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Chapitre 5. Démonstration de l’emprise du néolibéralisme sur les étudiants universitaires rencontrés à

5.2 Les étudiants de Phnom Penh et l’amélioration du capital humain

5.3.1 L’anglais

Certainement, de toutes mes discussions avec les étudiants, le soft skill qui a émergé comme étant celui étant le plus recherché au Cambodge de nos jours est sans aucun doute la maîtrise de l’anglais. Dans un premier temps, il s’agit souvent d’un préalable à la réussite de plusieurs programmes universitaires parce qu’un bon nombre d’entre eux proposent un enseignement, en tout ou en partie, en langue anglaise. Pour plusieurs étudiants, les lectures, les travaux, et les informations complémentaires qu’ils recherchent sur internet demandent l’emploi de cette langue, ce pour quoi elle est de plus en plus incontournable pour la poursuite d’études universitaires à Phnom Penh. De plus, elle offre la possibilité d’un séjour d’étude à l’étranger, expérience qui semble être largement convoitée dans la population étudiante et qui contribue à améliorer l’employabilité de ceux qui y participent. Puisque ces séjours visent des universités où la langue d’enseignement est souvent l’anglais, les étudiants cambodgiens doivent faire preuve de leur bonne maîtrise de celle-ci afin d’obtenir la bourse d’études qui leur permettra de s’y rendre. Il s’agit d’une opportunité remarquable, et donc d’un incitatif important à bien maîtriser cette langue seconde qui contribue à confirmer le rôle qu’elle joue dans le contexte contemporain du pays.

Dans un deuxième temps, la maîtrise de l’anglais est une compétence qui est hautement valorisée sur le marché du travail lorsqu’on considère que plusieurs des meilleures offres d’emploi proviennent de compagnies ou organismes internationaux ou multinationaux au sein desquels l’anglais est, dans plusieurs cas, la langue utilisée. Pour les jeunes Cambodgiens, occuper un poste à Phnom Penh aux côtés d’étrangers est garant d’un bel avenir puisqu’ils peuvent alors espérer, en général, de meilleures conditions de travail. De plus, le domaine de l’éducation offre à ceux qui ont une très bonne maîtrise de l’anglais une foule d’emplois plutôt bien rémunérés auprès d’écoles, d’organismes ou de particuliers qui recherchent des tuteurs privés. Ces opportunités proviennent surtout des parents de la capitale qui tentent de donner un avantage à leurs enfants en investissant dans une éducation informelle de qualité le plus tôt possible pour qu’ils acquièrent ce soft skill tant convoité. Ensuite, il arrive même que

l’occupation d’un emploi non spécialisé dans le secteur des services et qui demande d’être en contact quotidien avec les touristes et les expatriés puisse rapidement permettre de gagner un salaire très attrayant, parfois même davantage que lorsqu’on choisit une carrière plus spécialisée dans un domaine dysfonctionnel comme c’est actuellement le cas de l’enseignement primaire ou secondaire par exemple.

Ces deux incitatifs à apprendre l’anglais, l’un en lien avec les études et l’autre avec le travail, expliquent certainement pourquoi 22 des 28 étudiants rencontrés l’étudient présentement ou l’ont étudié par le passé, avec 5 d’entre eux qui sont actuellement à la recherche d’un endroit où poursuivre leurs apprentissages, dont 2 pour qui se sera la première fois. L’importance de l’anglais est ici représentative du phénomène plus large où il s’agit d’une opportunité d’interagir avec le monde globalisé contemporain faisant partie du paysage économique du pays. À cet effet, on peut dire que ma venue et mes entretiens auprès des étudiants étaient un exemple du milieu dans lequel ils doivent évoluer et pour lequel ils doivent se préparer. J’étais un étranger qui les approchait pour discuter avec eux, et j’entendais le faire, autant que possible, en anglais. Dans mon cas, je n’avais aucun moyen d’améliorer leur situation financière ou celle de leur famille, mais plusieurs acteurs internationaux au Cambodge offrent cette opportunité et c’est celle-ci que les étudiants entendent bien saisir. Mes entretiens ont donc révélé avec clarté l’engagement des étudiants à apprendre l’anglais, mais aussi leur succès dans l’acquisition de cette compétence.

En effet, de tous les étudiants interrogés, près de la moitié ont pu mener leur entrevue entièrement en anglais. Ensuite, en ajoutant ceux qui ont utilisé le khmer à l’occasion, on obtient seulement le quart des étudiants qui n’ont pas vraiment été en mesure de s’exprimer en anglais lors de notre rencontre. Ceux qui devaient se retourner vers leur langue maternelle de temps à autre le faisaient généralement pour apporter des précisions, pour s’assurer d’être bien compris, pour discuter de sujets faisant référence à des notions très chargées culturellement se traduisant difficilement, ou encore pour s’exprimer sur des sujets plus sensibles pour lesquels ils avaient l’intention de rester clairs et concis. Considérant que la majorité était en cours d’apprentissage, on peut donc affirmer que leur maîtrise de l’anglais

continuera de s’améliorer et qu’au terme de leur parcours universitaire, l’acquisition de cette compétence aura été un franc succès.

Il est donc évident que l’anglais est un soft skill en forte demande et plusieurs consacrent beaucoup d’énergie afin qu’il contribue à l’amélioration de leur capital humain, dans le but ultime d’atteindre le meilleur emploi possible qui viendra avec une rémunération adéquate. D’ailleurs, en plus des observations que j’ai pu faire, un grand nombre d’étudiants ont explicitement souligné, durant les entretiens, l’importance d’apprendre l’anglais pour leurs études ou leur futur travail. Le système d’éducation, du moins après le high school, reflète bien cette préoccupation linguistique dans ses objectifs quant aux aptitudes qu’il désire offrir aux jeunes en voie d’être éduqués : « [t]eaching English therefore is seen as « teaching a life

skill that will be crucial for the future prosperity of this country » » (Igawa 2008 : 344 in

Hashim, Leong et Pich 2014 : 499). La maîtrise de l’anglais est perçue comme une contribution au développement économique et social du pays, ainsi qu’à la modernisation qui l’accompagnera (Hashim, Leong et Pich 2014 : 498-499).