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CHAPITRE 3 - ÉTUDE DE LA DIVERSITÉ CHIMIQUE DES LIGNANES DU BOIS DE

B. Résultats et discussion

III. Identification structurale des composés 1 à 9

Les molécules 1 à 9 ont été isolées par une approche ciblée. Leur composition est pressentie mais doit être confirmée par FTMS HCD. En outre, il reste à déterminer leur formule semi-développée par des analyses de RMN 1D et 2D.

A. Matériel et méthodes

1. Fragmentation en cellule de collision

La fragmentation HCD a été utilisée ici pour vérifier la présence de groupements fonctionnels des composés cibles. Les molécules pures à une concentration de 10 mg/L ont été injectées dans le spectromètre de masse en infusion avec un débit de 10 µL/min. Une énergie de collision de 30 eV a été appliquée dans la cellule HCD.

2. Résonance Magnétique Nucléaire (RMN)

Les spectres mono-dimensionnels 1H et bi-dimensionnels 1H-1H COSY, 1H-1H ROESY, 1H-13C HSQC et 1H-13C HMBC ont été réalisés dans du méthanol-d4. Les données ont été traitées et comparées à celles de la littérature. Leur interprétation a permis de déterminer la structure moléculaire des composés cibles.

3. Polarimétrie

La mesure du pouvoir rotatoire spécifique est réalisée à 25 °C. Les composés purs sont pesés précisément et solubilisés dans du MeOH pour atteindre une concentration de 0,5 mg/mL.

B. Résultats

Les attributions des signaux RMN 1H et 13C des composés 1 à 9 sont présentés dans l’ANNEXE 1. À partir des spectres RMN, la structure et la stéréochimie des composés étudiés peuvent être déterminées avec certitude. Ces données viennent confirmer les hypothèses émises sur la base des spectres de fragmentation (Tableau 19).

Ainsi, tous les composés isolés sont caractérisés :

Le composé 1 présente un ion quasi-moléculaire [M-H]- de m/z 389,1606, qui confirme sa formule brute C21H26O7. Cette composition diffère de celle du lyonirésinol par l’absence d’un atome de carbone, de deux hydrogènes et d’un oxygène. Il est possible que le composé 1 soit une molécule similaire au lyonirésinol, avec un groupement méthoxy en

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moins. L’interprétation des spectres RMN et leur comparaison avec la littérature permet d’établir qu’il s’agit du 5’-méthoxyisolaricirésinol. Ce lignane a déjà été identifié dans de nombreuses espèces (Jutiviboonsuk et al., 2005) mais jamais dans le genre Quercus.

Le composé 2, d’ion quasi-moléculaire [M-H]- m/z 571,1823 et de formule brute C29H32O12 possède un ion fragment de C22H29O8- ce qui correspond à une perte de neutre de 152,0113 (C7H4O4). Ces informations suggèrent que 2 serait un dérivé galloylé du lyonirésinol. Un tel composé n’a jamais été décrit auparavant. Les données RMN 1H et 13C montrent la présence d’une série de signaux correspondant au lyonirésinol, mais également d’un singulet intégrant pour deux protons, à H 7,04 ppm. Ce signal est caractéristique des atomes H-2″ et H-6″ d’une unité gallate, ce qui tend à renforcer l’hypothèse initiale. L’exploitation des spectres bidimensionnels confirme que la molécule 2 possède le lyonirésinol pour génine. Le spectre HMBC montre une corrélation entre les protons en position H 4,36 (Ha-9), 4,17 (Hb-9) et le carbone C-7″ à C 166,9 de l’unité gallate, ce qui établit la position du groupement galloyle sur le carbone 9. Par ailleurs, la configuration relative des carbones stéréogènes du composé 2 a été déduite des constantes de couplage J H-8/H8′ = 5,4 Hz caractéristiques d’un couplage JHax/Heq (Pretsch et al., 2009) et par les spectres ROESY. La présence d’une corrélation NOE entre les protons H-8 et H-7′ indiquent que ces protons sont co-faciaux. En conséquence, le composé 2 est le lyonirésinol 9-O-gallate. Ce nouveau lignane est nommé quercorésinol.

Les composés 3 et 4 présentent le même ion quasi-moléculaire [M-H]- m/z 551,2136. Ce sont donc des isomères de formule brute C27H36O12. Leur spectre HCD montre un fragment de formule brute C22H27O8-, ce qui correspond à une perte de neutre de 132,0423 (C5H8O4) par rapport à l’ion quasi-moléculaire. Ces composés pourraient donc être des dérivés du lyonirésinol, portant un groupement pentosyle. L’interprétation des spectres RMN et la comparaison avec la littérature permet de confirmer les hypothèses de structure. Les composés 3 et 4 sont identifiés comme étant le lyoniside ((+)-lyonirésinol 9′-O-β-xylopyranoside) et le nudiposide ((-)-lyonirésinol 9′-O-β-9′-O-β-xylopyranoside). Les deux lignanes ont déjà été identifiés dans le bois de Quercus petraea (Inoshiri et al., 1987 ; Dadá et al., 1989). Il s’agit de deux diastéréoisomères, qui diffèrent par la configuration absolue de leur génine. En effet, l’étude des cartes ROESY et la comparaison du pouvoir rotatoire mesuré avec les valeurs reportées dans la littérature établissent que les lignanes 3 et 4 ont respectivement pour génine, le (+) et le (-)-lyonirésinol.

Les composés 5 et 6 sont également des isomères d’ion quasi-moléculaire [M-H]- m/z 581,2241, de formule brute C28H38O13. La présence de l’ion de formule brute C22H27O8- et la

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perte de neutre associée de 162,0530 (C6H10O5) suggèrent que les composés 6 et 7 pourraient être des dérivés du lyonirésinol portant un groupement hexosyle. L’interprétation des spectres RMN et la comparaison avec la littérature permettent de confirmer cette hypothèse. Les composés 5 et 6 ont été identifiés comme étant le (+)-lyonirésinol 9′-O-β-glucopyranoside et le (-)-lyonirésinol 9′-O-β-glucopyranoside. Ces molécules ont déjà été décrites dans le bois

Quercus petraea (Dadá et al., 1989). Il s’agit également de deux diastéréoisoméres, différant

par la configuration absolue de leur génine.

Le composé 7, d’ion quasi-moléculaire [M-H]- m/z 703,2248 et de formule brute C34H40O16 possède des ions fragments de C29H31O12- (m/z 571,1812) correspondant à une perte de neutre de 132,0422 (C5H8O4), et de C7H5O5- (m/z 169,0138). Cela suggère que le composé 7 pourrait contenir un groupement pentosyle et un galloyl sur une génine de type lyonirésinol. L’interprétation des spectres RMN et la comparaison avec la littérature permettent de confirmer cette hypothèse et ont établi le composé 7 comme étant le (-)-lyonirésinol 9-O-gallate 9′-O-β-xylopyranoside. Une telle structure a récemment été décrite dans Quercus mongolica (Omar et al., 2013) avec un pouvoir rotatoire spécifique positif. Or le lignane 7 est lévogyre ([α]25D = - 47,3). Il s’agit donc de la première identification de cet isomère.

Le composé 8, d’ion quasi-moléculaire [M-H]- m/z 421,1869 et de formule brute C22H30O8 possède deux hydrogènes supplémentaires par rapport au lyonirésinol (soit une insaturation en moins). L’interprétation des spectres RMN et la comparaison avec les données de la littérature montrent que le composé 8 est le 5,5′-diméthoxysecoisolaricirésinol. Ce lignane a déjà été identifié dans diverses espèces végétales (Pérez et al., 1995 ; Rahman et al., 2007) mais jamais dans le genre Quercus.

Le composé 9, d’ion quasi-moléculaire [M-H]- m/z 553,2292 et de formule brute C27H38O12 présente un ion fragment de C22H29O8- (m/z 421,1870), ce qui correspond à une perte de neutre de 132,0422 (C5H8O4). Il comprend donc probablement un groupement pentosyle fixé à une génine de même composition que le lignane 8. L’interprétation des spectres RMN et la comparaison avec les données de la littérature confirment cette hypothèse et établi le composé 9 comme étant un dérivé xylosylé du lignane 8 appelé ssioriside (5,5′-diméthoxysecoisolaricirésinol 9-O-β-xylopyranoside) (Yoshinari et al., 1989). Ce lignane a déjà été reporté dans de nombreuses plantes (Pan et al., 2010 ; Zheng et al., 2010) mais jamais dans le genre Quercus.

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Tableau 19. Fragmentation HCD (30 eV) et pouvoir rotatoire spécifique des composés 1 à 9.

Ion quasi-moléculaire Ion fragment Perte de neutre

[α]25

[M-H]- Formule [M-H]- formule [M-H]- formule 1 389,1606 C21H25O7 --3,6 2 571,1823 C29H31O12 -419,1711 C22H27O8 -152,0113 C7H4O4 +5 3/4 551,2136 C27H35O12 -419,1713 C22H27O8 -132,0423 C5H8O4 +37,5 ; -64,2 5/6 581,2241 C28H37O13 -419,1711 C22H27O8 -162,0530 C6H10O5 +38,4 ; -66,1 7 703,2248 C34H39O16 - 419,1711 169,0136 C22H27O8- C7H5O5 - 132,0422 C5H8O4 -47,3 8 421,1869 C22H29O8 -+27,3 9 553,2292 C27H37O12 -421,1870 C22H29O8 -132,0422 C5H8O4 -9,2

Ainsi, la stratégie mise en œuvre a permis d’identifier trois lignanes non-glycosylés : le 5’-méthoxyisolaricirésinol (1), le lyonirésinol 9-O-gallate (2) et le 5,5′-diméthoxysecoisolaricirésinol (8) et cinq lignanes glycosylés : le lyoniside (3), le nudiposide (4), le (+)-lyonirésinol 9′-O-β-glucopyranoside (5), le (-)-lyonirésinol 9′-O-β-glucopyranoside (6), le lyonirésinol 9-O-gallate 9′-O-β-xylopyranoside (7) et le 5,5’-diméthoxysecoisolaricirésinol 9-O-β-xylopyranoside (9) (Figure 13).

Figure 13. Structure chimique des lignanes 1 à 9.

R1 R2 R3 R1 R2 R3 R

(+)-lyonirésinol OCH3 H H (-)-lyonirésinol OCH3 H H 8 H

(+)-1 H H H (-)-1 H H H 9 Xyl

(+)-2 OCH3 Gall H (-)-2 OCH3 Gall H

(+)-3 OCH3 H Xyl (-)-4 OCH3 H Xyl Gall=

(+)-5 OCH 3 H Glu (-)-6 OCH 3 H Glu

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Parmi ces composés, le lyonirésinol 9-O-gallate est découvert pour la première fois, nous l’avons nommé quercorésinol (2). Quatre autres lignanes sont identifiés pour la première fois dans Quercus petraea (1, 7, 8 et 9). Cette étude permet ainsi de préciser la diversité structurale des lignanes présents dans le bois de chêne, en mettant à jour de nouvelles molécules. Leur proximité structurale avec le lyonirésinol, intensément amer, soulève la question de leur contribution à la modification des qualités organoleptiques du vin consécutive à l’élevage en barriques.

IV. Caractérisation sensorielle des lignanes identifiés et criblage dans un vin blanc