• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2. CADRE THEORIQUE D’ANALYSE DES INNOVATIONS AGRICOLES FACE A LA

2.7. APPROCHES ECONOMETRIQUES D’ANALYSE DES FACTEURS D’ADOPTION ET DE

D’ADOPTION ET DE DIFFUSION DES INNOVATIONS AGRICOLES

Les approches économétriques combinent les outils sociologiques et économiques pour analyser les facteurs d’adoption et de diffusion des innovations agricoles. Elles sont fondées sur la théorie de l’utilité.

2.7.1. Théorie de l’utilité : fondement économique de l’adoption

La théorie économique prédit que, face à un problème de choix, l’agent économique rationnel opte pour l’option qui maximise son utilité (McFadden 1975 ; Gourieroux 1989). L’utilité est une mesure du bien-être ou de la satisfaction obtenue par l’obtention d’un bien, d’un service ou d’argent (Mosnier, 2009). Le principe économique de rationalité et particulièrement l’hypothèse de maximisation de l’utilité constituent les fondements d’une analyse de choix (Varian, 2006). Bien qu’elle soit généralement économique, cette rationalité peut être écologique ou socioculturelle (Rasmussen et Reenberg, 2012).

Conformément à cette théorie, les producteurs agricoles sont supposés prendre des décisions rationnelles d’adoption ou non des innovations basées sur une maximisation de l’utilité (Nkamleu et Adesina, 2000). La théorie de maximisation de l’utilité est utilisée pour expliquer le comportement d’adoption des innovations agricoles par les agriculteurs. Dans la littérature, les déterminants des décisions d’adoption ou rejet sont souvent analysés à travers différentes approches économétriques.

2.7.2. Modélisation économétrique

Divers modèles économétriques sont utilisés pour analyser les facteurs d’adoption et de diffusion des agricoles. Parmi ceux-ci, les modèles Logit, Probit, Tobit et Heckman sont les plus couramment employés dans la littérature.

Les modèles Logit ou Probit binaires sont employés lorsqu’il s’agit d’analyser les facteurs d’adoption ou rejet des innovations par les agriculteurs. Ils assimilent les décisions des agriculteurs à une variable dichotomique prenant la valeur 1 s’il y a adoption et 0 sinon. De nombreux auteurs ont utilisé ces modèles dans leurs travaux. Le modèle Probit binaire a été utilisé pour déterminer les facteurs d’adoption de l’irrigation des céréales en Tunisie (Khaldi

et al., 2010), du paillage au Nigéria (Akinola et Owombo, 2012), des engrais au Cameroun

(Nkamleu et Adesina, 2000), de la variété du riz NERICA en Gambie (Dibba et al., 2012), de la patate en Ethiopie (Abebe et al., 2013), des techniques de conservation des eaux et des sols au Burkina Faso (Sidibé, 2005), en Ethiopie (Tadesse et Belay, 2004 ; Asrat et al., 2004) et de nouvelles technologies agricoles (semences améliorées, tracteurs, animaux de trait) au Mozambique (Cunguara et Darnhofer, 2011). Quant au modèle Logit, il a servi à analyser les déterminants d’adoption du semis direct en Tunisie (Ben-Salem et al., 2006), des techniques de conservation des eaux et des sols (Ouédraogo et al., 2010), du compostage au Burkina Faso (Somda et al., 2002), de l’irrigation goutte à goutte en Algérie (Salhi et al., 2012), des semences améliorées de maïs en Zambie (Khonje et al., 2015), des innovations en riziculture aux Philippines (Mariano et al., 2012). La différence entre les modèles binaires Logit et Probit réside dans la spécification de la fonction de répartition. Le modèle Probit est régi par la fonction de répartition de la loi normale centrée réduite de moyenne 0 et variance 1. Quant au modèle Logit, il dérive de la fonction de répartition de la loi logistique de moyenne 0 et variance π2/3. Les estimateurs obtenus avec le modèle Logit sont donc π2/3 fois plus grands

environ que ceux obtenus par le modèle Probit. Ces lois étant proches, le choix de l’un ou l’autre modèle dépend ainsi de l’utilisateur. Toutefois, comparé au modèle Probit, le modèle

Logit a clairement une forme plus explicite. La fonction de distribution de la loi logistique est en effet plus facile à utiliser, symétrique par rapport à 0 et plus aplatie que la distribution normale centrée réduite. Ces raisons font que le modèle Logit est souvent plus utilisé que le modèle Probit (Greene, 2011).

Les modèles multinomiaux Logit et Probit sont respectivement des extensions des modèles Logit et Probit binaires. Ils sont utilisés pour analyser les décisions d’adoption ou rejet des agriculteurs lorsqu’ils font face à plusieurs innovations. Dans ce cas, les décisions des agriculteurs sont assimilées à une variable polytomique dont les modalités représentent le choix des différentes innovations agricoles. L’application de ces modèles a permis de déterminer les facteurs d’adoption des techniques de conservation des eaux et des sols en Ethiopie (Amsalu et Graaff, 2007; Teklewold et Kohlin, 2010), au Chili (Jara-Rojas et al., 2012), des semences améliorées en Géorgie (Mcbride et Daberkow, 2003), en Inde (Krishna et Qaim, 2007). Ils ont été également employés pour analyser les déterminants de la diffusion de l’utilisation de la fumure organique en Irlande (Läpple et Rensburg, 2011), de la variété de semence de riz NERICA en Uganda (Kijima et al., 2011), des techniques améliorées d’irrigation à l’Ile de la Réunion (Richefort et Fusillier, 2010), des choix des méthodes de lutte contre les pestes dans les plantations de cacao et de café au Cameroun (Nkamleu et Coulibaly, 2000), de l’utilisation de la biotechnologie en agriculture aux Etats-Unis (Barham

et al., 2001), des innovations pour la production de banane (Blazy et al., 2011).

L’utilisation du modèle Tobit est recommandée pour l’analyse des facteurs explicatifs de l’intensité (taux) d’adoption des innovations agricoles. Ce modèle a permis d’analyser les déterminants de l’intensité de l’adoption des variétés améliorées de maïs et niébé au Nigéria (Oladele, 2005), de sorgho et de riz au Burkina Faso et en Guinée (Adesina et Baidu-Forson, 1995). Ils sont également employés pour déterminer les facteurs explicatifs de l’intensité d’adoption des techniques de conservation des sols en Sierra-Léone (Adesina et Zinnah, 1993), au Burkina Faso (Kazianga et Masters, 2002), au Malawi (Ngwira et al., 2014), au Niger (Baidu-Forson, 1999), au Zimbabwe (Mazvimavi et Twomlow, 2009), en Ethiopie (Anley et al., 2007).

Le modèle de sélection d’Heckman permet d’identifier non seulement les facteurs d’adoption des innovations agricoles, mais aussi d’expliquer l’intensité d’utilisation (taux d’adoption) de celles-ci. De nombreux auteurs l’ont utilisé dans leurs études. Par exemple Mcbride et Daberkow (2003) ont analysé les facteurs d’adoption des innovations agricoles et l’évolution

identifié les facteurs explicatifs des décisions paysannes d’adoption des intrants agricoles et de leurs doses appliquées à l’hectare. Ngwira et al. (2014) ont analysé les déterminants de l’adoption et de l’extension des superficies sur lesquelles les agriculteurs appliquent les techniques de conservation des eaux et des sols au Malawi.

D’une manière générale, les modèles économétriques permettent d’effectuer les analyses ex- post et ex-ante des déterminants d’adoption des innovations agricoles. Toutefois, l’analyse ex- ante requiert souvent, au préalable, l’utilisation de l’approche d’évaluation contingente.

2.7.3. Approche d’évaluation contingente

D’une manière générale, elle repose sur la présentation d’un scénario d’offre, description d’un bien ou d’un service de manière orale ou picturale, et sur l’interrogation de l’agent économique à propos de ce bien ou service (Mitchell et Carson, 1989 ; Desaigues et Point, 1993). De ce fait, elle ne s’appuie pas sur l’observation des comportements, mais utilise la reconstitution d’un marché fictif (contingent) pour inciter les individus à révéler la valeur qu’ils accordent à un bien ou un milieu naturel, à son amélioration ou aux dommages qui lui ont été causés (Terra, 2005). L’agent économique est directement interrogé et le consentement à payer et/ou à travailler reflète la valeur qu'il attribue à ce bien (Luchini, 2002; Maresca et

al., 2006). Le consentement à payer (CAP) correspond au prix qu’un acheteur consent à payer

pour une quantité donnée d’un bien ou d’un service (Kalish et Nelson, 1991 ; Westenbroch et Skiera, 2002).

En innovation agricole, le CAP revient au montant que l’agriculteur est susceptible d’investir pour acquérir l’innovation s’il est prédisposé à l’adopter (Ulimwengu et Sanyal, 2011). Bien adapté aux pays développés, cet indicateur est moins fiable dans les pays en développement dont les actes économiques sont faiblement monétarisés surtout en zone rurale. Les travaux agricoles sont généralement réalisés dans un cadre familial ou communautaire sous forme d’entraide ou d’obligation sociale. Dans un tel cadre, le CAP ne reflète pas la volonté des agriculteurs à adopter les innovations. D’où le recours au consentement à travailler (CAT) qui est une méthodologie innovante (Kramer et al., 1995). Le CAT représente le nombre d’hommes-jours que l’agriculteur est disposé à travailler pour acquérir l’innovation agricole. Vu sous cet angle, il peut être assimilé au CAP lorsqu’il est évalué en termes de coût d’opportunité.

Plusieurs types de questions permettent de mesurer le CAP et/ou le CAT des personnes interrogées (Judez et al., 1998). Les questions les plus fréquemment utilisées sont : la question

ouverte, la question fermée de choix dichotomique ou polytomiques, la carte de paiement et le procédé des enchères (Bonnieux et al., 1995; Maresca et al., 2006). L’utilisation de la carte de paiement et de la méthode des enchères types n’est pas très recommandable. La carte de paiement, comme l’indique Schuman (1996) introduit un biais qui incite les enquêtés à préférer certaines valeurs offertes et à en rejeter d’autres. L’abandon, signalé par Turner et al. (1994), du procédé de l’enchère, qui fut très utilisé durant les années 80, est dû au biais important que subit la déclaration du CAP et/ou du CAT de l’enquêté à travers l’offre de départ (starting bid ou starting point). La question ouverte et le choix dichotomique ou polytomiques sont plus recommandés dans les pays en voie de développement (Hanemann, 1984). Elle sera ainsi utilisée dans notre étude.

L’analyse économétrique des CAP est fonction des types de questions posées (mode de révélation des CAP). On utilise généralement un modèle Logit binaire (Delvaux et al., 1999 ; Chebil et al., 2009) ou Probit binaire (Rozan, 2000; Rulleau et al., 2009) pour analyser les déterminants du CAP lorsque la question fermée est utilisée (payer/travailler ou ne pas payer/travailler pour acquérir l’innovation agricole). Mais il est courant de retrouver des valeurs aberrantes et des valeurs nulles lors de l’analyse des données. Dans ce cas, les modèles Tobit et Heckman sont recommandés pour l’analyse des déterminants des CAP (Terra, 2005). Ces deux modèles seront examinés au cours de l’étude.

Les approches économétriques sont utiles pour analyser les facteurs d’adoption des innovations agricoles. Cependant, elles présentent des limites, car elles ne permettent pas de connaître leur rentabilité.

2.8. EVALUATION DE LA RENTABILITE ECONOMIQUE DES INNOVATIONS