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Chapitre 6. Obstacles et influences alternatives au néolibéralisme

6.1 Éducation supérieure et géographie

6.1.2 Grandir en milieu rural; trois défis principaux

Le premier défi suggère que les jeunes qui proviennent des provinces enregistrent un important retard dans l’apprentissage de l’anglais. Or, comme il a déjà été dit, l’anglais joue un rôle d’avant-plan pour la plupart des étudiants universitaires parce qu’elle est employée

dans plusieurs programmes et qu’elle fait multiplier les offres d’emplois à la sortie des études. Malheureusement, son importance est, encore aujourd’hui, peu reconnue en dehors de la capitale. Elle est pratiquement absente de la plupart des environnements ruraux et elle y est peu ou mal enseignée par des enseignants qui n’ont pas les compétences nécessaires. À l’opposé, la capitale offre l’avantage de grandir et de vivre dans un environnement bien supérieur pour quiconque espère maîtriser l’anglais avant son arrivée à l’université. Son enseignement est répandu et de bien meilleure qualité, les enseignants sont mieux outillés pour la transmettre à leurs élèves et Phnom Penh est un terrain où l’immersion et la pratique de cette langue sont rendues possibles, ce qui se retrouve à peu près nulle part ailleurs au pays. En arrivant à l’université, ceux qui ont peu d’expérience préalable avec l’anglais sont grandement désavantagés, et cette situation est davantage vécue par ceux qui migrent vers la capitale pour la poursuite de leurs études universitaires.

Le deuxième point cible le défi d’envergure posé aux jeunes qui doivent quitter la résidence familiale et migrer, parfois seul, vers la capitale. D’abord, se trouver de l’hébergement dans une ville qu’on connaît peu, voire pas du tout, est le premier défi qui doit être relevé. Si certains ont la chance de pouvoir envisager les résidences pour étudiants accessibles à ceux ayant obtenu une bourse gouvernementale, et que d’autres peuvent compter sur leur réseau familial, ceux qui n’ont pas cette chance doivent se débrouiller pour trouver un logement abordable qui n’est pas trop loin du campus. Ces derniers doivent souvent partager le coût du loyer avec des jeunes qui se trouvent dans la même situation qu’eux, souvent d’autres étudiants, mais parfois aussi des connaissances qui ont gagné la capitale pour y travailler. Ensuite, pour les jeunes qui ont passé toute leur vie très éloignés de la grande ville, la migration vers la capitale est accompagnée de son lot de craintes et de préjugés. Pour l’entourage de certains de ces étudiants, Phnom Penh est synonyme de danger et de criminalité. Ceux qui s’y aventurent courent le risque perpétuel de se faire corrompre, d’en arriver à rejeter les valeurs traditionnelles khmères qui constituent la base de toute l’éducation que leur communauté leur a partagée depuis qu’ils sont tout-petits. Ces risques envisagés pèsent beaucoup sur les jeunes qui rêvent d’acquérir une éducation universitaire, surtout dans le cas des filles qui, traditionnellement, doivent éviter à tout prix de se placer

dans une telle situation, seule et à l’écart du regard de leur famille. Cette séparation de la famille peut être vécue très difficilement puisque les migrants ont souvent la chance de retourner chez eux que deux ou trois fois par an alors que le noyau familial joue, jusqu’à ce moment, un rôle très important quant à leur éducation morale et au support sur lequel ils peuvent compter. L’importante distance qui les sépare ne manque alors pas d’inquiéter tous les partis.

Le dernier point est celui qui m’a été rapporté le plus souvent, soit par la moitié de ceux ayant participé à la conversation sur l’impact qu’à la géographie sur les étudiants. Ceux-ci reconnaissent que le principal défi auquel doivent faire face les jeunes des provinces est que le fardeau financier qu’ils représentent pour leurs familles est immense et qu’en plus, certains d’entre eux doivent occuper un emploi pour s'assurer d’avoir les moyens de terminer leurs études universitaires. D’abord, les frais liés au logement, à la nourriture, et au transport pour visiter la famille font partie de ceux dont les familles qui habitent Phnom Penh n’ont pas à se soucier. Ce point est d’ailleurs celui qui m’a été rapporté le plus souvent par les étudiants provenant de Phnom Penh, ce qui témoigne qu’il s’agit d’une problématique reconnue. Ensuite, il apparaît évident que la précarité économique touche davantage les ruraux du pays, et donc les familles qui habitent en dehors de la capitale. Nous verrons un peu plus tard quel est l’impact d’une situation économique précaire sur les étudiants et la poursuite de leurs études.

Pour conclure cette section, j’appelle à considérer que les inégalités géographiques dont il vient d’être question sont autant de défis qui affectent la performance des étudiants au cours de leur parcours universitaire, ce qui limite grandement leur capacité à améliorer leur capital humain et d’ainsi bénéficier pleinement de leur investissement éducatif. On a surtout reconnu que la géographie rend difficile l’accessibilité aux études universitaires pour les jeunes qui grandissent en milieu rural. La migration vers la capitale est un défi de taille, autant parce qu’elle effraie les jeunes et leurs parents que parce qu’elle engendre des coûts très élevés. Ensuite, leur éloignement fait en sorte qu’ils sont moins bien outillés pour choisir leur programme d’étude en fonction des opportunités qu’offre le Cambodge d’aujourd’hui et leur

piètre maîtrise de l’anglais s’avère prohibitive pour certains domaines qui ne s’enseignent tout simplement pas en langue khmère.