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Jebel Oust (Tunisie).

B. I.3.1.2.1.2 Caractérisation chimique.

• La composition chimique :

Lors de leur circulation dans les couches géologiques profondes, les eaux d’un système thermal vont dissoudre et lessiver les principaux minéraux mobilisés qui vont caractériser la composition chimique de l’eau lors de son émergence à la surface terrestre. La minéralisation d’une eau thermale va donc être dépendante de la nature des roches rencontrées lors des circulations souterraines, la nature des roches du réservoir, ainsi que de la température, de la pression et de la vitesse de circulation de l’eau dans ces couches réservoir. L’analyse chimique des eaux va permettre de déterminer la concentration des éléments chimiques présents dans l’eau.

Les résultats (Tab. 2, d’après Sadki, 1998 ; Teib Helali, 1999) d’analyse des éléments majeurs et traces présents dans l’eau thermale de Jebel Oust montrent une large prédominance des ions Na+ et Cl- (4680,5 et 7593,45

mg/l, respectivement). Ces fortes teneurs en Na+ et Cl- proviennent très vraisemblablement du lessivage de

formations salifères au cours du trajet souterrain de l’eau, correspondant très certainement aux couches sali- fères datées du Trias, et vont être responsable de la saveur salée de l’eau de Jebel Oust. La forte abondance en ion calcium Ca2+ (2004 mg/l) s’explique par le lessivage des séries carbonatées du Jurassique par l’eau à la

faveur d’un excès d’acide carbonique lors son trajet en profondeur. Le magnésium, souvent associé au calcium dans les eaux naturelles, présent dans l’eau de Jebel Oust (Mg : 463,2 mg/l) provient essentiellement de la dissolution des dolomies, des calcaires et des marnes dolomitiques.

La présence des éléments traces tels que le lithium (Li), le strontium (Sr) et le fluor (F), en quantité non-né- gligeable (1,13 , 16,1 et 2,47 mg/l, respectivement), s’explique par le lessivage des séries jurassiques et/ou triasiques.

1 Valeur minimale, mesurée en juin 2007. 2 Valeur maximale, mesurée en juin 2007.

La représentation des teneurs en éléments majeurs (cations et anions) dans un diagramme de Piper1 (Fig. B.35)

permet de restituer la source thermale de Jebel Oust au sein de l’ensemble des manifestations thermo-miné- rales de la Tunisie. Les compositions chimiques en éléments majeurs de 97 sources thermo-minérales ont été analysées (données de l’office du thermalisme2). Plusieurs faciès chimiques particuliers sont différenciables

parmi l’ensemble de ces sources thermo-minérales tunisiennes. Un premier groupe de sources froides présente un faciès bicarbonaté calcique et magnésien, alors qu’un nombre plus faible de sources froides possède un faciès chloruré et sulfaté, calcique et magnésien. Concernant les sources thermales (30 < T °C < 50) et hyper- thermales (T > 50 °C), elles se séparent en deux faciès chimiques différents : l’un chloruré et sulfaté, calcique et magnésien, le second chloruré sodique et potassé. C’est au sein de ce dernier groupe que se situe la

source hyperthermale de Jebel Oust.

1 Le diagramme de Piper utilise les éléments majeurs pour représenter les différents faciès des eaux souterraines. Il est composé de deux triangles 

représentant les cations et les anions et d’un losange synthétisant l’ensemble. Le tableau de données qui a permis d’établir le diagramme de Piper  présenté ici est donné dans les annexes du manuscrit (cf. Annexe E).

2 Le portail internet de l’office du thermalisme : www.thermalisme.nat.tn

Tableau 2. Composition élémentaire de l’eau thermale de Jebel Oust.

Figure B.35. Classification des sources thermo-minérales de Tunisie dans un diagramme de Piper.

Eléments majeurs (mg/l) (Sadki, 1998)

Na K Ca Mg Cl HCO3 SO4

4680,5 175,11 2004 463,2 7593,45 524,6 5617,92

Eléments traces (mg/l) (Teib Helali, 1999)

Li Sr F SiO2 NH4 NO3 NO2 H3PO4

1,13 16,1 2,47 31 0 0,02 0,01 0,05

T (°C) pH Salinité

• La conductivité :

La conductivité d’une eau thermale est liée à la présence dans cette eau de sels dissous, offrant ainsi une résis- tance plus ou moins importante au passage d’un courant électrique. La conductivité est fonction de la tempé- rature de l’eau, de la concentration, de la nature et de l’état d’ionisation des composés dissous. La conductivité de l’eau thermale de Jebel Oust, mesurée à 20 °C, présente une valeur de 20,94 mS.cm-1 (Teib Helali, 1999).

Cette conductivité relativement élevée traduit une forte charge saline dont la valeur, que nous avons pu mesu- rer sur le terrain, est de 15,9 g/L.

• La radioactivité :

La radioactivité des eaux thermales provient essentiellement des principaux émetteurs naturels rencontrés lors des circulations du fluide dans l’écorce terrestre (p. ex. uranium et thorium). Les sources thermales sont presque toutes radioactives, dans des proportions variables, conséquence de la large diffusion des composés radioactifs mobilisables dans la lithosphère. Dans le cas de Jebel Oust, une étude a pu démontrer la présence de radon1 (222Rn) en grande quantité dans l’eau thermale et dans l’atmosphère de la galerie de captage et a pu

évaluer les risques potentiels d’exposition du personnel technique du complexe thermal (Labidi et al., 2006).

Les eaux thermales de Jebel Oust sont classées parmi les eaux hyperthermales chlorurées sodiques, avec une température moyenne de 55 °C. Ces eaux sont claires, limpides, sans odeur, et à saveur fortement salée.

B.I.3.1.2.3. Géochimie des isotopes stables des eaux de la région. Les isotopes stables de l’oxygène et de l’hydrogène :

Les teneurs en isotopes stables de l’oxygène et de l’hydrogène peuvent être utilisées comme traceurs de l’origine de l’eau et comme indicateurs de certains processus, comme l’évaporation et le mélange d’eaux, qui peuvent avoir lieu à des niveaux superficiels ou peu profonds.

Les mesures isotopiques de l’oxygène et de l’hydrogène des eaux sont données par rapport à un standard in- ternational, représentatif de la composition isotopique moyenne des eaux océaniques, le SMOW (Standard

Mean Ocean Water). Par définition, δSMOW = 0.

Six eaux de nature et/ou de localisation géographique différentes ont été prélevées et analysées dans la région du site de Jebel Oust et ses environs2 (Annexe) :

1 Le Radon est un gaz rare, radioactif, d’origine naturelle, issu de la désintégration du Radium.

2 La température de chaque échantillon a été mesurée sur le terrain à l’aide d’une sonde multiparamétrique ; les analyses isotopiques ont été réalisées 

• Deux eaux de nature thermale : Jebel Oust et Hammam Zriba. • Trois sources d’eau douce : Jebel Oust, Zaghouan et Oudna. • L’eau de pluie : Jebel Oust.

L’eau thermale de Jebel Oust a fait l’objet de deux prélèvements (échantillons JO-07-05 et JO-O8-e1) prove- nant directement de la grotte hydrothermale actuelle et de la galerie d’accès (galerie « Gérini »). L’échantillon JO-07-05, prélevé dans la vasque hydrothermale, à une température de 54,9 °C, présente des valeurs en δ18O

et δD de -6,84 ‰ VSMOW et -34,55 ‰ VSMOW, respectivement. Le second échantillon, provenant de la galerie d’accès à la source, environ 100 m en aval de l’évent thermal, à une température de 57,3 °C, présentent des valeurs en δ18O et δD de -5,95 ‰ et -37,75 ‰, respectivement.

L’eau thermale de Hammam Zriba, village thermal situé sur le versant sud du Jebel Zaghouan, a fait l’objet de deux prélèvements (JO-07-02 et JO-07-03), à deux températures différentes : 45,3 et 44,6 °C. Les deux échantillons présentent des valeurs en δ18O identiques (-6,45 ‰) alors que les valeurs en δD sont légèrement

différentes (-36,32 ‰ et -29,92 ‰).

Les eaux douces, superficielles (provenant d’aquifères peu profonds), de la région ont été prélevées à trois endroits : une source captée à Jebel Oust (JO-07-01), une source captée à proximité du site antique d’Oudna (JO-07-06) et enfin, pour les eaux du massif montagneux de Zaghouan, l’eau d’une source alimentant une fontaine moderne de la ville implantée au pied de la montagne (JO-07-08) et l’eau de l’aqueduc fournissant l’eau à Tunis (JO-07-07). L’eau douce à Jebel Oust émerge à une température de 20,4 °C et montre des valeurs isotopiques de -7,29 ‰ pour le δ18O et de -40,04 ‰ pour le δD. L’eau de la source d’Oudna, d’une tempéra-

ture de 24,7 °C, a des valeurs isotopiques de -7,40 ‰ pour le δ18O et de -45,48 ‰ pour le δD. Les eaux de

Zaghouan, d’une température de 22 et 20,3 °C, présentent respectivement des valeurs en δ18O de -7,61 ‰ et

-7,17 ‰ et des valeurs en δD de -37,24 ‰ et -37,21 ‰.

Enfin, l’eau de pluie de la région a fait l’objet d’un prélèvement, sur le site même de Jebel Oust (JO-07-01). La température mesurée de cette eau est de 17,8 °C et les valeurs isotopiques sont de -4,19 ‰ pour le δ18O et

de -17,96 ‰ pour le δD.

Les valeurs isotopiques de l’oxygène et de l’hydrogène des eaux de la région du site de Jebel Oust (eaux ther- males et eaux superficielles) présentent une très bonne corrélation entre elles (coefficient de corrélation : r = 0,92). Reportées au sein d’un diagramme cartésien δ18O/δD (Fig. B.36), ces valeurs se situent dans une zone

comprise entre la droite des eaux météoriques mondiale (GMWL = Global Meteoric Water Line) dont l’équa- tion δD = 8 * δ18O + 10 a été établie par Craig (1961b) et la droite des eaux météoriques de Méditerranée

occidentale (MMWL = Mediterranean Meteoric Water Line), d’équation δD = 8 * δ18O + 22 (Sadki, 1998). De plus, l’ensemble des valeurs se situent au voisinage immédiat de la droite météorique locale à Tunis

(LMWL = Local Meteoric Water Line), d’équation δD = 6,4 * δ18O + 5,2 (Celle-Jeanton et al., 2001) déter- minée à partir des données produites par l’IAEA (International Atomic Energy Agency) au sein du programme GNIP (Global Network of Isotopes in Precipitation)1.

Ceci permet de confirmer l’hypothèse d’une origine météorique des eaux thermales de Jebel Oust. L’informa- tion la plus remarquable lorsque l’on regarde la composition isotopique des échantillons collectés sur le terrain est l’absence de l’effet de l’évaporation sur la composition isotopique. Ceci traduit une recharge rapide en eau du réservoir et que l’eau météorique, qui alimente ce réservoir, s’infiltre rapidement dans l’aquifère thermal, avec un faible temps de transit dans le sol. Ceci s’explique par la faible importance des sols qui sont largement érodés dans la région de Jebel Oust, et le caractère très perméable et fissuré du substrat géologique.

1 Le GNIP est un programme de suivi de mesures des teneurs en isotopes de l’oxygène et de l’hydrogène des précipitations dirigé par l’IAEA (Inter-

national Atomic Energy Agency) dans plusieurs régions du monde. Le portail internet du GNIP, ainsi que la base de données associée, sont disponibles 

à l’adresse : http://www-naweb.iaea.org/napc/ih/IHS_resources_gnip.html.

Figure B.36. Diagramme d18O/dD des eaux de la région de Jebel Oust (et températures associées en °C) ; GMWL = Global Mean Water Line (Craig, 1961), LMWL = Local Mean Water Line (Celle-Jeanton et al., 2001), MMWL = Mediterranean Mean Water Line (Sadki, 1998).

La signature géochimique des eaux thermales de Jebel Oust permet de tirer les conclusions suivantes :

▫ Les eaux thermales de Jebel Oust sont d’origine météorique. Les eaux de pluie s’infiltrent dans

les niveaux perméables du Jebel Zaghouan qui constitue la zone de recharge du système.

▫ Les eaux thermales s’enrichissent en minéraux dissous par lessivage des terrains traversés lors

de leur circulation souterraine profonde, et acquièrent ainsi leur faciès chloruré-sodique et car- bonaté.

▫ Les eaux thermales émergent, par pression de la zone de recharge sur la branche ascendante

chaude, au niveau du Jebel Oust (zone de décharge), à une température moyenne de 55 °C, et avec un débit variable en fonction du régime pluviométrique régional.

B.I.3.2. Le captage actuel et la station balnéaire associée.