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Chapitre 2 : Aventures ou écritures burlesques ?

II. Ecrire le burlesque

3. Jeux de mots

. En effet, le recours à un mot technique montre ici une image critique et insolite du héros assimilé à un animal. Tantôt, il dénigre le personnage politique, tantôt, il accorde un grade militaire à un élément naturel :

Ces Geans que le Diable emporte Avec leur Corporal Typhon (Ov. 41)

Dassoucy affectionne le vocabulaire militaire – martial, tonitruant, imposant – et le détourne pour ridiculiser la prétention et pour rabaisser le prétendu divin : ainsi Io est assimilée à un navire en mouvement :

Elle se vire, elle se veautre,

Luy montre la proue et la peautre (Ov, 124)

L’écriture burlesque de Dassoucy est aussi caractérisée par sa tonalité comique. Par exemple:

J’ay beau leur crier “hole, hole,

Tay, briffaut, mirant, carmagnole !” … (Ov, 42)

L’emploi de ces termes rares est motivé par le désir de se distinguer en choisissant une terminologie méconnue par les autres auteurs de son temps. D’ailleurs Dassoucy va plus loin en faisant appel à d’autres langues de telle façon que le texte dégage une certaine hybridité langagière, comme nous le verrons dans la section suivante.

Les mots empruntés au latin, à l’allemand, à l’espagnol, à l’italien, aux dialectes ainsi que les mots archaïques, les mots pittoresques et les néologismes foisonnent. Dans les Aventures aussi bien que dans l'Ovide en belle humeur, nous découvrons plusieurs occurrences de termes étrangers insérés dans le texte français. Parfois, c’est la rime qui entraîne l’auteur à se réfugier dans une autre langue. Il s’agit par exemple du nom du savant père Denis Pétau :

Beaux jeux …

Que celuy qui Pithon tua… Fit appeler les jeux Pitiques, Pitique nommez à Pitho,

Comme dit le Pere Peto (Ov, 87-88)

Autrement dit, le père Pétau nous signale que les jeux « pithiques » sont nommés d’après Pitho, qui aurait tué un Python. L’auteur met ainsi comiquement son érudition –

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en l’occurrence l’étymologie de « Pitho » – au service de sa poésie. Dans cet autre exemple, l’écart entre les mots bas et les noms latins est aussi drôle:

… Lâcher écluses et fontaines Et tourner tous les robinets D’Aquarius et de Pisces. (Ov, 65)

Tout lecteur comprendra l’effet produit par l’assimilation des « robinets » aux signes du Zodiaque. La contradiction entre le style et le contexte se trouve plus marquante dans ce vers, où Dassoucy critique son temps et sa société :

A donc Argus, vacher argut (Ov, 128)

En effet, le dieu du fleuve Inachos est ici assimilé à un simple gardien de vaches. Cette image représente une critique sociale des plus marquantes de la duperie du peuple. A ce foisonnement de styles s’ajoute un autre type de diversité. Au début de ses Aventures burlesques, Dassoucy rappelle qu’à sept ans il parlait plusieurs langues ; et son œuvre témoigne de ses compétences langagières. Pour désigner des personnes importantes, il a recours à l’allemand :

Le bourgmestre du destin (R.P. 29)

C’est ainsi qu’il présente un notaire, mais il emploie l’anglais pour évoquer un titre de noblesse :

Faire…

Un milor d’un homme de paille (P. 129) 82

Dassoucy pense à l’incident vécu en Italie, quand Pierrotin était ivre en donnant un spectacle à la cour. Pour se faire pardonner par la reine, il compose des vers contenant Nous notons aussi le recours à la langue espagnole :

Et sur sa tête de gavache, Posa trois plumes de Héron , Pour faire crier au Larron. (Ov. 27)

Pour caractériser son personnage de lâche, il insiste sur sa couardise en recourant à une autre langue que le français.

Dassoucy se plaît à déployer ses talents linguistiques en parlant aussi italien lors de son passage en Italie – et en particulier dans l’agréable compagnie du duc de Savoie :

…Allant à l’aise et sans affanno Car qui va pianno va sano.

Pianno allez donc désormais (AI, 282, éd. Colombey/ 386, éd. Bertrand)

82 Pour toute référence aux Poésies de Dassoucy, nous utilisons l’abréviation P. suivie par le numéro de

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des termes en italien, sans aucune peine ou difficulté, « sans affamo », en l’occurrence. La bienveillance de la Cour italienne, malgré l’échec de Dassoucy, amène ce dernier à regretter son départ, qu’il pleure comiquement en italien :

Adieu la pinte, adieu le pot,

Adieu Salame et Mortatelle ! (AMD, 190, éd. Colombey/ 292, éd. Bertrand )

La nourriture constitue un élément fondateur dans l’imaginaire de tout auteur du burlesque, puisqu’il emploie des termes présentant les traditions culinaires italiennes qui lui sont très chères. Ce mélange est couronné par cette expression :

Et quand je voulus répliquer, il me dit que je ne fis que francimendeyar (AMD,171, éd. Colombey)

En effet, lors de son arrivée à Marseille, Dassoucy veut discuter du montant de la note avec un restaurateur qui n'a pas pitié de l’état du voyageur et qui refuse de lui prêter oreille. Ainsi, le tableau que peint Dassoucy est une représentation réaliste de la société du XVIIe siècle, surprenante par l'emploi de termes archaïques.

A l’époque de Scarron, de Sorel et de Dassoucy, l’archaïsme est attribué aux mauvais poètes. Cependant, l’un des aspects du réalisme dans le burlesque est de puiser dans les ressources de la langue ancienne pratiquée par le peuple – commerçants et paysans – dans différentes circonstances de la vie quotidienne:

On y crioit : « à ma belle herbe ! » « Bon Ipocras ! » et « vin nouveau ! »

Et non jamais : « qui veut de l’Eau ? ». (J.P. 9)

L’expression « à ma belle herbe » rappelle les marchands de légumes et la vie du peuple à l’époque. Ainsi certains mots vieillis illustrent le choix de Dassoucy d’intégrer dans ses textes des éléments lui permettant de défier les auteurs de son temps. Se mêlent alors les noms, les adjectifs, les verbes et les adverbes pour faire de notre corpus une mosaïque verbale. L’énumération de ces termes viendra confirmer nos propos. Une lecture « burlesque » de l’Ovide, nous permet de citer par exemple le mot « vitupere » (Ov, 95), ensuite l’adjectif « caut » (Ov, 136) pour décrire un personnage rusé, le verbe « se musser » (Ov, 134) afin de qualifier quelqu’un qui se dissimule. L’impact de l’emploi des mots anciens est important puisqu’ils créent un effet de surprise chez le lecteur non habitué à de tels emplois à l’époque du baroque et de la préciosité.

Dassoucy n’est pas le seul à revendiquer le retour aux sources de la langue, le terme « ost », signifiant « une armée » en termes modernes, est à noter aussi chez Scarron et Robin. Scarron dit :

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… Sur quoi les deux osts se mêlèrent. 83

Et d’Angleterre et de Holande…

Robin, quant à lui, affirme :

Les deux belliqueux osts flotants

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Enfin Dassoucy

Voyant tout l’ost presque endormi (Ov, 136)

D’après ces occurrences du mot « ost », nous pouvons comprendre que l’emploi des mots anciens est à considérer comme l’une des caractéristiques de l’écriture burlesque. Concernant les adjectifs anciens, nous citons « gent » signifiant « gentil » selon Furetière. Ces adjectifs sont au service de Dassoucy, qui loue les gens comme il les dénigre, et qui dit pour exprimer son estime :

Et son corps gent, plus droit qu’un jonc, Alors ne fut qu’un pauvre tronc. (Ov, 32)

Et afin de décrire la méchanceté, il emploie un adjectif qui s’oppose au précédent, il s’agit de « cil », représentant quelque chose dénuée de toute valeur :

A quoy cil, qui Rocs met en poudre Ne répondit qu’à coup de foudre. (Ov, 32)

Pour dénigrer les Allemands, Dassoucy recourt à l’adverbe « Ore »85

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Scarron, Le Virgile travesti, p.456 ( wikisource)

84 Robin. , 4-VI-1666, V82-83.

85 « Ore » est un adverbe qui signifie « maintenant », on peut aussi dire « ores » : Combien de fois,

doulcement irrité, Suis-je ore mort, ore ressuscité (Ronsard) d’après Barré 1848.

qui introduit la nouvelle image que le poète leur donne :

… ces Messieurs les Allemans

Qu’ore on nomme les Elemens. (Ov., 5)

Parmi les adverbes, « moult » met l’accent sur la violence lors de cette bataille représentée dans l’Ovide en belle humeur :

C’estoit chose moult effroyable De voir les flâmes et les dards

Qui se lançoient de toutes parts. (Ov. 87)

La fréquence des expressions archaïques concerne aussi les adverbes de négation, dont l’emploi vient ajouter au texte une tonalité comique, surtout lorsque ces derniers se présentent dans les vers au service de la rime :

…Qu’elle a beau coucher au serain, Qu’elle ne se tourmente grain.

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Furetière avance que « grain » sert quelquefois de négative pour dire point. Les exemples se multiplient et font de Dassoucy un collectionneur de termes anciens, dont l’un des plus frappants est :

Jaçoit qu’après maintes carrières Finalement Monsieur Phebus Luy fit chanter… (Ov, 87)

D’après Furetière, « Jaçoit que » signifie « bien que « et ne s'emploie qu’au Palais [de justice] ». Ainsi, Dassoucy accorde beaucoup d’importance aux anciens dans son burlesque, à l’époque gréco-latine tout comme à la Renaissance.

Il puise aussi aux ressources de l’exotique :

Là le chaud, puissant Margajat

Chassoit le froid, pauvre Goujat. (Ov, 6)

L’emploi du prénom Margajat n’a pour objectif que de montrer les prouesses langagières de l’auteur, comme aussi cet exemple, où l’auteur se plaît à décorer le texte en écrivant en toutes lettres une lettre de l’alphabet :

« Un très beau Mont fait en Ygrec

Dit Parnassus au double bec. » (Ov, 7)

Les occasions où l’auteur confère au texte une dimension comique sont nombreuses: il amplifie par exemple sa relation avec les armes en se demandant : « Est-il quelque maistre en fait d’armes qui ait jamais si bien joüé de l’espadon que je joüe de l’épée à deux jambes ? » (AMD, 124) Le comique est étayé par le sens grivois régnant dans ce qui précède et permettant Dassoucy de conférer au texte une cachet pittoresque:

Du point de vue où nous nous plaçons, il importe surtout de souligner le goût de nos rimeurs pour les expressions inattendues, les tours frappants, et souvent pour les emplois insolites des mots, les transpositions, fréquemment forcées, et les brusques changements de registre.86

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Francis Bar, op. cit., p. 262.

L’accumulation de tous ces procédés est remarquable chez Dassoucy : il se surpasse dans la redondance d'expressions fantaisistes, qui constitue pour lui un véritable objectif esthétique. On dirait que l’auteur cherche à tout moment à attirer l’attention de son lecteur. Il s’agit parfois même d’emprunts capables de surprendre les lecteurs, puisque le poète burlesque puise dans l’héritage linguistique de l’ancien français et comme l’on vient de souligner dans les langues étrangères.

Dassoucy procède de la même façon dans son Jugement de Pâris :

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Mirlaridon, laridondenne,

Ausquels chants alloient respondans. Mille echos alloeint respondans. Mille echos mirlaridondans. (J.P, 26)

Sont alors manifestes de nombreux assemblages d’idées dans l’œuvre de Dassoucy, qui font de lui un héros du verbe: l’empereur du burlesque recourt à toute technique capable de le distinguer de ses contemporains. Nous notons à titre d’exemple le recours à la dérivation impropre, ainsi qu’aux diminutifs forgés. Pour le premier cas, nous citons ces vers extraits de l’Ovide en belle humeur, où Dassoucy prend un nom pour un adjectif :

A peine d’un son glapissant Eut-il sonné « farlarirette » Qui veut dire en langue Trompette, Nobles seigneurs, retirez-vous. (Ov, 77-78)

Cet emploi aurait peut-être servi à représenter la langue utilisée par les personnages décrits. Les diminutifs sont aussi à repérer dans les Aventures de Dassoucy, où il dorlote son gigot comme suit :

Gigot, que tu me sembles beau. Pour toy, mon gentil gigoteau,

J’irois jusqu’en Paflagonie (AMD. 55, 158)

L’emploi d’un diminutif est susceptible de suggérer l’attachement émotionnel de l’auteur à la viande étant donné qu’il a souffert de la faim durant son enfance – mais avec la distanciation du comique. L’invention du terme « gigoteau » est sans doute capable de modifier le sens du terme initial en y ajoutant une part de subjectivité comique. Le procédé est aussi utilisé pour parler de sa muse :

Aussi, croyez que ma Musette

S’acquittera de son devoir. (PMD., 449/549)

Dassoucy représente sa Muse comme petite à travers ce diminutif qu’il lui accorde. Certes, il ne le fait pas par modestie, puisque son objectif essentiel est de dépasser Scarron et Bachaumont. Mais il prend ses distances par rapport à cette ambition prétentieuse et ridiculise l'idée d'une inspiration à l'ancienne.

Le diminutif, chez Dassoucy, sert souvent à dénigrer quelques personnages, comme le dévoilent bien les vers suivants :

Io, la Mere aux Jupineaux (Ov. 139)

Dominique Bertrand met en valeur cette écriture hybride en rappelant « les analyses de J.L. Austin sur le performatif et de Pierre Bourdieu sur la production symbolique du pouvoir […]. Il n’est cependant pas question de superposer la mise en fiction burlesque

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des langages de Dassoucy avec une anticipation théorique anachronique de ces enjeux sociolinguistiques.»87

4 . Syntaxe fantaisiste

Ce qui est intéressant est que la réflexion sur l’entremêlement de langues étrangères, anciennes et modernes, débouche sur l'analyse des intentions de Dassoucy. En effet, ce dernier offre à ses lecteurs une correspondance anticonformiste entre l’axe paradigmatique d’un côté et l’axe syntagmatique de l’autre côté.

Les traces de l’écriture burlesque se retrouvent dans toute l’œuvre de Dassoucy. Il s’agit aussi des verbes dérivés qui montrent que l’auteur cherche à divertir le lecteur. Il a ainsi recours à des verbes dérivés de mots dont l’usage est familier :

Elle qui tant escarmina

Pour sa fille prosperina. (P. 106)

L’auteur invente aussi des dérivés de noms de région comme dans cet exemple extrait des Aventures :

… je ne crois pas que dans tout le pays Larronnois, on ait jamais vu un Larron plus charitable... (AI, 226/ 326)

« Laronnais », comme « Lyonnais » pour parler du pays ou de la région de Lyon. Dassoucy prend aussi ses libertés en tirant des verbes de noms propres :

…Mercure,

A qui le temps dure et redure De vistement les yeux gommer

D’Argus, pour le Jeanguillaumer (Ov. 131)

Jean-Guillaume est le nom du bourreau et son action de violence se représente grâce au verbe inventé par Dassoucy. La violence incarnée par le personnage se manifeste ainsi même à travers la prononciation de son nom. L’accent est mis sur l’hostilité exprimée vis-à-vis de cette action. L’auteur s’oppose à la peine capitale. Cette prise de position est ensuite mise en exergue par le recours au préfixe « anti » dans cet exemple extrait des Aventures :

Car, soit que les Ours haïssent les Pedans, ou que les Pedans soient ennemys des Ours, cet Ours anti-pedant se jeta furieusement dans le quartier de Triboulet[...] (AMD. 88, éd. Colombey/ 193, éd. Bertrand)

87Dominique Bertrand : « Langage et jeux de masques dans Les Aventures de Dassoucy : de l’imposture

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Cela n’est pas sans rappeler l’épisode de l’ours dans les Aventures burlesques de Dassoucy. L’auteur choisit de doubler le préfixe pour conférer au notable qu’il décrit une image négative :

… Qui pouvés de plus miserable Faire un archiprotonotable. (Poésie, 129)

La parodie, est l’un des objectifs les plus importants de l’écriture burlesque, cet exemple, où Cupidon est tourné en dérision, le montre bien :

Pauvre petit croque-boulie (Ov, 92)

La disproportion entre l’attitude de l’auteur et la situation réelle fait que le caractère sacré du personnage n’exclut pas le ridicule.

De plus, le Parnasse et la langue littéraire sont encore parodiés par Dassoucy dans cette emphase :

Car, bien que sa tant douce amie Les cornes luy eusse montré

Du dit beau Mont cornu-sacré (Ov, 74)

Nous notons que le versificateur possède une riche collection de mots et d’expressions servant à se moquer des poètes de son temps et à se jouer des règles de la syntaxe.

La suppression des articles

Dassoucy n’hésite pas à supprimer un article ou à omettre le sujet.

Prince qui vient, qui va, qui vole,

Un peu de trêve à caracole ! (AMD. 282 / 386)

Il ne craint pas d’omettre le sujet :

Il n’est plus aucune statüe

Où n’ayons épaule abattüe (Ov, 43)

Il n’hésite pas non plus à utiliser la forme négative dans une langue parlée comique

Car bel argent …

N’est grain ennemy de nature. (ASE, J.P, 70)

Il emploie l’inversion de l’épithète dans des expressions où le procédé paraît hors normes:

Met du linge blanc de lessive,

Neuf collets blancs aux Muses neuf. (Ov, 101)

Dassoucy déforme l’expression « neuf Muses » afin de donner un effet de surprise au lecteur. Dans ces vers, on relève une inversion du complément d’objet direct :

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Entreprit cet œuvre parfaire. (Ov, 12)

La gymnastique verbale est aussi présente

Trop il avoit, à ce qu’on dit,

Courant par les Champs comme un Barbe, D’affaire à s’arracher la barbe (Ov, 111-112)

Dans le burlesque, on témoigne d’une absence d’adéquation entre les événements qu’on raconte et la façon de les raconter. Dassoucy construit une opposition des plus plaisantes entre le langage ou les caractère des personnages et leurs exploits. Dassoucy suit néanmoins de près les événements qui suscitent en lui une réflexion profonde. Dans ses textes burlesques, nous mesurons bien les conséquences de l’apogée de l’absolutisme du Roi Soleil. La déception de Dassoucy est grande. Pour exprimer son dégoût, il adopte ces propos burlesques. Et il s’oppose aux conventions établies par les classiques, il offre au lecteur le travestissement de toute une vie, un mode subversif d’écriture et de conception du monde en exprimant sa volonté – au moyen de l'ensemble des procédés signalés dans ce chapitre – de ridiculiser le prétentieux, le conventionnel, le classique, le divin. Cette affirmation est confirmée par Jean-Pierre Cavaillé:

Les burlesques sont les matamores de la littérature, dont l’outrance rhétorique est souverainement indifférente, mais en fait farouchement hostile à la « pureté classique ». Cette opposition au classicisme est indissociables de leurs options politiques, frondeuses et populaires, qui se trouvent engagées dans leurs choix stylistiques et linguistiques, là où les classiques sont évidemment des adeptes inconditionnels de l’ordre absolutiste.88

… recherche d’un style d’écriture qui évoque avec une distance ironique, souvent non dénuée d’une certaine condescendance, les caractéristiques stylistiques prêtées aux écrivains, et une constante des travaux de cette époque consacrés aux auteurs mineurs en général et aux burlesques en particulier.

Ainsi, le registre familier, les expressions proverbiales, les jeux de mots, la syntaxe fantaisiste, toute la rhétorique spécifique à l’écriture burlesque contribue à mettre en valeur l’image du héros picaresque révolutionnaire. D’ailleurs, J.-P. Cavaillé représente le burlesque de Dassoucy comme la

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La transition nous est toute donnée pour parler des rapports entre Dassoucy et les auteurs de son époque ayant partagé le burlesque ou d’autres représentations du héros anticlassique. Dans les deux premiers chapitres nous menons une étude dont le but est de clarifier la genèse de notre personnage. Ensuite, nous nous intéressons au statut du héros picaresque chez Dassoucy et chez ses contemporains ainsi qu’à ses réécritures de

88 Jean-Pierre Cavaillé, Les déniaisés, Irréligion et libertinage au début de l’époque moderne, Paris,

Classiques Garnier, 2013, pp. 343-344.

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textes antiques et de la mythologie, ses travestissements de l’héritage latin, sa désacralisation des dieux et son ironie omniprésente, qui annoncent son libertinage.

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Miroir du monde, mais aussi de soi, le roman picaresque s’apparente au roman de formation : le héros découvre, à ses actes et en se penchant sur son passé à l’automne de sa vie, sa véritable nature. 90