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Les étapes de collectes et d’analyse des données

22. L’analyse des données

221. Le choix de l’unité d’analyse

Avant d’expliquer les modalités d’opération de l’analyse heuristique et de définir les catégories, il convient de préciser la nature des unités d’analyse. Hlady-Rispal, (2002) identifie deux catégories d’unités d’analyse. Celle qui va proposer un découpage sémantique du discours en prenant comme matériau le mot, la ligne ou les ancrages spatiaux ou temporels. Mais dans le cadre de nos travaux, nous avons décidé de nous attacher à celle reposant sur l’unité de sens. Il a effectivement été pris le parti d’accorder davantage d’importance au contenu et au sens du discours des répondants qu’à la manière dont celui-ci est formulé. Concernant les entretiens, il convient de préciser que les répondants organisent leur argumentation de manière plus ou moins structurée. Il a donc été décidé de recomposer la construction des idées pour leur donner une

unité de sens et d’en faciliter l’analyse. Toutefois, la structuration des idées des répondants a été prise en compte dans le processus afin de dégager des centralités des éléments énoncés. Allard-Poesi (2003) évoque un passage de « l’unité naturelle » à « l’unité de sens » (p. 254). Ce découpage et cette réorganisation s’inscrivent dans la nécessité d’heuristique, c’est-à-dire de création de sens. Aussi, nous considérons que la recomposition des verbatim n’altère pas le contenu du sens et n’affecte donc pas la production de connaissances.

222. Le codage : un processus en deux niveaux

Pour l’ensemble des données, un codage a été réalisé avec le support du logiciel NVivo. Allard- Poesi (2003) définit le codage comme le processus consistant à « découper les données en unités d’analyse, à définir les catégories qui vont les accueillir puis à placer ces unités dans les catégories » (p. 246). Selon l’auteure, l’objectif de ce type de traitement est de faire apparaitre des catégories au sein du discours des répondants, car la seule lecture des données ne permet pas de faire émerger les éléments profonds qui expliquent le phénomène. La validité du processus de codage est soumise à deux exigences (Allard-Poesi, 2003). La première concerne la scientificité des codes. Elle repose sur la définition précise des unités d’analyse et des catégories. La seconde a trait à l’élaboration du sens, une heuristique qui repose sur la capacité du chercheur à prendre du recul et créer du lien entre les éléments observés.

Les discours et documents ont été analysés et des catégories ont été créées selon le thème central évoqué dans le fragment de matériau. Une catégorie est un ensemble regroupant plusieurs éléments, en l’occurrence des unités d’analyse ayant une signification proche, des caractéristiques formelles ou des propriétés similaires. L’objectif du regroupement par catégorie est de pouvoir analyser un corpus d’unités d’analyse répondant à ces critères de proximité et provenant de sources différentes. Les catégories ont été déterminées par l’identification d’idées ou de mots centraux dans les observations pour le premier niveau d’analyse et le recours à des concepts pour le niveau d’analyse théorique.

Le codage des données a donc été opéré à deux niveaux :

Un premier niveau de codage (codage ouvert) a permis la création de codes et catégories formulés à l’issue d’une lecture proche du texte et donc non théorique. Ce codage élémentaire permet de faire émerger les perceptions des répondants en interrogeant leur ressenti, leur façon de penser. Une attention a été portée à l’identification du discours particulier utilisé par les répondants. Durant cette phase, la connaissance du contexte permet d’éclairer la compréhension des processus et donc d’ajuster l’analyse. Ce premier niveau de codage nous a permis dans un

premier temps de mettre en évidence des thèmes présents dans la littérature et ceux qui en étaient absents. Dans un second temps, ces premiers codes ont permis d’apporter un éclairage au phénomène observé grâce au croisement avec le codage axial.

Ce codage, basé sur les corpus théoriques de l’alignement stratégique et de l’AMO, a permis de faire émerger les relations entre ces deux approches conceptuelles. Ce processus d’articulation a permis de produire une analyse globale de ce que Miles et Huberman (2003) nomment les « méta catégories » (p.117). Lors de cette étape, nous nous sommes attachés à identifier les récurrences, les causes et explications des comportements et interactions dans l’organisation. Le croisement de cette nouvelle grille théorique avec l’analyse du codage ouvert a permis de développer une grille d’analyse mixte (figure 3-1) et de mettre en perspective les causes de désalignement et leurs incidences sur l’AMO.

Figure 3-1 : Processus de codage et de production d’une grille d’analyse mixte

Source : auteur de la thèse

La catégorisation est un processus qui se construit selon le niveau d’inférence que le chercheur attribue aux unités d’analyse. En effet, la lecture du contexte dans lequel l’information est captée, mais également le cadre théorique et la question de recherche vont influencer le niveau d’analyse et donc la catégorisation. Selon Allard-Poesi (2003), l’étude des données peut s’opérer à des niveaux allant de la description à l’interprétation. Lorsqu’elles relevaient de plusieurs thèmes, les unités d’analyse ont été attribuées à la catégorie la plus proche sémantiquement de l’idée centrale évoquée.

Concernant la construction de notre grille catégorielle, nous nous sommes d’abord attachés à la création de sous-catégories pour ensuite former, de manière agrégative, des ensembles comportant plusieurs de ces sous-catégories en fonction de leur degré de congruence. Le processus de création de thèmes s’est caractérisé par plusieurs allers-retours entre ces derniers et les unités d’analyse. Il a pris fin lorsque les possibilités de création ou de modification de thèmes ont été rendues marginales, ce que Miles et Huberman (2003) définissent comme la « saturation de la production catégorielle » (p. 121). Afin de minimiser le risque de subjectivité en phase de codage, plusieurs sources de données ont été soumises à chercheurs différents pour analyse. Pour ne pas influencer leur démarche, peu d’informations sur le contexte de l’étude et sur le cadre théorique utilisé ont été données. Cet exercice a permis d’identifier des éléments qui pouvaient apparaitre centraux et ont donc participé à la création de nouvelles catégories du codage ouvert.

Par la suite, nous avons procédé à un réseau des thèmes pour identifier ceux qui occupaient une place centrale et pour établir des connexions entre eux.

223. Les procédés d’analyse de l’alignement stratégique

Cette recherche poursuit le principal objectif d’identifier et expliquer les désalignements des choix organisationnels et leur impact sur le PFRH. En ce sens, la mesure du niveau d’alignement constitue un enjeu fort du présent travail. Nous avons fait le choix de nous inspirer des travaux de Deltour et Mourrain (2017), mais aussi, et surtout, de la démarche de Bergeron et al. (2004) présentée dans l’état de l’art en chapitre 2. Dans le cadre de leur recherche, ces auteurs mesurent les dimensions des différents domaines stratégiques et les comparent deux à deux pour conclure si le niveau d’alignement est faible, modéré ou fort. Considérant l’alignement comme une forme de cohérence, ils identifient trois niveaux d’alignement :

- Un alignement fort lorsque les niveaux de développement des deux domaines sont semblables (faible-faible, moyen-moyen, fort-fort) ;

- Un alignement faible lorsque les niveaux de développement de deux domaines sont différents (faible-fort) ;

- Un alignement modéré lorsque les niveaux de développement des deux domaines sont proches (fort-moyen, moyen-faible).

Une fois ceci fait pour l’ensemble des couples de composantes, ils réalisent une méta-analyse des alignements obtenus au niveau de deux domaines. Ils concluent à un alignement

« conflictuel » si le nombre d’alignements forts est supérieur à celui des alignements faibles, et de « non conflictuel » dans le cas contraire.

Dans le cadre de la présente recherche, nous sommes basés sur les définitions génériques des domaines d’alignement stratégique proposées par Henderson et Venkatraman (1989). Ce choix est justifié par le caractère éminemment abductif de cette recherche et son objectif : faire émerger des éléments explicatifs de l’alignement stratégique. Trois domaines ont alors été étudiés :

- Le domaine stratégique composé des objectifs stratégiques du partage de la fonction RH : participation aux activités RH et participation à la prise de décisions RH ;

- Le domaine des infrastructures et processus de l’organisation composé des infrastructures organisationnelles, des processus de travail et des compétences et savoirs ;

- Le domaine des infrastructures et processus du SIRH composé de l’architecture SI, des processus de SI et des compétences SI.

Une fois les domaines définis, nous nous sommes intéressés à deux types d’alignement : un alignement vertical (fit stratégique) correspondant à la cohérence entre les objectifs stratégiques du PFRH et les infrastructures organisationnelles ; et un alignement horizontal (intégration fonctionnelle) correspondant à la cohérence entre les infrastructures (figure 3-2).

Figure 3-2 : Domaines et alignements explorés dans le cadre de la recherche

Source : auteur de la thèse

Pour opérationnaliser l’étude de l’alignement, les domaines stratégiques ont ensuite été décomposés en un total de huit composantes (tableau 3-3).

Tableau 3-3 : Composition des domaines stratégiques

Objectifs du partage de la FRH Participation aux activités RH

Participation à la prise de décisions RH

Infrastructures organisationnelles Infrastructures administratives Processus de travail Compétences et savoirs Infrastructures SIRH Architecture SI Processus SI Compétences SI

Source : auteur de la thèse

Par la suite, nous avons identifié l’ensemble des couples d’alignements possibles. Pour un domaine, chacune de ses composantes peut être couplée avec les composantes d’un autre domaine. Il en résulte que l’étude de l’alignement s’effectue sur la base de six couples de

composantes pour le fit stratégique et de neuf couples pour l’intégration fonctionnelle. Pour chacune des composantes, l’étude du matériau empirique a permis de déterminer le niveau de développement (fort, modéré, faible). Ces niveaux de développement ont ensuite constitué la base de l’étude de la cohérence entre les couples de composantes. La grille d’analyse utilisée pour mener à bien cette démarche est présentée dans le tableau 3-4 ci-après.

Tableau 3-4 : Grille d’analyse des alignements stratégiques

Fit stratégique Alignement

Vertical

Domaine interne Domaine externe Niveau de désalignement

Effets sur l’AMO

Infrastructures admin Participation aux activités RH Faible - Médian - Fort

Infrastructures admin Participation à la prise de décisions Faible - Médian - Fort

Processus de travail Participation aux activités RH Faible - Médian - Fort

Processus de travail Participation à la prise de décisions Faible - Médian - Fort

Compétences et savoirs Participation aux activités RH Faible - Médian - Fort

Compétences et savoirs Participation à la prise de décisions Faible - Médian - Fort

Intégration fonctionnelle

Alignement Horizontal

Domaine des SI Domaine de l’organisation Niveau de désalignement

Effets sur l’AMO

Architecture SI Infrastructures admin Faible - Médian - Fort

Architecture SI Processus de travail Faible - Médian - Fort

Architecture SI Compétences et savoirs Faible - Médian - Fort

Processus SI Infrastructures admin Faible - Médian - Fort

Processus SI Processus de travail Faible - Médian - Fort

Processus SI Compétences et savoirs Faible - Médian - Fort

Compétences SI Infrastructures admin Faible - Médian - Fort

Compétences SI Processus de travail Faible - Médian - Fort

Compétences SI Compétences et savoirs Faible - Médian - Fort

Source : auteur de la thèse

Pour chaque paire de composantes, l’analyse consiste à étudier la manière dont l’alignement ou le désalignement entre les éléments est lié à un effet observé sur l’AMO. Dans leurs travaux, Deltour et Mourrain (2017) proposent de s’intéresser aux composantes des domaines stratégiques et d’en évaluer leur niveau de maturité. Par la suite, ils comparent les niveaux de maturité des composantes prises deux à deux pour en donner une mesure d’alignement. Une valeur entre 1 et 5 est ainsi donnée à la force de cohérence des maturités (1 étant le niveau le plus faible et 5 le plus fort). Leur évaluation se base essentiellement sur une grille d’analyse

fondée sur leur état de l’art. Étant donnée la nature abductive de la recherche, nous avons privilégié une analyse des niveaux d’alignement à partir des effets observés. Les désalignements ont finalement été évalués selon les trois niveaux proposés par Bergeron et al. (2004) (fort, médian, faible). Contrairement à ces auteurs qui analysent les niveaux d’alignement, nous nous sommes particulièrement intéressés à la notion de « désalignement » étant donné le manque de cohérence des choix organisationnels émergeant des observations empiriques initiales.

Enfin, nous avons mobilisé la règle de décision de Bergeron et al. (2004) pour conclure sur l’état de l’alignement entre deux domaines stratégiques :

- Si le nombre de désalignements forts est supérieur, alors l’alignement est non conflictuel. Il s’agira d’une situation d’alignement des domaines stratégiques.

- Si le nombre de désalignements forts est inférieur, alors l’alignement est conflictuel. Il s’agira d’une situation de désalignement des domaines stratégiques.

Cette règle de décision a été utilisée pour caractériser les deux niveaux d’alignements étudiés. Il convient toutefois de souligner qu’au-delà de l’évaluation de ce niveau, la finalité principale de l’analyse est de proposer une recherche des explications des désalignements et alignements et de leurs conséquences sur l’AMO.

Par ailleurs, nous proposons une mesure du PFRH. Sur la base des définitions proposées par Trullen et al. (2016) et Khilji et Wang (2006), le succès de PFRH est accepté comme la capacité de l’organisation à mettre en place des pratiques conformes au projet qui a été défini initialement. Ainsi, la démarche abordée dans ce travail consiste à comparer les résultats obtenus en matière d’association des managers dans les activités RH et dans les prises de décisions RH et de voir si ces niveaux de participations sont cohérents avec les objectifs initiaux. L’analyse mise en place est alors tirée des travaux de Bergeron et al. (2004) qui consiste à caractériser un écart important de « fort », un écart moyen de « médian » et un écart peu important de « faible ».

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