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CHAPITRE 2. CADRE THEORIQUE D’ANALYSE DES INNOVATIONS AGRICOLES FACE A LA

2.8. EVALUATION DE LA RENTABILITE ECONOMIQUE DES INNOVATIONS AGRICOLES

2.8.1. Approche de budgétisation partielle

Globalement, la budgétisation partielle est un outil de gestion prévisionnelle utilisé pour préparer une décision ; elle permet de répondre à la question suivante : qu’est-ce l’agriculteur perd ou gagne, eu égard ses objectifs, à prendre telle ou telle décision ? (Brossier et al., 1995). Elle est ainsi une méthode de comparaison des coûts et bénéfices sociaux des projets et autres investissements agricoles. Elle permet de regrouper les informations sur les coûts, les revenus relatifs aux différentes options techniques susceptibles d’intéresser les agriculteurs lorsqu’il s’agit d’un investissement agricole (Levallois, 2013). Basé sur le taux d’actualisation, cet outil

utilise en général les critères suivants : la Valeur Actuelle Nette (VAN), le Taux de Rentabilité Interne (TRI) et le Délai de Retour sur Investissement (DRI) (Gittinger, 1985).

La VAN est définie comme la somme de tous les bénéfices actualisés (différence entre les bénéfices et les coûts) à travers la durée de vie d’un investissement. Lorsque la VAN est positive, l’investissement est jugé économiquement rentable et le projet mérite d’être entrepris. En revanche si elle est négative, l’investissement n’est pas rentable et l’innovation agricole doit être abandonnée sous peine de perdre de la valeur. Conforment à son principe, la VAN peut être utilisée pour analyser la rentabilité de la pratique de l’irrigation de complément.

Le TRI est également un outil de décision à l’investissement. Il est défini comme le taux d’actualisation qui annule la VAN. L’investissement pour la mise en œuvre de l’innovation agricole est approprié lorsque le TIR est supérieur au taux d’actualisation; dans le cas contraire, il n’est pas nécessaire d’investir. Le TIR peut être employé pour analyser les investissements relatifs à la pratique de l’irrigation de complément.

Le DRI est le temps nécessaire pour que les bénéfices nets équilibrent les coûts d'investissement. Autrement dit, il s’agit du temps nécessaire pour que le total cumulé des revenus bruts soit égal au total cumulé des coûts (la somme algébrique de ces flux devient positive). La détermination du DRI dans le cadre la pratique de l’irrigation de complément permettra de déterminer à partir de combien de campagnes agricoles le coût des investissements relatifs à la construction des bassins et ceux relatifs à la production irriguée seront récupérés.

Bien que ces indicateurs de la budgétisation partielle soient appropriés à l’analyse économique de l’adoption des innovations agricoles, ils ne prennent pas en compte les diverses possibilités d’allocations des ressources de l’exploitation aux différentes activités agricoles (Brossier et al., 1998). En effet, l’adoption d’une nouvelle technologie jugée rentable par les agriculteurs peut être limitée par la disponibilité en ressources ou par les possibilités de substitution entre les ressources pour maximiser l’utilité du producteur agricole (Ouédraogo, 2005; Zongo, 2010). D’où la nécessité des modèles bio-économiques comme outil d’analyse pour pallier à ces limites (Boussard, 1987).

2.8.2. Modélisation bioéconomique : outil d’analyse

L’utilisation des modèles bioéconomiques en agriculture a été amorcée dans les années 70 en réponse aux limites des modèles économiques utilisés pour analyser les investissements

agricoles (Jacquet et Flichman, 1988). Les premiers modèles bioéconomiques ont été appliqués pour prévoir les effets de la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) de l’Europe (Boussemart et al., 1996 ; Boussard et al.,1997). En particulier, ils ont été utilisés pour analyser l’optimisation des calendriers d’arrosage afin d’accroître les revenus des agriculteurs (Bergez et al., 2002).

Les modèles bioéconomiques sont basés sur la programmation mathématique qui est une représentation simplifiée, mais qualifiée d’un phénomène réel (Pacaud et Cornut, 2007). Ils consistent à optimiser, dans le sens de maximiser ou de minimiser, un objectif ou une utilité sous diverses contraintes (Boussard , 1987). Ce sont des outils d’aide à la décision, car ils permettent de comparer les résultats d’une situation de référence à différents scénarii. Les décisions sont toujours prises par comparaison (Brossier, 1980) : qu’est-ce que le décideur perd ou gagne en prenant telle décision plutôt qu’une autre ? Les modèles bioéconomiques simulent le comportement d’un agriculteur qui, quand il a à choisir entre plusieurs activités, préfère celles qui lui laissent espérer la meilleure utilité globale (Bouzit et al., 1994; Barbier, 1998). L’agriculteur est supposé maximiser son bénéfice par la conduite de ses activités agricoles, tout en satisfaisant une série de contraintes concernant par exemple, la terre, la main-d’œuvre et le capital disponible au niveau de son exploitation (Boussard , 1987):

Max 𝐹 = ∑ 𝐵𝑖𝑋𝑖 𝑛 𝑖 (1) ∑ 𝐴𝑘𝑖𝑋𝑖 ≤ 𝑏𝑘 𝑛 𝑖 𝑋𝑖 ≥ 0

Dans cette expression 𝐹 est la fonction objectif à maximiser ; 𝐵𝑖, la contribution unitaire (exemple: marge brute/ha) de l’activité i à la fonction objectif ; 𝑋𝑖 la variable de décision (exemple : surface par activité i) dont la valeur est déterminée de manière endogène ; 𝑏𝑘 les

disponibilités en facteurs de production k ; 𝐴𝑘𝑖: les coefficients techniques correspondant aux

besoins en facteurs de production k de l’activité i. Les risques jouent un rôle crucial dans la prise de décision des agriculteurs dans la mesure où ils modifient ses décisions en termes d’allocation des facteurs de production. Selon Hazell et Norton (1986), l’ignorance du comportement en situation d’aversion au risque dans la programmation mathématique conduit souvent à des résultats très peu en relation avec les décisions de production des agriculteurs.

Ces décisions sont principalement déterminées par les risques de production liés à la variabilité des rendements engendrée par des aléas climatiques auxquels s’ajoute l’instabilité des prix des produits agricoles et des intrants.

Trois catégories de modèles sont couramment utilisées pour représenter le comportement du paysan en fonction des types de risques encourus. Il s’agit notamment des modèles avec risque sur la fonction objectif (Freund, 1956), sur les contraintes (Charnes et Cooper, 1959) et sur les coefficients techniques (Cocks, 1968; Rae, 1971). Mais, il est possible de combiner ces modèles pour représenter les décisions de production des agriculteurs. Cette procédure sera adoptée pour analyser l’optimisation de la pratique de l’irrigation de complément.

2.9. CONCLUSION PARTIELLE

Les méthodes d’analyses identifiées sont fonction des questions de recherche formulées. Le modèle Logit multinomial sera utilisé pour analyser les déterminants de la diffusion des innovations agricoles (zaï, demi-lune, diguette filtrante, paillage, bande enherbée, variétés améliorées de cultures). Les facteurs d’acceptabilité de l’irrigation de complément dans les exploitations agricoles seront déterminés par l’utilisation du modèle Logit binaire. Le modèle Heckman associé à l’approche contingente servira à analyser les consentements des ménages agricoles pour l’information climatique. La budgétisation partielle sera employée pour analyser la rentabilité économique de la pratique de l’irrigation de complément. Outre cette méthode, des simulations seront effectuées à partir d’un modèle bioéconomique pour analyser le revenu des producteurs selon différents types de bassins et de scénarii. Les détails de ces méthodes seront décrits aux chapitres suivants.

CHAPITRE 3. DEMARCHE METHODOLOGIQUE ET CARACTERISTIQUES DES