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Partie A Les travertins anthropiques : état de la question et nouvelle définition.

A. I.2.1.2 Caractérisation pétrographique des travertins s.l.

« Microfacies analysis has the advantages over traditional sedimentological approches of being interdisciplinary, and integrating sedimentological, paleontological and geochemical aspects. »

(E. Flügel, 2004)

A.I.2.1.2.1. La fabrique* (fabric).

Les caractéristiques texturales et structurales d’un sédiment carbonaté (fabric) sont identifiables directement par une observation à l’œil nu (mesofabric) d’une surface polie du sédiment, ainsi que par des observations en lame mince et au microscope électronique à balayage pour les caractères microscopiques (microfabric). Dans le cas des travertins s.l., la mesofabric réfèrera à la porosité visible du sédiment ainsi qu’aux litages suscep- tibles d’affecter la roche et son aspect éventuellement laminé, et à la reconnaissance de formes sédimentaires connues (p. ex. ooïdes et oncoïdes) ; la microfabric fournira des informations sur les paramètres (physico-chi- miques et/ou biologiques) ayant influencé la formation du travertin s.l. et sur l’évolution diagénétique de ce dernier, et permettra d’expliquer les caractéristiques physiques du sédiment (Pentecost, 2005, p. 19).

• La mésofabrique (mesofabric) :

Elle est particulièrement définie par la porosité visible du sédiment, la présence de pores caractérisant la plupart des travertins. Cette porosité peut être divisée en plusieurs types (Fig. A.18, Pentecost, 2005, p. 30) :

Figure A.16. Cascade de tuf à Pont-en-Royans (Isère).

intercrystalline, intergranular, mouldic, fenestral, shelter, framework, burrowing porosity. Elle est engendrée

par plusieurs facteurs qui peuvent être l’action d’organismes invertébrés fouisseurs creusant leur galerie dans la roche, la présence de fragments de plantes (feuilles, branches, racines) ou de mousses lors de la précipitation du carbonate, et, en particulier dans le cas des travertins s.s., la présence d’inclusions gazeuses (gas bubbles) dans le sédiment (souvent associées à la précipitation de voiles algaires). En parallèle des ces facteurs, une certaine fracturation de la roche, accompagnée par un phénomène de dissolution, est susceptible de donner un aspect caverneux au travertin.

Un second caractère définissant la mesofabric d’un travertin est la présence éventuelle de litage au sein de la roche. Ces litages souvent plans, comme nous pouvons l’observer au sein du tuf calcaire de Rolampont (Haute-Marne, France) (Fig. A.19), sont la conséquence de variations irrégulières dans la vitesse de dépôt du travertin, comme cela a pu être décrit pour des travertins d’Italie centrale (Chafetz et Folk, 1984, p. 298). Des surfaces d’érosion sont également susceptibles d’exister au sein de ce litage.

Figure A.18. Les principaux types de porosité des faciès de travertins (Pentecost, 2005) ;

de gauche à droite : intercrystalline, intergranular, mouldic, shelter, framework, fenestral, burrowing porosity.

Figure A.19. Litages dans le tuf calcaire de Rolampont (Haute-Marne).

• La microfabrique (microfabric) :

Elle est caractérisée par la taille des grains minéraux qui constituent le sédiment, par la forme de ces grains, et par les connexions qui les joignent entre eux. L’analyse des constituants d’un sédiment à l’échelle micros- copique obéit à une nomenclature comprenant un certain nombre de termes utilisés pour la description des formes sédimentaires ; l’ensemble de ces termes sur lesquels nous nous appuierons ont été revus et regroupés par des auteurs spécialistes de la question (Verrecchia et Freytet, 1989) et sont maintenant utilisés dans la majorité des études de sédiments carbonatés, comme le montre une synthèse de l’analyse des éléments micros- copiques des travertins (Pentecost, 2005, p. 19-29).

En tant que formations calcaires, la grande majorité des travertins sont constitués de carbonate de calcium, sous la forme de grains de calcite et/ou de grains d’aragonite. La calcite apparaît majoritairement sous la forme de cristaux individualisés dont la taille peut être submicroscopique (<0,2 mm) à macroscopique (>10 mm), tandis que l’aragonite apparaît souvent sous le forme de cristaux microscopiques aciculaires. La taille des cristaux microscopiques de calcite varie entre des textures micritiques (<5 µm), microsparitiques (5-15 µm) et sparitques (>15 µm).

S’agissant de la forme des minéraux constituant le sédiment, la cristallisation est dite anhédrale (ou xéno- morphe), lorsque les grains ne présentent pas de face cristalline décelable, subhédrale (ou subautomorphe) lorsque les faces cristallines sont imparfaitement exprimées mais sont susceptibles d’être reconstituées, ou euhédrale (ou automorphe) si les cristaux sont correctement développés et les faces cristallines parfaitement exprimées.

La microfabric est fonction de l’environnement de dépôt du travertin et est influencée par les conditions phy- sico-chimiques et biologiques qui prévalent lors de la formation du carbonate de calcium et de la croissance cristalline. Elle est également susceptible d’être modifiée par les phénomènes diagénétiques postérieurs à la formation du dépôt.

La texture la plus fréquemment observée dans les travertins est la micrite, qui apparaît sombre et presque opaque en lame mince et dont les frontières cristallines sont souvent floues ou difficilement définissables en lame mince. La micrite est souvent observée en association avec des cristaux microsparitiques et sparitiques caractérisés en lame mince par une certaine transparence et qui peuvent se présenter parfois sous des formes cristallines particulières : cristaux à croissance fibreuse, cristaux à croissance columnaire, cristaux aciculaires. La présence de communautés biologiques (bactérie, algues, bryophytes) peut avoir une influence directe sur la texture sédimentaire (biofabric). Des communautés bactériennes sont connues pour engendrer des structures particulières que sont les cristaux en forme d’arbustes (shrub crystals) ou de buissons (bush crystals) (Kitano, 1963 ; Chafetz et Folk, 1984), mais ce sujet fut rediscuté quant à une action simultanée de processus abiotiques combinés à ces processus bactériens (Chafetz et Guidry, 1999). Les travertins colonisés par les cyanobactéries

nobactérie Rivularia haematites engendre un travertin microsparitique à sparitique. Les travertins associés à certaines algues eucaryotes (Gongrosira, Oocardium et Vaucheria) montrent une texture mixte, micritique et sparitique, comme les travertins colonisés par des mousses (bryophytes). Des cas particuliers de cristallisa- tions dendritiques de calcite apparaissent dans des travertins caractérisés par des grandes vitesses de dépôt et des hautes températures. La calcite forme alors des cristaux rayonnants (ray crystals) ou des cristaux en forme de plume (feather crystals) de 1 à 10 cm, comme cela a été observé dans les travertins d’Italie centrale (Guo et Riding, 1992), qui présentent des lamines bien dessinées, séparées par des lamines d’aragonite.

Contrairement à la calcite, l’aragonite ne croît que très rarement en grands cristaux dans les travertins (Pen- tecost, 2005, p. 29), et apparaît sous la forme de cristaux fins et aciculaires de quelques dizaines de microns, au sein d’agrégats cristallins massifs ou formant des sphérules ou des botryoïdes* dans le sédiment. Elle est souvent repérée au sein de la cristallisation en arbuste (shrub crystals) en association avec une activité micro- bienne, et est connue pour précipiter à des hautes températures, généralement supérieures en moyenne à 40 °C (Folk, 1994). Par le biais de processus diagénétiques, et souvent relativement rapidement, l’aragonite est susceptible d’être remplacée par de la calcite, comme l’ont pu démontrer par exemple Guo et Riding (1992) dans les travertins pléistocènes de Rapolano Terme (Toscane, Italie).