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CHAPITRE 7. PERCEPTION ET EVALUATION ECONOMIQUE DE L’INFORMATION

7.4. DISCUSSION SUR LA PERCEPTION ET L’EVALUATION DE L’INFORMATION CLIMATIQUE

L’INFORMATION CLIMATIQUE

Les résultats de l’analyse montrent que l’information climatique est asymétriquement diffusée auprès d’une minorité des ménages agricoles dans les différentes provinces des zones sahélienne et soudano-sahélienne du Burkina Faso. Cette asymétrie d’information révélée pourrait dériver de la présence d’ONGs expérimentant la mise en œuvre de l’IC auprès de certains producteurs agricoles dans la province du Yatenga. Ces résultats sont conformes aux conclusions de Churi et al. (2012) qui rapportent qu’une asymétrique d’information climatique existe au sein des agriculteurs des villages de la région semi-aride de la Tanzanie.

Les ménages agricoles ayant accès à l’IC ont indiqué que la radio a été la principale source d’information. Ce constat montre que la radio constitue le moyen privilégié pour la diffusion des IC auprès des agriculteurs. Res et al. (2006) comme Tarhule et Lamb (2003) ont trouvé

également que la radio constitue un moyen efficace de vulgarisation des prévisions climatiques saisonnière auprès des agriculteurs.

S’il est vrai que l’IC est faiblement diffusée, la plupart des ménages agricoles souhaite l’utiliser pour planifier la conduite des activités culturales. Pour eux, une information sur le début de l’hivernage permet de mieux planifier les semis. La forte sensibilité des semis au risque de sécheresse justifie le choix du début de l’hivernage par la majorité des ménages. D’après Marteau et al. (2011), au Niger près d’un quart des semis de mil des agriculteurs échouent en raison du mauvais démarrage des pluies. Par ailleurs, la longueur de la saison des pluies et la fin de l’hivernage facilitent le choix des variétés de cultures à emblaver en fonction de la durée du cycle. L’expression des besoins des ménages en IC montre qu’ils ont bien conscience des risques climatiques sur la production agricole (Tarhule et Lamb 2003 ; Roncoli

et al., 2008). Cependant, les perceptions différenciées des ménages des changements de précipitation expliquent la disparité de leurs besoins en IC au sein et entre les zones agro- climatiques. La baisse des précipitations est perçue par 28,2 % des agriculteurs en zone sahélienne et 45,6 % en zone soudano-sahélienne (Ouédraogo et al., 2010).

Plusieurs facteurs déterminent la demande des ménages agricoles en IC. L’instruction permet aux chefs de ménages de comprendre la nécessité de l’utilisation des IC dans l’orientation de leur prise de décisions en matière de production agricole face aux changements climatiques. L’effet de l’instruction sur l’utilisation de l’IC est similaire à celui observé par Lybbert et al.( 2007) au Kenya et en Ethiopie. Le mariage accroit la taille des ménages tout en augmentant leurs besoins céréaliers à travers le nombre de mariées et les naissances annuelles (INSD, 2009). Cette augmentation des besoins céréaliers incite ainsi les chefs de ménages mariés à vouloir l’IC afin de mieux organiser la production céréalière. Le regroupement des agriculteurs facilite leur accès aux prévisions saisons vulgarisées par les services agricoles. Selon Tarhule et Lamb (2003), les échanges entre agriculteurs organisés en groupement leur permettent de mieux comprendre les enjeux liés aux effets des changements climatiques dans le secteur agricole. Par ailleurs, l’appartenance d’un ménage à un groupement agit favorablement sur l’utilisation de l’IC. L’organisation des agriculteurs facilite leur accès aux IC vulgarisées par les services agricoles. Les jeunes chefs de ménages (âge < 45 ans) se montrent cependant désintéressés à utiliser les IC et d’une manière générale par l’agriculture.

revenus monétaires importants (Thune, 2011). Certains optent pour l’exode rural en espérant obtenir un emploi plus rémunérateur que l’agriculture (Bauchemin, 1998). Les ménages estiment que le maïs est très sensible aux poches de sécheresse comparativement aux autres céréales. Cette raison justifie la demande de l’IC afin de planifier sa production. La forte contribution de la production de sorgho au besoin céréalier des ménages expliquent son impact positif sur l’IC (MAH, 2012). L’analyse montre cependant que le revenu de la production céréalière affecte négativement la demande en IC des ménages. Les ménages se montrent réticent à injecter leur revenu céréalier dans les dépenses d’obtention de l’IC. La production céréalière est exclusivement destinée à la consommation alimentaire des ménages. Les ménages vendent rarement la production céréalière puisqu’elles ne couvrent généralement leur besoin alimentaire (Janin, 2010b). Contrairement au revenu céréalier, le revenu extra-agricole influe positivement la demande en IC des ménages. Les ménages estiment payer pour bénéficier de l’IC à partir des revenus générés par les activités telles l’orpaillage, le commerce, la maçonnerie.

Pour montrer l’intérêt qu’ils accordent à l’utilisation de l’IC, les ménages sont prêts à payer 546,34 F FCFA. Le CAP médian montre que 50 % d’entre eux consentent à payer 200 FCFA. Hanemann (1984) conseille d’utiliser le CAP médian pour mesurer le bien-être économique, car le CAP moyen peut être très sensible à de faibles changements de la distribution du CAP, tandis que la médiane se révèle beaucoup plus robuste face à ces effets. L’analyse montre que la capacité des ménages à prévoir le climat, l’utilisation de la radio comme moyen de diffusion, la sensibilisation des ménages aux prévisions précédentes, le début du démarrage des pluies constituent les déterminants de la valeur du CAP.

La diffusion des prévisions climatiques des pluies de la campagne agricole 2012-2013 auprès des ménages a eu une incidence positive sur la valeur de leur CAP pour l’IC. Les producteurs estiment que les prévisions ont guidé leurs décisions lors de la planification des activités agricoles. Ces raisons justifient la valeur accordée à l’IC à travers leur CAP. L’utilisation de la radio comme moyen de vulgarisation des IC affecte négativement la valeur du CAP des ménages. En effet, les ménages estiment que les IC doivent être gratuites si toutefois elles sont diffusées par voie radiophonique (Lybbert et al., 2007). De ce fait, ils ne sont pas prêts à dépenser pour en bénéficier. Ils préfèrent dépenser pour recevoir les IC par d’autres moyens

de communication tels que le téléphone et les services agricoles (Aker, 2011). La diffusion de la prévision des dates de démarrage des pluies aux ménages agit négativement sur la valeur de leur CAP pour l’IC au seuil de 10%. Certes, la prévision des dates du démarrage des pluies permet aux ménages de planifier les semis. Cependant, ils ne sont pas prêts à payer pour bénéficier seulement des dates de démarrage des pluies. Ils veulent plutôt payer pour bénéficier du paquet de l’IC constitué des dates de démarrage des pluies, de la durée de la saison pluvieuse ainsi de la fin des pluies (Ingram et al., 2002).

7.5. CONCLUSION PARTIELLE

Cette étude a permis de mettre en relief les perceptions et la valeur d’option de l’IC des ménages dans les zones sahélienne et soudano-sahélienne du Burkina Faso. Elle montre que l’IC est asymétriquement diffusée auprès d’une minorité (21,78%) des ménages échantillonnés. Ces ménages estiment que l’IC a guidé leur prise de décision en matière de production agricole. L’analyse révèle que la majorité (93%) des ménages a besoin de l’IC pour orienter leur prise de décisions pour la planification des activités agricoles. Les déterminants de la demande en IC sont l’âge du chef de ménage, le niveau d’alphabétisation du chef de ménage, la situation matrimoniale du chef de ménage, la pratique de la culture du maïs et du sorgho, mais aussi la valeur ajoutée de la production céréalière. La valeur d’option démontre l’intérêt accordé par les ménages à l’utilisation de l’IC. Près de 64% des ménages consentent payer en moyenne 546,34 F CFA pour en bénéficier. La valeur du consentement à payer est déterminée par la capacité des ménages à prévoir le climat, l’utilisation de la radio comme moyen de diffusion, la sensibilisation des ménages aux prévisions précédentes et le début du démarrage des pluies. S’il est vrai que les ménages estiment tirer profit de l’utilisation de l’IC, force est de constater que sa contribution à la production et au revenu agricole demeure un champ de recherche à explorer. Il est ainsi nécessaire de l’expérimenter dans les exploitations agricoles individuelles pour évaluer sa contribution à la production des différentes cultures et besoin céréalier des ménages.

CHAPITRE 8. MISE EN ŒUVRE DES PREVISIONS SAISONNIERES