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: Jean Gerson en son temps : cartographie du champ intellectuel

historiographies. Panorama d’une charnière historique

Chapitre 2 : Jean Gerson en son temps : cartographie du champ intellectuel

En quelle sorte d’espace Jean Gerson a-t-il écrit et prêché de sorte que nous l’entendions encore aujourd’hui à travers ses textes ? Saisir le sens des sermons du chancelier nous impose ainsi de comprendre la « place1 » qu’ils occupèrent au sein de l’aire formée par les différents courants de pensée de l’époque. Il nous faut en outre saisir le lien que les textes entretiennent avec les pratiques culturelles correspondantes. Nous avons enfin besoin de situer l’acteur singulier qu’est Gerson vis-à-vis de ses contemporains. Tel sera donc le triple but que nous poursuivrons dans ce chapitre en tâchant d’une part, de circonscrire le champ intellectuel qui caractérise la charnière du XIVe-XVe siècle,d’autre part de définir l’espace littéraire qui lui est associé, puis d’identifier ses structures intellectuelles.

Dans tous les cas, le mouvement et le dynamisme caractérisent fortement à l’époque ces différentes configurations et ce bien que Pierre Bourdieu ait montré qu’il s’agit d’une donnée relativement constante du champ intellectuel :

[Il importe en effet au préalable de situer] le corpus […] constitué dans le champ idéologique dont il fait partie et d’avoir établi les relations entre la position de ce corpus dans ce champ et la position dans le champ intellectuel du groupe qui l’a produit ou, ce qui revient au même, avant d’avoir déterminé les fonctions que revêt ce corpus dans le système des relations de concurrence et de conflit entre des groupes situés en des positions différentes à l’intérieur d’un champ intellectuel occupant lui-même une certaine position dans le champ du pouvoir2.

On pourrait souhaiter nuancer le terme « d’idéologie » dont use Bourdieu pour définir le champ intellectuel. Si le terme peut paraître daté, il a le mérite d’insister sur le fait que les univers composés par les idées demeurent déterminants pour comprendre la place des acteurs. Ainsi, le statut de lettré et de théologien de Gerson découle certes de sa production intellectuelle et du type d’idées qui sont les siennes ; il ne peut néanmoins se comprendre qu’en interaction avec les autres figures, majeures ou mineures, composant le champ intellectuel d’alors. Ce faisant, il s’agit de montrer que la pratique

1 C’est la question qui ouvre l’article de Gilbert Ouy, « In Search of the earliest traces of French Humanism… », op. cit.

2 Pierre Bourdieu, « Champ du pouvoir, champ intellectuel, et habitus de classe », Scolies, Cahiers de recherches de l’ENS, 1971, n° 1, p. 7-26.

104 homilétique et littéraire de Gerson, si tant est qu’elle soit originale, ne peut être détachée de ceux qui l’inspirèrent, ceux auxquels elle répondit et ceux qu’elle combattit. Sa spécificité, voire sa singularité, ne peuvent être pensées qu’à cette condition, en tenant compte, à la suite de Bourdieu, des rapports de « concurrence » qui la façonnent ainsi que du lien qu’elle a pu entretenir avec certains pouvoirs.

En effet, Bourdieu y insiste, le groupe des « intellectuels » médiévaux ne compose pas de classe unie, d’où une multiplicité d’interactions avec des sphères variées :

[…] la production d’idées n’est pas une activité hors du monde : si les penseurs médiévaux appartiennent souvent à des univers sociaux spécifiques, leur activité intellectuelle est étroitement liée à leur statut. Entre le moine, le clerc universitaire et le laïc serviteur du prince, se distinguent des modes de vie qui sont aussi des façons de penser et d’écrire, en un mot de s’inscrire dans l’espace social du savoir, qui constitue un ensemble de normes, de contraintes et de conditions concrètes indissociables de l’exercice intellectuel lui-même3.

L’enjeu pour nous sera donc de fournir une vue large des objets, des langues et des lieux de savoir4 qui composent le « champ intellectuel » à la fin du XIVe et au début du XVe siècle afin d’y situer Gerson dans une perspective inspirée de la sociologie. Avec qui parle-t-il ? À quels groupes appartient-il ? De qui est-il le concurrent ou le soutien ? Nous aurons ce faisant à cœur de ne pas figer ce panorama : les relations que Gerson entretient avec son contexte sont en effet mobiles, mais le contexte lui-même l’est plus encore ainsi que nous l’avons dit. En effet, l’époque et les changements que connaît la société induisent une relative redistribution des rôles, notamment entre clercs et laïcs : nous nous efforcerons donc de souligner les relations de concurrences, les tensions ou les alliances.

Nous espérons ainsi à terme, pouvoir proposer une vue opératoire pour notre corpus de ce « champ » dont participe Gerson.

En effet, au-delà du « champ intellectuel », d’inspiration sociologique, la notion d’objets de savoir arrive au terme d’une importante évolution, induisant ainsi un mouvement et une labilité importante. Certes, la refonte des disciplines du savoir et l’essor d’une nouvelle sociologie intellectuelle ne sont pas des phénomènes nouveaux pour la période5 ; néanmoins on peut affirmer

3 Étienne Anheim et Sylvain Piron, « Le travail intellectuel au Moyen Âge. Institutions et circulations. » La Revue de Synthèse, t. 129, 6e série, n° 129, 2008, p. 481-484.

4 Le lieu n’est pas indifférent en matière de savoir : nous avons pu le mesurer à la lecture des très riches volumes de Christian Jacob, (dir.), Lieux de savoir, Paris, Albin Michel, 2007. Les deux volumes, s’ils ne portent pas sur notre période (quoique le Moyen Âge soit abordé), sont inspirants ne serait-ce que dans leur démarche : nous avons librement repris à notre compte leur méthodologie. On pourra également, pour approcher davantage la visée de ce travail consulter le carnet du séminaire scientifique associé https://lieuxdesavoir.hypotheses.org/ .

5 Sur la lente évolution du monde intellectuel médiéval on se reportera à Étienne Anheim et Sylvain Piron, « Le travail intellectuel au Moyen Âge… », op. cit, et en particulier, dans ce numéro, à l’article d’Emmanuele Coccia et de Sylvain Piron, « Poésie, sciences et politique une génération d’intellectuels italiens (1290-1330) », op. cit. La réflexion, quoique portant sur des exemples italiens, est intéressante pour appréhender les questions de lente transformation d’un milieu intellectuel et les personnalités qui peuvent dès lors émerger. Cette étude « générationnelle » gagnerait à être appliquée plus finement que nous pouvons le faire à la période qui est la nôtre ; nous nous en inspirerons dans notre

105 que c’est dans les dernières décennies du XIVe siècle que l’on commence à percevoir leurs conséquences, en France. Proposant de transformer « l’automne du Moyen Âge » en « phase d’incubation de la modernité »6 Hans Ulrich Gumbrecht souligne ce qu’a d’ardu l’étude isolée de cette période précise :

En ce qui concerne l’an 1300 comme date limite, il faut constater qu’un grand nombre de phénomènes culturels qui annoncent pour nous une transformation sociale profonde […] appartiennent au XIIIe siècle. Pensons au premier essor des villes, au goût des summae ou à l’émancipation de l’allégorie. Mais d’autre part, on dira que toutes ces innovations faisaient encore partie d’un point culminant dans l’éclosion des possibilités intellectuelles et <artistiques> du Moyen Âge. Enfin, la continuité étonnante des formes et des sujets dans la culture médiévale augmente encore la confusion de l’historien en quête de points de référence pour une périodisation nette. Comment sortir de cet embarras ? J’ai l’impression que la première moitié du XIVe siècle se présente à nous comme le moment historique d’une rupture dans la tonalité affective des discours qui accompagnent les innovations et les traditions culturelles […].

Après tout, il n’est point douteux que l’époque comprise entre 1250 et 1350 constitue le point de départ lent, complexe et difficile à définir vers un monde qui ne sera plus

« médiéval ». Quant aux structures du savoir et aux structures de la société, les années 1450 à 1550 me semblent beaucoup moins riches en changements. Les origines de la différenciation sociale, de la subjectivité de la connaissance et des expériences de la contingence ne datent pas de cette période. Celle-ci fut, cependant, l’espace temporel où les hommes ont commencé à accepter ces structures, à vivre avec elles – au lieu d’en souffrir7.

L’approche, cette fois, renvoie davantage à une histoire philosophique des modes de pensée et aux évolutions qui affectent la notion de savoir. Elle recoupe toutefois aisément l’angle sociologique de Bourdieu, la mobilité du champ intellectuel, sociologique, répondant en écho, à la formulation de nouveaux domaines de connaissances ainsi qu’à de nouvelles approches. Dans tous les cas, la période d’activité intellectuelle de Gerson correspond à un moment de profonds changements. La place d’où il écrit et d’où nous parviennent ses sermons ne doit son aspect statique qu’à la sédimentation résultant de la chronologie et la bibliographie. Il est en réalité un acteur dynamique, pris dans des échanges, des « circulations8 » et des rapports de force, au sein d’un « champ » constitué par des pratiques, des lieux, des structures de savoir et des institutions en pleine mutation. Notre propos sera donc de replacer les sermons du chancelier dans ce contexte mouvant.

Notre démarche dans ce deuxième chapitre s’appuiera donc sur une dimension descriptive

chapitre 3.

6 Hans Ulrich Gumbrecht, « Complexification des structures du savoir : l’essor d’une société nouvelle à la fin du Moyen Âge », Grundriss der romanischen Litteraturen des Mittelalters, vol. VIII, t. 1, « La littérature française aux XIVe et XVe siècles », p. 20-28, cit. p. 27.

7 Ibidem, p. 27. Nous reprenons la typographie de l’extrait cité.

8 Étienne Anheim et Sylvain Piron, « Le travail intellectuel au Moyen Âge… », op. cit.

106 puisque nous entreprendrons de répertorier les éléments qui permettent de mesurer ces transformations. Mais notre problématique restera bien littéraire : nous ne nous intéresserons en effet au « champ intellectuel » et à ses évolutions qu’en tant qu’il témoigne de l’émergence d’un « espace littéraire9 » spécifique, et qui en quelque sorte le dépasse. Car ce dernier est d’abord affaire de discours ainsi que le souligne Dominique Maingueneau : il est cette aire que compose pour lui-même le texte, où il est à lui-même son origine et qui l’abstrait du régime commun des échanges. Il est l’espace détaché de la sociologie où adviennent les œuvres ainsi que le souligne Xavier Garnier et Pierre Zoberman :

L’espace littéraire ne se dissout pas dans les champs, les enjeux littéraires ne sont pas totalement circonscrits par les enjeux sociaux : la notion d’espace littéraire […] est une pièce maîtresse pour une résistance à l’encerclement du littéraire par le « tout sociologique ». […]

L’existence des champs n’est en aucun cas la garantie de l’existence de la littérature. On pourrait même, avec un peu de malignité, donner l’exemple de champs littéraires qui ont beaucoup de mal à donner naissance à des œuvres10.

Tel est notre parti pris : nous souhaitons montrer que Gerson participe de cette évolution du champ intellectuel et des domaines de savoir mais surtout que ses textes tirent leur sens de cet espace littéraire qui émerge et qui les constitue aussi en œuvres.

L’enjeu sera donc, avant d’analyser, de nous départir de l’impression d’évidence qui pourrait naître à la lecture, y compris pour des textes qui offrent en réalité peu d’évidences. Avant de procéder à une lecture littéraire (dans notre seconde partie), nous voulons donc prendre le temps de nous interroger sur le sens que peut avoir la notion « d’espace littéraire » dans le cas présent. En effet, le concept général de « littéraire », qu’il renvoie à l’idée de littérature, à un champ, à un discours ou à un ensemble de genres n’est pas sans poser problème dès lors qu’on aborde la période médiévale comme l’a rappelé récemment Michel Zink :

Appliquée au Moyen Âge, la notion même de littérature, comme celle d’art, est problématique. Comment en serait-il autrement ? Telle que nous l’entendons, c’est une notion moderne – peut-être même une des notions dont l’apparition fonde l’un des aspects de la modernité. L’effort pour en trouver un équivalent ou un avatar au Moyen Âge n’est pour autant ni stupide ni désespéré. Mais il peut le devenir si l’on fait d’une sorte de gratuité un critère propre à définir la littérature et si l’on croit trouver ce qui relève spécifiquement de la littérature là où l’enjeu est le moindre – loin de ce qui est alors le plus grand enjeu, le seul enjeu, celui du salut11.

9 Nous empruntons initialement l’expression d’« espace littéraire » à Dominique Maingueneaudans son ouvrage Le Discours littéraire. Paratopie et scène d’énonciation, Paris, Armand Colin, 2004 et nous ne ferons pas référence, ce faisant, au sens que l’expression prend chez d’autres théoriciens ainsi Maurice Blanchot.

10 Qu’est-ce qu’un espace littéraire ?, Xavier Garnier, Pierre Zoberman (dir.), Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2006, p. 6.

11 Michel Zink, Poésie et conversion, Paris, PUF, 2003, p. 1-2. Nous reprenons d’ailleurs tout à fait à notre compte

107 La notion de « littérature » et ses corollaires (discours littéraire, espace littéraire etc.) commence d’être élaborée à l’époque dite moderne et selon des modalités spécifiques12 tandis que sa dimension conceptuelle n’est théorisée qu’à partir du XIXesiècle au moins. Pourtant, plus qu’un problème, il s’agit là pour nous de l’intérêt de la période et de notre corpus : car à travers les évolutions du champ intellectuel on peut lire les balbutiements de l’idée de littérature, alors même que l’enjeu du salut demeure extrêmement fort et présent.

Les sermons de Gerson offrent un bon cas d’étude en ce qu’ils apparaissent au carrefour de plusieurs domaines. D’une part, leur finalité salvifique est indéniable et interdit de parler sans impropriété de « littérature » : le critère de la gratuité comme le souligne Michel Zink est tout bonnement hors champ. Pourtant, dans le même temps, il n’est pas impossible pour ces textes de faire jouer, ou de jouer de certaines des catégories mobilisées par Dominique Maingueneau. Ainsi, selon lui, un « espace littéraire » peut se comprendre comme « […] un lieu de confrontation entre des positionnements esthétiques qui investissent de manière spécifique des genres et des idiomes13 » Or, les sermons de Gerson ne sont pas avares en positionnements esthétiques et ils ne dédaignent pas non plus de mobiliser les « autorités énonciatives14 » qui y correspondent. Il convient donc de reprendre la question et de voir ce qui, dans la configuration du champ intellectuel au XIVe-XVe siècles (lieux, pratiques, genres littéraires, institutions) permet à Gerson d’être sans contradiction théologien, prédicateur et lettré.

Avec le XIIIe siècle, Aristote s’impose comme une des sources et autorités majeures pour les textes religieux et théologiques. Pourtant Gerson, dans ses sermons, est loin de se limiter à cette seule référence15. Ce choix peut s’expliquer en partie par le statut hybride des textes qui oscillent

l’injonction méthodologique qu’il formule dans le même ouvrage de « Lire ces textes sur l’horizon de leur foi [et]

[s]’arrêter à ce qu’ils prétendent être et s’accrocher à la surface de ce qu’ils offrent. », op. cit, p. 4. Sur cette question, on pourra se reporter également, du même auteur, à La Subjectivité littéraire, Paris, PUF, 1985 qui pose les jalons d’une préhistoire littéraire. On pourra également s’intéresser, dans la même perspective à l’ouvrage de Ruedi Imbach et Catherine Köenig-Pralong, Le Défi laïc, Paris, Vrin, 2013.

12 Sur cette question on pourra s’intéresser à la thèse de doctorat de Cinthia Méli Le Livre et la chaire, Les pratiques d’écriture et de publication de Bossuet, présentée en janvier 2012. Il en ressort que la notion d’auteur passe, au XVIIe siècle, par des pratiques, certes de publication, mais ne recourant pas à l’imprimé. L’auctorialité se construit donc dans un jeu complexe de diffusion manuscrite, éminemment personnelle, et à resituer dans la perspective de la sociabilité littéraire d’alors. Nous remercions l’auteure de nous avoir permis d’accéder à ses travaux qui éclairent sous un jour nouveau la genèse de la notion de littérature.

13 Dominique Maingueneau, Le Discours littéraire : paratopie et scène d’énonciation, Paris, Armand Colin, 2004, p. 71.

14 Dominique Maingueneau, Ibidem.

15 Sur la question croisée des autorités citées par les auteurs médiévaux et sur leur rapport à l’autorité, voire à

108 entre théologie et éloquence ; mais il résulte de façon beaucoup plus certaine de l’évolution du champ intellectuel qui voit apparaître de nouvelles références et de nouveaux savoirs. Gerson n’est pas homme à faire feu de toute nouveauté : il se montre ainsi en théologie plus ouvert à Aristote qu’à Buridan16, de même qu’en matière de style, il valorise Ovide contre Jean de Meung, l’ancien contre le récent, le latin contre le français. Néanmoins, tout circonspect qu’il soit, Gerson est aussi un grand lecteur qui se tient au fait des évolutions intellectuelles de son temps : ses sermons en offrent un témoignage parlant par leur lexique, leur pensée et les références qu’ils mobilisent.

Mais à quoi tient la nouveauté et où résident les évolutions en cette fin du XIVe siècle et en ce début du XVe siècle ? Les termes sont trompeurs car, ainsi que le rappelle Ezio Ornato les mutations des pratiques tiennent moins à la redécouverte de textes et de savoirs antiques qu’aux usages nouveaux dont ils font l’objet :

[…] [L]e tableau de la fortune des classiques au début du XIVe siècle n’est pas uniformément noir car tous les auteurs ne sont pas systématiquement négligés. En fait on continue à copier, ou tout du moins à lire, tous les textes qui constituent le support de l’activité scolaire […]. C’est pourquoi il serait naïf d’octroyer, comme on l’a fait, des labels d’humanisme au seul vu des quelques auteurs latins présents dans une bibliothèque ou dans un texte et ce, même si les citations – une fois n’est pas coutume – sont réellement de première main. Ce qui importe, c’est l’apparition d’un texte « nouveau », d’une tradition inconnue ou d’une utilisation nouvelle d’un texte déjà répandu17.

La redécouverte de certains textes antiques est réelle, on l’a vu, tant pour l’espace italien que, dans une moindre mesure pour l’espace français. Mais c’est surtout le phénomène massif que fut l’essor de la traduction en langue vernaculaire qui, dès Charles V, imprima de profondes modifications aux modes de pensée. En effet, la traduction met à la portée d’un public plus large des textes autrefois réservés à l’élite universitaire, qu’il s’agisse de textes historiques ou de traités de rhétoriques. De fait, elle change notablement le rapport au savoir : la culture, qu’elle soit nobiliaire ou même bourgeoise s’enrichit de références nouvelles qui, par ricochet, influencent à leur tour la culture universitaire.

Gerson n’est donc pas aux premières loges de ces évolutions : il fait en effet partie de ceux qui avaient déjà un accès facilité aux textes. En revanche, ses sermons s’adressent à un public qui change : tout porte à croire qu’ils prennent de ce fait le pli de ces références culturelles nouvelles.

l’auctorialité, on se reportera aux ouvrages de référence d’Alastair Minnis, Medieval Literary Theory and Criticism c. 1100-c. 1375 : the commentary-tradition, Oxford, Clarendon Press, 1991, ainsi que, sur l’auctoritas médiévale, l’ouvrage du même auteur Medieval theory of authorship. Scholastic literary attitudes in the later Middle Ages, Londres, Scolar Press, 1984.

16 Sur les affiliations philosophico-théologiques on se reportera avant tout au travail de Zénon Kaluza, Les Querelles doctrinales à Paris…, op. cit, p. 35-65.

17 Ezio Ornato, « La redécouverte des classiques… », op. cit., p. 84-85.

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a. Cicéron et la « science de la loquence »

Le Moyen Âge n’a jamais totalement oublié la rhétorique antique et notre propos ne sera pas de proposer une nouvelle synthèse exhaustive sur cette question qui a été amplement étudiée dans la bibliographie récente18. Nous reprendrons brièvement ces différents éléments pour nous concentrer sur notre période d’étude et les éléments pertinents au regard du corpus gersonien. Une

Le Moyen Âge n’a jamais totalement oublié la rhétorique antique et notre propos ne sera pas de proposer une nouvelle synthèse exhaustive sur cette question qui a été amplement étudiée dans la bibliographie récente18. Nous reprendrons brièvement ces différents éléments pour nous concentrer sur notre période d’étude et les éléments pertinents au regard du corpus gersonien. Une