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CHAIPTRE 4. DYNAMIQUE DE LA DIFFUSION DES INNOVATIONS AGRICOLES AU BURKINA

4.5. DISCUSSION SUR LES FACTEURS DE DIFFUSION DES INNOVATIONS AGRICOLES

L’analyse a montré que la diffusion des innovations a été lente durant les quatre dernières décennies. Moins de la moitié des ménages de l’échantillon d’étude a adopté les innovations agricoles vulgarisées depuis la sécheresse des années 1973-74. Le taux d’adoption est 69,3% pour les cordons pierreux, 49,1% pour le zaï, 39,1% pour les semences améliorées et 26,2% les bandes enherbées. Le taux d’adoption des autres innovations (demi-lunes, diguettes filtrantes, paillage) reste inférieur à 10%. Le rythme de diffusion temporelle de chacune des innovations dépend de plusieurs facteurs analysés à partir de modèle Logit multinomial.

Six modèles Logit multinomiaux ont été appliqués conforément au nombre d’innovations agricoles vulgarisées (zaï, cordons pierreux, demi-lunes, diguettes, paillage, bandes enherbées, semences améliorées). Les Pseudo R2 obtenus (0,10761 à 0,3080) sont faibles, mais ils ne remettent en cause la validité des modèles. Ils sont conformes aux résultats de plusieurs travaux antérieurs. Le Pseudo R2 obtenu est 0,21 pour Jara-Rojas et al. (2012), 0,4 pour Läpple et Rensburg (2011), 0,154 à 0,506 pour Amsalu et Graaff (2007) et 0,39 pour

le test de Wall (Wall chi2) associé à la p-valeur (Prob > chi2 = 0,000) qui permet de mesurer la qualité d’ajustement du modèle (Greene, 2011).

D’une manière générale, les innovations agricoles ont été plus diffusées dans la zone sahélienne qu’en zone soudano-sahélienne. Cette différenciation du rythme d’adoption est liée aux conditions climatiques et pédologiques. En effet, la pluviosité et la durée de l’hivernage sont inférieures à celles de la zone soudano-sahélienne. Cette faible pluviosité a conduit des ménages à adopter davantage le zaï, les cordons pierreux, le paillage et les semences améliorées en vue d’accroître les rendements agricoles (Ouédraogo et al., 2010 ; Zorom et al., 2013). Outre la pluviosité, les caractéristiques pédologiques du sol dans les zones agro- climatiques influencent l’adoption de certaines innovations agricoles. Par exemple, la pratique du zaï est plus adaptée aux sols de la zone sahélienne qu’à ceux de la zone soudano- sahélienne (Roose, 1994).

L’âge a eu un effet mitigé sur la diffusion des innovations agricoles. Les jeunes chefs de ménages ont été plus enclins à adopter le paillage et les semences améliorées. Par contre, ce sont les chefs de ménages âgés qui se sont plus appropriés les techniques du zaï et des demi- lunes. Ces différences d’adoption liées à l’âge n’ont été constatées pour les diguettes filtrantes et les cordons pierreux. L’impact contrasté de l’âge sur le comportement d’adoption des innovations par les agriculteurs a été également relevé par plusieurs études (Jara-Rojas et al., 2012 ; Jara-Rojas et al., 2012 ; Anley et al., 2007). Jara-Rojas et al. (2012) ont montré que l’impact de l’âge était neutre sur l’adoption et la diffusion des technologies de conservation des eaux et des sols au Chili. Pour Amsalua et Graaff (2007), les jeunes agriculteurs ont été plus enclins à adopter les cordons pierreux dans les exploitations agricoles en Ethiopie. En revanche, les travaux de Anley et al. (2007) ont révélé que les agriculteurs âgés étaient plus favorables à l’adoption des techniques de conservation des eaux et des sols que les jeunes dans le même pays.

L’instruction a joué un rôle important pour la diffusion des innovations agricoles. En effet, les ménages instruits ont été plus enclins à adopter les cordons pierreux, les demi-lunes, le paillage et les semences améliorées que ceux non instruits. L’effet de l’instruction montre qu’elle permet aux ménages de comprendre davantage l’utilité des innovations dans les exploitations agricoles. Ces résultats corroborent ceux de Ouédraogo et al. (2010) qui a montré que l’instruction des agriculteurs a favorisé l’adoption des techniques de conservations des eaux et des sols au Burkina Faso. Sidibé (2005) a particulièrement montré que les agriculteurs instruits étaient plus enclins à adopter le zaï dans les exploitations agricoles du

nord du Burkina Faso. Tenge et al. (2004) ont également indiqué que l’instruction a favorisé la diffusion des technologies de conservation des eaux et des sols en Tanzanie.

La prise de conscience des conséquences des poches de sécheresse a aussi favorisé l’adoption des innovations par les ménages agricoles. En effet les ménages qui perçoivent une augmentation des poches de sécheresse ont été plus enclins à adopter les innovations agricoles contrairement aux autres. Ils espèrent limiter l’impact des poches de sécheresse sur les rendements agricoles en adoptant surtout les techniques de conservation des sols et des eaux (CES) et des variétés de cultures résistantes. Les techniques CES, en particulier le zaï, permettent de maintenir l’humidité du sol jusqu’à deux semaines de poches de sécheresse (Roose, 1994). Les principales variétés de cultures résistantes à la sécheresse utilisées par certains agriculteurs sont Kapelga pour le sorgho et Barka pour le maïs.

Le faible regroupement des ménages en organisation a constitué une véritable contrainte à la diffusion des innovations agricoles dans les exploitations. Seulement 15% des ménages de l’échantillon d’étude sont regroupés en organisation paysanne. Le manque de cadre de concertation limite ainsi les échanges entre les ménages sur les innovations agricoles. Alors que les échanges entre agriculteurs leur permettent de partager les expériences en matière de producteur et partant de cela la diffusion des innovations agricoles (Sidibé, 2005). Le regroupement des agriculteurs en organisation leur offre aussi des opportunités de formations sur les innovations agricoles (Mazvimavi et Twomlow, 2009). Les ONGs et les agents du Ministère en charge de l’agriculture forment les agriculteurs sur l’utilisation des innovations agricoles par le bais des organisations paysannes.

Par ailleurs l’accès limité des ménages aux services de vulgarisation a été également un handicap à l’adoption et diffusion des innovations agricoles. Seulement 10% des ménages de l’échantillon d’étude bénéficient de l’encadrement des services agricoles (projets, ONGs, ministères). Pourtant les agents d’encadrement constituent un maillon important pour la diffusion des innovations. Ils constituent le lien entre les agents de l’INERA et les agriculteurs. Ils apportent les conseils nécessaires aux agriculteurs en vue de l’adoption des innovations agricoles. Le T&V est l’approche de vulgarisation dominante dans la sphère de diffusion des innovations agricoles (World Bank, 2012). Des tests de démonstration sont réalisés avec des producteurs pilotes afin de diffuser les innovations agricoles auprès des ménages (Byerlee et al., 1994). Ils favorisent l’adoption des innovations agricoles par les agriculteurs (Adesina et al., 1995).

4.6. CONCLUSION PARTIELLE

Ce chapitre a permis de cerner le rythme de diffusion des innovations dans les exploitations agricoles. Il a montré que la diffusion des innovations est lente et dépend de plusieurs facteurs. Au terme des quatre décennies de diffusion (1974-2013), le taux d’adoption est 69,3% pour les cordons pierreux, 49,1% pour le zaï, 39,1% pour les semences améliorées et 26,2% les bandes enherbées. Le taux d’adoption des autres innovations (demi-lunes, diguettes en terres, paillage) est inférieur à 10%. Le rythme de diffusion des innovations dépend de plusieurs facteurs. Il a été affecté positivement par les conditions climatiques de la zone sahélienne, l’âge et la perception de l’augmentation des poches de sécheresse des ménages agricoles. En revanche, le faible niveau d’organisation et d’accès des agriculteurs aux services des agents de vulgarisation constituent les contraintes majeures à la diffusion des innovations agricoles. Au regard de la faible diffusion des innovations dans les exploitations agricoles, il apparait nécessaire d’analyser au préalable le consentement des agriculteurs si toutefois il advient la vulgarisation d’une nouvelle innovation agricole

CHAPITRE 5. ANALYSE DU CONSENTEMENT DES MENAGES AGRICOLES A