• Aucun résultat trouvé

CHAIPTRE 4. DYNAMIQUE DE LA DIFFUSION DES INNOVATIONS AGRICOLES AU BURKINA

4.2. ELEMENTS D’EVALUATION DE LA DIFFUSION DES INNOVATIONS AGRICOLES

4.1. INTRODUCTION

Dans les pays sahéliens, les effets drastiques de la sécheresse des années 1973-74 ont stimulé les pouvoirs publics, les chercheurs et les agriculteurs à développer et mettre en œuvre plusieurs innovations agricoles (Marchal, 1986 ; Jouve, 1991). Depuis cette période, ces innovations sont vulgarisées auprès des agriculteurs. Au Burkina Faso, les principales innovations vulgarisées sont le zaï, les cordons pierreux, les diguettes filtrantes, les demi- lunes, le paillage, bandes enherbées et les semences améliorées (Roose, 1994 ; Botoni et Eij, 2009). Plusieurs études ont analysé les facteurs de leur adoption dans les exploitations agricoles. Sidibé (2005) a montré que les facteurs d’adoption du zaï sont le niveau d’instruction, l’accès aux services agricoles, l’appartenance à une organisation paysanne et la taille du bétail des agriculteurs. Récemment, les travaux de Ouédraogo et al. (2010) ont révélé les déterminants d’adoption des semences améliorées et des techniques de conservations des eaux et des sols (zaï, les cordons pierreux, les diguettes filtrantes, les demi-lunes, le paillage, bandes enherbées). Toutefois, les facteurs déterminants de diffusion temporelle des innovations agricoles demeurent un champ de recherche à explorer au Burkina Faso.

Ce chapitre2 présente les résultats de l’analyse de la dynamique de diffusion des innovations agricoles dans les exploitations. Il caractérise les producteurs agricoles selon le taux d’adoption des innovations tout en examinant les facteurs de diffusion temporelle. Les innovations analysées sont les technologies mécaniques (zaï, demi-lunes, cordons pierreux, diguettes) et biologiques (paillage, bandes enherbées, semences améliorées, bandes enherbées). Mais, au préalable, le chapitre présente les éléments d’évaluation de la diffusion des innovations agricoles.

4.2. ELEMENTS D’EVALUATION DE LA DIFFUSION DES INNOVATIONS AGRICOLES

4.2.1. Paradigme de diffusion des innovations agricoles

Au Burkina Faso, les différentes innovations agricoles sont diffusées depuis la sécheresse de 1973-1974 (Reardon et al., 1988; Zoungrana 1995). La répartition décennale du temps de

2

Tiré de : Zongo B, Diarra A, Barbier B, Zorom M, Yacouba H and Dogot T. Dynamic of agricultural innovations diffusion in Burkina Faso. Our ender common climate future change, International scientific conference, Abstract book, Paris, France, 07-10 July 2015.

diffusion, entre 1974 et 2013, permet de déterminer un profil des agriculteurs. Cinq catégories d’agriculteurs peuvent être distinguées conformément à la théorie de la diffusion traduite par la vitesse de propagation des innovations agricoles (Rogers, 1995) : les pionniers3, les innovateurs, les adoptants précoces, les tardifs, les retardataires et les non-adoptants (Tableau 18).

Tableau 18. Répartition temporelle des adoptants des innovations agricoles

Catégories de ménages agricoles (j) Période d'adoption des innovations

Non adoptants (j=0) - Pionniers (j=1) avant 1974 Innovateurs (j=2) 1974-1983 Adoptants précoces (j=3) 1984-1993 Adoptants tardifs (j=4) 1994-2003 Adoptants retardataires (j=5) 2004-2013

Source : Auteur, adapté de Rogers (1995).

Les innovateurs sont les agriculteurs qui ont adoptés des innovations agricoles au cours de la période allant de 1974 à 1983. Durant cette période, le mode de diffusion des innovations agricoles était l’approche Formation et Visites (Training and Visite ou T&V). Le transfert des innovations était essentiellement assuré par un réseau d’agents d’encadrement agricole qui recevaient de la part de leur direction technique les paquets technologiques issus des stations de recherche (Pichot et Faure, 2008). Les sites de transfert étaient les points d’Appui à la Pré- vulgarisation et d’Expérimentation Multi-locales (PAPEM) et les Centres de Formation de Jeunes Agriculteurs (CFJA). Le Service Nationale de Vulgarisation (SNV) coordonnait l’ensemble des activités de diffusion des innovations agricoles (MAHRH, 2010a).

Les adoptants précoces caractérisent les agriculteurs ayant adopté les innovations agricoles entre 1984 et 1993. Cette période a connu la transformation du SNV en Service de Vulgarisation et d’Animation Rurale (SVAR) et la mise en œuvre de l’Opération Test de Renforcement de la Vulgarisation Agricole (OTRVA) (MAHRH, 2010a). Cette opération a été une adaptation du T&V aux réalités socioculturelles. Elle s’est appuyé sur les principes suivants : (i) la responsabilisation des acteurs (maîtrise d’ouvrage des actions), (ii) la séparation entre financement des structures de vulgarisation et investissements agricoles, (iii) la contractualisation des services agricoles et (iv) l’exécution par l’Etat de ses missions régaliennes. Les paysans formateurs (agro-formateurs, paysans auxiliaires de vulgarisation) ont été impliqués pour la diffusion des innovations agricoles.

Les adoptants tardifs sont les agriculteurs qui se sont approprié des innovations agricoles au cours de la période 1994-2003. Cette période a été marquée par l’adoption et la généralisation du Système National de Vulgarisation Agricole (SNVA) pour l’ensemble du pays (MAHRH, 2010a). Le SNVA a été conçu de manière à prendre en compte la vulgarisation de masse et l’approche individuelle de transfert de technologies. Les cibles concernées étaient les groupements villageois, les coopératives, ainsi que les producteurs individuels à travers des Activités de Travaux de Groupes (ATG) et des Activités de Suivi et de Visites des Exploitations (ASVE). La liaison recherche-développement a été revigorée avec l’instauration de l’approche triangulaire entre Chercheurs-Vulgarisateurs-Producteurs.

Les retardataires sont les adoptants des innovations agricoles entre 2004 et 2013. Cette période est caractérisée par la poursuite du SNVA dont les faits majeurs, sont : (i) le test d’appui-conseil à la demande (ii) la régression, voire l’abandon du système de vulgarisation basée sur l’approche T&V, (iii) l’adoption de plusieurs stratégies et politiques avec une priorité confirmée pour le monde rural, et particulièrement la nécessaire liaison productions- marché et (iv) le renforcement des approches de développement local et l’enracinement de la décentralisation (MAHRH, 2010a).

Les non-adoptants sont les agriculteurs qui n’ont adopté aucune innovation agricole de 1974 à 2013. Ils ne sont pas appropriés des techniques de conservations des sols et des variétés améliorées de cultures décrites dans les options d’adaptation (zaï, les cordons pierreux, les diguettes filtrantes, les demi-lunes, le paillage, bandes enherbées) de l’agriculture à la variabilité et au changement climatiques (cf. 1.3.3). En référence à ces options d’adaptation, les techniques de production de ces agriculteurs sont restées invariables au cours du temps. Avec ces catégories d’agriculteurs et le mode de vulgarisation, il est évident que les taux d’adoption des innovations agricoles diffèrent d’une décennie à l’autre. Divers facteurs peuvent expliquer la diffusion des innovations agricoles au cours du temps.

4.2.2. Facteurs de diffusion des innovations agricoles

Les différentes catégories d’agriculteurs sont associées à une variable 𝐽 à cinq modalités (Tableau 1) non hiérarchisées. Les modalités ne sont le reflet d’aucun classement ou de hiérarchisation sous-jacente. L'ordre dans lequel sont rangées les différentes occurrences des catégories d’agriculteurs est sans importance; il n’affecte pas la probabilité d’appartenance d’un agriculteur à une catégorie (Läpple et Rensburg, 2011). Dans un tel contexte, le modèle Logit multinomial est approprié pour l’analyse des choix d’appartenance des agriculteurs aux

catégories (Amemiya, 1981; Wheeler et al., 2009). Chaque agriculteur est supposé rationnel dans sa décision d’appartenance à une catégorie d’agriculteurs. Il maximise son utilité lorsqu’il choisit d’appartenir à une catégorie d’agriculteurs. Pour un agriculteur i, l’expression de la fonction d’utilité 𝑈𝑖𝑗 pour 𝑗 catégorie est :

𝑈𝑖𝑗 = 𝛽𝑗′𝑋𝑖 + 𝜀𝑖𝑗 , 𝑗 ∈ 𝐽 = 0; 1; … ; 4 (2)

L’agriculteur choisit d’appartenir à la catégorie 𝑘 lorsque l’utilité 𝑈𝑖𝑗 est supérieur à 𝑈𝑖𝑘 procurée par catégorie 𝑘 , ∀ 𝑘 ∈ 𝐽. Le choix de l’agriculteur se traduit par :

𝑈𝑖𝑗 = 𝛽𝑗′𝑋𝑖 + 𝜀𝑖𝑗 > 𝑈𝑖𝑘 = 𝛽𝑘′𝑋𝑖 + 𝜀𝑖𝑘 (3)

Dans cette expression, 𝑋𝑖 est un vecteur représentant les caractéristiques du ménage, 𝛽𝑗′ et 𝛽𝑘′ sont les vecteurs de paramètres à estimer, 𝜀𝑖𝑗 et 𝜀𝑖𝑘 sont les termes d’erreur aléatoire.

La présence des termes 𝜀𝑖𝑗 dans la fonction d'utilité conduit à des solutions sous forme de probabilité d’appartenance des agriculteurs à différentes catégories. La probabilité d’un agriculteur d’appartenir à une catégorie 𝑗 est :

𝑃 = 𝑃 (𝑈𝑖𝑗 > 𝑈𝑖𝑘) = 𝑃 (𝛽𝑗′𝑋𝑖+ 𝜀𝑖𝑗 > 𝛽𝑘′𝑋𝑖+ 𝜀𝑖𝑘) (4)

= 𝑃 (𝜀𝑖𝑗 − 𝜀𝑖𝑘 > 𝛽𝑘′𝑋𝑖− 𝛽𝑗′𝑋𝑖 ) = 𝑃 (𝜀𝑖𝑗 − 𝜀𝑖𝑘) > (𝛽𝑘′− 𝛽𝑗′ )𝑋𝑖 = 𝑃 (µ𝑖𝑗 > 𝛽′𝑋 𝑖)

Les perturbations d’erreur 𝜀 sont indépendamment distribuées selon la loi de Gumbel : 𝐹 (𝜀𝑖𝑗) = exp (− exp( 𝜀))

La structure du modèle représentant la probabilité qu’un agriculteur 𝑖 appartienne une catégorie 𝑗 d’agriculteurs pour l’adoption ou non d’une innovation est formulée par l’expression : 𝑃 (𝑦𝑖 = 𝑗) = 𝑃𝑖𝑗 = 𝑒𝑥𝑝( 𝛽𝑗𝑋𝑖) 1 + ∑4 𝑒𝑥𝑝( 𝛽𝑗𝑋𝑖) 𝑘=0 , 𝑗 = 0; 1; … . ; 𝐽 (5) 𝑦𝑖 une variable aléatoire indiquant le choix d’appartenance de l’agriculteur 𝑖; 𝐵𝑗 est le vecteur

des paramètres à estimer pour la catégorie 𝑗, 𝑋𝑖 les variables explicatives de l’appartenance de

l’agriculteur à la catégorie 𝑗.

Pour des raisons de redondance, le modèle à estimer doit être reformulé, en tenant compte d'une situation de référence dont les coefficients sont normalisés à zéro (𝛽0 = 0) (Greene,

2011). La situation de référence dans cette étude est celle où l’agriculteur n’a adopté aucune innovation agricole durant les quatre dernières décennies (1974 à 2013). Les déterminants

associés à chaque catégorie sont interprétés par rapport à la situation de référence, qui est la non-adoption (Wooldridge, 2001). La probabilité qu’un agriculteur n’adopte pas une innovation 𝑖 au cours des quatre dernières décennies s’écrit :

𝑃 (𝑦𝑖 = 0) = 𝑃𝑖0 = 1

1 + ∑4𝑘=0𝑒𝑥𝑝( 𝛽𝑗𝑋𝑖)

(6) Pour qu’un agriculteur 𝑖 adopte une innovation, la probabilité est :

𝑃 (𝑦𝑖 = 𝑗) = 𝑃𝑖𝑗 = 𝑒𝑥𝑝( 𝛽𝑗𝑋𝑖) 1 + ∑4𝑘=0𝑒𝑥𝑝( 𝛽𝑗𝑋𝑖)

, 𝑗 = 1; 2, 3, 4 (7) Le modèle formulé est estimé par la méthode du maximum de vraisemblance. La fonction de vraisemblance s’écrit : 𝐿 = ∏ 𝑒𝑥𝑝( 𝛽𝑗𝑋𝑖) 1 + ∑4 𝑒𝑥𝑝( 𝛽𝑗𝑋𝑖) 𝑘=1 4 𝑦𝑖=0 (8) La log-vraisemblance est obtenu en posant, pour chaque individu 𝑖 parmi 𝑛 individus, 𝑑𝑖𝑗 = 1 s’il effectue le choix 𝑗, et 0 sinon. C’est la contribution de i à la vraisemblance. Ensuite, en supposant que chaque individu a fait un choix indépendamment des choix effectués par les autres, la probabilité que les 𝑛 individus de l’échantillon aient fait les choix observés est le produit des probabilités :

∏ ∏ 𝑃𝑖𝑗𝑑𝑖𝑗 𝑗 𝑗=0 𝑛 𝑖=1 = ∏ ∏ [ 𝑒𝑥𝑝( 𝛽𝑗𝑋𝑖) 1 + ∑4𝑘=1𝑒𝑥𝑝( 𝛽𝑗𝑋𝑖) ] 𝑑𝑖𝑗 𝑗 𝑗=0 𝑛 𝑖=1 (9) En prenant le logarithme de cette quantité, la log-vraisemblance est finalement égale à :

ln𝐿(𝛽) = ∑ ∑ 𝑑𝑖𝑗𝑃𝑖𝑗 𝑗 𝑗=0 𝑛 𝑖=1 = ∑ ∑ 𝑑𝑖𝑗 𝑒𝑥𝑝( 𝛽𝑗𝑋𝑖) 1 + ∑4 𝑒𝑥𝑝( 𝛽𝑗𝑋𝑖) 𝑘=1 𝑗 𝑗=0 𝑛 𝑖=1 (10) ln𝑃𝑖𝑗 = 𝛽𝑗𝑋𝑖− 𝑙𝑛 (1 + ∑ 𝑒𝑥𝑝( 𝛽𝑗𝑋𝑖) 4 𝑘=1 ) (11) Les coefficients sont obtenus par maximisation de la Log Vraisemblance de l'échantillon d'estimation : 𝛽Max1,…,𝛽𝑗 ∑ ∑ 𝑑𝑖𝑗𝑃𝑖𝑗 𝑗 𝑗=0 𝑛 𝑖=1 = 𝛽 1,…,𝛽𝑗 Max ∑ ∑ 𝑑 𝑖𝑗 𝑒𝑥𝑝( 𝛽𝑗𝑋𝑖) 1 + ∑4 𝑒𝑥𝑝( 𝛽𝑗𝑋𝑖) 𝑘=1 𝑗 𝑗=0 𝑛 𝑖=1 (12)

où il est utile de rappeler que 𝑑𝑖𝑗 = 1 si, de facto, l'agriculteur 𝑖 choisit la modalité 𝑗 et

𝑑𝑖𝑗 = 0 sinon. La condition du premier ordre est :

𝜕𝐿𝑜𝑔𝐿

𝜕𝛽 = [𝑑𝑖𝑗− 𝑃𝑖𝑗]𝑋𝑖𝑗 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑗 = 0,1,2,3,4 (13) Ces conditions du premier ordre n'admettent pas de solution explicite. La procédure d'itération de Newton est utilisée pour l’estimation des coefficients.

Les coefficients 𝛽𝑗 des modèles Logit multinomial ne s’interprètent pas directement en termes

d’effets suite à un changement de variables explicatives mises en jeux. On peut seulement avancer qu’un coefficient positif augmente la probabilité d’être dans une catégorie comparativement à la catégorie de référence et inversement pour un coefficient négatif.

4.3. DIFFUSION DES TECHNOLOGIES MECANIQUES