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8. D ISCUSSION

8.1. V ALEURS ET MANAGEMENT

La figure suivante synthétise l’ensemble des valeurs recensées sur les différents documents dans l’idée initiale des organisations (les valeurs ont été classées arbitrairement, dans un esprit thématique, pour faciliter la lecture). Un gap important est donc objectivé

entre les valeurs de l’organisation présentées par les informateurs et celles qui sont diffusées sur les supports.

Ainsi, non seulement elles sont bien plus nombreuses à l’origine, mais en plus certaines d’entre elles n’ont pas été transmises par les informateurs et d’autres ont été proposées par eux-mêmes.

Figure 31: Les valeurs diffusées par les organisations

L’hypothèse du décalage réside en trois points. Le premier est en lien avec ce qu’ont relevé certains informateurs, soit que les valeurs sont dépendantes des individus et du management qui leur est propre. La deuxième relève de la forte composante évolutive des contextes organisationnels qui engendre de fortes mutations et nécessite des adaptations rapides. Troisièmement, les modifications réalisées dans les pratiques tardent à être formalisées dans les documents. Or, comme dit l’adage, seuls les écrits restent.

Finalement, définir des valeurs n’a peu de sens si leur mise en pratique n’est pas accompagnée et portée au quotidien dans toutes les strates de l’organisation, y compris au niveau de la fonction formation. Dans ce sens, Delavallée (2005) rappelle qu’il faut

différencier les valeurs pratiquées (inscrites dans l’histoire de l’entreprise, transmises dans le temps, implicites et issues de la culture de l’entreprise et/ou des métiers), des valeurs déclarées (issues d’un discours d’une direction). L’enjeu réside dans le mélange de ces deux catégories de valeurs pour fédérer sans rupture, tout en s’intégrant dans la stratégie pour encourager de nouvelles perspectives. Il rappelle que « déterminer les valeurs d’une entreprise, c’est donc définir ce qui, de son point de vue, est bien ou mal, ce qu’on est autorisé à faire ou ne pas faire » (p. 87).

Par ailleurs, les valeurs influencent les comportements collectifs et individuels de manière informelle (à la différence des règles dont la prescription est formelle), elles fédèrent autour d’une culture commune, participent à la stabilisation du fonctionnement de l’organisation et aident à la coopération en permettant un ajustement des décisions en fonction de ce socle commun (Pesqueux, 2011). C’est pourquoi, l’on est en droit de s’interroger sur les stratégies managériales pour renforcer l’intégration et le rayonnement des valeurs au sein des organisations. En effet, selon Boyer (2016), les entreprises qui managent par les valeurs arrivent davantage à développer la collaboration, la cohésion, l’adhésion et la responsabilisation tout en donnant du sens aux actions et en orientant l’engagement. Elles devraient se différencier en valeurs exogènes (diffusées vers l’extérieur) utiles pour promouvoir l’entreprise et en valeurs endogènes (diffusées à l’interne) afin de constituer un socle identitaire, une culture d’entreprise. Elles doivent et peuvent être mobilisées dans tous les temps forts comme par exemple le recrutement, l’évaluation annuelle ou le lancement d’un nouveau projet. Ainsi, elles peuvent participer à l’alignement vision-mission-objectifs-stratégie-pratiques exposé dans le point du cadre théorique relatif au

“Knowledge Management”, élément important pour la performance de l’organisation et relevé par les informateurs. Ce constat sur l’alignement invite également à s’interroger sur la non-formalisation de la politique de formation relevée par les informateurs ainsi que sur les impacts qui pourraient en découler comme un sous-investissement en formation et/ou une non-concordance entre les actions et les objectifs visés.

Concernant les organigrammes, il semblait important de pouvoir en prendre connaissance afin de comprendre la structure des organisations. Or, la majorité des informateurs ont semblés surpris de l’intérêt du chercheur porté aux organigrammes et ces derniers ne semblent pas être un outil intéressant pour eux car peu représentatif et peu opérationnel. Cependant, la tendance semble tendre à l’épuration des lignes hiérarchiques. La première hypothèse réside à nouveau dans les changements rapides impactant les organisations. Ainsi, une représentation schématique allégée doit certainement s’adapter plus facilement aux modifications sans avoir besoin de revoir la formalisation de l’organigramme. La deuxième hypothèse tient compte des managements

orientés vers le participatif qui tend à responsabiliser tous les acteurs de l’organisation.

Cette responsabilité s’est d’ailleurs fortement exprimée dans les attentes des informateurs envers les collaborateurs en formation. Ainsi, le leadership ne relève pas uniquement des individus ayant une fonction de pilotage. Cependant, ce qui est plus surprenant, c’est que les attentes envers les apprenants relèvent davantage des comportements envers l’engagement en formation alors que les informateurs ont identifié de forts enjeux autour du partage des connaissances et du transfert, notions relevées également dans le cadre théorique et qui concernent tous les acteurs de l’organisation. Toujours en lien avec la notion managériale, il est intéressant de relever que le cadre théorique et les informateurs mettent en exergue le nécessaire pilotage de la fonction formation et l’enjeu stratégique qu’elle comporte. De plus, Delavallée (2005) relate que « manager, c’est transformer du travail en performance. Si on peut difficilement être performant sans travailler, on peut très bien travailler, même beaucoup, sans être performant » (p.83). Or, si la fonction formation semble bien participer à la performance de l’organisation, ni le cadre théorique, ni les informateurs n’ont explicité que le responsable de formation peut/doit être un manager à part entière.

Concernant, le management des organisations, le site internet d’une organisation précise qu’elle a recours au management de la qualité défendu par l’ “European Fondation for Quality Management” (EFQM). Ce modèle prône l’auto-évaluation et utilise des critères relatifs aux moyens utilisés par l’organisation (leadership ; politique et stratégie ; personnel ; partenariats et ressources ; procédés, produits et services) ainsi que des indicateurs ayant trait aux résultats atteints (clients, personnel, collectivité, organisation) dans l’optique de rendre visible des relations de cause à effet en questionnant la performance de l’organisation. Elle mobilise également des concepts tels que les capacités organisationnelles et la réussite par le talent des collaborateurs (AFNOR, 2016). L’EFQM utilise un cadre d’évaluation qui vise à établir les résultats visés, déployer et évaluer les mesures adoptées. Ce modèle semble très clairement en lien avec des notions mobilisées dans le cadre théorique (ex : stratégie, indicateurs, objectifs, mesures, etc.) et par les informateurs. Pourtant, le collaborateur travaillant dans cette organisation n’a pas spécifié l’adoption de ce modèle par son organisation. L’hypothèse première est que ces modèles managériaux sont encore peu portés au niveau de la formation et que l’interlocuteur a peut -être simplifié son discours à l’intention du chercheur malgré sa question relative au management exercé par l’organisation. Une autre hypothèse relève du fait que le modèle adopté n’est peut-être pas mobilisé par la fonction formation malgré les correspondances évidentes. Un autre informateur a expliqué que l’organisation à laquelle elle appartenait, pratique le management par objectifs (MPO). Né à la fin des années 50 et faisant suite au management par les règles qui visait à prescrire les comportements, le MPO est fondé sur

« deux convictions principales : tout manager […] doit avoir des objectifs clairement définis ; ces objectifs doivent découler des buts de l’entreprise » (Delavallée, 2005, p. 84).

Scascighini (s.d.) rajoute que le MPO « consiste à définir l’objectif final que l’on veut atteindre par son travail et à partir duquel le salarié et son responsable établissent un plan d’action pour l’atteindre » (p. 2). Pour l’informateur, ce qui importe, c’est la manière d’arriver aux résultats, en pérennisant les processus collaboratifs. Ainsi, les process, les objectifs et les indicateurs sont à nouveaux au centre des préoccupations. L’ensemble doit être évalué pour mesurer sa performance et réagir en conséquence.

Concernant la variété des indicateurs utilisés pour décrire les collaborateurs, on peut émettre plusieurs hypothèses. La première est que l’utilisation des indicateurs par les informateurs est en lien avec les spécificités contextuelles de leur organisation. La deuxième est que les informateurs n’intègrent pas forcément les caractéristiques des collaborateurs dans les pratiques de gestion de la fonction formation. Ainsi, ils sont moins monitorés et les liens paraissent moins évidents aux interviewés. Finalement, sachant que les informateurs se sont exprimés sans référence à des documents, on peut imaginer que soit les informations sont de l’ordre de la sensibilité individuelle, soit les informateurs utilisent des tableaux de bord mis à jour qui leur permettent d’être au clair avec ces données. Pourtant, les tableaux de bord n’ont pas été relevés par les informateurs.

Finalement, s’il est rassurant de constater que certains indicateurs sont identifiés et suivis par les informateurs, leur utilisation et leur finalité reste opaque. Cet élément sera développé dans le prochain point.