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Introduction de la première partie

I. Le champ éducatif de la durabilité au niveau international et national

1. L’émergence de l’Éducation pour la Soutenabilité (ESD)

Le courant éducatif de la durabilité ou de la soutenabilité (Sauvé 1997) s’est développé progressivement à partir de la fin des années 1990 (Orellana, Fauteux 2000). Quelques mois après la première parution du rapport Brundtland, Notre Avenir à Tous, qui mettait sur le devant de la scène le développement durable, le congrès international sur l’éducation et la formation relatives à 1’environnement (Moscou, 17-21 août, 1987) recommandait la voie du développement durable pour l’ÉRE : « L’éducation relative à l’environnement doit se

rattacher à un développement durable, comme le préconise la Stratégie mondiale de conservation. » (UNESCO-PNUE 1987, p. 23). La Stratégie Mondiale de la Conservation, ouvrage collectif issu des réflexions communes de l’UICN26

, du PNUE et du WWF, paru en 1980, fut le premier document où le développement durable apparaît, défini comme :

« Un type de développement qui prévoit des améliorations réelles de la qualité de la vie des hommes et en même temps conserve la vitalité et la diversité de la Terre. Le but est un développement qui soit durable. À ce jour, cette notion paraît utopique, et pourtant elle est réalisable. De plus en plus nombreux sont ceux qui sont convaincus que c’est notre seule option rationnelle » (PNUE, UICN, WWF 1980)

En 1992, le programme d’action des Nations Unies pour le 21e

siècle, l’Action 21, plus connu en France sous le nom d’Agenda 21, avait pour but de donner corps au développement durable, de le rendre opérationnel. Son chapitre 36, dont le maître d’œuvre est l’UNESCO, concerne l’éducation, la formation et la sensibilisation, et préconise notamment de « réorienter l’éducation vers un développement durable » (CNUED 1992). Ceci se traduit par une double perspective. Premièrement, le niveau d’éducation est lui-même un facteur de développement durable : la qualité de l’éducation pour tous est donc à améliorer, pour, par exemple, réduire l’analphabétisme ou les inégalités hommes - femmes à l’accès « aux besoins d’instruction de base » (ibid.). Deuxièmement, le développement durable a pour vocation de rentrer dans tous les programmes d’enseignement pour « intégrer les questions relatives à l’environnement et au développement ainsi que leurs aspects et liens socioculturels et démographiques » (ibid.). Dans l’histoire de l’ESD27

relatée par l’UNESCO, ce choix est justifié par une nécessité :

« Dans les dix années qui ont suivi Stockholm, le monde s’est rendu compte que si l’on continuait de traiter les problèmes environnementaux indépendamment des enjeux du développement, tels que la pauvreté accablante dont souffrait une grande partie de l’humanité, on ne rendrait service ni à l’environnement ni à l’humanité. Au cours des années 1980, les Nations Unies se sont donc mises en quête d’une stratégie de plus vaste ampleur qui réponde à la fois aux besoins de la société et à ceux de l’environnement. » (UNESCO, 2005, p.30)

L’Agenda 21 est le texte à partir duquel s’est bâti l’ESD (Hopkins, Mc Keow 2002). La même année, au congrès mondial sur l’éducation et la communication en environnement et développement, ECO-ED de Toronto, Luis Albala-Bertrand propose une « refonte de l’éducation pour un développement durable ». L’ÉRE est appréhendée comme une éducation

26 Nous rappelons que l’ensemble des acronymes utilisés dans cette thèse est répertorié dans un glossaire (cf. page 507). 27 Nous utilisons ESD (Education for Sustainable Development soit Éducation pour la soutenabilité) pour désigner le courant

thématique, au même titre que les éducations relatives à la santé, aux droits de l’homme, à la paix, à la démocratie et aux questions internationales (Orellana, Fauteux 2000). Cibler l’éducation sur les objectifs du développement durable est un moyen d’unifier ces différentes approches « dans un système d’éducation générale cohérent » (Albala-Bertrand 1992, p. 7). En 1994, l’UNESCO lance, dans le cadre de son mandat pour appliquer le chapitre 36, l’initiative internationale « Educating for a Sustainable Future : Environment, Population and Sustainable Development » (EPD), traduit en français par « Éducation pour un Avenir Viable » (ÉAV) et d’où naîtra le Programme international sur l’éducation, la sensibilisation du public et la formation à la viabilité en 1996, juste après la fin du Programme International d’Education relative à l’Environnement (1975-1995) (UNESCO 2002). La Commission Intergouvernementale du Développement Durable (CIDD), en adoptant ce programme, charge l’UNESCO de « préciser la notion d’éducation pour le développement durable et les messages essentiels qu’elle vise à transmettre. » (Cité dans UNESCO 1997b).

En préparation de la conférence internationale de Thessalonique de 1997 sur l’environnement et la société : éducation et sensibilisation du public à la viabilité, un document stratégique trace les premières grandes lignes de l’ÉAV, comme un « premier effort pour articuler les messages fondamentaux de l’éducation pour un développement durable » (UNESCO, 1997a, p. 5). Le terme de viabilité y est employé comme synonyme de développement durable. La définition du rapport Brundtland – « un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs » - est donnée comme exemple parmi « toutes sortes de définitions et de descriptions du développement durable » (ibid., p. 15), tant il est vrai que « les experts eux-mêmes n’ont pas fini d’en débattre » (ibid., p. 8).

Ce caractère labile ne semble pas être un frein. Au contraire, comme « point d’équilibre » entre « des avertissements des défenseurs de l’environnement et des arguments des économistes en faveur du développement », il est reconnu qu’il sera « sujet à des déplacements constants. » (Ibid. p. 17). C’est donc sur un terrain mouvant, comme « une vision qui prend forme » (ibid.) que l’ÉAV se construit. Issu d’un « consensus international », le développement durable, comme « réponse de l’humanité à l’apparition d’un défi », « précepte éthique », « quête », « impératif moral », (ibid., p. 14, p.17, p. 19, p. 38) s’impose comme moteur d’un sens nouveau à l’éducation. La déclaration issue de la Conférence de Thessalonique entérine officiellement la viabilité comme objectif éducatif. Elle « embrasse les questions non seulement d’environnement, mais aussi de pauvreté, de population, de santé,

de sécurité alimentaire, de démocratie, de droits de l’être humain et de paix. » (UNESCO, 1997, § 10). L’ESD apparaît comme l’évolution de l’ÉRE, la transition étant marquée par le vocable d’éducation à l’environnement et à la viabilité, dont il est précisé clairement qu’elle constitue une possibilité d’usage sémantique (ibid., § 11). L’ÉAV doit toucher aussi bien l’éducation formelle, non formelle qu’informelle et doit s’inscrire dans les plans de l’Agenda 21 définis à l’échelle locale.

En 2002, le Sommet Mondial pour le Développement Durable (SMDD) de Johannesburg est à l’origine de la résolution onusienne proclamant la Décennie des Nations Unies pour l’Éducation en vue du Développement Durable (DEDD noté dans la suite du texte DESD28

) pour la période 2005-2014. L’ESD proprement dite succède ainsi à l’ÉAV, qui, pour le SMDD a fait l’objet d’un bilan « d’une décennie de travaux » dans un rapport de l’UNESCO :

« Il y a un vrai problème dans la manière dont ces programmes présentent l’environnement et le développement durable – qu’ils relèvent du secteur formel ou informel : on n’y souligne pas assez le rapport entre la santé humaine et la viabilité des écosystèmes ; étudiants et membres de la communauté sont rarement invités à réfléchir aux conséquences de leurs activités, de celles de leurs familles et de l’ensemble de la société sur le fonctionnement des écosystèmes. L’éducation formelle scinde généralement l’enseignement relatif à la société, à l’économie et à l’environnement en disciplines distinctes, au mépris d’apprentissage des formes de compétences pratiques liées à la viabilité. C’est pourquoi l’Action 21 a demandé que l’éducation soit réorientée dans une nouvelle direction. » (UNESCO, 2002, p.3)

Dans ce rapport est recommandé une « façon nouvelle d’envisager l’éducation », une « éducation innovante », c’est-à-dire « un programme d’étude réorienté vers le développement durable » (UNESCO, 2002, p. 20-21). Le plan international de mise en œuvre de la DESD la définit comme une « éducation au service de la durabilité » (UNESCO 2005a, p. 32) qui doit répondre à des impératifs de thématiques : « Tous les programmes de développement durable, y compris l’ÉDD, doivent prendre en compte les trois sphères de la durabilité : l’environnement, la société (y compris la culture) et l’économie. » (Ibid.). Dans cette optique, il est recommandé de porter un regard différent sur l’existant de manière à l’intégrer dans le paradigme tripartite : « la DESD consiste en partie à intégrer et coordonner les activités issues de ces diverses initiatives en cours dans les trois sphères du développement durable, ainsi que les quatre orientations dans le plan global de l’ÉDD » (ibid., p. 19). À travers ces axes prioritaires – promouvoir l’éducation de base, réorienter et réviser les programmes d’enseignement, informer et sensibiliser le public, dispenser une

28 DESD pour UN Decade of Education for Sustainable Development : nous respectons ainsi la dénomination ESD pour le

formation pratique (UNESCO 2005b) – se dessine de nouveau une double visée : le développement durable comme moyen, c’est-à-dire comme thème d’information et d’éducation, et comme objectif, l’éducation et la formation étant des outils pour un développement durable.

En 2009, la conférence mondiale de l’UNESCO sur l’éducation pour le développement durable : s’engager dans la seconde moitié de la décennie, réunie à Bonn, aboutit à une déclaration qui réaffirme les engagements précédents en terme de valeurs à éduquer et de vision de l’éducation. Elle annonce de nouveau « soutenir l’intégration des questions de développement durable en utilisant une approche structurelle et systémique dans l’éducation formelle, non formelle et informelle à tous les niveaux. » (UNESCO, 2009, § 15 f). C’est au Japon, en 2014, que la décennie sera clôturée. Elle sera l’occasion de faire le point sur l’intégration des recommandations internationales dans les différents pays engagés, qui n’ont pas tous répondu de façon homogène à l’injonction onusienne.

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