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Indicateur d'accessibilité gravitaire et calcul éco nomique

IV Fondements théoriques aux mesures d'ac cessibilité gravitaires

IV.2 Indicateur d'accessibilité gravitaire et calcul éco nomique

Etablir un lien entre théorie économique et accessibilité constitue une étape indispensable à l'utilisation d'un indicateur d'accessibilité pour évaluer l'utilité sociale d'un projet ou, plus généralement, d'une politique. Ainsi, après avoir rappelé dans un premier temps les concepts de base de la théorie du surplus, nous détaillerons par la suite les liens entre modélisation des comportements, accessibilité et surplus pour le modèle d'interaction spatiale gravitaire.

IV.2.1 La théorie du surplus

La théorie du surplus fut initiée par Jules Dupuit, ingénieur des Ponts et Chaussées, au XIXeme siècle. Elle consiste à évaluer les avantages résultant

d'un nouvel investissement en déterminant le surplus net dégagé. Appliquée au transport, la théorie du surplus permet ainsi de mesurer la variation de satisfaction générée par la mise en place d'une nouvelle infrastructure en com- parant les situations a priori et a posteriori. La théorie du surplus s'inscrit dans le cadre de la théorie micro-économique classique. Elle part du principe que la collectivité cherche à maximiser une fonction de bien-être collectif W qui dépend de l'utilité de chaque agent Ui [131]. Dès lors, nous développons

la théorie du comportement du consommateur et son application dans le cadre du calcul de surplus avant de nous intéresser à l'agrégation des utilités individuelles et à la variation de surplus collectif.

La théorie du comportement du consommateur

Selon Emile Quinet [144], la théorie du comportement du consommateur permet d'apprécier l'eet d'une redistribution des prix et des quantités sur l'utilité de chacun des individus qui composent la société considérée. Elle s'exprime par la variation d'utilité Ui de l'individu i entre l'état initial (indice

0) et l'état nal (indice 1) : ∆Ui = Ui(q11i, . . . , q 1 ni) − Ui(q1i0, . . . , q 0 ni) = U 1 i − U 0 i

Un consommateur i présente la fonction d'utilité suivante : Ui(q1i, q

i 2, . . . , q

i n)

avec qi

j (j = 1, n) la consommation du bien j

Il cherche à maximiser cette fonction sous la contrainte d'un revenu maxi- mum ri à ne pas dépasser, soit :

m

X

j=1

pjqji ≤ ri

avec pj le prix du bien j.

La maximisation est réalisée par dérivation du Lagrangien : L = Ui− λi( X j pjqij − ri) A l'optimum, on obtient : ∂Ui ∂qi j = λipj

avec λ le multiplicateur de Lagrange, représentant l'utilité marginale du re- venu.

Soit, avec m biens : dUi = m X j=1 ∂Ui ∂qi j dqij = λi m X j=1 pjdqij

On pose alors l'hypothèse d'un paramètre λ constant 10 avec λ = 1 et on

obtient :

dUi =

X

j

pjdqij

Dans l'hypothèse où un seul prix varie on a : dU = −qijdpj

10Les variations marginales des utilités ne sont dénies qu'à un facteur multiplicatif

Si l'on pose l'hypothèse d'une fonction d'utilité quasi linéaire ainsi que la variation d'un seul prix 11, on obtient la formule suivante :

∆Ui = −

Z p1j

p0 j

qijdpij

Cette formule traduit le surplus de l'usager, elle reète l'intégration de l'aire sous la courbe de demande.

Le concept de bien-être collectif

De l'utilité individuelle au bien-être collectif

Suivant l'hypothèse que la fonction d'utilité collective W dépend de l'uti- lité de chaque agent (i = 1 à n), on a :

W = F (U1, . . . , Un)

La variation de bien-être collectif s'écrit alors :

dW =X j Fi0dUi Soit, à l'optimum : dW =X i ∂W ∂UidUi Et : dW = n X i=1 m X j=1 ∂W ∂Ui ∂Ui ∂qi jdqji = n X i=1 m X j=1 λi ∂W ∂Ui pjdqji

Sous les hypothèses que les utilités marginales de la monnaie soient égales à 1 et que la répartition initiale des revenus soit optimale12, on a :

dW =X

j

pjdqj

11Si plus d'un prix change, le surplus du consommateur est indéterminé.

12L'accroissement marginal du bien-être collectif procuré par l'accroissement marginal

avec qj =

Pn

i=1q j i

Cette formule traduit la variation de surplus du consommateur au sens de Dupuit.

De la fonction d'utilité individuelle à la fonction d'utilité collective ou la question de l'agrégation des utilités individuelles

La question de l'utilité a été traitée dans le cadre de travaux réalisés avec Raux et al. [150], auxquels ces quelques paragraphes font largement référence. En réaction à l'approche utilitariste, dans laquelle la justice est un sous-produit de la recherche du plus grand bonheur pour le plus grand nombre, en ignorant les inégalités éventuelles dans la distribution des utili- tés, les théories contemporaines de la justice ont cherché à intégrer le concept d'équité. Un apport majeur est la théorie de la justice de Rawls [151] qui re- pose sur plusieurs principes dont le fameux principe de diérence qui s'appuie sur le critère du maximin : ce dernier vise à maximiser le surplus minimal. Rapportée à l'économie des transports, l'approche du maximin suppose de retenir un projet qui favorise l'intérêt des plus pauvres même si ce projet ne présente pas la plus grande variation de surplus collectif, à l'inverse des préconisations du calcul économique traditionnel (Thisse, [165]). Ce critère du maximin peut être formalisé de la façon suivante :

M ax [M ini∆Si]

tandis que l'approche traditionnelle du calcul économique avance le critère d'ecacité optimale suivant :

M ax " X i ∆Si #

Face aux questions d'équité et de justice sociale, Wolfelsperger [179] avance une conception néo-utilitariste de la justice en supposant l'existence d'un  observateur idéal  chargé de représenter les préférences des individus. La fonction de justice sociale, cherchant à maximiser le bien-être collectif, peut s'écrire sous la forme suivante :

W = 1 α

X

i

si α 6= 0

W =X

i

log(Ui)

si α = 0

Le paramètre α permet de pondérer les utilités individuelles en fonction de leur niveau et représente ainsi le degré de prise en considération des inégalités. Wolfelsperger distingue trois principaux cas pour qualier l'aversion (plus ou moins forte) pour l'inégalité :

 Une préférence pour l'inégalité se caractérise par α > 1 . Cela sous- entend que le poids accordé à un individu, dans l'évaluation de la justice de la répartition, est d'autant plus important que cet individu bénécie d'un niveau initial d'utilité élevé.

 Une vision utilitariste se traduit par α = 1. Dans ce second cas, qui renvoie à la célèbre formule de Bentham  le plus grand bonheur du plus grand nombre , tous les individus sont considérés égaux et ce, indépendamment de leur niveau initial d'utilité.

 Le troisième cas caractérisé par −∞ < α < 1 fait référence à une aversion pour l'inégalité. La fonction de justice accorde à une variation d'utilité un poids d'autant plus important que le niveau initial de cette utilité est faible. Comme le rappelle Wolfelsperger, plus la valeur de α est faible, plus on se rapproche d'une situation où seule est prise en compte la variation d'utilité de l'individu dont le niveau de bien-être initial est le plus faible. Ce troisième cas présente des similitudes avec l'approche du maximin de Rawls évoquée ci-dessus.

IV.2.2 Accessibilité gravitaire et surplus du consommateur

L'apport de Wilson : le principe de l'entropie maximale pour développer le modèle gravitaire

Sur la base du principe de l'entropie maximale13, Wilson développe à la

n des années 1960 [178] le modèle gravitaire doublement contraint pour dépasser l'une des limites des modèles gravitaires  traditionnels , à savoir l'absence d'eets de concurrence (cf. section II.3.4). La présentation des tra- vaux de Wilson est réalisée sur la base d'un article de Bonnafous et Masson

[21] ainsi que sur un précédent travail de Raux et al.[150]. Wilson considère un ensemble de déplacements (d'interactions) noté T entre une série de zones d'origine i (i = 1, . . . , n) et de zones de destination j (j = 1, . . . , m). On sup- pose que les déplacements sont exclusivement des déplacements  domicile- travail  et que le nombre de résidents et d'emplois dans chacune des zones est connu. En revanche le nombre d'habitants de la zone i se rendant tous les jours au travail dans la zone j est inconnu. Le nombre de fois où l'on peut obtenir une distribution donnée dépend des permutations pouvant être réalisées. Soit : W = QT ! i,jTij! avec T = Pi P jTij

Après transformation de l'expression en logarithme et utilisation de l'ap- proximation de Stirling (logX! = XlogX − X), on obtient :

lnW = T lnT − T −X

i

X

j

TijlnTij + T

Wilson introduit alors trois contraintes :

 une contrainte de destination an que le nombre total de déplacements vers une zone donnée n'excède pas la capacité d'accueil de cette zone. Cette contrainte s'écrit :

∀j ∈ K,X

i

Tij = Dj

avec Dj la capacité d'accueil (le nombre d'emplois) de la zone j

 une contrainte de coût an que l'ensemble des déplacements soit réa- lisé à l'intérieur d'une enveloppe budgétaire globalement donnée. Cette contrainte s'écrit : X i X j cijTij = C

La résolution du Lagrangien suivant L = −X i X j (TijlnTij−Tij)+ X j λi(Oi− X j Tij)+ X j µj(Dj− X j Tij)+β(C− X i X j cijTij)

nous donne Tij = exp−λi−µj−β∗cij On pose alors : ai = exp−λi Oi = P 1 jexp −µj−β∗cij et bj = exp−µi Dj = P 1 iexp−λi−β∗cij

Par substitution on obtient ai = 1 P jBjDjexp−β∗cij et bj = 1 P iAiOiexp−β∗cij

Soit le trac doublement contraint :

Tij = Oi∗ ai∗ Dj ∗ bj ∗ exp(−βcij)

Si l'ensemble des contraintes a été imposé, il est possible de contraindre  simplement  le modèle. On obtient alors :

Tij = Oi Djexp−β∗cij P kDkexp −β∗cij Soit Ai = P

jDjexp−β∗cij l'indicateur d'accessibilité gravitaire le plus

courant. On retrouve alors le dénominateur du modèle  simplement  contraint. Les développements de Neuburger

Neuburger [137] pose l'hypothèse de la distribution gravitaire des dépla- cements.

Tij =

OiDiexp−λ∗cij

P

la variation de surplus s'écrit ∆S =X i X j Z Cij2 C1 ij OiDjexp−λ∗cij P kDkexp−λ∗cik dCij

avec Cij le coût du déplacement entre les zones i et j

En posant : Cij = Cij1 + ηδij et δij = Cij2 − Cij1 on obtient : ∆Si = − Oi λ log( P kDkexp −λC2 ik P kDkexp −λC1 ik )

Suivant l'indicateur d'accessibilité gravitaire, on peut donc écrire : ∆Si = Oi β (lnA 2 i − lnA 1 i) L'apport de Cochrane

A la suite de Neuburger, de nombreux travaux se sont intéressés à la rela- tion entre accessibilité gravitaire et surplus de l'usager (Williams ou Erlander et al. [67], par exemple). Parmi eux, Cochrane souligne en préambule de son article [42] que si les apports de Wilson sont incontestables, ils ne mettent pas réellement en évidence les fondements économiques du modèle gravitaire. L'auteur développe alors une démonstration an de mettre en évidence les liens entre modèle gravitaire et théorie économique du surplus.

La probabilité de l'utilité retirée de la réalisation d'un déplacement s'écrit Φ(u) = [F (u)]n = [1 − exp−λ(u−m)]n

Soit,

ln Φ(u) = −n ∗ exp−λ(u−m)

On pose n = hAj (le nombre de possibilités de déplacement n oerte

par une zone j étant proportionnelle à Aj, une mesure de l'attraction). On

considère en outre le surplus comme la diérence entre l'utilité probable du déplacement (u) et le coût généré par le déplacement (cij). On a alors :

Φ(u) = exp[−hAjexp−λ(sij +cij −m)]

La probabilité qu'un déplacement ayant son origine dans la zone i soit à destination de la zone j, autrement dit la probabilité que la zone j soit la zone la plus attractive s'écrit :

P r = Ajexp

−λcij P

jAjexp−λcij

Soit Oi le nombre de déplacements depuis la zone i. Le trac entre les

zones i et j s'écrit alors :

Tij =

OiAjexp−λcij

P

jAjexp −λcij

On retrouve ici l'expression du modèle simplement contraint.

Le surplus de l'usager lié au passage d'une situation 1 à une situation 2 devient : ∆ST = X j Z c2ij c1 ij Tijdcij ∆ST = 1 λ X i Oiln " (P jAjexp −λcij) 2 (P jAjexp−λcij)1 #

On retrouve le résultat obtenu par Neuburger pour le modèle simplement contraint.

* * *

Cette quatrième section a été élaborée dans le souci de justier les mesures d'accessibilité qui seront utilisées ultérieurement dans notre travail, à savoir les mesures gravitaires. Cette justication repose sur deux types de critères : le respect des axiomes de Weibull et leur cohérence avec le calcul économique. Ces contraintes respectées, les indicateurs sont considérés comme pertinents et en adéquation avec la théorie micro-économique. Les mesures gravitaires de l'accessibilité respectent l'ensemble des axiomes de Weibull et sont cohérentes avec les principes du calcul économique.