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CHAPITRE 1. L’AGRICULTURE OUEST-AFRICAINE FACE AUX DEFIX DE LA VARIABILITE ET

1.2. CARACTERISTIQUES CLIMATIQUES DE L’AFRIQUE DE L’OUEST

1.2.2. Impacts de la variabilité et du changement climatiques en agriculture

1.2.2.1. Lien entre la production agricole et le climat

En Afrique de l’Ouest, l’agriculture est essentiellement pluviale et dépend des aléas climatiques. Les caractéristiques de la saison des pluies déterminent les périodes de semis et affectent significativement les dates d’application des intrants, les capacités d’absorption en eau des cultures et par conséquent la production agricole (Blein et al., 2008).

Le démarrage des pluies marque le début des semis des cultures vivrières pluviales dans la mesure où l’implantation précoce des cultures pluviales constitue le plus souvent une condition impérative d'obtention d'un niveau de rendement appréciable. Il importe donc de tirer parti des premières pluies utiles fréquemment fragmentées dans le temps et inégalement distribuées dans l'espace (Traore et al., 2013). Autrement dit, un semis précoce se trouve a priori affecté d'une espérance de rendement élevé, mais en contrepartie d'une forte incertitude quant à la réussite d'implantation du peuplement végétal.

Après le semis, les périodes d’application des intrants (NPK, urée) sont a priori définies selon les recommandations des structures de recherches agricoles. Le respect de ces recommandations permet d’accroître les rendements agricoles escomptés. Toutefois, ces recommandations ne sont pas souvent respectées par les agriculteurs lorsqu’il advient des poches de sécheresse à la période d’apport des intrants (Blein et al., 2008). Les poches de sécheresse réduisent les capacités d’absorption en intrants et en eau des cultures pluviales. Par conséquent, elles engendrent une baisse drastique de la productivité agricole. Plus de 60% des pertes des rendements agricoles sont liées à la mauvaise répartition spatio-temporelle de la pluviosité (Blein et al., 2008). La diminution des cumuls pluviométriques engendre 35 à 45 % de baisse des rendements des cultures au Sahel (Sivakumar, 1992; Sultan et al., 2005).

Dans les décennies à venir, les hypothèses de changement du régime pluviométrique indiquent une baisse de la production du mil, du maïs et du sorgho (Sultan et al., 2010; Berg

et al., 2013) avec des possibilités d’atteindre des seuils critiques d’insécurité alimentaire dans

de nombreuses régions de l’Afrique de l’Ouest (Roudier et al., 2012).

1.2.2.2. Enjeux de la variabilité climatique en agriculture

Le secteur agricole est le plus affecté par la variabilité climatique dans les pays d’Afrique de l’Ouest. Dans ces régions, l’agriculture vivrière pluviale occupe une place capitale dans les économies nationales et représente près de 93% des terres cultivées. En effet, les populations de ces pays sont majoritairement rurales et exploitent des systèmes de production agricole dont les performances sont étroitement soumises au climat (Bazza et Sombroek, 1996). En rappel, plus de 80% des céréales consommées en Afrique sub-saharienne proviennent de la production traditionnelle et le secteur agricole emploie plus de 70% de la totalité de la main- d’œuvre (FAO, 2003) et contribue entre 15 et 20% au PIB (IFPRI, 2006).

Outre cette dépendance, la croissance rapide des populations et leur pauvreté, ne leur permettant pas un accès aux adaptations technologiques (mécanisation, engrais, irrigation), constituent des facteurs aggravants des impacts socio-économiques du climat (PNUD, 2004). Ainsi les faibles moyens de l’agriculture pluviale pour anticiper et enrayer les effets des fluctuations climatiques s’illustrent par une corrélation forte entre la productivité agricole et la pluviométrie (Sultan, 2011). Depuis les années 1970, les plus grandes famines (1973-74, 1984-85, 1992-93, 2002-03) ayant nécessité un recours à l’aide alimentaire internationale sont entièrement ou en partie dues aux variations du climat (Dilley et al., 2005). Plus récemment la

crise alimentaire de 2010 au Sahel a été déclenchée par un déficit de pluie en 2009 qui a réduit la production alimentaire (Janin, 2010b).

Dans ce contexte, être capable de mieux comprendre et d’anticiper les fluctuations climatiques et leurs conséquences sur l’agriculture constitue donc un enjeu majeur en terme de développement et de sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest. Si des mesures d’adaptation ne sont pas prises, des baisses de rendement des cultures céréalières sont attendues à l’horizon 2050 (ECOWAS-SWAC/OECD, 2008).

1.2.2.3. Options régionales d’adaptation de l’agriculture à la variabilité et au changement climatiques

Les pays ouest-africains, en particulier sahéliens, sont confrontés à la sècheresse chronique depuis le début des années 1970. En réponse à cette situation, un grand nombre de tentatives de réponses ont été mises en œuvre.

La création du Comité Permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sècheresse dans le Sahel (CILSS) en 1973 est la première initiative d’envergure s’inscrivant dans cette perspective. Les domaines d’intervention du CILSS sont : (i) la collecte et la gestion de données agro-hydro- climatiques, (ii) la mise en place d’un système d’alerte précoce, (iii) la recherche et la formation, à travers notamment son centre Agro-Hydro-Météorologique (AGRHYMET) et l’Institut du Sahel. Le centre AGRHYMET est spécialisé dans les sciences et techniques applicables aux secteurs du développement agricole, de l'aménagement de l'espace rural et de la gestion des ressources naturelles. L’institut du Sahel assure la coordination et l’animation de la recherche-action pour la Sécurité Alimentaire et la lutte contre la Sécheresse pour un meilleur équilibre écologique du Sahel.

De plus, l’initiative Prévision Saisonnière en Afrique de l’Ouest (PRESAO) a été lancée en 1998 par un consortium comprenant notamment le Centre Africain pour les Applications de la Météorologie au Développement (ACMAD), l’AGRHYMET et l’Autorité du Bassin du Niger. Il vise le renforcement des capacités dans le domaine de la prévision climatique saisonnière. En début de chaque saison des pluies, la PRESAO génère une prévision sur les conditions pluviométriques de la sous-région. Depuis 1999, la prévision saisonnière des écoulements pour les principaux cours d’eau de la région a été rajoutée aux activités de PRESAO vue l’importance des cours d’eau dans la sécurité alimentaire des populations (Niasse et al., 2004).

Le programme AMMA (Analyses Multidisciplinaires de la Mousson Africaine) est un programme international d'observation du climat du Sahel au Golfe de Guinée mis en œuvre depuis 2002. En Afrique de l’Ouest, il a permis de réelles avancées sur trois objectifs majeurs : (i) mieux comprendre et quantifier les liens entre le climat et l’agriculture, (ii) quantifier la vulnérabilité de l’agriculture aux changements climatiques et (iii) identifier les options prioritaires d’adaptation aux fluctuations et aux changements climatiques (Sultan et al., 2012). Par ailleurs, tous les pays de l’Afrique de l’Ouest ont eu à soumettre des communications nationales sur l’adaptation aux changements climatiques (Niasse, 2007). Bien que ces communications mettent l’accent sur la mitigation (inventaires des émissions de gaz à effet de serre et mesure d’atténuation), elles préconisent des mesures d’adaptation de l’agriculture aux changements climatiques telles que la vulgarisation de technologies de collecte des eaux de pluie et le renforcement des systèmes d’alerte précoce en cas d’événements extrêmes (sécheresse, inondations).

Des Programmes d’Actions Nationales d’Adaptations (PANA) ont été élaborés par les Etats qui font partie des Pays les Moins Avancés (PMA), donc par tous les pays ouest-africains à l’exception du Nigéria et du Ghana. Ces programmes ont identifié les activités prioritaires à mettre en œuvre dans les différents secteurs pour répondre aux besoins immédiats et urgents d’adaptation aux changements climatiques. En agriculture les actions prioritaires identifiées sont globalement le renforcement des capacités des acteurs, l’utilisation des technologies d’économie d’eau et des variétés améliorées de cultures (ECOWAS-SWAC/OECD, 2008).