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Chapitre 3 : Problématique et méthode de la thèse

3.1 Conflits et Efforts de réconciliation en RD Congo

3.1.4 Bilan des conflits et des efforts de démocratisation et de réconciliation en

Les tensions, leurs causes et les tentatives de leur trouver des solutions remontent à la période d’avant l’indépendance. Selon nos analyses, le plan initial de la Belgique, à la fin des années 1950, prévoyait d’accorder l’indépendance après 30 ans87 comme dit

87Come dit plus haut, le plan de 30 ans de Jef Van Bilsen suggère un délai de 30 ans avant d’accorder

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précédemment. On considérait malheureusement les élites congolaises comme collaborateurs de seconde classe et ne leur confiait pas de responsabilités les préparant à gouverner le pays.

Suite aux revendications des Congolais, la rupture entre la Belgique et sa colonie se fit dans la précipitation et dans les conditions précaires et d’impréparation majeure. Comme les partis étaient constitués sur des bases ethniques, l’établissement de la première république, dès le départ, s’est fait dans la division. Ce facteur fut une des causes non négligeables du clivage et des divisions ethniques, responsables des violences et du manque d’unité nationale. Sans réussir à transcender les sentiments de division ethniques, les représentants des certaines ethnies qui n’étaient pas élus, soulevèrent des tensions violentes, certains préférant rester maîtres dans leurs milieux d’origine.

Dans un système des partis fondés sur la base ethnique et régionale, le manque de respect pour la culture africaine et des réalités ethniques, avait entraîné le déséquilibre politique dans la représentativité proportionnelle. Depuis la colonisation, les acteurs politiques ne se faisaient pas confiance les uns les autres.

Lors des efforts de démocratisation et de réconciliation, des engagements et des accords signés manquaient de pertinence : des dénonciations, des absences, le revirement et le retrait des uns du processus de négociation n’ont pas permis l’application des solutions. Les efforts de réconciliation n’aboutirent pas et la partition du pays en fut la grave conséquence.

Dans une société à référence culturelle où les partis ont une base ethnique, les démarches n’avaient pas suffisamment fait appel à la culture congolaise et au processus traditionnel de réconciliation. En n’impliquant pas de façon inclusive les différents belligérants, on n’a pas créé des conditions favorables à la réussite des négociations et à la mise en œuvre d’une paix durable.

Ndaywel è Nziem, Nouvelle histoire du Congo, p. 411, 441. Voir aussi Cléophas Kamitatu-Massamba,

Kilombo ou le prix à payer, p. 47. Les 30 ans sont supposés nécessaires pour rattraper le retard dans la

Le régime de Mobutu a aggravé le climat politique déjà tendu. La dictature répressive a anéanti les efforts de démocratisation, compromettant ainsi les chances de réconciliation. Plus tard, le processus de démocratisation, tenté par le président Mobutu en 1990, n’a pas donné de résultats satisfaisants. Comme en 1958 et 1960, les politiciens, représentants de leurs communautés ethniques, furent responsables des fréquentes luttes électorales meurtrières entre ethnies.

La période des élections est manifestement conflictuelle en RD Congo, mettant en péril les efforts de démocratisation. Depuis les années 1960, le vote demeure essentiellement ethnique avant d’être politique. La question de l’appartenance ethnique se pose toujours dans toutes les mutations politiques et sociales connues au Congo88. La pratique politique ne se conçoit pas hors des bases ethniques et régionales à cause de l’utilisation subjective et abusive des différences ethniques. Le système ne favorise que son groupe ethnique au détriment des intérêts du pays sur le plan économique, politique et de la protection des personnes. Des associations d’entraide entre les membres originaires d’une même ethnie sont devenues une véritable machine politique à écraser ou à dénoncer les autres. Le pouvoir est alors considéré comme la propriété de l’ethnie ; il est conservé avec le concours des membres de celle-ci89. C’est pourquoi les résultats électoraux à connotation ethnique sont objets de vives contestations amenant un nouveau cycle de violences ethniques.

Depuis l’indépendance en 1960, on voit que les sources des conflits sont à peu près les mêmes, entraînées par les mêmes motivations : recherche du pouvoir et du mieux-être personnel. La partition du pays par les acteurs politiques reflète les mêmes ambitions dans le scénario des sécessions successives lors de l’indépendance. Depuis les confits de la période de l’indépendance, on vit encore les tensions partant de la base, du milieu social de l’ethnie jusqu’aux conflits supérieurs au niveau régional et national.

88 Xavier Bienvenu Kitsimbou, La démocratie et les réalités ethniques au Congo. Thèse de doctorat,

Nancy, Université de Nancy, 2001, http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/16/84/67/PDF/THESE.pdf, p. 99.

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Les efforts de réconciliation produisent les mêmes résultats. On constate qu’on a essayé de résoudre les conflits de la même façon, avec toujours les mêmes échecs. La CNS, qui était une forme de « l’arbre à palabre », a eu des résultats mitigés. On n’a pas encore trouvé la façon acceptable de gérer les conflits entre les ethnies et les politiciens. Les tensions sociales se transforment souvent en tensions politiques à cause de l’imbrication de leurs causes. La Communauté internationale propose des solutions qui ne tiennent pas compte des réalités socio culturelles de l’Afrique. Les résolutions dictées de l’extérieur ont des résultats qui ne correspondent pas à la problématique réels du pays.

En outre, les démarches de réconciliation regroupent seulement les leaders politiques sans inclure les représentants de différentes composantes de la population. La non implication des populations et le manque de réponse à leurs réelles revendications replongent les communautés ethniques dans de nouvelles tensions.

Devant ces échecs, nous estimons que l’on n’a pas suffisamment eu recours à l’expérience de la société traditionnelle. En mettant à contribution des méthodes qui ont fait leur preuve dans la culture congolaise et en essayant de les adapter au contexte contemporain, on aurait probablement une piste prometteuse qui n’a pas été explorée. À cette fin, nous proposons d’approfondir l’expérience de la société luba. En examinant cet exemple, nous chercherons à identifier les éléments essentiels d’un modèle de réconciliation durable ancré dans la culture congolaise traditionnelle. Nous serons ensuite capables d’entreprendre un processus d’analyse critique et d’actualisation en vue de proposer une forme renouvelée de ce modèle en fonction de la situation d’aujourd’hui.

3.2 Exemple des efforts de réconciliation dans la société traditionnelle