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C. Apport organoleptique du pépin au vin

II. Étude de l’apport gustatif des pépins lors de la cuvaison

2. Comparaison sensorielle des modalités T et E

Dans un premier temps, un test triangulaire entre les modalités T et E est présenté aux dégustateurs afin de déterminer s’ils perçoivent une différence gustative entre ces deux modalités. Ces tests sont réalisés pour les deux cépages et pour les vins de goutte comme pour les vins de presse. Pour ces quatre séries, les résultats, présentés au Tableau 41, sont significatifs au seuil de 5 % pour le Merlot et de 0,1 % pour le Cabernet-Sauvignon. Cela signifie que les dégustateurs sont capables de distinguer les vins issus de raisins épépinés de ceux vinifiés en présence de pépins, tant pour les vins de goutte que pour les vins de presse. L’écart entre les modalités semble encore davantage marqué pour les vins de Cabernet-Sauvignon.

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Tableau 41. Résultats des tests triangulaires des microvinifications 2014.

Vin de Goutte Vin de Presse

Vin M CS M CS

Nombre de bonnes réponses /30juges 16 19 15 21 Significativité α 5 % 0,1 % 5 % 0,1 %

Dans un second temps, il est demandé au panel de procéder à un profil sensoriel en notant l’intensité de la douceur, de l’amertume et de l’astringence des vins. Les résultats sont traités par une ANOVA et sont présentés dans le Tableau 42. Aucune différence significative n’est observée en ce qui concerne l’amertume des différentes modalités. En revanche, l’analyse de variance est significative pour la douceur et l’astringence, ce qui signifie que les dégustateurs perçoivent des écarts entre les modalités T et E pour ces deux descripteurs. Ces résultats sont identiques pour le Merlot et pour le Cabernet-Sauvignon, tant dans les vins de goutte que dans les vins de presse. En outre, les moyennes des notes attribuées par le panel montrent que les vins témoins, vinifiés en présence des pépins, sont perçus plus doux et moins astringents que les vins issus de raisins « épépinés ».

145 a Moyenne de s not ati ons de s dég ustate ur s sur un e éc he ll e d e 0 à 7. NS : Non S igni fic ati f. S igni fic ati f a u risque de 5 % ( *) , de 1 % ( **) et de 0,1 % ( ***). T ab leau 42 . R ésult ats de s prof il s sensor iels de s m icr ovini fic ati ons 2014.

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C. Discussion

Les vins obtenus à partir de raisins épépinés présentent moins de douceur et plus d’astringence que les vins issus de raisins ayant conservé leurs pépins, pour les deux cépages étudiés dans cette expérimentation. Aucune différence d’amertume n’est en revanche perceptible. Aussi paradoxales soient-elles a priori, ces conclusions confirment les observations relatées par Pacottet et Peynaud : la présence des pépins au cours de la vinification est profitable à la qualité sensorielle du vin. Plus récemment, Lee et al. ont évoqué, sur la base d’une dégustation informelle, le fait qu’un vin issu d’une méthode de vinification traditionnelle serait préféré à un vin dont les pépins ont été éliminés au début de la fermentation alcoolique (Lee et al., 2008). Kovac et al. ont également étudié les effets de l’addition de pépins de raisins sur la composition en flavanols et en tanins des vins, ainsi que sur leur astringence. Les résultats suggèrent qu’une addition raisonnée de pépins (60 g/kg de raisin) favoriserait des concentrations plus fortes en composés phénoliques, que ne semblent pas traduire les mesures des IPT et des quantités totales de tanins réalisées dans notre travail. En outre, les mêmes auteurs relatent « les caractéristiques organoleptiques (couleur, goût et arômes) plus prononcées » des vins additionnés de pépins (Kovac et al., 1992 ; Kovac et al., 1995), sans donner davantage de détails. D’autres articles présentent des résultats similaires, suggérant que l’addition de pépins au cours de la vinification augmente non seulement la structure des vins mais également leur astringence alors que les propriétés aromatiques ne sont pas modifiées (Canals et al., 2008). Lors des séances d’analyse sensorielle que nous avons effectuées, les dégustateurs n’ont pas perçu non plus de différence olfactive entre les échantillons. Ainsi, les travaux menés jusqu’à présent ont principalement porté sur la composition phénolique des vins ainsi que sur la perception de leur astringence et de leur amertume. La contribution des pépins à la saveur sucrée n’avait jamais été étudiée jusqu’ici. Sa mise en lumière suggère l’existence, dans les pépins, de molécules à saveur sucrée, qui seraient libérées au cours de la vinification et en particulier de la phase post-fermentaire.

Dans ce contexte, les systèmes développés pour retirer les pépins des cuves pendant la fermentation alcoolique semblent d’un intérêt fortement discutable (Leahy, 2000). De la même façon, l’ajout de pépins exogènes dans une cuve en fermentation pourrait soulever, au-delà de sa pertinence gustative, de nombreuses questions liées à l’authenticité et l’identité. Ces pratiques ne sont donc pas souhaitables pour l’élaboration de vins de qualité.

Enfin, les différences entre les modalités T et E sont perçues dans les deux cépages, mais semblent accrues dans les vins issus de Cabernet-Sauvignon. Cette observation pourrait être reliée au caractère plus tannique et structuré des vins issus de ce cépage (Chira et al.,

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2008 ; Chira, 2009). En effet, De Freitas et al. ont montré que l’apport de composés phénoliques du pépin est plus important pour les vins de Cabernet-Sauvignon que pour les vins de Merlot (V. De Freitas et al., 2000). Il pourrait en être de même pour des molécules à saveur sucrée, susceptibles d’exercer une influence plus importante sur l’équilibre gustatif des vins de Cabernet-Sauvignon. Il est également possible que les écarts perçus entre cépages soient liés à des teneurs différentes de molécules sucrées dans les pépins. La répétition de telles expériences de microvinification permettrait d’étudier ces deux hypothèses. Les différences gustatives semblent également être plus marquées pour les vins de presse que pour les vins de goutte. Cela pourrait s’expliquer par une libération plus importante de composés sucrés du pépin lors du pressurage, comme cela a été montré pour les procyanidines du pépin (Cerpa-Calderón et al., 2008).

Conclusion

Les expérimentations décrites dans le chapitre précédent ont permis d’établir le rôle bénéfique de la macération post-fermentaire à chaud sur le goût du vin et notamment sur l’augmentation de sa saveur sucrée. Ces conclusions suggèrent l’existence de molécules édulcorantes provenant du raisin. Or, en relatant des expériences de vinification réalisées à partir des différentes parties du raisin, Emile Peynaud souleva l’hypothèse d’une contribution des pépins au moelleux des vins. Dans le présent chapitre, nous avons reproduit des microvinifcations, à partir de deux cépages bordelais, dont une seule partie des raisins a été épépinée. La dégustation des vins obtenus après FML a montré une astringence moindre ainsi qu’une douceur significativement plus importante dans les vins issus de raisins contenant leurs pépins. Ainsi, ces résultats étayent l’hypothèse de l’apport de composés sucrés provenant du pépin et capables de modifier l’équilibre gustatif des vins rouges.

L’approche expérimentale et les outils sensoriels utilisés dans cette partie ont permis de confirmer les observations et les intuitions des vinificateurs les plus fins : les vins rouges gagnent en moelleux lors de la cuvaison et les pépins leur confèrent davantage de saveur sucrée. Toutefois, il est fortement vraisemblable que l’apport gustatif du pépin soit modulé par le niveau de maturité du raisin mais également par les conditions de croissance de la baie. L’influence bénéfique du pépin doit donc être nuancée au regard de ces paramètres.

Afin de préciser l’influence des facteurs viticoles et œnologiques sur la contribution des raisins à la saveur sucrée des vins secs, il convient de donner un éclairage moléculaire aux phénomènes sensoriels mis en évidence dans cette étude.

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TROISIÈME PARTIE

ISOLEMENT ET IDENTIFICATION DE

COMPOSÉS DU RAISIN POSSÉDANT UNE

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TROISIÈME PARTIE :

ISOLEMENT ET IDENTIFICATION DE COMPOSÉS DU RAISIN POSSÉDANT UNE ACTIVITÉ GUSTATIVE

CHAPITRE 7 - EXTRACTION ET IDENTIFICATION DE COMPOSÉS SAPIDES DU