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Caractérisation sensorielle des lignanes identifiés et criblage dans un vin blanc sec

CHAPITRE 3 - ÉTUDE DE LA DIVERSITÉ CHIMIQUE DES LIGNANES DU BOIS DE

B. Résultats et discussion

IV. Caractérisation sensorielle des lignanes identifiés et criblage dans un vin blanc sec

A. Matériel et méthodes 1. Analyses sensorielles

La caractérisation gustative des 10 lignanes purifiés est réalisée à 20 °C dans des verres AFNOR transparents. Chaque composé a été goûté en solution hydro-éthanolique à 12 % vol. et dans un vin blanc sec (Bordeaux 2011 ; 12,2 % vol. ; G/F < 2 g/L), à raison de 10 mg/L. La solution hydro-éthanolique était composée d’une eau pure et peu minéralisée, choisie en raison de son goût neutre (eau de source de Montagne, Laqueuille, France) et d’éthanol distillé. En raison des quantités limitées des composés purifiés le panel de dégustateurs était composé de cinq experts. Il leur a été demandé de déguster les verres les uns après les autres en comparaison avec un verre témoin sans ajout, de décrire leurs perceptions gustatives et d’évaluer l’intensité de l’amertume sur une échelle de 0 (non détecté) à 7 (forte intensité).

2. Criblage LC-FTMS des lignanes 1 à 9 dans un vin blanc boisé

La LC-FTMS a été utilisée pour réaliser le criblage d’un vin blanc sec élevé 7 mois en barriques neuves (Pessac Léognan 2013), dilué par trois avec de l’eau ultra-pure puis filtré à 0,45 μm. Pour chacun des lignanes recherchés, un chromatogramme d’ions extraits (XIC) a été obtenu grâce au logiciel XCalibur, avec une précision de 5 ppm autour de la masse théorique de l’ion [M-H]

-.

B. Résultats

1. Caractérisation sensorielle des lignanes du bois de chêne

La matrice de dégustation des composés influence considérablement la perception sensorielle. Chaque lignane est goûté individuellement à une concentration standard de 10

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mg/L en solution hydro-alcoolique (12 % vol.) et dans un vin blanc sec par cinq experts. Ces derniers ont évalué la perception gustative associée à chaque composé, par comparaison avec la solution contrôle. Lorsqu’une molécule développe une sensation amère supérieure à celle du témoin, l’intensité de cette perception est évaluée sur une échelle de 1 à 7. Le lyonirésinol, aux propriétés amères déjà établies, est également dégusté à titre de comparaison. Le Tableau

20 récapitule les résultats de la dégustation.

Tableau 20. Caractérisation sensorielle des lignanes 1 à 10.

Composés Goût dans l’eau

Intensité de l’amertume dans l’H2O/EtOHa Intensité de l’amertume dans le vina Lyonirésinol Amer 7 7 1 - - - 2 Légèrement doux - - 3 - - - 4 - - - 5 Amer 4 3 6 Amer 5 4 7 - - - 8 Amer 3 3 9 Amer 7 7 a

L’intensité est évaluée sur une échelle de 0 (non détecté) à 7 (forte intensité).

Quatre des lignanes isolés développent de l’amertume lorsqu’ils sont dégustés en solution modèle ainsi que dans un vin blanc. Le lignane 9 est le plus intense d’entre eux et son caractère amer est similaire à celui du lyonirésinol, les composés 5, 6 et 8 sont moins intenses. Les cinq autres ne présentent pas de goût, voire une légère douceur pour l’un d’entre eux.

2. Criblage LC-FTMS des lignanes 1 à 9 dans un vin blanc sec boisé

Les chromatogrammes obtenus dans le vin présentent des signaux au même temps de rétention que dans un extrait de bois de chêne, pour chacun des ions [M-H]- recherchés (Figure 14). En outre, l’analyse des spectres de fragmentation HCD montre, pour ces temps de rétention, les mêmes ions fragments dans le vin boisé et dans l’extrait de bois. La spécificité de la détection FTMS, la similitude des temps de rétention et des spectres de fragmentation enregistrés démontrent ainsi que les lignanes 1 à 9 sont présents dans le vin blanc élevé sous bois de chêne.

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Figure 14. XIC en ionisation négative du lyonirésinol et des lignanes 1 à 9 dans un extrait de

bois de chêne (à gauche) et dans un vin blanc sec (à droite).

Les teneurs en différents lignanes sont estimées par semi-quantification et exprimées en équivalent de lyonirésinol, selon la méthode décrite par Marchal et al. (Marchal et al., 2015a). Les résultats présentés à la Figure 15 suggèrent que le lyonirésinol est le plus abondant des lignanes, tant dans le bois de chêne que dans les vins boisés. Cette conclusion est à nuancer à la lumière de la méthode appliquée. En effet, la spectrométrie de masse n’est pas une technique de quantification universelle, l’intensité de la réponse dépendant du coefficient d’ionisation qui peut varier d’une molécule à l’autre. La quantification absolue de chacun des composés permettrait de préciser ces résultats, mais elle requiert la préparation de solutions de calibration à partir de chacune des molécules pures. Les faibles quantités obtenues pour certaines d’entre elles n’a pas permis de réaliser cette étude. Toutefois, les

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composés disponibles présentent un rendement d’ionisation similaire à celui du lyonirésinol dans les conditions utilisées. Compte tenu des écarts importants observés, la prédominance du lyonirésinol parmi les lignanes isolés apparait donc robuste.

Figure 15. Teneurs du lyonirésinol et des lignanes 1 à 9 exprimées en équivalent de

lyonirésinol dans un extrait de bois de chêne et dans un vin blanc sec.

C. Discussion

Neufs lignanes de structure proche du lyonirésinol ont été mis à jour dans le bois de chêne par une purification guidée par la LC-FTMS. Leur dégustation en solution modèle et dans un vin blanc a établi l’amertume de quatre lignanes. Les propriétés amères du lyonirésinol (Marchal et al., 2011b) et du ssioriside (Yoshinari et al., 1989) avaient déjà été observées. Ce travail a confirmé qu’il s’agissait des deux composés les plus actifs au niveau sensoriel. Par ailleurs, ces résultats ne permettent pas d’établir une relation évidente entre la structure et le goût. En particulier, la glycosylation ne montre pas d’impact direct sur les propriétés sensorielles du composé. Parmi les deux lignanes les plus amers, l’un est xylosylé, l’autre ne l’est pas. En outre, les dérivés xylosylés 3 et 4 ne présentent pas d’amertume alors que les dérivés glucosylés 5 et 6 sont amers, avec une variation de leur intensité en fonction de la configuration absolue de leur génine. Même si cette étude n’a pas permis de mettre en évidence une relation directe entre la structure et le goût, la découverte de nouveaux lignanes sapides dans le chêne confirme la pertinence de rechercher des analogues structuraux à un

0 0.5 1 1.5 2 2.5 0 5 10 15 20 25 30 C onc entra ti ons (mg /(L e q. ly oniré sinol )) C onc entra ti ons (mg (e q. ly oniré sinol )/g de bois)

dans le bois de chêne dans un vin blanc boisé

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composé sapide déjà connu. Ces lignanes ont été isolés à partir du bois de chêne. L’étude de leur contribution gustative nécessite l’étude de leur présence dans des vins élevés sous bois.

L’analyse quantitative a révélé que le lyonirésinol est de loin le lignane le plus abondant dans le bois de chêne et, par conséquent, dans un vin boisé. Il est possible que les autres lignanes contribuent au goût du vin, mais le lyonirésinol apparait comme la molécule la plus active de cette famille au niveau sensoriel.

Conclusion

Dans les végétaux, les voies de biosynthèse offrent naturellement une grande diversité de molécules possédant des structures similaires. Ce travail a mis en œuvre une approche ciblée pour isoler des analogues structuraux au lyonirésinol, un lignane dont la contribution amère au goût des vins boisés avait déjà été établie. Neuf molécules ont ainsi pu être identifiées : l’une d’entre elles est un nouveau composé, il s’agit du quercorésinol (2) correspondant au lyonirésinol 9-O-gallate. Quatre lignanes ont été identifiés pour la première fois dans le genre Quercus (1, 7, 8 et 9), et, au total, neuf molécules ont été décrites pour la première fois dans le vin (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9).

Le recours à l’analyse sensorielle a permis de montrer que l’intensité amère des composés varie fortement avec leur structure chimique. Toutefois, aucune relation claire ne peut être établie entre le goût et la structure. En outre, la confrontation des données quantitatives et des résultats de la caractérisation sensorielle a suggéré que le lyonirésinol demeure le lignane du bois de chêne le plus amer dans le vin. Si aucun analogue structural à fort potentiel gustatif n’a pu être identifié, les résultats de cette étude ont permis de mieux connaître la diversité chimique des lignanes du bois de chêne.

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CHAPITRE 4 - ÉTUDE STRUCTURALE ET SENSORIELLE DES STÉRÉOISOMÈRES