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ÉTAT DES CONNAISSANCES SUR LES COMPOSÉS DU BOIS DE

Introduction

Le vin évolue tout au long de sa vinification, mais également lors de son élevage en barriques. Cette étape est essentielle à l’élaboration des grands vins rouges et de certains vins blancs. Au cours de ce vieillissement, les vins subissent des modifications de leur composition chimique et de leurs qualités organoleptiques. En pratique, on observe un apport aromatique par des notes de vanille, de noix de coco et d’épices ainsi qu’un gain de saveur, notamment de sucrosité et parfois d’amertume. Plusieurs essences de bois peuvent être utilisées par les tonneliers au cours de l’élaboration des barriques, mais les meilleurs fûts sont constitués de chêne sessile (Quercus petraea L.) et, dans une moindre mesure, de chêne pédonculé (Quercus robur L.).

Les modifications au cours de l’élevage en barriques se traduisent chimiquement par l’apport de composés volatils et non-volatils (Figure 8). Ces molécules peuvent soit être présentes dans le bois à l’état natif, soit résulter de transformations lors de la fabrication des barriques, soit être formées par réaction avec des composés du vin. Les travaux menés sur le bois de chêne depuis plusieurs décennies ont contribué à interpréter certaines modifications de couleur, d’arômes, de goût ou de sensations tactiles subies par le vin au cours de son élevage.

I. Influence de l’élevage sous bois de chêne sur la couleur des vins rouges

Les anthocyanes, les tanins (pigments rouges) et leurs produits de réaction sont les principaux composés responsables de la couleur des vins (Ribéreau-Gayon, 1973). L’élevage en barriques permet l’oxydation du vin par la pénétration d’oxygène qui, en présence d’éthanol, d’ions métalliques et de composés phénoliques, mène à la formation d’acétaldéhyde (Wildenradt et al., 1974). Cela provoque des réactions de copolymérisation entre anthocyanes et tanins. Ainsi, il en résulte une augmentation et une stabilisation de la couleur des vins (Somers, 1971 ; Ribéreau-Gayon et al., 1983). Cependant, l’oxygénation n’est pas le seul phénomène qui contribue aux modifications de la couleur des vins lors de l’élevage en barriques.

Plus récemment, Chassaing et al. (2010) ont en effet interprété la modification de la couleur, du rouge au violet, observée au cours de l’élevage des vins en barriques. La substitution nucléophile d’un ellagitanin libéré par le bois de chêne, la vescalagine, sur le carbone C1 d’une anthocyane du raisin, l’oenine (ou malvidin-3-O-glucoside) en milieu acide

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(Chassaing et al., 2010) conduit à la formation d’un composé dont la longueur d’onde d’absorption diffère de celle de l’oenine. Cette réaction participe ainsi à la modification chromatique des vins et à la stabilisation de sa couleur.

II. Influence de l’élevage sous bois de chêne sur l’arôme des vins

L’apport aromatique du bois de chêne lors du vieillissement des vins a été largement étudié. Ces derniers expriment des notes de vanille, de noix de coco, d’épices mais également de café. Les déterminants moléculaires volatils (Figure 8) responsables de ces odeurs ont été respectivement identifiés comme étant la vanilline (Q), la β-méthyl-γ-octalactone (R) (ou whisky-lactone), des phénols volatils comme l’eugénol (S) et le 2-furaneméthanethiol (T) (Chatonnet, 1995b ; Tominaga et al., 2000).

Plusieurs paramètres peuvent influencer leur teneurs dans le bois et dans les vins, tels que les origines botanique et géographique du chêne, les conditions de maturation du bois mais également des paramètres de tonnellerie comme le type de chauffe utilisé (durée et température) (Chatonnet et al., 1989 ; Sarni et al., 1990 ; Chatonnet, 1995a ; Masson et al., 1995 ; Doussot et al., 2002 ; Prida et al., 2006).

III. Influence de l’élevage sous bois de chêne sur l’astringence des vins

La majorité des travaux sur les composés non-volatils du bois de chêne ont porté sur les ellagitanins (Vivas et al., 1996 ; Saucier et al., 2006 ; Quideau et al., 2010 ; Jourdes et al., 2011 ; Chira et al., 2015 ; B. Zhang et al., 2015). Quinn et Singleton (1985) ont montré que cette famille de molécules pourrait participer à l’astringence des vins (Quinn et al., 1985). Des études plus récentes ont confirmé ces résultats. La dégustation d’ellagitanins purifiés du bois de chêne, la grandinine, les roburines A à E, la castalagine (U), la vescalagine (V) et la 33-déoxy-33-carboxyvescalagine, a permis, conjointement à leur analyses quantitatives dans les vins rouges, d’établir leur contribution à l’astringence (Glabasnia et al., 2006 ; Stark et al., 2010). Une autre étude récente met en évidence une corrélation positive entre les teneurs en ellagitanins et la sensation d’astringence dans des vins élevés en barriques (Chira et al., 2013 ; Michel et al., 2016). Cependant, d’autres travaux tendent à montrer que l’impact direct de ces ellagitanins demeure limité (Herve Du Penhoat et al., 1991 ; Masson et al., 1995 ; Puech et

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IV. Influence de l’élevage sous bois de chêne sur le goût des vins A. Effet sur la sucrosité

Le gain de douceur au cours de l’élevage du vin en barriques, observé empiriquement par les vinificateurs, n’a été démontré et élucidé que récemment (Marchal et al., 2013). Cette sucrosité perçue lors du vieillissement du vin n’est pas due à l’extraction de sucres, puisque le bois de chêne n’en libère que de très faibles teneurs, non significatives d’un point de vue sensoriel. En revanche, de nouveaux triterpènes du bois de chêne, les Quercotriterpénosides I (W), II, III et VI, ont été découverts par Marchal et al. en 2010 (Marchal, 2010 ; Marchal et

al., 2011b ; Marchal et al., 2013). Ces molécules possèdent une saveur sucrée intense, avec un

seuil de détection estimé à 590 µg/L pour le QTT I et permettent d’expliciter la contribution de l’élevage à la perception de la douceur des vins boisés. Elles sont plus abondantes dans le chêne sessile que dans le chêne pédonculé, ce qui peut être relié à l’utilisation privilégiée du bois de Q. petraea pour la fabrication des barriques destinées à l’élevage des vins (Marchal et

al., 2015d).

B. Effet sur l’amertume

Une utilisation excessive ou mal adaptée du bois de chêne peut conduire à une dépréciation gustative des vins par une perception exacerbée de la saveur amère. Glabasnia et Hofmann ont mis en évidence le caractère amer de certains ellagitanins, tels que la roburine E, la grandinine, la 33-déoxy-33-carboxyvescalagine, la castalagine (U) et la vescalagine (V). Cependant, les concentrations de ces ellagitanins retrouvés dans les vins demeurent inférieures à leur seuil de détection (Glabasnia et al., 2006 ; Stark et al., 2010 ; S. Frank et al., 2011), ce qui nuance leur importance gustative.

De la même manière, l’apport des coumarines (scopolétine X et aesculétine Y) à l’amertume des vins boisés apparait négligeable. En effet, ces molécules présentent certes une forte amertume (Vivas, 1997), mais leurs concentrations dans les vins boisés sont bien inférieures à leur seuil de détection et dépendent du type de séchage du bois (Chatonnet et al., 1994).

Enfin, plus récemment, la contribution amère du lyonirésinol (Z) (Marchal et al., 2013) a été étudiée. Ce lignane, présent notamment dans le genre Quercus (Seikel et al., 1971 ; Nabeta et al., 1987 ; Vivas et al., 1998), a été décrit comme l’un des constituants des vins élevés sous bois (Moutounet et al., 1989). Son seuil de détection a été établi à 1,5 mg/L dans un vin blanc sec. Dans les vins boisés, il est présent à des concentrations supérieures à cette valeur, ce qui établit clairement sa contribution à l’amertume des vins (Marchal et al., 2014).

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CHAPITRE 3 - ÉTUDE DE LA DIVERSITÉ CHIMIQUE DES LIGNANES DU BOIS DE