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Chapitre 3 : Problématique et méthode de la thèse

3.1 Conflits et Efforts de réconciliation en RD Congo

3.1.1 De 1958 à 1965 – Indépendance et première République

Le Congo a acquis son indépendance dans les violences et le sang. Divers mouvements de revendications étaient réprimés, de nombreux discours suscitaient la haine. L’indépendance a entraîné la partition du pays. Les efforts d’unification et de réconciliation ont été déployés à travers le pays au prix de nombreuses vies humaines et sans résultat vraiment satisfaisant.

a. Principales tensions et démarches de réconciliation 1958-1965

Avant l’indépendance, les populations revendiquaient diversement une autonomie, des sécessions ou la reconnaissance du système traditionnel, représenté par des entités coutumières6. Le système de l’administration des territoires colonisés était mal enraciné dans les cultures africaines qui le considéraient comme une greffe au système traditionnel à référence identitaire7. Il fallait réorganiser les structures de la société pour répondre à la revendication de la bonne gestion de grandes villes. L’organisation des élections municipales de 1958 dans les grands centres urbains, en vue de moderniser les structures de certaines villes, a provoqué des hostilités qui ont plongé le pays dans un premier conflit majeur vers la fin de la période coloniale.

Élection communales et relations des communautés ethniques en 1958

Dans un exercice d’apprentissage politique en vue de l’indépendance, on a voulu créer des entités administrées par les Congolais eux-mêmes et fixer la structure de base permettant la mise en place d’institutions locales démocratiques8. Dans ce nouveau contexte, les grandes villes du pays ont acquis une autonomie communale et politique. Le

6 Ibidem.

7 Bosco Mochukiwa, Territoires ethniques et territoires étatiques. Pouvoirs locaux et conflits interethnique au Sud-Kivu (R.D. Congo, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 1. Les territoires ethniques tiennent compte des

frontières et des propriétés foncières ethniques, contrairement aux territoires étatiques, découpés par la colonisation, en divisant les familles ethnies en morceaux; consulté en ligne le 211 avril 2013 :

http://books.google.ca/books?hl=fr&lr=&id=Myf8_sL7nIMC&oi=fnd&pg=PR7&dq=conflit+congo+demo cratique&ots=fQRCwnjZbj&sig=I7qkOqayH78zMZSm16V2C_JK4Ic#v=onepage&q=conflit%20congo% 20democratique&f=false

8 Isidore Ndaywel è Nziem, Nouvelle histoire du Congo. Des origines à la République Démocratique,

choix des responsables nationaux passa par la consultation de la population9. Comme il n’existait pas encore de partis politiques, la mobilisation se fit autour des fédérations tribales. Cela a entraîné une forte détérioration des relations entre les communautés ethniques. On reconnaît cependant que les élections communales furent l’un des prémisses de la nationalisation des cadres10, facteur qui a contribué à la prise de conscience politique et à l’accélération de l’accession à l’indépendance.

Ces élections n’apportèrent pas que le bonheur. Le processus électoral fut truqué11 et les résultats furent à la base des frustrations dans les relations entre les ethnies. Selon les résultats des votes, au Katanga par exemple, seuls les ressortissants des autres provinces furent élus bourgoumestres12 pour la totalité des sièges à Lubumbashi. En plus, les injustices et la discrimination de ces nouveaux responsables envers les autres groupes à l’accession aux postes et au bénéfice des avantages sociaux, accrurent des hostilités ethniques. Certains observateurs anticipaient déjà les conséquences négatives de telles élections : « À quoi servirait une victoire qui n’apporterait que haine et insécurité»13. La situation fut plus tard meurtrière au moment de l’indépendance, indique Masangu14.

Les émeutes et la révolte des martyrs de l’indépendance du 4 janvier 1959

Avec l’éveil de la conscience congolaise, les élites Congolaises se manifestèrent dans plusieurs meetings et organisations. L’accélération de la prise de conscience de la politique est marquée par des événements tels que l’Exposition Universelle de Bruxelles, à laquelle les Congolais prirent part15, et la rencontre panafricaine à la Conférence du

9 Masangu-a-Mwanza, Jean, Mémoires d’un ambassadeur : indépendance controversée du Katanga,

Hollande, [s.l.], [ s.éd.], 2004, p. 15.

10 C'est-à-dire que l’ensemble des cadres administratifs devenaient congolais.

11 À Lubumbashi au Katanga, « Aucun parti n’avait présenté des listes électorales dans les quatre

communes autochtones. Seuls les ressortissants du Kasaï s’organisèrent en fédération et enlevèrent la majorité de sièges grâce à leur cohésion et leur solidarité légendaire » Voir J Masangu-a-Mwanza, Jean,

Mémoires d’un ambassadeur, p. 48.

12 Le Bourgoumestre est un fonctionnaire de l’État qui gère une entité décentralisée, tel qu’un

arrondissement, dans une grande ville.

13 Louis Vuitton, « Rivalité Kassaï-Katanga », dans Essor du Congo, hebdomadaire du Katanga, éditions de

l’Essor du Congo, Lubumbashi, samedi 11 février, 1958, p. 2.

14Jean Masangu-a-Mwanza, Mémoires d’un ambassadeur, p. 15. 15 Cléophas Kamitatu-Masamba, Kilombo ou le prix à payer, p. 59.

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rassemblement des peuples africains à Accra16. Masangu ajoute aussi que le retour des combattants militaires Congolais de l’Abyssinie, après la Seconde Guerre mondiale17, a eu un impact sur les relations avec les autorités coloniales. À leur retour, les Congolais se lancèrent dans des mouvements de revendication pour l’indépendance.

Dans cet ordre d’événements, le refus de l’administration belge de la tenue du meeting de l’Association des Bakongo (Abako) fut à la base des émeutes du 4 janvier 1959 à Léopoldville (Kinshasa). Joseph Kasavubu, président de l’Association devait communiquer les directives sur l’avenir et l’indépendance du Congo18. Selon l’administration coloniale, la tenue d’un meeting à caractère politique exigeait que le parti ou l’Association obtienne au préalable une autorisation officielle. Le report du meeting de ce dimanche 4 janvier 1959 mit de l’huile sur le feu et la réaction des militants en colère prit des allures essentiellement politiques. Ils se livrèrent à des actes d’une grande violence :

« Jets des pierres contre les policiers affectés au maintien de l’ordre […], destruction et pillage de toutes les maisons de commerce appartenant aux étrangers, […]. La riposte armée des policiers causa de nombreux morts. On entra évidemment dans l’engrenage de la violence et de l’émeute généralisée qui dura quatre jours et paralysa toute activité dans Léopoldville» 19 .

La force de ces événements montre que les revendications des Congolais avaient réellement un caractère politique et les émeutes se succédaient comme autant de démonstrations de force pour en finir avec le pouvoir colonial. Pendant que les Congolais revendiquent leur indépendance dans la violence, de l’autre côté du fleuve, au Congo Brazzaville, ancienne colonie française, le président de la France, Charles De Gaulle, dans sa tournée africaine, promettait à ceux qui cherchaient l’indépendance de l’obtenir sans heurt: « Que ceux qui veulent l’indépendance la prennent, je garantis que la métropole ne s’y opposera pas! »20.

16 Isidore Ndaywel è Nziem, Nouvelle histoire du Congo, p. 432. 17 Jean Masangu-a-Mwanza, Mémoires d’un ambassadeur, p. 15. 18 Cléophas Kamitatu-Masamba, Kilombo ou le prix à payer, p. 60. 19 Ibidem, p. 62.

20 Gérard Althabe, Les fleures du Congo. Suivi de commentaires, Paris, Libraire François Maspero, cahiers

libres, no 232-233, 1972, p. 228. Le livre est publié à partir d’un recueil des notes manuscrites inédites du

Formation des partis politiques

Sous l’administration coloniale, la constitution des partis politiques ne fut pas une démarche aisée. En 1959, après les émeutes du « meeting manqué » de l’Abako à Kinshasa une première lueur d’espoir fut suscitée par la naissance des partis politiques qui se développaient, se restructuraient et s’organisaient progressivement21.

Comme le pouvoir colonial adoptait une stratégie de « diviser pour régner », il était difficile de constituer des partis qui rassembleraient une diversité d’acteurs politiques. Pendant la colonisation, les Congolais ne s’étaient jamais organisés dans aucune institution commune, et ils vivaient dans une méfiance mutuelle22. Jusque-là, la circulation dans le pays n’était pas libre pour tous les Congolais. Le déplacement, par exemple, dans un autre territoire, ville ou province, était soumis à une politique d’immigration. Alors dans cet état de choses,

« Comment les Congolais pouvaient-ils se connaître? [Ils] ne se connaissaient pas, même à travers la presse ou des ouvrages interposés, comment pouvaient-ils s’estimer et se faire assez confiance en vue de fonder ensemble un même parti politique? Gérer en commun exige un minimum de confiance mutuelle qui ne vient qu’avec la connaissance qu’on a de l’autre. Cet autre était pour chaque Congolais un inconnu! On alla donc vers ce que l’on connaissait, non pas, parce que c’était un choix de l’excellence, mais simplement [c’était] un choix naturel et humain»23 .

Pour se trouver des interlocuteurs valables avant l’indépendance, la Belgique poussée par les Congolais, organisa en janvier-février 1960 la Table ronde de Bruxelles, une conférence où les leaders congolais purent se rencontrer et discuter avec les Belges. Selon Cléphas Kamitatu, c’est à cette occasion que la majorité de gestionnaires politiques congolais ont pu faire connaissance et créer des partis, quelques mois avant l’indépendance.

intellectuels et étudiants congolais et révolutionnaires ». Le document est signé par le cabinet du gouvernement de la Fraternité, décembre 1971.

21 Cléophas Kamitatu-Masamba, Kilombo ou le prix à payer, p. 64. 22 Ibidem, p. 65-67.

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En pratique, plusieurs Associations des Mutualités ethniques (tribales) furent transformées en partis politiques. Le parti fut alors un prolongement de pouvoir ethnique fait à base de la confiance naturelle de ressortissants de son milieu d’origine, sans aucune idéologie politique ni un programme de société précis. À quelques exceptions, les membres des partis se recrutaient parmi les membres de l’ethnie. Ainsi l’ABAKO fut au départ une Association socioculturelle des Bakongo, la BALUBAKAT, d’abord une Cartel, mais sera le parti politique des Baluba du Katanga; le parti politique ATCAR était une Association du peuple Tshokwe du Congo, d’Angola et de la Rhodésie (actuelle Zambie).

Ces partis politiques ethniques et régionaux avaient donc le grand défi d’intégration nationale dans ce climat de revendication identitaire. Lors de la conférence de Bruxelles, on a constaté qu’il y avait trois tendances dans les partis politiques24 : 1- le courant nationaliste, constitué des partis politiques nationaux, ethniques ou régionaux, prônait l’unité nationale du pays; 2- le courant conservateur, avec surtout des petits partis politiques ruraux et paysans, privilégiait la collaboration et l’union avec la Belgique, chose que rejetaient les autres; 3- le courant sécessionniste regroupait des partis indépendantistes et conservateurs qui revendiquaient l’indépendance de leurs diverses entités territoriales. C’est dans ces conditions de conflits que les partis sont nés et que les acteurs politiques se dirigèrent à la Table ronde de 1960, avec l’idée d’exiger l’indépendance dans l’immédiat ou de façon progressive. Dans ce processus démocratique, les élections générales s’organisèrent en mai 1960, pour choisir les députés du premier parlement du futur Congo indépendant.

b. Sécession ou manœuvre de la colonisation

L’indépendance de la République démocratique du Congo a été proclamée le 30 juin 1960. Mais diverses raisons motivaient déjà certains acteurs politiques à vouloir faire la sécession d’une partie du pays: l’ambition poussait des dirigeants politiques congolais à assumer le leadership sur leurs entités régionales indépendantes ou autonomes. Certains responsables belges de compagnies minières furent aussi des instigateurs de ces

mouvements. Ils craignaient ce qui leur arriverait suite à l’indépendance du pays. Ils cherchaient à éviter le contrôle et le poids du gouvernement central de Kinshasa25. En poussant les acteurs politiques congolais à la sécession, les Belges pensaient assurer la continuité de la gestion des richesses du pays.

La Sécession et l’Indépendance du Katanga

Le11 juillet 1960, deux semaines après la proclamation de l’indépendance de la République, le gouverneur du Katanga, Moïse Tshombe, proclame à son tour la sécession de la province du Katanga. L’élément déclencheur de la sécession katangaise fut la mutinerie à Léopoldville (Kinshasa). Les propos d’un chef militaire belge « Avant indépendance est égal à Après indépendance »26, signifiant par là que les Belges resteraient à la tête de l’armée, poussèrent les militaires congolais à la désobéissance contre la hiérarchie militaire coloniale.

Les émeutes qui s’en suivirent et le besoin d’une intervention des troupes étrangères pour neutraliser les militaires congolais, conduisirent le gouverneur Moïse Tshombe à proclamer immédiatement l’indépendance du Katanga qui fut aussitôt contestée. Les autorités belges refusèrent de la reconnaître officiellement. De plus des partis politiques du Katanga qui s’opposaient à la sécession refusèrent l’offre de participer au gouvernement du Katanga27. Cette situation entraîna des conflits entre les partis politiques dont les relations étaient déjà minées par leur caractère ethnique et régional. La guerre contre les entités opposées, perçues comme rebelles à la sécession, fut longue et meurtrière.

L’indépendance et l’autonomie du Sud-Kasaï

Comme au Katanga, dans la province du Kasaï, Albert Kalonji Ditunga planifie, lui aussi de proclamer l’indépendance du Sud-Kasaï. Ses relations délicates avec Patrice

25 André Kabanda Kana K, L’interminable crise du Congo-Kinshasa. Origines et conséquences,

L’Harmattan, 2005, p. 103-105.

26 Jean Masangu-a-Mwanza, Jacques, Mémoires d’un ambassadeur, p. 37-38. 27 Ibidem.

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E. Lumumba, ainsi que la scission du parti MNC en deux ailes, l’une appuyant Lumumba et l’autre Kalonji, sont de mauvais augures28. Nommé ministre de l’Agriculture du gouvernement Lumumba, Kalonji, nourrit l’espoir de s’autoproclamer chef du Sud- Kasaï29. Ainsi à l’exemple du Katanga, la province du Kasaï entra en sécession deux mois après l’indépendance. Kalonji devient le « Mulopwe » c’est-à-dire chef du Sud-Kasaï. Notons ici que les Baluba du Kasaï n’avaient pas de chef ni de terre et étaient en conflits permanents avec les Lulwa qui les considéraient comme envahisseurs. À cause de ses frères menacés de toute part, expulsés du Katanga et combattus par les Lulua, Kalonji estimait avoir de bonnes raisons de devenir leur Mulopwe, leur chef ethnique :

« Ce titre [Mulopwe] m’a été attribué lorsque les chefs coutumiers Baluba se sont réunis à Tshibata. Ils ont estimé que j’avais toujours défendu leur cause à Luluabourg, notamment en faisant référence à mon combat contre M. Desquenne (sic), qui affirmait que les Baluba étaient étrangers sur les terres des Luluas»30 .

En se proclamant « Mulopwe », A. Kalonji entend assurer une propriété foncière aux Baluba dans la région, solution déjà envisagée et soutenue par l’administration coloniale31.

Cependant, encore attaché à la politique de l’unité nationale, A. Kalonji changea ses intentions et ne proclama pas l’indépendance; il créa plutôt un État autonome du Sud- Kasaï, justifiant son acte par la protection du peuple Muluba du Kasaï, rejeté et expulsé du Katanga et en conflits meurtriers avec les Lulua32. Par manque d’une organisation

28 Congo 1959. Documents belges et africains, 2è éd., coll. Dossiers du C.R.I.S.P., Bruxelles, Centre de

Recherche et de l’Information Socio-Politiques, 1961, p. 169-171.

29 André Kabanda Kana K, L’interminable crise du Congo-Kinshasa, p. 102-103.

30 Albert Kalonji Ditunga Mulopwe, Congo 1960. La Sécession du Sud-Kasaï. La vérité du Mulopwe, Paris,

L’Harmathan, 2005, p. 16, consulté en ligne le 19 avril 2013.

http://books.google.ca/books?id=CFSzu72DIfUC&pg=PA10&dq=carte+administratid+congo+democratiqu e+1960&hl=fr&sa=X&ei=LWFxUebOGOm4yAG7goBg&sqi=2&ved=0CFoQ6AEwBQ#v=onepage&q=c arte%20administratid%20congo%20democratique%201960&f=false

31 A. Dequenne, « Rapport du commissaire de District assistant sur le conflit lulua-baluba », dans J. Gérard-

Libois (dir.), Congo 1959. Documents belges et africains, 2éd. revue et augmentée, Les Dossiers du C.R.I.S.P., Bruxelles, Centre de Recherche et Information Socio-Politiques, 1959, p. 211. Le climat conflictuel naît lorsque qu’il y a eu changement de mentalité : « les Lulua commencèrent à envoyer leurs enfants à l’école […]. Ils s’aperçurent alors que toutes les situations qu’ils briguaient étaient occupées par les Baluba, que ceux-ci les traitaient en inférieurs, et que la plupart des Européens faisaient fi de leurs offres de service, on ne leur donnait que les emplois les plus subalternes ».

forte et une armée propre, l’autonomie du Sud-Kasaï ne fut que de courte durée. Elle fut anéantie par les forces gouvernementales appuyées par celles de l’ONU.

Il faut reconnaître que ces deux mouvements de sécession du Katanga33 et du Sud- Kasaï affaiblirent sensiblement le pouvoir central et le gouvernement de Lumumba. Dans ce climat de déstabilisation généralisée, en 1960 six gouvernements prétendent détenir la légitimité du pouvoir: celui de Patrice Lumumba (Léopoldville/Kinshasa); celui de Joseph Iléo (Léopoldville/Kinshasa); celui des étudiants constitué à la demande du général Mobutu, par Justin Bomboko (Léopoldville/Kinshasa); celui d’Antoine Gizenga (Stanleyville/Kisangani); celui de Moïse Tshombe (Élisabeth/Lubumbashi); ainsi que celui d’Albert Kalonji (Luluabourg/Kananga)34.

c. Premières tentatives de solutions pacifiques : échecs et fragilités1960-1965

Durant cette période troublée, plusieurs conclaves ou Conférences de paix ont été organisés pour favoriser le rétablissement et l’unification du pays et pour permettre aux acteurs politiques de collaborer à instaurer la paix dans la jeune république indépendante.

La conférence de Tananarive (Madagascar) et de Bandaka (Conquillatville)

À cause de la grave crise politique au début de l’indépendance, la recherche de solutions négociées sembla la seule issue vers la pacification du pays. Pour que ces débats se passent dans un pays neutre, le Madagascar fut choisi pour cette conférence devant déboucher sur la signature d’accords entre les armées des rebelles et celle du gouvernement. Les résultats établirent une sorte de protocole d’accord militaire permettant de faire un arrangement politique et de garantir les institutions de la République. On estimait que le contrôle de toutes les forces militaires par un seul état- major réduirait les tensions entre les factions et empêcherait l’établissement d’un régime communiste dans le pays. Ensuite, en l’absence d’Antoine Gizenga, la conférence adopta

33 E. Boissonnade, Kabila clone de Mobutu, Paris, Moreux, 1998, cité par Hilaire Djungadeke Pesse, Le leadership de Néhémie comme paradigme pour la reconstruction en République démocratique du Congo,

Thèse, Université de Montréal, note 11, p. 50.

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le système d’une confédération dirigée par Joseph Kasavubu35, président de la première république. Cependant, sous l’influence du Katanga, les accords de Tananarive dénonçaient la présence des forces de l’ONU, déployées suite à la résolution du Conseil de sécurité du 21 février 196136. L’ONU ayant refusé de retirer ses forces, les accords ne furent pas mis en œuvre et la sécession du Katanga se poursuivit.

Après l’échec des accords de Tananarive, on chercha un nouveau cadre de négociation. La ville de Coquilathville (Bandaka) en RD Congo fut choisie pour abriter ces assises. On y adopta des résolutions d’accord de paix et d’unification du pays qui donnèrent beaucoup d’espoir. À cette rencontre, on assista malheureusement à l’arrestation de Tshombe; tous les représentants des tendances lumumbistes furent absents à cette réunion de réconciliation37. Ces incidents eurent comme conséquence la poursuite de la guerre entre les forces onusiennes et les groupes sécessionnistes; la réconciliation fut de nouveau compromise.

Conclave de Lovanium (actuelle Université de Kinshasa)

Le conclave, dit de Lovanium, s’est tenu le 22 juillet 1961 pour faire suite à la conférence de Coquilathville. Sous la haute sécurité des forces onusiennes, la conférence se déroula à la hâte pour décider sur les solutions immédiates. Elle était essentiellement constitutionnelle et les sénateurs devaient décider sur le parlement du pays, l’intégrité du Congo et le retour du Katanga au sein de l’ensemble national. Les sénateurs devaient résoudre les problèmes de la loi constitutionnelle et de l’organisation de l’administration et des finances38. En l’absence des ministres et des parlementaires, cette conférence s’est tenue pour former un parlement qui conduirait à la mise en place d’un nouveau gouvernement39, après celui de Lumumba, en 1960. Mais la situation intérieure conflictuelle perdura et amena au coup de force perpétré par Joseph-Désiré Mobutu le 24 novembre1965.

35 Thassinda Uba Thassinda, Zaïre : les princes de l’invisible. L’Afrique noire bâillonnée par le parti unique, Caen (France), Éditions C'EST À DIRE, 1992, p. 335.

36 Jean Masangu-a-Mwanza, Jacques, Mémoires d’un ambassadeur, p. 69-71. 37 Thassinda Uba Thassinda, Zaïre : les princes de l’invisible, p. 336. 38 Ibidem, p. 79-80.

d. Bilan de la première période

Pour comprendre la nature des tensions de cette époque, leurs causes et les tentatives de leurs solutions, il faut remonter à la période précédant l’indépendance. La Belgique n’avait pas préparé suffisamment la transition vers l’indépendance. Celle-ci