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Le roi a sa cour à Paris, mais d’autres lieux à l’époque peuvent se prévaloir d’un rôle politique et culturel notable : c’est le cas de la cour de Bourgogne et, au regard des enjeux politiques de la période et du lien que Gerson entretint avec la maison de Bourgogne, c’est l’exemple que nous retiendrons pour notre étude. Les cours aristocratiques, toutes ancrées soient-elles par leurs possessions territoriales, forment un lieu difficile à saisir. En effet, l’espace qui leur donne sens est d’une part, à la fois politique et symbolique, d’autre part, muant puisque les cours, à la fin du Moyen Âge sont encore itinérantes, et la cour de Bourgogne se partage ainsi au XVe siècle entre Paris161, les possessions proprement bourguignonnes, et les multiples principautés que recouvrent les possessions flamandes162. La cour toutefois n’est pas réductible à des considérations géographiques car elle est tout autant, voire plus, une structure sociale qui tire son sens de la présence du prince, au sujet de laquelle on peut reprendre la définition qu’en livre Werner Paravicini :

La cour, quant à sa structure, est l’ensemble des hommes et des femmes qui, à des titres divers, forment l’entourage continuel, périodique ou occasionnel du prince.

Son principe est la familiaritas, l’appartenance à la maison qu’il préside en tant que pater familias, et le service personnel du prince en tant qu’individu.

Ses limites sont flottantes, mais son noyau est clairement défini : appartient à la cour qui mange le pain du maître […]. La cour consiste aussi en ceux qui, en principes pairs du prince, acceptent d’être nourris par lui, et en la foule de ceux, qui serviteurs de courtisans, attendent les résignations […] ou qui, ambassadeurs envoyés, messagers […] n’y restent qu’un temps163.

Cette structure sociale se résume à cinq fonctions centrées autour de la personne du prince : elle doit organiser sa vie quotidienne, garantir sa sécurité, asseoir sa suprématie culturelle et idéologique par un train de vie dispendieux, procéder à une intégration efficace des couches dirigeantes, enfin gouverner et administrer les territoires. Entre lieu physique et communauté, les cours se caractérisent

161 Sur la villégiature bourguignonne à Paris on se pourra se reporter, pour Jean sans Peur, à la rapide synthèse sur l’hôtel d’Artois de Philippe Plagnieux, « L’Hôtel d’Artois, la résidence parisienne de Jean sans peur » dans L’Art à la cour de Bourgogne. Le Mécénat de Philippe le Hardi et de Jean sans peur, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 2004, p. 158-159. On en retiendra, entre autres, le caractère de programme idéologique assumée par l’architecture de la résidence du duc, proclamant au tournant du siècle le triomphe de la politique bourguignonne sur les Orléans. Au reste, c’est là une dimension constante de l’architecture bourguignonne dont on pourra se faire une idée au contact du même ouvrage.

162 Dijon fut ainsi en Bourgogne un haut lieu de la cour bourguignonne, de même que, côté Flandres, Bruxelles, puis Bruges, Lille, Gand, Saint-Omer et Arras. Certains territoires plus excentrés resteront marginaux dans toute la période, ainsi, la Hollande ou la Zélande où les différents ducs ne se rendirent que rarement. La période voit aussi se dessiner une nette évolution en faveur des territoires septentrionaux, au détriment du lieu natif de la dynastie : les territoires bourguignons se verront relégués à partir de 1430. Sur les aspects territoriaux de la cour bourguignonne on se reportera à Wim Blockhaus, « Une cour des principautés » dans La Cour de Bourgogne et l’Europe. Le Rayonnement et les limites d’un modèle culturel, Actes du colloque international tenu à Paris, les 9, 10, 11 octobre, Werner Paravacini, Torsten Hiltman et Frank Viltart, Paris, Jan Thorbecke Verlag, 2013, p. 785-796.

163 Werner Paravacini, « Structure et fonctionnement de la cour bourguignonne au XVe siècle », Jean-Marie Cauchie, (dir.), À la Cour de Bourgogne. Le Duc, son entourage, son train, Turnhout, Brépols, 1998, p. 1.

157 également, et peut-être davantage à la fin du Moyen Âge par une identité culturelle spécifique résultant de la rencontre de pratiques politiques, d’artistes, d’idées. Les ducs de Bourgogne étaient ainsi de grands amateurs d’art, mais aussi de fins stratèges en matière d’idéologie dynastique. Quel était donc le goût bourguignon à la fin du XIVe siècle alors que Jean Gerson fréquentait la cour de Philippe le Hardi en sa qualité d’aumônier du duc ?

Marque d’un pouvoir spécifique, le goût bourguignon n’en participait pas moins plus largement de l’air de son temps, marqué par l’essor et l’expansion du « gothique international ». Bien plus, le goût parisien reste la référence incontournable de l’art de l’époque, l’art « franco-flamand164 » se présentant d’abord comme une importation des canons parisiens en Flandres par Philippe le Hardi lors de sa succession à Louis de Male165. Si l’existence d’une école bourguignonne paraît loin d’être acquise, il importe toutefois de souligner le statut de sa production artistique. Moins abondante que la production parisienne, elle ne saurait néanmoins être ramenée au rang d’art provincial : au contraire, elle participe de la scène parisienne avec laquelle elle dialogue et parfois se confond au gré des déplacements de la cour et des artistes. Et c’est dans cette perspective que l’on pourra apprécier une caractéristique patente de l’art bourguignon, le luxe. Richesse des matériaux, abondance précieuse, l’art bourguignon se distingue et témoigne de la forte ambition politique des ducs, désireux d’ancrer leur représentation princière dans les schémas hérités de la courtoisie et de la chevalerie166.

D’une manière semblable à l’art, les tentatives de définition pour la période des XIVe et

XVe siècles, d’une littérature bourguignonne caractérisée par des canons formels et stylistiques distincts semble de prime abord déboucher sur une aporie. Romans antiques, textes allégoriques, chroniques, poésie lyrique, les genres et les formes illustrant la production bourguignonne offrent peu de traits saillants susceptibles de les distinguer fortement de la production française d’alors et de mesurer une éventuelle influence de ce corpus dans l’œuvre de Gerson167. Mais faut-il chercher

164 Concernant la catégorisation de l’art en vogue à la cour de Bourgogne on pourra se reporter à la mise au point nuancée de Ludovic Nys, « L’art à la cour de Flandres à l’époque du mariage de Philippe le Hardi et de Margueritte de Male », L’Art à la cour de Bourgogne, op. cit., p. 52 sq. Il y montre que si l’art bourguignon participe bien de la koinè qu’est le gothique international et qu’il emprunte peu à l’art flamand en vigueur à l’époque de Louis Male, alors plus proche des canons anglais. C’est bien Paris, où travaillent nombre d’artistes flamands pour le duc de Bourgogne qui s’avère être l’influence artistique la plus déterminante. La période sera néanmoins marquée par une affirmation progressive d’une déclinaison spécifique de cette même koinè.

165 Sur l’évolution de l’art flamand sous l’impulsion de la dynastie de Bourgogne voir Ludovic Nys, ibidem.

166 Sur l’idéologie bourguignonne et son inspiration chevaleresque on se reportera à Klaus Oschema, « Noblesse et chevalerie comme idéologie princière », dans La Cour de Bourgogne et l’Europe, op. cit. p. 229-251.

167 Sur la question de la littérature bourguignonne on se reportera aux travaux suivants : l’ouvrage de Georges Doutrepont, La Littérature à la cour des ducs de Bourgogne : Philippe le Hardi, Jean sans Peur, Philippe le Bon, Charles le Téméraire, Genève, Slatkine Reprints, 1970. On pourra également, pour accéder aux textes, consulter l’anthologie qui excède notre période Splendeurs de la cour de Bourgogne. Récits et chroniques, Danielle Régnier-Bohler (dir.), Paris, Laffont, 1995 et l’on pourra également se référer à la préface de Daniel Poirion au volume en question. Plus récemment, pour une approche davantage théorique, on lira Claude ThiryetTania Van Hemelryck (éd), La Littérature à la cour de Bourgogne, actualités et perspectives de recherche, Actes du 1er colloque international du Groupe de recherche sur le Moyen Français, dans Le Moyen Français, n° 57-58, Montréal, Éditions Céres, 2005-2006 ainsi que

158 l’essence de la littérature bourguignonne dans un catalogue raisonné de traits formels ? C’est tout l’intérêt nous semble-t-il de l’article de Tania Van Hemelryck168 que de proposer, à partir d’une lecture inspirée des considérations de Sartre sur l’engagement en littérature, une autre approche des textes écrits dans le contexte de la cour de Bourgogne centrée sur le caractère engagé des œuvres et sur l’imbrication du pouvoir et de la production littéraire dont elles témoignent. Ce faisant, il devient possible de cerner une littérature nationale, somme des écrits portant la voix d’une nation dans un sens plus médiéval que moderne, caractérisée par au moins deux traits, le sentiment d’appartenance identitaire, l’engagement partisan dans la célébration de la grandeur bourguignonne. Point de forme bourguignonne donc, mais un discours spécifique, qui démarque ces textes de ceux écrits dans l’entourage du roi ou du duc d’Orléans169 :

Le livre devient l’expression métaphorique du pouvoir et de ses dynamiques complexes, organisées en autant de rites et de pratiques qui célèbrent l’autorité, la magnificence et l’hégémonie du pouvoir. Le livre engendre ainsi un espace anthropologique et symbolique, fruit de la communication entre les acteurs qui l’utilisent et l’espace curial dans lequel il se déploie170.

Qu’en est-il de Jean Gerson ? Pour sa part, il fut au nombre des membres importants de la cour de Philippe le Hardi auquel il dut l’essor de sa carrière après des débuts prometteurs comme prédicateur à la cour : c’est lui en effet qui se l’adjoignit comme aumônier à la suite d’un sermon en 1391171. Par la suite, le duc de Bourgogne, ayant entre-temps hérité du duché de Flandres, fit de Gerson le doyen d’une abbatiale brugeoise. Les liens entre le chancelier et le duc, « celui auquel, après Dieu, il se devait tout entier172 » sont puissants comme le souligne Edmond Van Steenberghe : c’est Philippe le Hardi qui dissuadera Gerson de démissionner de son poste de chancelier de l’université, en dépit de ses aspirations spirituelles. Gerson vouait en effet à Philippe le Hardi une estime réelle. Mais l’insertion heureuse de Gerson dans le tissu curial bourguignon ne devait avoir qu’un temps, limitée qu’elle était par cette même relation personnelle au duc. L’avènement de Jean sans Peur à la tête du

l’article de Tania Van Hemelryck, « Qu’est-ce que la littérature... française à la cour des ducs de Bourgogne? », dans La Cour de Bourgogne et l’Europe, op. cit, p. 351-359.

168 Tania Van Hemelryck, « Qu’est-ce que la littérature… », op. cit.

169 La dimension « nationale » de la littérature bourguignonne pour reprendre les termes de Tania Van Hemelryck tient à la réunion des deux paramètres énoncés supra : sentiment identitaire et engagement partisan. La cohérence de la politique territoriale des ducs de Bourgogne a ainsi pu permettre le développement d’une relation affective spécifique à un espace subjectif. Si ce rapport au territoire ne se retrouve pas dans le camp opposé des Orléans, on notera en revanche que le caractère idéologique et partisan peut se retrouver chez certains auteurs, comme par exemple chez Christine de Pisan. Il serait peut-être intéressant à cet égard d’user de ces deux traits non comme des critères distinctifs, mais comme des variables caractérisant peu ou prou l’ensemble des écrits de la période et exprimées plus ou moins fortement selon les espaces culturels.

170 Tania Van Hemelryck,« Qu’est-ce que la littérature... »,op. cit, p. 358.

171 Edmond Van Steenberghe, « Gerson à Bruges », Revue d’histoire ecclésiastique, n° 31, 1935, p. 5-52. On consultera sur notre propos la page 8. Il s’agit du sermon Adorabunt eum omnes reges, OC, t. 7. 2, n° 342, p. 519-538.

172 Ibidem, p. 23.

159 duché mettra un terme à la carrière bourguignonne de Gerson et le fera passer peu à peu sur le bord opposé. C’est tout d’abord, selon Edmond Van Steenberghe173, une affaire de personnalités, les deux hommes ne concevant guère d’estime mutuelle. Mais de l’absence de sympathie découlera rapidement l’éviction de Gerson du siège de doyen de l’abbatiale Saint-Donatien au profit d’un proche de Jean sans Peur, Jean de Bremmont. Mais ce sont aussi les spécificités de la culture politique de la maison de Bourgogne mises en évidence par Tania Van Hemelryck qui contribueront à rompre les liens que Gerson entretenait avec elle. Lettré, voire auteur, engagé, il participe du tropisme général de l’époque qui voit la collusion entre la politique, quand ce n’est le pouvoir, et les lettres. Mais, à partir de l’assassinat du duc d’Orléans, et bien plus de la justification de ce dernier par Jean Petit, Gerson deviendra un farouche opposant de la cause bourguignonne. Cette radicalité frisant l’obsession174 invite à s’interroger : la gravité du crime est-elle seule en cause ? Certes, en sa qualité de chancelier de l’université, garant de l’orthodoxie chrétienne, Gerson ne pouvait que se sentir concerné par un assassinat politique qui tentait de s’absoudre au moyen de la théologie. Mais ces velléités d’héroïsme rhétorique ne furent pas sans incidence sur le cours de la vie de Jean Gerson : en effet, sa maison se voit saccagée quand les troupes bourguignonnes s’emparent de Paris et, suite au concile de Constance175, il sera contraint de finir sa vie en exil à Lyon dans le couvent de l’un de ses frères. Rien n’interdit de penser que la force de l’idéologie bourguignonne déployée dans un art luxueux et une littérature conquérante a suscité chez Gerson une radicalité égale dans l’adversité.

Ainsi donc, si le XIVe-XVe siècle a peut-être richement doté Gerson en fait d’engagement, peut-être l’assassinat du duc d’Orléans l’a-t-il fait auteur engagé, plus que clerc176.

d. L’Italie

Comme la France qui connaît une période dramatique de désordre en raison d’une multiplicité de facteurs, l’Italie n’est pas épargnée du XIIIe au XVe siècle par les troubles politiques.

173 Ibidem, p. 38 sq.

174 On sait en effet que Jean Gerson se mobilisera dans ses sermons fortement, et à plusieurs reprises, contre cet assassinat et sa légitimation, notamment à la cour royale ainsi qu’en milieu pontifical, au concile de Constance.

175 Les circonstances dans lesquelles Gerson quitte le concile indiquent si besoin est l’implication désastreuse de son engagement puisque c’est bien dans l’anonymat le plus complet, et par des chemins longs et détournés qu’il pourra gagner Lyon, Paris lui étant définitivement interdit pour les mêmes raisons.

176 Cette proposition ne saurait à elle seule offrir des clés pour la genèse de la personnalité du chancelier, celui-ci s’étant abondamment illustré par ailleurs contre le schisme papal. Mais peut-être cette prise de position-là est-elle davantage à rapprocher d’un engagement que l’on dira clérical, analogue à la lutte contre l’hérésie, terrain de combat rhétorique s’il en est. L’idéologie et les lettres bourguignonnes pourraient donc être appréhendés comme le catalyseur faisant passer d’un engagement ecclésial à un engagement plus proprement politique, tout sous-tendu soit-il de considérations théologiques.

160 Pourtant, au regard d’autres pays européens, le pays peut à bon droit se vanter de conditions politico-économiques plus propices à l’épanouissement des arts et de la chose publique, aussi voit-elle éclore, dès le milieu du XIIIe siècle de nouvelles formes de pensée qui jetteront à terme, les bases de la Renaissance177. Le regard rétrospectif appréhende l’Italie comme un tout unifié mais il n’en va pas de même à l’époque où la péninsule est divisée en un nombre important de petites unités politiques.

Si le dynamisme italien est observable dès le XIIIe siècle avec Dante, mais aussi plus largement à travers l’essor d’une culture oratoire178 qui irrigue de vastes pans de la société, il revient néanmoins à Pétrarque d’avoir, en forte opposition avec la France, donné le ton de la période. À la fin de sa vie, en 1368, l’auteur alors célèbre énonce dans une lettre179 adressée à Urbain V un jugement implacable sur la culture française d’alors : « oratores et poete extra Italiam non querantur ». Il renchérit en 1373 dans une attaque rapportée par Nicolas de Clamanges où il ridiculise les tentatives françaises pour s’inspirer du modèle italien. La dimension nationaliste du positionnement de Pétrarque a été soulignée de longue date180, de même que sa nature politique : la fin du XIVe siècle est en effet marquée par diverses négociations destinées à résorber le Grand Schisme où la France et l’Italie jouent des parties antagonistes. Pétrarque ne réussit pas, non plus que l’interlocuteur français du pape, Anseau Choquart, à mettre un terme au schisme : il fit en revanche mouche pour ce qui allait déchaîner pour un siècle les passions littéraires et nationalistes de part et d’autre des Alpes. Le propos de Pétrarque est en effet intéressant pour mesurer sur quels points précis et infimes se logeait la mutation qui s’amorçait en Italie : car à l’inverse de la culture française davantage sensible à la rigueur rationnelle d’un raisonnement théologique, elle pose, comme valeur essentielle de l’écrit, la dimension stylistique. Plus largement l’accent se déplaçait des œuvres morales et théologiques vers

177 Giuseppe Billanovitch,« Il primo umanesimo italiano : da Lovato Lovati a Petrarca », Pratiques de la culture écrite en France au XVe siècle, Louvain la Neuve, Fédération internationale des Instituts d’études médiévales, 1995, p. 3-12.

Giuseppe Billanovitch souligne que l’essor italien doit beaucoup à la conjoncture européenne qui voit, entre le XIIIe et le XIVe siècle, d’une part, au plan littéraire, disparaître des sphères culturelles majeures avec la perte de vitesse de la langue d’oc et du franco-provençal, d’autre part au plan politique, des puissances importantes traverser un période de troubles : la France avec la Guerre de Cent ans, l’Espagne avec la Reconquista.

178 Sur l’essor, notamment à Bologne, d’une culture oratoire standardisée au service des divers pouvoirs politiques que comptait alors l’Italie, se reporter aux travaux de Benoît Grévin, Rhétorique du pouvoir médiéval, op. cit., ainsi qu’à l’article d’Emmanuele Coccia et de Sylvain Piron, « Poésie, sciences et politique une génération d’intellectuels italiens (1290-1330) », Le travail intellectuel au Moyen Âge, op. cit.

179 Pétrarque, Lettres de la vieillesse, VIII-XI, t. 3, Elvira Nota (éd.), Claude Laurens (trad.), n° 1, « À Grégoire XI », p. 114-165. « Sur les grands génies, il serait ridicule de débattre : les livres sont là pour témoigner. Et, je le demande, pour les arts libéraux, les sciences naturelles, l’histoire, la sagesse, l’éloquence, la morale, et n’importe quelle partie de la philosophie, qu’offre la langue latine qui n’ait été découvert presque entièrement par des Italiens ? Si en effet des étrangers se sont essayé avec bonheur dans ces domaines, ou bien ils ont imité les Italiens, ou bien ils ont soit écrit en Italie soit étudié en Italie. […] Qu’on ne cherche pas d’orateurs et de poètes hors d’Italie ! », cit. p. 133.

180 Nous renvoyons pour une vue exhaustive de la bibliographie à notre chapitre 1. Sur la querelle de Pétrarque, on pourra se reporter à l’étude de Dario Cecchetti, Petrarca, Pietramala e Clamanges, storia di una « querelle » inventata, Paris, Éditions CEMI, 1982, et à la mise au point plus récente de Nadia Margolis, « Culture vantée, culture inventée : Christine, Clamanges et le défi de Pétrarque », op. cit.

161 la poésie et l’éloquence, et incidemment l’histoire181. Mais le différend n’est pas seulement affaire de priorités dans l’ordre de la culture : sous les propos de Pétrarque se cache mal en effet une contestation de la suprématie culturelle française en cette fin du Moyen Âge, qui depuis le XIVe siècle rencontrait un large écho chez les lettrés italiens. Autant qu’une rivalité culturelle, il s’agit donc tout autant

161 la poésie et l’éloquence, et incidemment l’histoire181. Mais le différend n’est pas seulement affaire de priorités dans l’ordre de la culture : sous les propos de Pétrarque se cache mal en effet une contestation de la suprématie culturelle française en cette fin du Moyen Âge, qui depuis le XIVe siècle rencontrait un large écho chez les lettrés italiens. Autant qu’une rivalité culturelle, il s’agit donc tout autant