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2.2. Analyse de la théorie sur les républiques : Discours sur la première décade de Tite-

2.2.1. Instauration d'une république

Les républiques peuvent être créées de plusieurs façons. Premièrement, plusieurs cités libres, comme Athènes et Venise, ont été mises sur pied par des populations locales. Plusieurs groupes de personnes vivant à proximité peuvent vouloir se réunir afin de se renforcer et d'être capables de se défendre. Ils s'unissent alors soit sous la direction d'un meneur, d'une personne ayant plus d'autorité et qui prend l'élaboration de la république en charge comme le fit Thésée à Athènes, soit sans meneur défini, simplement en se réunissant et en se donnant des lois, comme ce fut le cas pour Venise84. Les républiques peuvent

82 Discours sur la première décade de Tite-Live, livre 1, chap.2, p.192. 83 Ibid., livre 1, chap.2, p.194-195.

également être instaurées par des peuples étrangers au pays. C'est le cas lorsque certains peuples sont forcés de quitter leur pays, que ce soit à cause d'une guerre ou d'une malchance quelconque, comme une famine ou une épidémie.

Peu importe l'origine du peuple qui vient habiter un territoire, Machiavel dit qu'il y a deux choses très importantes à prendre en considération lors de l'instauration d'une république. Premièrement, il faut s'attarder au choix de l'emplacement de la cité. Les peuples peuvent s'installer à un endroit où le sol est fertile ou stérile. Les deux situations ont des avantages et des inconvénients. Machiavel croit que de choisir un lieu où le sol est stérile serait idéal « si les hommes se contentaient de ce qu'ils ont et ne cherchaient pas à dominer les autres.85 » Il en vient à cette conclusion en raison de la paresse humaine. Les

hommes, croit-il, travaillent mieux et plus fort s'ils y sont contraints. S'ils ont le choix, ils n'y mettent pas beaucoup d'efforts. Pour assurer la vaillance des citoyens, il vaut mieux qu'ils soient forcés de travailler très dur pour survivre. Par contre, puisque les hommes cherchent à dominer les autres, ils doivent s'assurer de pouvoir se défendre, et cela passe par leur puissance. Un sol pauvre nuit nécessairement à la puissance d'un peuple. Le choix le plus sécuritaire est donc de s'installer là où le sol peut permettre au peuple de s'enrichir et de devenir puissant. Toutefois, comme on l'a dit, les hommes vivant sur un sol très fertile ont tendance à devenir paresseux. Il faut alors les contraindre au travail afin d'éviter leur oisiveté. Après ce cheminent, Machiavel en vient à la conclusion suivante : « Je dis donc que le choix le plus sage est de s'installer dans un lieu fertile, si on a limité par des lois cette fertilité en des bornes convenables.86 » Voici donc le deuxième aspect à prendre en

considération pour l'instauration d'une république : les lois.

Malheureusement, les bonnes lois viennent des grands hommes. Les citoyens d'une république ont besoin d'un homme sage et vertueux pour leur donner des lois qui leur permettront de devenir riches et puissants. Ce fut le cas de Sparte, qui eut la chance d'avoir comme fondateur Lycurgue. Les lois qu'il établit sont demeurées inchangées pendant plus

85 Ibid., livre 1, chap.1, p.190. 86 Ibid., livre 1, chap.1, p.190.

de huit cents ans et ont contribué à la grandeur de la cité. Ce fut également le cas de Rome, qui reçut de très bonnes lois : « On observera encore, comme l'on dira ci-dessous, qu'elle fut si contrainte par les lois de Romulus, de Numa et d'autres, que la fertilité de son site, la commodité de la mer, ses fréquentes victoires, la grandeur de son empire ne purent, des siècles durant, la corrompre et qu'elle conserva des vertus dont ne furent jamais autant ornés ni cités ni États.87 » Sparte et Rome furent chanceuses, elles reçurent de bonnes lois

contraignantes dès leur origine. Ce n'est pas le cas pour toutes les républiques. Parfois, les lois établies par le fondateur ou le premier législateur ne sont pas parfaites. Les peuples vivant dans ces républiques sont alors forcés de réformer les lois. Comme on l'a déjà dit, il s'agit d'une entreprise très dangereuse que de réformer les institutions d'un État. Les hommes ne sont jamais tous d'accord avec les réformes proposées et il y en a toujours qui s'opposent au changement. Les républiques dont les lois originelles ne sont pas bonnes sont donc en péril. Il y a de fortes chances qu'elles s'éteignent rapidement.

On a dit que les républiques peuvent être instaurées par une seule personne qui dirige le peuple, ou bien par l'ensemble du peuple, sans meneur identifié. Parmi ces deux options, Machiavel favorise définitivement la première. Il dit qu' « il n'arrive jamais, ou rarement, qu'une république ou un royaume soient bien organisés dès l'origine, ou totalement réformés, sinon par un homme seul.88 » Il va même jusqu'à dire qu'un homme

sage qui veut agir dans l'intérêt du peuple et non pas simplement dans son propre intérêt doit s'approprier tous les pouvoirs. Une république a donc besoin d'un prince, en quelque sorte, pour être instaurée sur de solides fondations. Ce fondateur doit ensuite prendre toutes les précautions nécessaires afin d'assurer sa succession. Il doit éviter à tout prix de léguer le pouvoir dans les mains d'un seul homme. Comme on le sait maintenant, Machiavel croit que l'homme est égoïste et, du fait de son égoïsme, méchant envers autrui. Il y a nécessairement quelques exceptions à cette nature puisque les grands fondateurs de républiques ont bel et bien existé, mais il n'y a que très peu de chances que le successeur d'un tel fondateur lui ressemble. La description que fait Machiavel de la nature humaine

87 Ibid., livre 1, chap.1, p.191. 88 Ibid., livre 1, chap.9, p.208-209.

concerne la grande majorité des hommes, il y a donc de fortes possibilités que le successeur d'un fondateur ne soit ni juste ni sage, mais plutôt cruel et ambitieux, ce qui annulerait tous les efforts du premier législateur. À sa mort, le législateur doit laisser le pouvoir de la république entre les mains de l'ensemble des citoyens.