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4. C ADRE THEORIQUE

4.5. E NJEUX

4.5.1. G ESTION DES COMPETENCES

4.5.1.1. LA COMPETENCE DANS LES ORGANISATIONS

Il existe de nombreuses définitions et acceptions du terme compétence, en fonction des auteurs, des contextes d’application et des champs scientifiques privilégiés. Pour Wallerand (2007), « elle est toujours vue comme une capacité à mobiliser des connaissances ou des qualités devant être mises en œuvre pour résoudre les problèmes induits par la nécessité de produire et par la mission que se fixe l’entreprise. Les compétences sont toujours liées à une tâche, une activité ou un ensemble d’activités données. … Les compétences sont des connaissances en action » (p. 216). Pour Enlart & Jacquemet (2014), « la compétence permet d’agir / de résoudre des problèmes professionnels de manière satisfaisante dans un contexte particulier en mobilisant diverses capacités de manière intégrée » (p. 102) ou encore selon Meignant (2014), la compétence est « un savoir-faire opérationnel validable » (p. 31).

Ainsi, la connaissance est la ressource de la compétence et l’activité le mode de transfert qui permet à la compétence de s’exprimer. Il a été explicité, en amont, qu’il existe des compétences individuelles et collectives. Ces dernières sont étroitement liées à l’activité productive de l’organisation mais également aux compétences individuelles des différents acteurs. L’ensemble concourt à la performance de l’entreprise. Selon Wallerand (2007), il existe deux modes de gestion des compétences dans les organisations. Le premier est relatif au pilotage par l’organisation hiérarchique, établie en organigramme pyramidal et correspondante à des managements dits traditionnels. Le second est piloté par l’activité, le management est davantage transverse, plus aplati et basé sur les processus en lien avec les objectifs de production. Ainsi, la gestion des compétences est guidée par le modèle managérial adopté dans l’organisation. Comme toute approche, ces deux modes de pilotage possèdent des forces, des faiblesses et d’une certaine complémentarité. Dans tous les cas,

« il s’agit de répondre à deux questions de base : comment recueillir les connaissances utiles à un rôle et comment livrer cette connaissance en temps, lieu et qualité ? » (Wallerand, 2007, p. 225).

4.5.1.2. GENESE ET OBJECTIFS DE LA GESTION PREVISIONNELLE

La gestion prévisionnelle des compétences est apparue dans les années 60 (Aubret et al., 2005 ; Besser & Rodach, 2011). D’abord abordée sous un angle quantitatif, les années 70 abordent un virage sous l’angle de la gestion des carrières. Puis, dans les années 80, dans un contexte de crise économique et de mutation industrielle, est apparue la gestion prévisionnelle des emplois (GPE) et enfin la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).

Il s’agissait de développer des dispositifs permettant à l’entreprise de disposer de la main-d’œuvre nécessaire au moment voulu. Plus précisément, il s’agissait de définir quelles seraient les caractéristiques que la main-d’œuvre devrait posséder dans un horizon donné. … . Dans un tel schéma d’analyse, la notion de compétence s’est imposée comme le dénominateur commun qui permet de raisonner simultanément en termes de “ressources”, c’est-à-dire de compétences disponibles possédées par les salariés, et d’“emplois”, c’est à dire de compétences requises par l’organisation. (Aubret et al., 2005, p. 27)

Il s’agit donc d’analyser les ressources actuellement disponibles ainsi que les besoins actuels et futurs. D’identifier le gap et de procéder aux décisions permettant de le réduire.

Quelques-uns des outils d’analyse possibles en lien avec la GPE sont représentés dans le tableau ci-dessous. Cependant, il est à noter que cette approche n’est pas suffisamment globale et c’est en cela qu’elle a évolué vers la GPEC permettant davantage de lier compétences disponibles et compétences requises, dépassant ainsi la notion de poste et d’emploi. Il s’agit ainsi d’une approche ciblée sur les métiers et référentiels de compétences sur la base de l’évolution des activités, de bilan de compétences, de parcours d’apprentissage, etc.

Ressources humaines disponibles Besoins en ressources humaines

Outils d’analyse

Etudes de bassin d’emplois Pyramides des âges Evaluations

Entretiens

Enquêtes de climat Bilan social

Statuts Catégories Fiches de postes Descriptions d’emplois Organigrammes Filières professionnelles

Figure 17: Outils d'analyse en gestion prévisionnelle (Aubret et al., 2005, p. 87)

Or, identifier de manière prévisionnelle les besoins spécifiques s’avère très compliqué en lien avec les évolutions rapides déjà exposées. Par ailleurs, selon Rivard & Lauzier (2013) qui se réfèrent à Bouteiller, le capital compétence dont dispose une organisation est impacté par « la loi de l’obsolescence et l’inflation des compétences requises. L’influence concomitante de ces deux phénomènes fait en sorte que la valeur et la pertinence du capital compétence de l’entreprise diminue progressivement au fil du temps » (p. 8).

L’obsolescence est renforcée quand l’organisation ne prête pas garde à l’évolution technologique, à la non-utilisation d’un savoir qui risque donc de disparaître, à la perte liée au “turn-over”, même naturel, des individus, au vol (ex : brevets) et à l’absence de culture de partage. Quant à l’inflation, elle correspond à la complexification des emplois et aux attentes toujours plus exigeantes en matière de compétences. Les changements

organisationnels concourent à cette recherche de connaissances toujours plus importantes.

Cette dynamique est appelée “syndrome du crocodile” et est représentée schématiquement dans le schéma ci-dessous. « Plus l’écart entre le niveau d’exigence des emplois et la valeur du capital compétence de l’entreprise s’accroît au passage du temps … , plus l’organisation risque de perdre son avantage concurrentiel » (ibid., p. 11). D’ailleurs, selon Quoëx, (2016),

« les organisations les plus performantes sont celles qui ont mis en place un management par les compétences complet » (p. 8).

Figure 18: Syndrome du crocodile (Rivard & Lauzier, 2013, p. 11)

Dans les années 90, les organisations ont commencé à investir dans les compétences plus transverses, donc moins spécifiques à un emploi particulier. Ces compétences transverses « sont exigées dans de nombreuses situations de travail et ressortent plus d’un registre relationnel et comportemental que d’un domaine technique » (ibid.). En résumé :

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences a pour finalité de déterminer des objectifs à moyen et long terme de la gestion des ressources humaines, conformes à la politique générale de l’entreprise. Cette gestion prévisionnelle s’est dégagée de préoccupations surtout quantitatives de ses origines (gestion prévisionnelle des effectifs), pour aborder des sujets plus liés à la gestion des personnes, passant de la prévision de l’emploi à l’anticipation des compétences. (Aubret et al. 2005, p. 113)

Par ailleurs, dû à son caractère opératoire, la compétence s’appréhende de manière bien différente selon où l’on se situe dans l’organisation. Par exemple, il y a de fortes oppositions entre le domaine de la stratégie et de la GRH représentées dans le tableau suivant. D’un point de vue stratégique, l’organisation appréhende la notion de la compétence de manière globale et en lien avec ses objectifs de performance alors que la GRH adopte

une approche plus individuelle et en lien avec les emplois. Selon Aubret et al. (2005), l’articulation entre ces deux approches semble encore faible dans les pratiques au sein des organisations.

En résumé, la GPEC est la démarche qui incarne l’effort d’anticipation des entreprises pour adapter les emplois et les hommes aux contraintes d’un contexte de crise, de mutation ou de concurrence internationale exacerbée » (Dietrich & Pigeyre, 2016, p. 57). Vision partagée par Meignant (2014) qui rajoute que si l’on fait bon usage de la GPEC, elle permet de « concilier besoins de performance des entreprises, aspirations des salariés et sécurisation de l’emploi. En outre, la GPEC installe un nouvel état d’esprit de dialogue » (p.

45). Elle relève de chaque acteur de l’organisation, de la direction aux salariés, en passant par les DRH, les manageurs directs et les responsables de formation. Mais « ce qui fait la force d’une entreprise, c’est sa capacité à s’adapter à son environnement. … Ceci explique l’émergence de nouvelles fonctions dans l’entreprise, des fonctions d’experts qui sont justement ces spécialistes capables de suivre, d’analyser, de juger l’évolution des critères sur lesquels les décisions se prendront » (Enlart & Jacquemet, 2014, p. 82). Ainsi, la GPEC, rondement menée, soutient les stratégies de formation à mettre en œuvre qui vont être développées dans le point suivant. Tout comme la formation, la GPEC possède sa propre ingénierie qui repose sur le schéma de base suivant (Dietrich & Pigeyre, 2016) :

• Etat des lieux en termes de besoins actuels et de ressources disponibles à un instant “t”

• Projection des besoins futurs et des ressources futures en lien avec un horizon temporel (livrable)

• Diagnostic des écarts entre l’état des lieux et l’objectif visé

• Elaboration des politiques et des actions permettant de diminuer l’écart

Finalement, rappelons succinctement qu’en plus des problématiques de prévision qu’engendre le contexte économique, la gestion des ressources humaines est confrontée à une fracture démographique, à des problématiques de pénurie et de relève dans certaines professions ainsi que dans des domaines de compétences. De surcroît, elle doit désormais

Dimension GRH Stratégie

Niveau de référence Individuel Collectif Degré de formulation Explicite Tacite Conception de la compétence Stock Processus

Figure 19: Les oppositions conceptuelles de la compétence en stratégie et en GRH

(Aubret et al. 2005, p. 75)

fidéliser, intégrer et gérer les carrières, tout cela dans une optique d’équité et de non-discrimination en parallèle des profils variés de travailleurs et des contextes spécifiques des organisations. Pour relever ces défis de taille, la GRH a tout intérêt à investir dans la formation.

Points clés : La connaissance (habiletés, savoirs, savoir-faire, savoir-être, etc.) est la ressource de la compétence qui s’exprime en situation. Individuelle et/ou collective, la compétence est l’ingrédient essentiel de la performance d’une organisation. C’est pourquoi, il est nécessaire que sa gestion soit de qualité. La gestion prévisionnelle des compétences s’emploie à faire coïncider les compétences disponibles avec les compétences requises, maintenant et dans le futur. Cette mission est rendue ardue par le contexte organisationnel mouvant ainsi que par les lois de l’obsolescence et de l’inflation qui régissent le capital compétence.