• Aucun résultat trouvé

Jebel Oust (Tunisie).

B. I.1.3.3 Le phasage chronologique des thermes.

Cinq grandes phases ont pu être individualisées, dont les quatre premières correspondent à des agrandisse-

ments successifs de l’édifice lors de son fonctionnement en tant qu’édifice public lié au sanctuaire païen et une phase de transformation puis de régression progressive liée à son utilisation en tant que bain privé1. Pour

une plus grande clarté de l’exposé, cette partie, à l’instar de celle concernant la zone sacrée, intègre déjà les résultats de l’étude géoarchéologique détaillée par la suite.

Nous ne savons que peu de choses sur la phase I dont la plupart dont la plupart des espaces ont été oblitérés par les aménagements des phases ultérieures. Il est probable qu’elle soit contemporaine de la réfection du temple au milieu du IIe siècle.

De la phase Ibis subsiste essentiellement le bassin T5 qui était, comme nous le verrons, une grande piscine tiède à ciel ouvert, ceinte d’un portique et directement alimentée par la canalisation d’eau thermale. Nous ignorons tout des autres bassins contemporains de celui-ci.

A quelques détails près, le plan de l’édifice de la phase II est connu dans son intégralité (Fig. B.5). On ac- cède au vestibule T17, de plan en forme de sablier, à partir de la place qui jouxte les thermes à l’ouest. Ce vestibule donne accès au nord au vestiaire T24, au sud à des petites salles dont nous ignorons la fonction et à l’est à un vaste frigidarium de plan carré (T14) pourvu de trois bassins périphériques et d’un bassin central. Au nord de ce frigidarium se trouve la citerne d’eau douce T18. Dans cette phase, la piscine tiède T5 (Fig. B.6) est conservée à l’identique tandis qu’un caldarium (T9) de plan circulaire (fig. B.7) couvert d’une voûte annulaire et d’une coupole est construit ex nihilo, probablement à l’emplacement du caldarium de la phase

1 Le phasage chronologique des thermes de Jebel Oust a été présenté lors du colloque Balnéorient « βαΙαηεια, thermes et hammams, 25 siècles de bain

collectif » (Damas, 6-9 novembre 2009), dont les actes sont en cours de parution : Broise, H. et Curie, J. − Contribution à l’étude des travertins car-

précédente. Cette nouvelle piscine est alimentée directement en eau thermale. A ce stade, la morphologie des salles chaudes est tout à fait comparable à celle des thermes d’Aquae Flavianae (Fig. B.8).

Figure B.5. Plan des thermes de Jebel Oust dans la phase II, respectivement en bleu, jaune et rouge, le eaux froides, tièdes et chaudes

(èch. 1: 500,

Plan : H. Broise et J. Curie). Figure B.6. Thermes de

Jebel Oust, piscine T5. Vue vers l’est.

Figure B.7. Thermes de Jebel Oust, piscine T9. Vue vers le nord-est.

Figure B.8. Plan des thermes d’Aquae Flavianae (éch. 1: 500, fond de plan Gsell et Graillot, 1893, pl. VIII).

La phase III (fig. B.9) correspond à une volonté d’augmenter la capacité d’accueil de l’édifice, avec l’érection d’un second caldarium (T1) à l’angle sud-ouest du bâtiment, tout en créant parallèlement une série de petits basins tièdes couverts. Contrairement à la piscine T5 où l’eau thermale tiédissait dans la piscine elle-même puisqu’elle était à ciel ouvert, la création de bassins tièdes couverts impliquait de trouver une alternative pour refroidir l’eau. D’après Sénèque (Questions Naturelles, III, 24), deux solutions étaient possibles, refroidir

l’eau thermale avant de l’injecter à l’intérieur des bassins ou la mélanger avec de l’eau froide à l’inté- rieur des bassins mêmes. Les deux procédés ont été mis en œuvre à Jebel Oust. Deux séries de bassins de

refroidissement (en vert sur Fig. B.9) ont été mises en place. Au sud, les trois bassins accolés à la façade ali- mentent les deux petits bassins T5C et T5D ainsi que les deux pédiluves situés dans les angles sud-est et sud- ouest de la salle. A l’ouest, entre le nouveau caldarium et le vestibule, les pièces préexistantes sont détruites pour faire place à une cour entièrement occupée par quatre bassins de refroidissement qui alimentent ceux des salles T4 et T7. Le bassin T6 en revanche, situé au cœur de l’édifice, loin des bassins de refroidissement, reçoit à la fois de l’eau chaude et de l’eau froide.

La phase IV (Fig. B.10), datée du début du VIe siècle, correspond à l’annexion des thermes par la villa. L’ac-

cès des bains se situe désormais à l’est, à l’extrémité d’un long couloir (R22) auquel on accède à partir d’une grande galerie de distribution interne à la villa, couloir qui débouche directement dans le frigidarium. Ce changement de statut est contemporain de la construction de la batterie de citernes (R61) approvisionnant la

villa. Ces citernes d’eau douce, mitoyennes de la citerne (T18), sont alimentées par le biais de cette dernière,

preuve supplémentaire du changement de statut de l’édifice. Jusqu’à la fin définitive des activités thermales, le frigidarium sera l’objet de nombreux remaniements affectant essentiellement les bassins. Nous ignorons quelles furent les piscines chaudes maintenues en activité lors de l’annexion des thermes par la villa ; très Figure B.9. Plan des thermes de Jebel Oust dans la phase III, en vert les bas- sins de refroidissement à l’air libre (èch. 1: 500,

certainement, pour le moins, celle de la rotonde T9 qui, avec les bassins tièdes T6 et T7 et le frigidarium, constituent un ensemble cohérent.

L’avant-dernier état de la phase IV (Fig. B.11), dans la première moitié du VIe s., marque l’abandon de la

salle T9 en tant que caldarium ; son sol est alors recouvert d’une nappe d’eau d’une vingtaine de centimètres et elle remplit désormais la fonction de bassin de refroidissement alimentant l’un des bassins du frigidarium transformé en bassin tiède (T15). Parallèlement la salle T6/T7 est transformée en caldarium avec adjonction d’un sas thermique construit au détriment du frigidarium.

Figure B.10. Plan des thermes de Jebel Oust dans la phase IV

(èch. 1: 500,

Plan : H. Broise et J. Curie).

Figure B.11. Plan des thermes de Jebel Oust dans la phase IV, avant-dernier état (èch. 1: 500, Plan : H. Broise et J. Curie).

Le dernier état (Fig. B.12) correspond à la construction d’un petit bain public rudimentaire qui vient s’adosser à la façade orientale des thermes, tout en réutilisant la petite salle T5I. Ce bain auquel on accédait par une impasse ouvrant vers le sud et longeant la façade de l’édifice comportait un vestiaire/tépidarium, un laconi-

cum, et un espace de service crées ex nihilo, tandis que le caldarium était installé dans l’ancien espace T5I.

La construction de ce bain eut pour conséquence immédiate de couper l’arrivée d’eau thermale qui alimentait la salle T9 et donc le bassin tiède T15. Pour remédier à cela, une canalisation rudimentaire fut construite afin d’acheminer l’eau thermale vers le bassin triconque du frigidarium, lequel devient ainsi un bain tiède dans lequel eau froide et eau thermale pouvaient être mélangées.

Dans le courant de la deuxième moitié du VIe siècle toute activité thermale organisée cesse.

Figure B.12. Plan des thermes de Jebel Oust dans la phase IV, dernier état (èch. 1: 500, Plan : H. Broise).