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8. D ISCUSSION

8.2. L A FONCTION FORMATION COMME GESTION DE PROJET

Il est rassurant de constater que les informateurs affirment, tout comme dans le cadre théorique, que la formation concoure à la performance des organisations et qu’elle coïncide à des projets, tant professionnels que personnels. A ce titre, les images que véhicule la FPC auprès des informateurs relèvent effectivement d’un projet englobant développement, amélioration et transformation. Mais comme tout projet, la fonction formation se doit d’être pilotée. Or, aucun informateur n’a relié la formation et son pilotage aux pratiques courantes de gestion de projet. Par exemple, concernant les demandes de formation et les choix stratégiques de sélection, si les informateurs ont parlé de domaines prioritaires sans préciser comment ils ont été définis, le reste des indicateurs a semblé relever de caractéristiques très individuelles. Ainsi, la gestion des connaissances au sein des organisations, ne semble pas mobiliser les outils exposés dans le “Knowledge Management”. En effet, si la nécessité de cartographier les ressources humaines à disposition a été relevée, ces pratiques semblent encore loin d’être opérationnalisées de manière régulière. De plus, la répartition des budgets par secteur semble supplanter la

logique de domaines prioritaires. On pourrait également s’interroger sur l’usage d’outils classiques en gestion de projet comme le PESTEL qui relève d’une analyse stratégique en évaluant l’influence de facteurs macro-environnementaux sur l’organisation (politique ; économique ; sociale ; technologiques, environnemental ; légal), comme le “balanced scorecard” (tableau de bord prospectif) qui est « un outil de pilotage faisant le lien entre la stratégie et le suivi de son application » (Autissier et al., 2015, p. 34) qui aligne l’opérationnalisation, la vision et la stratégie de l’organisation à travers la coordination des différents pôles soit finances, processus, apprentissage et clients. La matrice des risques est également intéressante car elle « consiste à lister les principaux risques, à les qualifier en termes de probabilité, gravité et criticité pour envisager les actions de couverture qu’il faudra suivre tout au long du projet » (Autissier et al., 2015, p. 108) et à envisager les modalités de couverture à travers des actions dont potentiellement celui de la formation.

Ainsi, hormis la plateforme Formaeva, le logiciel Excel et un logiciel de gestion RH, les informateurs ne se sont pas exprimés sur les outils utilisés pour piloter la fonction formation et les projets y relatifs. La première hypothèse est que les organisations n’utilisent pas réellement d’outils de gestion mais fonctionnent davantage au “feeling” ce qui a notamment pour conséquence que la formation n’est pas toujours vue comme un levier réel de transformation et que ses ressources s’apparentent davantage à des coûts plutôt qu’à des investissements. D’ailleurs, si le cadre théorique a mis en exergue l’existence d’outils, ceux-ci sont majoritairement référencés dans des ouvrages de gestion économiques. Les sciences de l’éducation semblent donc moins traiter ces objets et cela se répercute peut-être sur les pratiques des responsables de la formation. Le risque encouru réside dans le fait que l’ingénierie de formation ne soit pas reconnue comme une réelle expertise. Deuxièmement, si les informateurs utilisent tout de même des outils, ceux-ci sont peut-être si spécifiques à leur organisation donc non transférables et non partagés. Troisièmement, la création de ces outils a peut-être demandé d’importants efforts de développement qui ne doivent pas être communiqués afin que les organisations puissent garder leur avantage concurrentiel.

Finalement, il aurait peut-être appartenu au chercheur d’inviter plus explicitement les interviewés à s’exprimer sur leurs outils.

Les indicateurs de suivi (monitoring) semblent un enjeu important pour les organisations qui peinent à les identifier. Pourtant, pour défendre la fonction formation et sa participation à la performance de l’organisation, il semble nécessaire, dans une approche qualité, de pouvoir rendre visible l’invisible. Rappelons par exemple les propos des informateurs qui concèdent qu’une partie des activités de formation n’est pas identifiée et que certaines demandes de collaborateurs ne sont pas recensées car invalidées oralement pas le manager direct. Une logique paradoxale semble exister puisque les demandes de

formation doivent être validées à travers une décision partagée. Cela invite à nouveau à s’interroger sur les responsabilisations, les processus et les indicateurs en vigueur. De plus, le suivi des indicateurs devrait permettre d’aboutir à de nouvelles actions. Or, les indicateurs transmis par les informateurs ne semblent là que pour témoigner de l’existence de la formation et des efforts consentis. Ainsi, les impacts sur les comportements et les transferts en situation de travail semblent laissé de côté. Les préoccupations autour de ces indicateurs semblent pourtant essentielles pour piloter stratégiquement la fonction formation car on ne pilote que ce que l’on mesure. Il est nécessaire de rappeler qu’il n’y a pas de juste ou faux, le principe résidant dans un choix en fonction d’un contexte et d’objectifs. En effet, la qualité ne fait pas l’objet de définition partagée car elle ne peut pas être définie a priori. S’agissant d’une création (matérielle ou immatérielle, production ou service), elle revêt plusieurs visages et possède une dimension subjective. En effet, elle dépend des acteurs qui se démultiplient et de leurs rapports de forces (social, politique, etc.).

Il y a donc une dimension de relation entre les acteurs et les objets créés. Qu’il s’agisse d’un produit ou d’un service, la qualité est composée de caractéristiques fonctionnelles et de conformité à livrer au meilleur coût et dans les meilleurs délais. Mais son évaluation est relative et contextuelle. Elle doit se mesurer à l’aide de modèle et/ou d’indicateurs car « la qualité, ce n’est pas la performance maximale, mais le respect de la performance spécifiée » (Cruchant, 1993, p. 16) comme « réponse ajustée et économique à un besoin donné » (ibid., p. 3). Ainsi, en lien avec la roue de Deming et le dernier niveau d’évaluation de Meignant (2014) présentés dans le cadre théorique, il semble essentiel d’appréhender la fonction comme un projet devant faire l’objet d’une démarche continue d’assurance qualité. Celle-ci est réalisée à travers l’accumulation d’évaluation visant principalement une amélioration. Il s’agit donc d’objectiver l’écart entre un résultat obtenu et un objectif visé (défini par des indicateurs) afin d’étayer de nouvelles actions. A cette fin, il est nécessaire d’utiliser des outils/indicateurs, qui sont variables car contextualisés. Ils doivent être des agents d’explicitation, d’appropriation, de dialogue, d’inclusion et de pérennisation. L’enjeu autour du transfert et des évaluations de formation semblent donc un problème épineux. Pourtant, dans une optique de projet, il est nécessaire de pouvoir attester de l’atteinte des objectifs. De plus, la formation a pour ambition de diminuer un écart entre une situation actuelle et une situation souhaitée. Il paraît nécessaire d’objectiver l’intérêt de la formation pour favoriser des dépenses à vocation d’investissements et non de coûts. C’est pourquoi, il est important d’encourager et d’accompagner les organisations à identifier les indicateurs qui fassent sens même si cela peut paraître une charge de travail non négligeable. Par ailleurs, comme en témoigne le cadre théorique, la théorie du capital humain est largement utilisée dans les domaines économiques. Or, les résultats ont mis en exergue que cette notion est peu connue par les informateurs. Pourtant, l’évaluation du capital humain et sa composition est

un élément fort en matière de pilotage et de gestion des compétences. L’hypothèse est que les RH et les responsables de formation sont encore peu familiers avec ces approches économiques et l’idée de mesurer un stock immatériel.

8.3. C

ONGRUENCE

,

CHOC ET UNITE DES FONCTIONS

RH

ET FORMATION