ont augmenté de 16 % entre 1990 et 2005 (bilan des émissions, avril 2007). La production d’énergie et les transports expliquent cette augmentation (appel plus important aux centrales à charbon et multiplication du nombre de véhicules).

les EnR. Pour Radanne (2005) en revanche, « Il faut se rendre à l’évidence : aucun pays industrialisé n’a engagé à ce jour une politique complète de lutte contre le changement climatique, qui lui permette à la fois d’atteindre ses objectifs de Kyoto pour 2010 et de se mettre sur une trajectoire favorable pour aborder avec des objectifs ambitieux la période suivante »112. Pour d’autres observateurs, « on ne peut que constater l'irresponsabilité collective à l'échelle de la planète, notamment en matière de consommation énergétique inégale d'un continent à l'autre, et de conséquences au niveau de la pollution atmosphérique. Et si le Protocole de Kyoto de 1997 a sans doute sensibilisé les opinions publiques sur l'effet de serre, il n'a pas véritablement induit des politiques publiques volontaristes, capables de transformer les habitudes et la géographie des consommations énergétiques » (Laby, in Actu-Environnement, juin 2006). Les résultats des conventions restent en effet assez faibles et les moyens mis en œuvres peu satisfaisants. Les émissions poursuivent leur croissance dans bon nombre de pays et les pays en développement ne sont toujours pas associés aux discussions. Les gouvernements ne semblent pas avoir pris réellement conscience des enjeux. L’Agence Européenne pour l’Environnement estime néanmoins que l’Europe atteindra ses objectifs de Kyoto. En s’appuyant sur les actions mises en œuvre par les Etats membres, elle envisage une baisse de 4 % des GES en 2010 par rapport à 1990. Les autres données sur lesquelles elle s’appuie pour considérer que les objectifs seront atteints restent très aléatoires. Elle envisage que les actions de boisement et de reboisement prévues pourraient permettre une réduction supplémentaire de 0.9 %, que les mécanismes de marché de Kyoto pourraient baisser à nouveau les émissions de 2.5 % et que d’autres mesures nationales en réflexion pourraient réduire encore les émissions de 3.9 %. Elle projette ainsi une réduction totale des émissions de 11.4 % en 2010 (au lieu des 8 % prévus). Mais ces données sont sans garantie puisqu’elles reposent sur des intentions nationales ; les résultats de cette analyse sont infondés.

Bien que le GIEC ait favorisé une prise de conscience internationale des changements climatiques d’origine anthropique, il faut attendre de longues années pour que les gouvernements assument leurs responsabilités à travers la réduction de leurs émissions de GES. En 1992, la CCNUCC à Rio de Janeiro est le premier accord signé à l’échelle internationale en faveur de la « protection » du climat. D’autres rencontres suivent dans la continuité : Istanbul en 1996, Kyoto en 1997, Johannesburg en 2002, Montréal en 2005, Nairobi en 2006, Bali en 2007. A l’occasion du Protocole de Kyoto, des engagements contraignants de baisse des émissions de GES sont pris par les pays industrialisés, mais ils ne sont pas assez ambitieux pour stabiliser le climat à 2°C. Les moyens mis en œuvre par ces pays restent peu satisfaisants compte tenu de l’augmentation de leurs émissions. Aujourd’hui, le bilan des

112

engagements pris par les pays est donc très mitigé. L’après Kyoto n’est pas encore préparé, les discussions n’ont toujours pas abouti et beaucoup d’arguments devraient être avancés par les gouvernements pour légitimer « l’attentisme ». Les nouveaux pays entrant dans le Protocole (la Chine ? l’Inde ?) demanderont des objectifs peu sévères pour ne pas compromettre leur croissance et être à égalité avec les pays engagés durant la première période. Les pays n’ayant pas atteint leurs objectifs demanderont de la clémence et mettront en avant qu’ils se sont engagés sur une réduction, même si elle n’est pas atteinte. Ceux qui ont atteint leurs objectifs mettront en avant leurs efforts et demanderont que les autres pays fassent de même. La situation est très complexe, les décisions à prendre le sont également. Il est vrai que « l’effort de chaque pays est conditionné par la qualité des engagements des autres » (Radanne, 2005)113 et que « l’efficacité de l’ensemble exige l’engagement de chacun » (Ibidem)114. Comment associer également les pays en développement ? Les discussions se trouvent enfin confrontées aux lobbies économiques et financiers et aux intérêts à court terme. Il est pourtant aujourd’hui temps d’agir au nom du double impératif : urgence et justice (Flipo, 2002). L’inaction face aux changements climatiques pourrait coûter très cher à l’économie mondiale. Si rien n’est fait, le coût d’adaptation est estimé entre 5 % et 20 % du PIB mondial chaque année (Rapport Stern). « Lutter énergiquement et dès à présent contre ce phénomène coûtera beaucoup moins cher que de ne rien faire, […] fermer les yeux sur le changement climatique viendra au contraire entraver la croissance économique » (Stern, octobre 2007 in British Embassy).

Les données scientifiques sont multiples et fiables mais elles ne donnent pas de réponse au problème des changements climatiques et les prévisions restent incertaines car liées à la complexité des phénomènes. L’Homme peine aussi à se projeter sur le long terme. « Nous devons agir face à un risque dont nous savons cerner les contours généraux sans être capable d’en prévoir de manière quantitative toutes les manifestations » (Le Treut, 2006)115. L’action est donc difficile à organiser. A quelle échelle agir ? Comment intervenir face à la complexité du phénomène ? Toutes ces incertitudes retardent l’action politique et le manque de planification à long terme limite les investissements dans les technologies propres (risque).

L’énergie et le climat entretiennent donc d’étroites relations, ils doivent être appréhendés simultanément. Nous avons déjà constaté une Europe avant gardiste quant aux propositions faites pour remédier à la crise climatique et énergétique. Nous allons, dès à présent, nous intéresser aux

113 p. 122 114 p. 227 115 p. 35

instruments communautaires mis en place en faveur de ces deux champs ainsi qu’au jeu d’acteurs établi à cette échelle.

2.2. L’engagement européen

Pendant longtemps, les économies d’énergie et les EnR n’ont pas été considérées comme des questions prioritaires et elles ont été, par conséquent, peu prises en compte par les décideurs européens. Les premières réflexions sur l’utilisation rationnelle de l’énergie et la nécessité de développer les EnR sont apparues timidement avec les chocs pétroliers. Par ailleurs, depuis quelques années, l’augmentation du prix des énergies fossiles oblige les décideurs à rechercher de nouvelles formes d’énergie. Pour répondre aux engagements internationaux et aux priorités qu’elle s’est fixée en Mars 2007, à savoir une baisse des émissions des pays industrialisés de 20 % à 30 % en 2020 et de 60 % à 80 % en 2050 par rapport à 1990 (Conseil Européen, 8 et 9 mars 2007, Conclusions de la Présidence, p.27), l’Europe dispose de différents moyens qui orientent et contrôlent l’action des Etats membres. D’une part, les programmes cadre définissent les grandes orientations et les subventions attribuées dans le cadre de ces programmes peuvent guider les choix nationaux. D’autre part, les directives contraignent les Etats membres à mettre en conformité leur législation avec celle de l’Europe. Enfin, les réglements ont une valeur de loi sur tout l’espace communautaire. La sécurité d’approvisionnement, la compétitivité économique et la maîtrise des risques environnementaux sont les trois principaux enjeux de la politique européenne de l’énergie. Ces objectifs figurent dans les livres verts et blancs publiés régulièrement par l’Union Européenne. En outre, de nombreuses réglementations apparaissent chaque année et certaines d’entre elles font indirectement référence à l’énergie. Force est de constater qu’il est aujourd’hui difficile d’appréhender la politique énergétique communautaire (bien que les objectifs de cette politique soient clairs et qu’un marché commun de l’énergie se mette en place depuis les années 1990). En effet, nous sommes en présence d’un problème de subsidiarité (politique énergétique non unifiée), d’une diversité et d’une variabilité des instruments mis en place.

Précisons également que les Etats membres se succèdent tous les six mois à la présidence de l’Europe : l’Autriche (janvier 2006), la Finlande (juillet 2006), l’Allemagne (début 2007), le Portugal (juillet 2007), la Slovénie (janvier 2008), la France (juillet 2008)… La sensibilité environnementale des pays permet une plus grande intégration de l’énergie dans la politique communautaire. Le ministre finlandais de l’environnement considérait, par exemple, comme nécessaire de « promouvoir l’éco-efficacité en tant que défi à l’échelle de la planète » (Ministre finlandais in Actu-Environnement, 17/07/06). La présidence allemande, début 2007, a permis une

avancée importante grâce à l’adoption d’un accord entre les pays membres qui s’articule autour d’un triple objectif en matière de lutte contre le changement climatique, de développement des EnR et d’efficacité énergétique.

Nous allons étudier l’évolution de la politique énergétique communautaire et les instruments mis en place. Par la suite, nous analyserons les politiques et les actions nationales, qui mettent en lumière l’intérêt des Etats membres pour les EnR et la maîtrise de l’énergie. Ce travail a pour objectif de contextualiser la démarche communautaire et d’appréhender le rôle de l’Europe dans l’engagement des Etats membres.

2.2.1. L’historique de la politique énergétique européenne

L’Europe ne dispose pas de gisements énergétiques. Elle développe aujourd’hui des systèmes efficaces pour optimiser ses ressources, elle souhaite accroître la coopération avec les pays en développement et propose une alliance mondiale contre le changement climatique. L’Europe pourrait ainsi devenir le leader mondial des technologies énergétiques et renouvelables. Elle a par conséquent, une carte à jouer sur la scène internationale par le biais de ses technologies. Des répercussions directes et indirectes considérables sont à prévoir (baisse des importations énergétiques, création d’emplois, économies énergétiques et financières, baisse des dommages causés à l’environnement et à la santé…). A partir de quelle époque la politique énergétique européenne a-t-elle été sensible aux questions énergétiques et climatiques ?