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6. C ADRE METHODOLOGIQUE

6.4. M ETHODES

La population cible est relative aux organisations sollicitées qui sont toutes issues du secteur tertiaire. Les personnes entretenues exercent des fonctions relatives au secteur des ressources humaines, de la formation et/ou sont directement rattachées à la Direction de l’organisation.

Selon Albarello (2012), « si l’approche qualitative ne vise pas la représentativité d’un échantillon comme cela sera le cas dans l’approche quantitative, il importe pourtant de choisir les individus à interroger de manière adéquate » (p. 92). L’important étant de diversifier les informateurs et de les sélectionner en fonction de spécificités. C’est pourquoi, le bassin de recrutement a été limité aux organisations présentent sur Genève et a fait l’objet d’une distribution sectorielle. Le chercheur, au bénéfice d’une formation initiale dans

Figure 24: Déroulement d'une recherche compréhensive

(Schurmans, 2009, p. 98)

le domaine de la santé et compte tenu de la pénurie en personnel de santé qualifié, a choisi de réaliser plusieurs entretiens au sein d’institutions de soins en respectant le secteur hospitalier public, le secteur clinique privé et les pratiques domiciliaires. Par ailleurs, considérant le tissu économique romand, les domaines de la finance et de l’horlogerie font également partie du bassin de recrutement. Finalement, il a semblé nécessaire de comparer les pratiques des organisations suisses avec une grande filiale étrangère, c’est pourquoi deux grands magasins de distribution ont été recrutés, l’un suisse et l’autre européen. Ce bassin de recrutement a permis également d’avoir des organisations de taille variée, publiques ou privées, avec ou sans centre de formation.

Les organisations participantes composent un échantillon de convenance dans le sens où les réseaux professionnel et privé du chercheur ont été sollicités afin de faciliter la participation des organisations. Cela ne pose pas de problème de validité puisque, selon Kaufmann (2016), le terme d’échantillon n’est pas vraiment adapté à l’approche qualitative car « il porte en lui-même l’idée de la représentativité et de la stabilité. Dans l’entretien compréhensif, plus que de constituer un échantillon, il s’agit plutôt de bien choisir ses informateurs » (p. 41). Ainsi :

L’erreur à éviter est la généralisation à partir d’un échantillon mal diversifié. … . L’important est simplement d’éviter un déséquilibre manifeste de l’échantillon et des oublis de grandes catégories. … . Il est tout à fait possible de produire des effets de loupe à partir du moment où les opinions ne sont pas traitées à plat.

… A condition : que celui qui parle soit toujours situé lors de l’analyse du matériau. Plus ce principe est respecté, plus la constitution de l’échantillon peut être effectuée avec souplesse. (Kaufmann, 2016, p. 40-41).

Le tableau suivant met en exergue non seulement la diversité de l’échantillon mais également le focus sur le domaine de la santé ainsi que certaines des caractéristiques des organisations. Les verbatims utilisés seront toujours identifiables4 mais il ne s’agira pas de procéder à une étude comparative en fonction des caractéristiques exposées dans le tableau. Il est à noter que toutes les organisations sollicitées ont accepté de participer à la recherche. Cinq d’entre elles ont accepté que leur identité soit dévoilée.

4 Après chaque verbatim, est renseigné le numéro de l’entretien, la page et les lignes correspondantes au dossier en annexe (partie B).

Santé Distribution Finance Horlogerie

Figure 25: Composition et caractéristiques de l'échantillon

6.4.2. RECOLTES DE DONNEES

En recherche, cohabitent différentes méthodes pour recueillir (ou produire) des informations. Selon Van Campenhoudt & Quivy (2011), il s’agit principalement du questionnaire, de l’entretien, de l’observation directe et des données documentaires qui sont mobilisés à l’étape numéro 5 des étapes de la recherche située dans le schéma ci-contre.

« L’enquête par questionnaire à perspective sociologique se distingue du simple sondage d’opinion par le fait qu’elle vise la vérification d’hypothèses théoriques et l’examen de corrélations que ces hypothèses suggèrent » (ibid., p. 167). Dans ce but, le chercheur réalise généralement un échantillon représentatif de la population. Au vu du nombre important de données à exploiter, « les répondants doivent obligatoirement choisir leurs réponses parmi celles qui leurs sont formellement proposées » (ibid., p.

167). Cette méthode est particulièrement intéressante

pour étudier un phénomène social à partir de caractéristiques d’une population et aboutir à des corrélations entre variables. Pour que les résultats soient fiables, le dispositif doit répondre à des conditions très strictes (ex : rigueur du choix de l’échantillon, formulation des questions, etc.).

Succinctement, les entretiens, « se distinguent par la mise en œuvre des processus fondamentaux de communication et d’interaction humaine […] [ainsi que] par un contact direct entre le chercheur et ses interlocuteurs et par une faible directivité de sa part » (ibid., p. 170). Le chercheur doit encourager la parole de l’informateur qui lui fait part de ses expériences et ses interprétations relatives aux thèmes abordés. Plusieurs formes d’entretiens existent : entretien centré, récit de vie, entretien semi-directif, etc. Ce dernier

« n’est ni entièrement ouvert, ni canalisé par un grand nombre de questions précises » (ibid., p. 171). Cet outil d’observation sera détaillé dans le point suivant. Cependant, il est important de relever dès maintenant que les entretiens, plus souples que les questionnaires, permettent :

L’analyse du sens que les acteurs donnent à leurs pratiques et aux évènements auxquels ils sont confrontés […] [ainsi que] l’analyse d’un problème précis : ses données, les points de vues en présence, ses enjeux, les systèmes de relations,

Figure 26: Les étapes de la démarche (Van Campenhoudt & Quivy, 2011, p. 16)

le fonctionnement d’une organisation, etc. (Van Campenhoudt & Quivy, 2011, p.

172)

Les observations « constituent les seules méthodes de recherche sociale qui captent les comportements au moment où ils se produisent sans l’intermédiaire d’un document ou d’un témoignage » (ibid., p. 174). Elles peuvent être directes ou indirectes, participantes ou non participantes. Cette méthode « convient particulièrement à l’analyse du non-verbal » (ibid., p. 176).

Les données documentaires font parties d’une véritable méthode de recherche qui est adaptée pour l’analyse de phénomènes macrosociaux. Dans cette recherche exploratoire, les données documentaires, disponibles sur les sites des organisations participantes ou fournies par les informateurs, seront considérées comme des ressources complémentaires mais ne constitueront pas la démarche méthodologique en tant que telle. C’est pourquoi, elles ont été mobilisées au moment de la discussion des résultats.

Concernant l’analyse, il est commun de différencier les analyses quantitatives et qualitatives. Cependant, « le principe de l’analyse est toujours de faire des liens (ou de montrer qu’il n’y en a pas), quels que soient les modalités et termes utilisés (ibid., p. 173).

Par ailleurs, en recherche sociale, dans une approche qualitative, « la méthode des entretiens est presque toujours associée à une méthode d’analyse de contenu » (ibid., p.

173).

Aucune méthode n’est supérieure à l’autre. L’important est d’opérer un choix méthodologique qui « dépend en fait des objectifs de la recherche, du modèle d’analyse et des caractéristiques du champ étudié » (ibid., p. 166). Les points suivants expliciteront pourquoi cette recherche exploratoire s’est réalisée à travers une approche compréhensive, de type qualitatif, à l’aide d’entretiens semi-structurés et complétés par des données documentaires qui sont analysées par une approche centrée sur les contenus.

6.4.3. L’ENTRETIEN DE RECHERCHE ET LENTRETIEN COMPREHENSIF

L’entretien de recherche a pour caractéristique principale de constituer « un fait de parole » (Blanchet & Gotman, 2015, p. 17). Il est produit à l’initiative du chercheur et grâce à un interviewé qui partage une information contenue dans sa biographie. Cette information contient une part de subjectivité puisqu’il s’agit d’un discours produit par un individu, « c’est une interprétation qui s’organise en relation étroite au social et qui devient … une vérité en acte » (ibid., p. 23). Ainsi, « l’activité d’enquête est variable d’un entretien à l’autre, en tant que rapport interpersonnel. C’est en effet l’interaction interviewer/interviewé qui va décider du déroulement de l’entretien » (ibid., p. 19). Cet instrument de recherche est particulièrement cohérent pour « l’exploration des faits dont la parole est le vecteur principal,

cette conversation par laquelle la société parle et se parle. Ces faits concernent les systèmes de représentations (pensées construites) et les pratiques sociales (faits expérimentés) » (ibid., p. 23). Ainsi, « ce qui intéresse le chercheur, c’est ce que cette personne pense en tant qu’acteur et comment elle se représente tel aspect de la vie sociale » (Albarello, 2012, p. 86). Pour se faire, le chercheur doit « favoriser la production d’un discours de l’interviewé sur un thème défini dans le cadre d’une recherche » (ibid.) afin de pouvoir « repérer les manières de voir les choses de la part des acteurs étudiés, c’est-à-dire de rechercher le “sens” » (ibid.).

Plusieurs types d’entretiens de recherche coexistent. Certains sont individuels et d’autres collectifs. Les premiers sont plus affranchis de la contrainte sociale ce qui favorise une parole plus libre. Les seconds bénéficient d’une dynamique interne très forte. Certains sont semi-directifs, d’autres pas dirigés du tout et certains relèvent davantage du récit de vie.

Dans le cadre de cette recherche, c’est l’entretien compréhensif individuel5 qui a été privilégié car :

Si l’entretien compréhensif peut être utilisé dans des cadres théoriques différents, certains sont cependant plus adaptés. C’est particulièrement le cas des courants s’articulant autour de la notion de construction sociale de la réalité, qui refusent la coupure entre objectif et subjectif, individu et société. … . L’individu peut être considéré comme un concentré du monde social : il a en lui, structuré de façon particulière, toute la société de son époque. C’est d’ailleurs ce qui explique le caractère extraordinairement contradictoire de la personne humaine. Nous sommes infiniment contradictoires parce que nous avons en nous, au moins potentiellement, toutes les contradictions de la société. Confronté à ce social hétéroclite incorporé, l’individu ne devient lui-même qu’en fabricant son identité, c’est à dire en tissant le fil qui donne un sens à sa vie. A chaque instant, il travaille à la totalité significative qui le regroupe sur lui-même, à l’unification de ses fragments épars. La représentation n’est donc pas un simple reflet, elle est un moment crucial dans le processus dialectique de construction de la réalité.

… Le subjectif ne s’oppose pas à l’objectif, au réel, il est un moment dans la construction de la réalité, le seul où l’individu ait une marge d’invention, moment marqué par la nécessité de la sélection et l’obsession de l’unité. (Kaufmann, 2016, pp. 59-60)

Selon ce même auteur, « la particularité de l’entretien compréhensif est d’utiliser les techniques d’enquête comme des instruments souples et évolutifs : la boîte à outils est

5 Sur demande d’une organisation, un des entretiens s’est réalisé avec deux informateurs de manière conjointe.

toujours ouverte et l’invention méthodologique est de rigueur » (ibid., p. 39) afin de pouvoir opérer la dialectique entre chercheur, terrain et théorie. De plus, il est important que le chercheur soit capable de se distancer de ces outils. En effet, « pour parvenir à s’introduire ainsi dans l’intimité affective et conceptuelle de son interlocuteur, l’enquêteur doit totalement oublier ses propres opinions et catégories de pensée. Ne penser qu’à une chose : il a un monde à découvrir, plein de richesses inconnues. Chaque univers personnel a ses richesses, qui ont immensément à nous apprendre » (ibid., p. 51).

En situation d’entretien, des enjeux d’influence peuvent s’opérer. Si le chercheur doit veiller à ne pas projeter sur l’informateur ses propres désirs, « gommer les influences est impossible ; elles peuvent tout au mieux être légèrement diminuées, mais avec pour effet secondaire de produire alors un matériau pauvre » (ibid., p. 65). De plus, le chercheur peut parfois ressentir un certain malaise, une sensation de ne pas avoir accès à la vérité.

Le décalage avec la vérité des faits objectifs est ailleurs que dans le mensonge.

Les gens nous racontent parfois des histoires, loin de la réalité, non parce qu’ils mentent à l’enquêteur, mais parce qu’ils se racontent eux-mêmes une histoire à laquelle ils croient sincèrement et qu’ils racontent à d’autres qu’à l’enquêteur, l’histoire qui donne sens à leur propre vie. Fable en réalité nécessaire, d’autant plus difficile à déconstruire qu’elle est vécue avec sincérité, et d’autant plus vécue avec sincérité qu’elle construit les cadres de l’action. Mais le chercheur ne doit pas se laisser tromper ; il doit se méfier des histoires qu’on lui raconte, surtout des trop belles, bâties comme de vrais contes de fées. (Kaufmann, 2016, p. 76)

6.4.4. TRAITEMENTS DES DONNEES

Le traitement des données est donc de type qualitatif et porte sur les contenus du discours (et non sur la forme du discours) ainsi que sur les ressources documentaires par une approche centrée sur les thématiques et par catégorisation. En effet, cette recherche n’a pas pour but d’isoler, d’individualiser, les organisations mais plutôt de répondre à la question de recherche dans le cadre des pratiques d’organisations du domaine tertiaire. Cette méthode permettra donc une « cohérence thématique inter-entretiens » (Blanchet & Gotman, 2015, p. 96).

Après avoir retranscrit l’ensemble des entretiens et écouté une nouvelle fois les entretiens pour affiner les retranscriptions, les passages significatifs ont été identifiés en regard des thématiques ciblées par la trame d’entretien mais également les thématiques éloquentes pour la question de recherche qui ont émergé à travers l’interaction avec les interviewés. A cette fin, quatre codes couleurs ont été utilisés qui correspondent aux quatre

grands domaines de la trame, à savoir : contexte organisationnel, politique de formation, dimensions de la formation et modalités de gestion des activités de formation. Ensuite, tous les verbatims sélectionnés ont fait l’objet d’une classification par thèmes. Ces thèmes sont majoritairement le reflet des questions de la trame mais certains ont également émergé à travers l’interaction permise par les entretiens. Ainsi, la grille d’analyse est devenue le reflet de la trame d’entretien. Parfois, une longue hésitation s’est opérée concernant la place la plus adéquate pour certains verbatims mais cette liberté de lecture fait partie de cette approche. Cela a engendré une seconde phase de classement qui a abouti à trois thématiques (contexte organisationnel ; fonction formation et gestion de ses activités ; dimensions économiques, investissements et stratégies) et à 21 sous-thématiques. Quoi qu’il en soit, « quand le chercheur trouve les clés de lecture et entre dans les logiques de production de sens, deux cibles de connaissance s’offrent à lui. Il peut s’intéresser soit aux faits objectifs qui sont visés par les propos, soit aux conditions de production de la vérité » (Kaufmann, 2016, p. 64). Cette recherche porte sur des pratiques, soit des perceptions opératoires. Ainsi :

Le décalage ne peut pas être très important, les déformations étant moins utiles que la modélisation, la simplification du réel qui fixe un cadre clair facilitant l’action. Il n’est pas certain que le modèle soit alors moins intéressant que les pratiques concrètes, même pour qui veut étudier ces dernières. Car de la même manière qu’il guide l’action des acteurs, c’est en effet lui qui permet de comprendre. (Kaufmann, 2016, p. 64)

La retranscription des entretiens et les tableaux de catégories avec l’ensemble des verbatims retenus sont disponibles dans le dossier annexe (partie B). La présentation des résultats est précisée dans le point suivant.