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Chapitre 4 : La société traditionnelle luba

4.2 Religion traditionnelle luba

4.2.2 Description de la religion traditionnelle luba

À la différence d’autres religions, tel que le christianisme et l’Islam, qui ont des

fondateurs, la religion traditionnelle s’est développée à travers plusieurs siècles en

61 René Alleau, Jean Pépin, « Tradition », dans Encyclopaedia Universalis, http://www.universalis-

edu.com/recherche/sujet/9093/?mode=MIXTE ( consulté, le 24 septembre 2013).

Dans différentes Églises, particulièrement dans l'Église catholique, il y a la transmission de siècle en siècle de la connaissance des choses qui concernent la religion et qui ne sont point dans l'Écriture sainte.

62 René Latourelle et Rino Fasichella (dir), Dictionnaire de théologie fondamentale, p. 826. 63 Ibidem.

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réponse à la situation de la vie des peuples et de leurs expériences64. Le Père Placide Tempels est le premier à avoir soulevé le problème de la religion et de la philosophie bantu. Il avait déjà compris que la religion africaine appartenait à un genre différent de celle d’Europe65.

Dans ses articles portant sur la manière dont les Baluba-Shankadi se représentent le monde 66, le Père Tempels s’intéressa aux aspirations de l’homme Muluba, sa synthèse mentale et son style de vie: «Selon l’ontologie bantu, l’homme est le centre de l’univers créé. Le muntu, sa force vitale, la vie même de l’homme est la merveille de la création de Dieu. La vie est le don sacré de Dieu»67. Les Baluba savent que le renforcement de la vie

ne peut venir que de Dieu : «L’être humain grandit en respectant, en multipliant, en renforçant la vie des autres humains, mais [...] il diminue quand il détruit ou tue la vie ou la force des autres hommes. […], l’être humain grandit dans la mesure où il accepte librement d’être renforcé par les autres, par la communauté de vie avec eux» 68.

Dans sa façon de présenter l’Évangile, et dès son arrivée dans la région des Baluba, le P. Tempels fut à l’écoute du peuple. Il comprit que, dans la religion traditionnelle, l’homme manifeste son ardent désir à

« - la vie, la vie intense, la vie pleine, la vie forte, la vie totale, l’intensité de l’être ; - la fécondité, la paternité et la maternité, une fécondité grande, intense, totale, non pas seulement physique ;

- l’union vitale avec les autres êtres; l’isolement nous tue »69.

Cette aspiration se résume en une vie pleine, une fécondité profonde, en une union et une communion permanentes avec les autres êtres.

64 John S. Mbiti, Introduction to African religion, London, Heinemann, 1975, p. 14.

65 A. J. Smet, « Le Père Tempels et son œuvre publiée » dans Revue africaine de théologie, Kinshasa,

Faculté de Théologie catholique de Kinshasa, t.1, no 1, 1977, p. 77.

66 Le terme Baluba-Shankadi identifie les Baluba par leur usage du terme shankadi qui est une expression

de respect envers les grandes personnes ou les noblesses. Dans leur réponse, ils ajoutent le mot « shankadi » pour témoigner du respect envers son interlocuteur.

67 A.J. Smet, « Le Père Tempels », p. 103. 68 Ibidem, p. 111.

En outre, la vie chez les Baluba est plus que celle observable de l’extérieur. Ce que l’on voit de l’homme n’est qu’apparent. La véritable vie est dissimulée, celle que la mort dévoile après la séparation du corps et d’autres composantes. Ses éléments impérissables subsistent et continuent la vie. L’homme est donc un être composé du corps visible et de la matière spirituelle, non périssable. Une force malveillante peut se saisir d’un de ces éléments et causer la mort. En raison de cette crainte, l’homme protège ses relations avec les acteurs visibles et invisibles.

En résumé, la religion traditionnelle des Baluba, basée essentiellement sur la tradition, est un ensemble de pratiques, d’idées, de connaissances, de règles, de normes, etc. Elle repose sur la croyance à deux mondes et à l’existence d’un Être supérieur. Elle n’est pas organisée ni structurée en une institution reconnue. La religion traditionnelle est donc vécue de l’intérieur par chaque personne.

a. La transmission de la religion traditionnelle

La religion traditionnelle se transmet par la conversation, les proverbes et les mythes, aussi bien qu’à travers les rites. John S. Mbiti note qu’il suffit de naître dans un lieu quelconque pour être capable de suivre cette religion traditionnelle70. Cette raison majeure fait que lorsque les Africains sont convertis à d’autres religions, ils mêlent souvent leur religion traditionnelle à celle à laquelle ils sont convertis. Cette vision religieuse se rencontre chez les Baluba qui ont adhéré au christianisme mais qui reviennent à leur religion traditionnelle lorsqu’ils connaissent des difficultés, des ennuis, des dangers ou des souffrances. Dans ce retour à leur attitude ancienne, les Baluba pensent retrouver les solutions pratiques léguées par leurs ancêtres.

b. Le culte et la présence des ancêtres dans la société luba

Le culte des ancêtres est au cœur de la religion des Baluba. Il consiste en des paroles, des prières et supplications faites auprès des ancêtres en faveur de la vie des vivants, souvent suivis des offrandes, de libation et autres gestes. Plusieurs croyances se

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réfèrent à la vie du monde invisible. On estime que « les chefs et les ancêtres de famille peuvent revenir après leur mort, sous la forme de leur double, pour suivre et contrôler les agissements de leurs descendants » 71. Ils peuvent récompenser ceux qui font le bien et châtier ceux qui manquent à leurs prescriptions. C’est pourquoi les Baluba leur attribuent leurs malheurs, les maladies, les souffrances ou encore leur bonheur. Ainsi le culte des ancêtres permet d’imposer aux descendants le respect de la tradition et l’obéissance aux autorités coutumières perçues comme représentants des ancêtres, intermédiaires entre le monde des vivants et le monde invisible.

Les ancêtres sont ainsi considérés présents dans la vie de la famille et sont supposés continuer de vivre avec les membres de leur famille et manifester leur intérêt à la vie de ces derniers. Les Africains n’adorent donc pas leurs ancêtres, selon Mbiti, mais le culte qu’ils leur vouent témoigne de leur reconnaissance envers eux72.

La religion traditionnelle se rencontre dans les rituels, les différentes cérémonies et les festivals populaires. La vie est célébrée à travers des événements de la vie des individus ou de la communauté, tels que la naissance, la circoncision, l’initiation, funérailles ou récoltes, dans l’art ou le symbole73. C’est aussi pendant ces cérémonies que les pratiques et normes religieuses sont transmises à d’autres générations.