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CHAPITRE 5. ANALYSE DU CONSENTEMENT DES MENAGES AGRICOLES A ADOPTER

5.4. PREFERENCES COMPAREES DES CONDITIONS DE CONSTRUCTION DES BASSINS

5.4.6. Contraintes et suggestions des ménages agricoles pour la diffusion de l’irrigation de complément

Les ménages agricoles ont évoqués plusieurs contraintes relatives à l’acquisition du dispositif d’irrigation de complément (Tableau 42). En effet 32% des ménages ont mentionné la faible mobilisation de la main-d’œuvre comme difficulté majeure pour la construction des bassins. Ils estiment que la main-d’œuvre familiale n’est pas suffisante et il est difficile de mobiliser la main-d’œuvre communautaire. Pour 23% des ménages, le problème est le manque de céréales pour couvrir les besoins alimentaires de la main-d’œuvre mobilisée pour la construction du bassin. Les autres contraintes évoquées par les ménages sont l’insuffisance de moyens financiers (16,3%) pour rémunérer la main-d’œuvre salariée ou acheter des céréales afin de couvrir les besoins alimentaires des travailleurs, le manque de matériel pour l’excavation (10,9%) et l’insécurité foncière (5,2%).

Pour faciliter l’adoption de la pratique de l’irrigation de complément, 41,8% des ménages agricoles préconisent un soutien alimentaire sous forme de nourriture contre travail (food-for-

work) afin de pouvoir mobiliser la main-d’œuvre pour la construction des bassins. Environ

16,8% d’entre eux veulent un soutien financier pour acheter quelques matériels d’excavation et des céréales pour assurer l’alimentation de la main-d’œuvre mobilisée. Le matériel est essentiellement constitué de pelles, pioches, brouettes. Près de 10% des ménages suggèrent la subvention du matériel d’excavation et d’exhaure. Seulement 1,7% des ménages ont évoqué la formation et la sensibilisation comme moyens de vulgarisation. Le test de chi-2 (P < 0,001) montre que ces suggestions varient significativement d’une province à l’autre. Les ménages du Yatenga, Bam et Kadiogo sont plus enclin à obtenir une subvention du matériel, un soutien financier et alimentaire comparativement que ceux du Kadiogo dont la majorité n’a pas formulé de suggestions pour la vulgarisation de l’irrigation de complément. Les ménages

agricoles adressent ces demandes à l’endroit des responsables des Ministères de l’Agriculture, de la Recherche scientifique et de l’innovation, des ONGs et des organisations paysannes. Tableau 42. Contraintes et suggestions pour la vulgarisation de l’ICBI

Contraintes et suggestions paysannes

Yatenga Bam Kadiogo Bazèga Echantillon

total

P- value Effectif % Effectif % Effectif % Effectif % Effectif %

Contraintes financières, sociales, culturelles à l’adoption de l’ICBI 0,000

Insuffisance de main-d'œuvre 100 50,7 46 24,7 9 8,3 5 3,6 203 32,2 Insuffisance de vivres 26 13,1 51 27,3 74 65 27 20,9 145 23 Manque de moyens financiers 18 9 53 28,2 11 10 1 0,9 103 16,3 Non propriétaire de terre 3 1,4 20 10,9 0 0 0 0 33 5,2 Manque de matériel 33 16,7 13 6,9 19 16,7 1 0,9 69 10,9 Néant 18 9 4 2,1 0 0 95 73,6 78 12,4 Total 198 100 188 100 114 100 129 100 629 100

Suggestions pour promouvoir la pratique de l’ICBI 0,000

Soutien alimentaire 96 48,6 77 40,9 80 70 6 4,5 263 41,8 Subvention du matériel 31 15,5 11 6 17 15 1 0,9 62 9,9 Soutien financier 16 8,1 56 30 13 11,7 1 0,9 106 16,8 Sensibilisation et formation 8 3,8 0 0,2 0 0 0 0 11 1,7 Néant 48 24 43 22,9 4 3,3 121 93,6 187 29,8 Total 198 100 188 100 114 100 129 100 629 100

Source : Auteur, à partir des données d’enquête 2013-2014

5.5. DISCUSSION SUR LA PRATIQUE DE L’IRRIGATION DE COMPLEMENT Les résultats montrent que les ménages agricoles ont des comportements différenciés vis-à-vis de l’intégration de l’ICBI dans les systèmes de cultures. Les ménages de grande taille, les chefs de ménages mariés et les ménages à revenus essentiellement agricoles sont enclins à irriguer les cultures pluviales par les eaux de ruissellement collectées dans des petits bassins construits. Ils estiment à l’unanimité que cette nouvelle technologie leur permettra non seulement de stabiliser les rendements des cultures pluviales face aux séquences sèches, mais aussi de diversifier leurs sources de revenus à travers la pratique des cultures maraîchères en hivernage. En revanche, les jeunes chefs de ménages sont désintéressés par la pratique de l’ICBI. Ils sont plutôt orientés vers les activités extra-agricoles notamment l’orpaillage qui semble leur procurer plus de revenu monétaire que l’agriculture (Thune, 2011). L’orpaillage a

été encouragé par l’Etat burkinabé depuis les années 1980, à la suite de la sécheresse de 1984- 1985 et de la mauvaise production agricole qu’elle a provoqué (Hatcher, 2005).

Contrairement à l’adoption du zaï et la diversification des cultures, l’adoption des cordons pierreux et l’utilisation des semences améliorées incitent les ménages à irriguer les cultures pluviales. Les producteurs estiment que le zaï et la diversification des cultures permettent déjà de minimiser les effets néfastes des séquences sèches sur les rendements similairement à l’irrigation de complément. Il n’est donc plus nécessaire de pratiquer l’irrigation de complément si toutefois le zaï et la diversification sont pratiqués. En revanche, ceux qui pratiquent le zaï et utilisent des variétés améliorées de cultures veulent adopter l’irrigation de complément. Les variétés améliorées de cultures permettent d’accroître les rendements lorsque les conditions hydriques minimum sont requises (Brocke et al., 2013). Les ménages estiment que l’irrigation est utile dans les champs où est pratiqué le paillage et où sont implantés les cordons pierreux puisque ces technologies agricoles ne permettent pas de maintenir l’humidité du sol pendant longtemps. Selon Zougmoré et al. (2004), les cordons pierreux sont plutôt préconisés pour réduire l’érosion que pour maintenir l’humidité du sol. Les ménages agricoles qui perçoivent une augmentation, une diminution, une alternance de la fréquence des poches de sècheresse ont une propension à adopter l’ICBI. Ils estiment que la pratique de l’ICBI permet d’accroître les rendements agricoles. Mais les ménages qui ne perçoivent pas l’évolution la fréquence des poches de sècheresse sont moins intéressés par la pratique. L’attitude de ces ménages pourrait s’expliquer par l’ignorance de l’importance de l’ICBI pour la stabilisation ou la croissance des rendements agricoles. Cette ignorance est liée à l’insuffisance de sensibilisation et le manque de formation. En effet, la majorité des ménages agricoles est seulement informée de la pratique de l’ICBI par le « bouche-à oreille » c’est-à-dire par les voisins. L’inaccessibilité aux médias et aux services agricoles explique la prédominance de ce mode d’information. D’après Munshi (2004), le mode d’information par voisinage n’impulse pas à l’adoption des nouvelles technologies agricoles.

La différenciation du consentement des ménages agricoles à pratiquer l’ICBI au sein et entre les zones agro-climatiques pourrait être expliquée non seulement par leurs caractéristiques socio-économiques, les types d’innovation déjà adoptés, mais aussi à leurs perceptions des séquences sèches et surtout au manque d’information. Les contraintes à l’adoption de la pratique de l’irrigation de complément sont surtout l’insuffisance de main-d’œuvre, du matériel pour l’excavation des bassins et le manque de moyens financiers. A celles-ci s’ajoutent l’insuffisance de la vulgarisation et des vivres pour l’alimentation pour mobiliser la

main-d’œuvre communautaire. L’ensemble de ces contraintes sous-entend que les ménages souhaitent la subvention du dispositif de l’irrigation de complément. Cette subvention pourraient être effectuée à travers la mise en œuvre d’un système de vivre contre travail à l’image des politiques de promotion des techniques de conservation des eaux et des sols (Holden et al., 2003 ; Aklilu et al., 2006 ; Bezu et Holden, 2008).

5.6. CONCLUSION PARTIELLE

La majorité des ménages agricoles (78,4%) estime que la pratique de l’ICBI constitue une alternative pour atténuer les effets drastiques des séquences sèches sur la production agricole. Ces ménages envisagent ainsi d’irriguer les cultures pluviales à partir des bassins construits pour la collecte des eaux de ruissellement au cours de prochaines campagnes agricoles. Les ménages de grande taille, à revenu essentiellement agricole et les chefs de ménage mariés sont plus enclins à pratiquer l’irrigation de complément. Les ménages capables d’apprécier la variation des séquences sèches sont également susceptibles de l’adopter. Par contre, les jeunes chefs de ménage sont désintéressés par la pratique de l’irrigation de complément puisqu’ils sont orientés vers les activités extra-agricoles. Par ailleurs, l’adoption des cordons pierreux et des semences améliorées incitent les ménages à irriguer les cultures pluviales alors que la pratique du zaï et la diversification des cultures ne le font pas. L’insuffisance de sensibilisation constitue la contrainte majeure à la vulgarisation de l’ICBI. La majorité des ménages sont seulement informés de la pratique de l’ICBI par le "bouche-à-oreille". Des mesures visant le soutien financier et alimentaire, la subvention du matériel d’exhaure et d’excavation, la formation et la sensibilisation des ménages doivent être entreprises pour faciliter l’adoption de l’ICBI dans les exploitations agricoles.

CHAPITRE 6. EVALUATION AGRONOMIQUE ET SOCIO-ECONOMIQUE DE LA