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Partie A Les travertins anthropiques : état de la question et nouvelle définition.

A. I.1.3 Les processus de dépôt des travertins s.l.

Les processus responsables du dépôt de travertins s.l. ont pu être mis en évidence par un certain nombre d’études de cas et restent néanmoins sujets à discussion, qu’une synthèse a pu caractériser (Pentecost, 2005, p. 197-242). Dans un contexte calcaire, les roches, dont la composition géochimique est dominée par le car- bonate de calcium (CaCO3), présentent une grande solubilité par les eaux riches en gaz carbonique (CO2) qui, selon des temps de résidence mesurés en mois ou en années, lessivent les roches calcaires et assimilent des minéraux calciques sous forme de bicarbonates ((HCO3)2Ca). Dans ce système gaz carbonique-eau-carbo- nates, la précipitation du carbonate de calcium (CaCO3) est la conséquence d’une modification des paramètres physiques, physico-chimiques et/ou biologiques des eaux, entraînant une rupture des équilibres calco-carbo- niques. Cette précipitation est traduite par l’équation (1) :

La mise en place de dépôts de travertins est donc la conséquence du déséquilibre du système CaCO3-H20-CO2 sous l’influence de trois types de processus : physico-chimique, physique et biologique. Les précipitations d’origine strictement chimique semblant rares (Campy et Macaire, 1989).

- processus physico-chimiques :

Ils sont souvent considérés comme étant le facteur déterminant car les trois phases du système du carbonate de calcium vont intervenir (Andreo et al., 1999) : solide (carbonate), liquide (eau) et gazeuse (gaz carbo- nique). Cette théorie physico-chimique traduit une précipitation inorganique à partir d’une eau sursaturée en carbonates. La solubilité des carbonates se définit à travers différents paramètres dont les principaux sont la concentration de l’eau en ion HCO3-, le pH (ou concentration en ions hydrogènes) et la pression de CO

2, tous

interdépendants et directement liés aux échanges entre gaz carbonique atmosphérique et gaz carbonique dis- sous dans l’eau :

CO2atm + H2O liq ↔ H2CO3dissous ↔ HCO3- dissous + H+dissous ↔ CO32- + H+dissous (2)

Toutefois, interviennent également dans l’équilibre (2) la température ainsi que la concentration en différents ions autres (force ionique de la solution). A partir de ces paramètres, il est alors possible de calculer un pH de saturation (théorique) pour lequel l’équilibre peut être maintenu. Ce pH de saturation, s’il est comparé au pH réel mesuré sur le terrain, permet de définir un indice de saturation (dPH = pH mesuré – pH desaturation). Un indice de saturation positif indique que la solution est sursaturée en ions calcium, entraînant la précipitation de la calcite. A l’inverse, un indice négatif reflète une sous-saturation (Casanova, 1981 ; Andreo et al., 1999). Il faut cependant noter que la concentration en ions calcium regroupe les sels de calcite, de dolomite et de gypse. Une solution peut donc être saturée vis-à-vis de la calcite mais non saturée vis-à-vis de la dolomite ou du gypse, continuant ainsi à dissoudre des minéraux calciques et engendrant ainsi une augmentation de la concentration en calcium ; celui-ci précipite sous forme de calcite, sel le moins soluble.

- processus physiques :

Certains processus physiques favorisent également une précipitation du carbonate de calcium, comme une agitation de l’eau ou une variation de la cinétique de l’eau. Tant que l’eau reste en profondeur, le CO2 dissous est suffisant pour maintenir les carbonates sous forme de bicarbonates solubles et éviter leur précipitation. Mais lorsque l’eau émerge, elle subit une perte de CO2 par dégazage, l’équilibre de la réaction (1) est alors déplacé et le carbonate de calcium précipite.

- processus biologiques :

De nombreuses études ont mis en évidence le rôle important des processus biologiques ou biochimiques dans la formation des travertins (Adolphe, 1981 ; Casanova, 1981, 1986 ; Campy et Macaire, 1989). Le mo- teur fondamental du processus biochimique est la photosynthèse, qu’elle soit oxygénique pour les végétaux

(plantes, mousses et algues) ou anoxygénique pour les bactéries (Casanova, 1981). Une activité algaire ou al- go-bactérienne va utiliser le CO2 dissous pour effectuer la photosynthèse et ainsi induire une précipitation des carbonates. Celle-ci apparaît également à la faveur d’organismes qui prélèvent et fixent directement CaCO3 ou de micro-organismes qui détruisent les composés organiques ayant préalablement mobilisé CaCO3. Ces pro- cessus biologiques entraînant la précipitation de carbonates nécessitent des conditions écologiques adéquates à l’installation d’un biotope riche en espèces absorbant le CO2. Les processus biologiques ou biochimiques sont à l’origine de la formation de faciès stromatolithiques ; depuis quelques années seulement les travertins sont considérés comme appartenant aux stromatolithes* (Freytet et Verrecchia, 1998).

L’origine des stromatolithes est le plus souvent algaire et même due essentiellement à des algues bleues appe- lées cyanophycées* associées à des bactéries. Les algues (pro- et eucaryotes) n’existent jamais toutes seules et se trouvent toujours associées avec des bactéries, probablement aussi avec des champignons, et d’autres organismes (Freytet et Verrecchia, 1998). L’activité de coenoses de cyanobactéries déclenche donc, par des phénomènes biologiques, une précipitation carbonatée sous la forme d’un encroûtement stromatolithique. L’intérêt de l’étude des stromatolithes est souligné par J. Casanova (1981) lorsqu’il dit que « le stromatolite réagit activement aux contraintes de l’environnement et donc renferme des données sur le paléomilieu ». Dans ce type d’encroûtement, c’est le tapis algo-bactérien, élément de base de la précipitation du carbonate de calcium, qui contrôle la structure. La production carbonatée n’est ni piégée, ni disposée au hasard dans ce tapis algaire, mais orientée autour des filaments. Deux espèces sont dominantes dans ces polycoenoses :

Rivularia haematites et Phormidium incrustatum. La production carbonatée de Phormidium incrustatum est

le plus souvent composée de grains micritiques et la croissance du tapis algaire s’exerce de façon columnaire, alors que dans la production de Rivularia haematites, les germes de cristallisation sont plus rares et déve- loppent surtout des cristaux lamellaires qui, par empilement et croissance latérale donnent des structures en éventail. Le milieu travertineux est ainsi défini comme un milieu stromatolithique continental et correspond à un biotope résultant d’une succession de processus physico-chimiques ou biologiques. Les stromatolithes résultent de la calcification rapide d’organismes biologiques d’une grande diversité et ont donc une structure et un développement complexes.