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Interroger les pratiques culturelles et les territorialités par le questionnaire

Chapitre 3 : Présentation du terrain et méthodologie

2. ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES

2.2 MÉTHODOLOGIE DE L’ENQUÊTE DE TERRAIN

2.2.2 Interroger les pratiques culturelles et les territorialités par le questionnaire

L’objectif de cette thèse est également d’interroger l’action publique au prisme de sa réception par les habitants du Bassin minier. En effet, les projets culturels ayant vu le jour récemment sont légitimés par la rhétorique du retour à la fierté et sont destinés avant tout à la population du territoire d’après les discours officiels tenus par les élus et les cadres de l’action

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territoriale148. Il était donc logique de nous intéresser à cette population et de définir précisément ce qui est entendu par le terme « habitants ». Les acteurs publics locaux font la distinction entre les « habitants » ou la « population locale », celles et ceux qui résident au sein du périmètre dessiné par les communes minières, et les ayants-droits qui sont les personnes bénéficiant encore d’un statut spécial lié à l’activité du charbon. Pourtant, en analysant leur discours, il apparaît qu’ils lient de manière étroite les habitants du Bassin minier à l’histoire minière et à son héritage mais aussi à une certaine condition économique, sociale et culturelle, nous aurons l’occasion de le vérifier dans le chapitre 7. Les habitants évoqués dans les discours correspondent donc à un profil type : une personne en situation de précarité qui doit son manque de ressources matérielles et cognitives à la fin de l’activité minière et au déclin territorial qui en a suivi. De cette observation a découlé un choix méthodologique : celui d’aller à la rencontre de ce profil d’habitants pour les entretiens qualitatifs afin de vérifier leur appropriation des équipements culturels et des sites miniers puisque ces personnes sont au cœur des discours. Cette approche spécifique est détaillée dans le point suivant.

Néanmoins, il me paraissait essentiel de pouvoir également interroger les bénéficiaires des politiques culturelles menées sur le territoire, sans la restreindre aux seuls habitants. Nous formulons en effet l’hypothèse que l’image d’un territoire, les représentations que l’on s’en fait, est double : elle dépend des représentations des personnes qui habitent le territoire mais aussi de celles des extraterritoriaux. Aussi, avons-nous décidé de nous intéresser aux usagers de ces équipements culturels sans que l’origine géographique soit un critère restrictif. Les visiteurs et habitants ont été distingués lors de l’exploitation des résultats dans un souci de cohérence. Une première difficulté s’est donc posée quant à la manière de capter ces usagers. Le Louvre Lens attirant des centaines de visiteurs chaque jour, les questionnaires ont pu être réalisés lors des jours d’ouverture du musée, devant et à l’intérieur de celui-ci, sans qu’une stratégie préalable et un calendrier strict soient nécessaires. Mais, ce n’est pas le cas des autres équipements culturels retenus, en raison de leur plus faible fréquentation. De surcroît, la forme de collecte choisie (le questionnaire avec des questions fermées et ouvertes) exigeait que les personnes soient disposées à y consacrer une dizaine de minutes : interroger des usagers avant ou après un spectacle149 en début de soirée ne nous paraissait donc pas idéal à cause des facteurs contextuels propres à ce genre d’événements (nuit, spectateur pressé, divertissement court et intense). Par ailleurs, laisser les questionnaires à l’accueil de ces équipements comportait des

148 Dans la presse locale par exemple.

149 Culture Commune et le Métaphone étant des structures de représentation artistique avec une programmation

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risques pouvant dénaturer l’enquête (questions mal comprises, questionnaires partiellement remplis), nous en avons d’ailleurs fait les frais lors du premier test à Culture Commune. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’administrer les questionnaires pendant des événements culturels festifs qui duraient au moins une journée entière sur les sites du 11/19 à Loos-en-Gohelle et du 9/9bis à Oignies. Ces questionnaires n’ont pas pu être réalisés à Wallers-Arenberg en raison de la jeunesse de la structure d’une part et de l’inexistence de ce type d’événement d’autre part.

Les séries d’enquêtes ont été au nombre de 5 en comptant le pré-test en décembre 2014 au musée du Louvre Lens.

Figure 27 : Tableau récapitulatif de la temporalité des enquêtes et des personnes interrogées Equipement Période

d’enquête Evénement Questionnaires Groupes

Louvre Lens Décembre 2014 / 49 15 « habitants » / 34 « visiteurs » Juillet 2015 / 51 16 « habitants » / 35 « visiteurs » 11/19 Mars 2016 Ici et là dans la cité des Provinces 46 39 « habitants » / 6 « visiteurs »150 Juin 2016 La Constellation Imaginaire 22 11 « habitants » / 11 « visiteurs »

9/9 bis Juillet 2016 Les Rutilants 36

21 « habitants » / 13 « visiteurs »151 REALISATION :C.MORTELETTE,2018

La catégorie « habitants » correspond aux personnes qui vivent dans une commune minière152, tandis que la catégorie « visiteurs » relève des personnes extérieures au Bassin minier mais qui

150 Une non réponse

151 Deux réponses non lisibles

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peuvent résider dans la région Nord-Pas-de-Calais. Cette distinction a été suggérée lors du travail sur le pré-test afin de vérifier si l’appartenance au Bassin minier pouvait jouer sur les représentations de ce dernier. Cette distinction explique pourquoi nos échantillons peuvent paraître peu représentatifs au regard des chiffres officiels de fréquentation du Louvre Lens qui estiment la fréquentation locale à plus de 60% ; nous n’avons tout simplement pas choisi la même acception pour la notion de « local » et avons exclu toutes les personnes de la région n’appartenant pas à une commune minière de la catégorie « habitants ».

Les événements choisis ont été identifiés en amont avec les acteurs (direction et médiation culturelle) de chacun des équipements afin que le public soit le plus divers possible sur le plan sociologique. Nous avons ici choisi de faire confiance à leurs estimations et projections. « Ici et là dans la cité des Provinces »153 était avant tout un événement à destination des habitants du bassin minier, voire exclusivement destiné aux habitants de la cité des Provinces, riveraine de Culture Commune, si l’on en croit son nom, tandis que « La Constellation Imaginaire » étaient un événement qui devait drainer un public plus large par sa nature (festival d’art de la rue), ses dimensions (plusieurs jours, plusieurs lieux) et sa communication qui a dépassé le périmètre du Bassin minier. Du fait du changement de direction de Culture Commune et d’une programmation jusqu’à présent inédite, le nombre de visiteurs attendus était assez incertain ; c’est la raison pour laquelle notre enquête a été réalisée en deux temps pour le site du 11/19. Certains des questionnaires de l’événement Ici et là ont été remplis librement et, malgré notre présence et nos explications, ces questionnaires ne sont pour certains que partiellement exploitables car inégalement remplis. « Les Rutilants », eux, sont un événement mettant à l’honneur la pratique musicale qui en était à sa 12e édition en 2016 et qui accueille des visiteurs plus nombreux chaque année, principalement originaire de la région. Nous devions pour cette occasion bénéficier de l’aide de deux bénévoles pour administrer nos questionnaires grâce à la structure du 9/9bis. Malheureusement, cette collaboration n’a pas été entièrement productive puisque l’aide fut très sporadique et qu’un grand nombre de questionnaires n’ont été qu’incomplètement exploitables du fait d’un grand nombre de non réponses.

J’ai bénéficié d’une aide substantielle dans le traitement de ces questionnaires grâce au stage de deux étudiants154 que j’ai supervisés, qui les ont dépouillés et ont exploité les données grâce au logiciel Modalisa. L’enquête avait pour objectif d’interroger les pratiques culturelles des

153 Que nous avons parfois abrégé en « Ici et là » ou « Ici et là dans la cité »

154Floriane Leprêtre et Aurélien Meurice, stagiaires de Master 1 de l’école d’ingénieur EI. CESI (Arras du 29 mai

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répondants et leurs représentations du territoire grâce à trois étapes distinctes dans le questionnaire. La première consistait à vérifier la manière dont le Bassin minier est identifié et qualifié, notamment en termes de représentations et d’imaginaire(s) et de l’interroger au prisme des deux événements majeurs en termes de politiques culturelles dans un second temps, à savoir l’arrivée du Louvre à Lens et l’inscription du Bassin minier au patrimoine mondial de l’Unesco. Cette seconde question avait pour objet de vérifier si ces projets ont été identifiés et s’ils ont eu un effet sur leurs pratiques et imaginaires. Enfin, certains aspects de leurs pratiques culturelles étaient également interrogés en les mettant en résonance avec leur vie quotidienne afin de vérifier un impact possible de la fréquentation d’équipements culturels sur leurs pratiques et leurs représentations du territoire.

Néanmoins, malgré leurs enseignements, ces questionnaires ne nous ont pas paru suffisants en eux-mêmes. En effet, les thématiques abordées permettaient d’avoir une idée assez précise des profils des visiteurs et de certains aspects de leurs pratiques culturelles ; des représentations qu’ils ont du territoire et de la manière dont ils perçoivent les équipements culturels structurants ou la mise en patrimoine de l’héritage minier. Cependant, nous avons eu le sentiment que les questions n’étaient pas assez précises ou peut-être pas assez restrictives parfois pour recueillir une parole aboutie ou non normée. En outre, l’exercice du questionnaire est fortement contraint par le temps, afin que les interlocuteurs ne se sentent pas captifs de l’exercice, ce qui nous a amené à restreindre nos ambitions. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place une démarche complémentaire, plus qualitative, à partir d’entretiens avec les riverains des équipements culturels choisis (réalisés entre juillet 2016 et septembre 2017).

2.2.3 Interroger les pratiques culturelles et les territorialités par l’entretien qualitatif

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