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Les guillemets comme une expression d’altérité dans le discours

La démarche méthodologique

4.2.1. Les guillemets comme une expression d’altérité dans le discours

L’expression « révolution orange » s’emploie dans les journaux ukrainiens et français aussi bien entre guillemets que sans guillemets, indépendamment s’il s’agit de l’emploi dans le

cadre d’une parole rapportée ou non. Nous avons trouvé cette différenciation typographique pertinente pour la compréhension des représentations que les énonciateurs font de l’événement et des acteurs politiques et pour l’analyse des identités politiques dont ces énonciateurs sont porteurs.

Les guillemets apparaissent à l’écrit comme un « signal à interpréter »645. Cependant, ils sont tellement ancrés dans notre culture, aussi bien française qu’ukrainienne, que l’on peut même dire à l’oral, « entre guillemets » (souvent en accompagnant la parole d’un geste), pour prendre une distance vis-à-vis du mot ou de l’expression que l’on emploie.

Il existe deux emplois principaux des guillemets, celui qui relève de l’emploi autonymique et celui qui indique la modalisation autonymique646. Dans le premier cas les guillemets présentent une séquence « prise en mention et non en usage, c'est-à-dire que le scripteur

réfère au signe, au lieu, comme dans l’emploi standard, de viser le référent à travers le signe »647. Dans le cas de la modalisation autonymique, les guillemets manifestent le dédoublement par l’énonciateur de son propre discours en train de se faire. Ainsi, le scripteur attire l’attention du lecteur sur le fait d’employer ce mot entre guillemets. Il appartient au lecteur de retrouver les significations de cette marque typographique.

Selon les contextes, les guillemets peuvent prendre des significations très variées648. Dans tous les cas, l’énonciateur dédouble son discours, marque une certaine distance avec le mot ou la locution mise entre guillemets ou en renvoie la responsabilité à un autre649. Les guillemets expriment ainsi l’altérité dans l’énonciation. « Celui qui use de guillemets, consciemment ou

non, doit se construire une certaine représentation de ses lecteurs pour anticiper leurs capacités de déchiffrement »650. Les journalistes-scripteurs tiennent toujours compte des destinataires de leurs articles, soucieux de préserver une certaine représentation du journal que ceux-ci peuvent avoir. Or les lecteurs des journaux ne constituent pas un public homogène. À côté des citoyens, les journaux sont également lus par les acteurs politiques et les décideurs. Enfin, le scripteur-journaliste tient compte d’un « surdestinataire »651, une « voix intérieure »

645 Selon l’expression de D. Maingeneau. MAINGUENEAU, Dominique (2007), Analyser les textes de communication, Paris : Armand Colin, p. 141.

646 CHARAUDEAU, MAINGUENEAU (2002), p. 289. 647Ibid.

648 Ils peuvent exprimer la non-coïncidence dans l’interlocution; la non-coïncidence entre les mots et les choses ; la non-coïncidence du discours avec lui-même ; la non-coïncidence des mots à eux-mêmes. AUTHIER-REVUZ, Jacqueline (1995), Ces mots qui ne vont pas de soi. Boucles réflexives et non-coïncidences du dire, 2 vol., Paris : Larousse, p. 143.

649 Cet autre peut être : un élément employé par un groupe social déterminé ; un élément employé par un parti politique, une discipline scientifique ou un cliché, un stéréotype MAINGUENEAU (2007).

650 CHARAUDEAU, MAINGUENEAU, (2002), p. 290. 651 Cf. Le premier chapitre, p. 37.

qui intervient également dans la mise en mots et en discours de l’actualité. Tout cela rend difficile l’interprétation des guillemets aussi bien pour le lecteur, que pour l’analyste et demande la prise en compte du contexte discursif dans lequel un mot mis entre guillemets s’emploie.

Ainsi, au sein d’un article de l’Humanité, l’expression « révolution orange » s’emploie une fois avec guillemets et une autre – sans. La différence consiste dans le déplacement de référent de l’événement ce qui donne lieu à de différentes interprétations de l’événement. Lorsque le journaliste évoque l’implication supposée des États-Unis dans le financement de l’opposition, les guillemets sont là pour exprimer la distance critique par rapport à l’événement et l’inadéquation de l’expression au type d’événement qu’il désigne : « Même

s’il est clair aux yeux de nombreux Ukrainiens, y compris parmi les alliés de Iouchtchenko, que la « révolution orange » a pu bénéficier d’un soutien des Américains, un virage à 180 degrés vers l’Occident et vers l’OTAN en particulier aurait des conséquences graves vis-à-vis du Kremlin »652. Les guillemets encadrent l’expression dont le référent fait l’objet des confrontations de plusieurs identités politiques. Le commentaire journalistique permet de définir les acteurs de cette confrontation : l’opposition ukrainienne (« alliés de Iouchtchenko »), les États-Unis et l’Europe (« l’Occident » et « l’OTAN ») et la Russie (« le Kremlin »). Le journaliste-énonciateur représente quant à lui l’identité politique du journal

L’Humanité. Les guillemets expriment dans cette citation le désaccord du journal avec l’interprétation de l’événement et avec l’implication supposée des États-Unis dans l’organisation de la « révolution ». Dans ce même article le journaliste emploie l’expression « révolution orange » sans guillemets : « Après les grandes envolées lyriques de la révolution

orange, qui a incontestablement mobilisé de nombreuses foules contre l’ancien pouvoir corrompu et lié à des affaires troubles comme l’assassinat du journaliste Gongadaze, le futur président va être rapidement confronté à la réalité »653. Dans ce cas-là, le référent du nom propre n’est plus le même. Il ne s’agit plus d’une manipulation américaine mais d’une mobilisation collective citoyenne. Malgré la critique de la façon dont l’expression a été employée dans les discours, les guillemets sont supprimés car pour l’énonciateur le vocable correspond au référent qu’il désigne.

Les guillemets peuvent être perçus comme des marques d’identités dans les discours. Ils permettent d’identifier de différentes positions des énonciateurs par rapport à l’événement et

652 ROYANS, Jean, « De gros défis attendent Viktor Iouchtchenko », L’Humanité, 8/01/2004. 653 Ibid.

ses acteurs. On propose de distinguer quatre interprétations de l’emploi des guillemets avec l’expression « révolution orange ».

1 Les guillemets expriment d’abord une cristallisation de l’identité politique de l’opposition qui dépasse l’identité politique incarnée par Notre Ukraine et concerne l’ensemble des citoyens qui sont descendus dans les rues pour dénoncer les falsifications et défendre leur droit de vote. En effet, l’expression « révolution orange » appartient au lexique des manifestants, traduit leur interprétation de l’événement et leurs revendications (p.168)

2 Ensuite, les guillemets distinguent une identité politique par rapport à une autre : elles expriment dans le discours la différence entre l’identité de l’énonciateur et l’identité dont les manifestants de l’opposition sont porteurs. Les guillemets témoignent ainsi de la confrontation des identités politiques (p.170)

3 Les guillemets expriment aussi la dénonciation de l’identité politique de l’opposition. L’énonciateur recourt à ce signe typographique pour désigner une identité symbolique de référence inverse de l’identité qu’il entend faire adopter au destinataire de son discours. La dénonciation conteste l’identité de l’auteur visé ou en limite la portée (p.172).

4 Enfin, les guillemets expriment la critique de l’identité politique. À la différence de la dénonciation, la critique cherche à repenser ou refonder l’identité. Elle lui donne la signification et la rend interprétable (p.173)

La cristallisation de l’identité politique

Dans notre corpus de presse il existe au début une instabilité de l’usage de l’expression « révolution orange », elle n’y fonctionne pas encore de façon arrêtée. Cela s’exprime d’une part, à travers l’usage des guillemets, et de l’autre, à travers l’existence d’autres désignations de l’événement dans la presse654.

Le premier emploi de l’expression « révolution orange » dans les quotidiens français analysés date du 23 novembre 2004. Libération l’emploie dans son éditorial : « "C'est l'heure !"

scandent les dizaines de milliers d'Ukrainiens réunis au centre de Kiev. L'heure de la libération de l'emprise d'un régime autoritaire et corrompu, sous lequel ils vivent depuis que leur pays a secoué le joug russe, et retrouvé son indépendance il y a treize ans. Mais l'heure risque aussi d'être celle de la répression, après la fraude électorale qui a donné la victoire au candidat du pouvoir. La "révolution orange" ukrainienne risque encore de tourner au rouge

sang »655. En mettant en scène les manifestants qui contestent les résultats de l’élection présidentielle, l’éditorialiste considère la « révolution orange » comme un mouvement national (« "révolution orange" ukrainienne ») et démocratique car dirigé contre le régime autoritaire et corrompu. L’imaginaire qui associe une révolution à la violence est présent par les risques évoqués de représailles éventuelles du pouvoir. Les guillemets qui encadrent le nom propre expriment ici le fait qu’il s’agit d’une nouvelle expression dont l’usage n’est pas encore stabilisé. Ensuite, les guillemets expriment l’inadéquation du mot « révolution », associé à la violence, par rapport aux manifestations pacifiques de Kiev. Les guillemets illustrent les difficultés du travail des médias en situation de crise dont les issues sont incertaines.

Les guillemets marquent aussi l’emploi autonymique de l’expression « révolution orange », ils indiquent que la locution est mise en mention et non en usage : « La "révolution orange",

ces dix jours de novembre qui ont ébranlé l'Ukraine, n'a pas encore mis fin au régime autoritaire et corrompu qui y règne depuis que ce pays a (re)surgi des décombres de l'empire

soviétique. Le bras de fer continue, entre le pouvoir prorusse, qui a voulu se perpétuer par la fraude électorale, et l'opposition, qui revendique sa victoire dans les urnes »656. Dans cette citation, les guillemets sont une marque du travail de définition entrepris par le média : l’éditorialiste précise le référent de l’expression comme étant inconnu du lecteur (« ces dix

jours de novembre qui ont ébranlé l'Ukraine »). Le journal définit l’événement comme une confrontation entre les acteurs porteurs de l’identité autoritaire et prorusse et l’opposition dont l’identité n’est pas définie dans la citation par des qualificatifs. L’explicitation de la signification du terme employé exprime l’inachèvement du processus de stabilisation de l’usage de l’expression. L’absence de qualificatifs qui définissent l’identité de l’opposition peut exprimer une difficulté de désigner le nouvel acteur politique et l’inachèvement du processus de la cristallisation d’une nouvelle identité politique.

La cristallisation de l’identité politique se manifeste dans les discours à travers l’emplacement instable des guillemets dans l’expression « révolution orange ». Ils encadrent tantôt toute la locution, tantôt uniquement l’adjectif « orange ». Ainsi, l’emploi de l’adjectif « orange » entre guillemets exprime par métonymie une position critique de l’énonciateur par rapport au bloc politique Notre Ukraine. Cet usage caractérise la parole des représentants de l’opposition et marque les efforts de la refondation de l’identité politique au sein de diverses tendances

655 SABATIER, Patrick, « L’Heure », Libération, 23/11/2004. 656 SABATIER, Patrick, « Guerre froide », Libération, 2/12/2004.

politiques que la coalition La Force du peuple a réunies pour la présidentielle. « Cette

révolution « orange » a produit un nouveau citoyen, mais le pouvoir au fond est resté le même. En plus, à travers les changements constitutionnels le processus du renouvellement du pouvoir est retenu »657, a déclaré au quotidien Den Ivan Zaiets, député du bloc Notre Ukraine. De cette façon, le député critique les résultats des négociations entre l’opposition et le pouvoir, menées par V. Iouchtchenko. Selon lui, au lieu de condamner ceux qui ont falsifié l’élection, le Parlement n’a pas changé radicalement le déroulement de la campagne électorale : il a préservé quasiment la même composition de la Commission centrale électorale et a maintenu le gouvernement au pouvoir. Par ailleurs, il a voté une réforme constitutionnelle qui a considérablement réduit les compétences du président. Le compromis politique accepté par Iouchtchenko a trahi, selon le député, les revendications du peuple. Le député rejoint ainsi la position de la partie radicale de l’opposition qui se prononce pour un changement complet du pouvoir. Les guillemets qui entourent l’adjectif « orange » au sein de l’expression expriment la tension entre les intérêts du peuple (terme « révolution ») et ceux de l’opposition (couleur orange de la symbolique de Notre Ukraine) et rendent compte des tentatives de l’énonciateur de refonder l’identité politique dont il est porteur sur des bases plus rigoureuses.

La distinction d’une identité politique par rapport à une autre

La présence ou l’absence des guillemets relève dans la plupart des cas de la responsabilité des journalistes et des rédacteurs en chef qui citent les acteurs politiques ou préparent la publication des interviews. Les guillemets permettent au journal et journaliste de se démarquer d’une opinion ou d’une position.

Quand Le Monde publie l’interview avec Boris Nemtsov, ancien vice-premier ministre de B. Eltsine et représentant du parti démocratique Union des forces de droite, il rapporte l’expression « révolution orange », employée par l’acteur politique, entre guillemets. « C'est

la "révolution orange", on ne peut pas qualifier les choses autrement. Les élections ont été falsifiées » 658. Le libéral russe qui s’est rendu au moment de la crise à Kiev et était présent à côté de V. Iouchtchenko sur la tribune de la place de l’Indépendance, partage pleinement la nomination de l’événement employée par les manifestants. Cependant, la réputation d’un journal sérieux oblige Le Monde à se conformer à un jeu subtil avec les attentes de ses

657« Ми в результаті цієї «помаранчевої» революції одержали нового громадянина, але влада, по суті, залишилася та сама. Більше того, через конституційні зміни процес оновлення влади затримано. » OLIINYK, Mariana, « Le matin après la révolution », Den, 8/12/2004.

lecteurs par l’utilisation des guillemets. Ceux-ci attestent d’abord l’exactitude de la citation. Ensuite, ils marquent le caractère incertain de cette interprétation de l’événement et expriment une certaine connivence entre le journaliste-scripteur et le lecteur. Les guillemets sont le garant de la crédibilité et de l’objectivité des médias, ils démarquent l’identité politique de l’énonciateur dont la parole est rapportée de l’identité du journal Le Monde.

La mise entre guillemets de l’expression « révolution orange » apparaît souvent dans la presse française dans les titres. Les guillemets servent alors à attirer l’attention du lecteur, créer « une sorte de manque, de creux à combler interprétativement »659, d’éveiller la curiosité. Ils font ainsi partie des stratégies discursives du journal visant à la fois la crédibilité et la captation660. En même temps, les guillemets sont traditionnellement employés pour indiquer les limites de la parole de l’autre. Ainsi, dans le titre du Monde «Kharkov, dans l'est de l'Ukraine, est gagnée par la "révolution orange" »661, les guillemets désignent que l’expression « révolution orange » appartient à la parole de l’opposition. L’altérité exprimée par l’expression est opposée à l’identité de Kharkiv, la ville située dans la région de l’est, où le

Parti des régions bénéficie d’un large soutien de la part de la population et des autorités locales. L’usage des guillemets dans le titre de Libération « Le père de la "révolution orange" donné vainqueur »662 se soumet au même principe : marquer la distance avec la parole de l’autre et lui en envoyer ainsi la responsabilité. En même temps, « le père de la révolution » est une expression figée qui s’emploie par rapport à d’autres contextes. Les guillemets servent ainsi à délimiter le contexte singulier de l’énonciation.

Au départ, très critique par rapport à l’opposition, le quotidien Segodnya, change de ton lorsqu’un nouveau scrutin a été annoncé. Le journal cherche alors à comprendre la mobilisation citoyenne, critique les acteurs politiques du Parti des régions dont il est proche, et les invite à intégrer la société civile dans les stratégies électorales: « L’avenir de

Ianoukovitch et des groupes politiques et financiers qui sont derrière lui (indépendamment de l’issue de l’élection), dépend de leur pouvoir et de leur volonté de remplacer les ressources de la machine bureaucratique par les ressources de la société civique. Une activité commerciale peut être abolie par un contrôle de procureur, mais ni procureur, ni milice, ni inspecteur d’impôt, ni même inspecteur sanitaire ne peuvent détruire la croyance des gens dans certaines idées. C’est la leçon principale de la « révolution orange ». Elle a été

659 AUTHIER-REVUZ (1995), p. 136. 660 CHARAUDEAU (1997).

661 HOPQUIN, Benoît, «Kharkov, dans l'est de l'Ukraine, est gagnée par la "révolution orange" », Le Monde, 11/12/2004.

entendue à Kiev. Serait-elle entendue à Donetsk, Kharkiv et Dniepropetrovsk ? »663. Mise entre guillemets, l’expression « révolution orange » est un référent de mobilisation de la société civile, utilisée par l’opposition dans sa stratégie d’accès au pouvoir. Les guillemets qui encadrent l’expression expriment qu’il s’agit de la parole de l’autre. Ils délimitent l’identité politique de l’opposition de l’identité politique du Parti des régions.

Les guillemets sont aussi le moyen d’exprimer l’identité politique du journal. La mise entre guillemets de l’expression « révolution orange » exprime dans l’article non signé « La parole au peuple » publié par L’Humanité le 30 novembre 2004 la non-correspondance de l’événement à sa dénomination : « L’alternance ukrainienne ne mérite ni les envolées lyriques

des commentateurs en extase devant la « révolution orange », ni la peur d’une population attachée aux liens avec la Russie. L’avenir seul dira si le successeur de Koutchma, quel qu’il soit, mènera une politique plus intègre et plus sociale. Mais pour l’heure, il faut rendre au peuple le droit de voter dans la liberté »664. Les guillemets démarquent les significations attribuées à l’événement par d’autres des interprétations que le journal communiste en fait. Le journal se distancie de l’événement en encadrant de guillemets le nom propre et en recourant à la figure stylistique de négation : « ni...ni… ». La référence au « peuple » et le souhait d’une politique « plus intègre et plus sociale » pour l’Ukraine sont des expressions de l’identité politique du journal. Par ailleurs, L’Humanité évite l’emploi du terme « révolution » comme désignation des manifestations de contestation ukrainiennes et l’emploie toujours entre guillemets, l’expression « révolution orange » y apparaît rarement par rapport à d’autres titres français (voir tableau 5). Pour l’identité communiste du journal, il n’existe peut-être qu’une révolution : la Grande Révolution Socialiste.

La dénonciation de l’identité politique

Les guillemets peuvent exprimer dans les discours de presse une dénonciation, par une forme rhétorique qui exprime le rejet de l’autre. Ainsi, pour le quotidien Fakty i kommentarii la mise entre guillemets constitue le seul mode d’emploi de l’expression « révolution orange ». Celle-ci apparaît dans l’interview de V. Pintchouk, propriétaire du journal. Dans la parole de l’acteur politique, soutenant le candidat Ianoukovitch, les guillemets expriment, à la fois la 663 « От того, смогут и захотят ли Янукович и его штаб заменить ресурс бюрократической машины на ресурс гражданской самоорганизации, зависит будущее не только и не столько самого Януковича (вне зависимости от исхода выборов), сколько тех политических и финансовых групп, которые за ним стоят. Бизнес можно уничтожить прокурорской проверкой, но веру людей в некие идеи ни прокурор, ни милиция, ни налоговая, ни даже санэпидемстанция с пожарниками, не уничтожит. И это главный урок "оранжевой революции". Его уже усвоили в Киеве. Усвоят ли в Донецке, Харькове и Днепропетровске? » « Tout est presque clair », Segodnya, 6/12/2004.

distance entre acteur politique, journaliste et événement et la dénonciation des décisions anticonstitutionnelles, prises sous la pression de l’opposition : «Dans le pays et à l’étranger,

les événements qui ont lieu en Ukraine suscitent une grande sympathie. Voila la « révolution orange ». Voilà les jeunes gens, étudiants et étudiantes qui influencent radicalement les décisions de la Cour Suprême, du parlement, et il y a quelques décisions qui sont déjà prises sous la pression des masses. On tente également d’influencer les décisions du gouvernement et du Président. Et tout cela est actuellement expliqué par une certaine rationalité révolutionnaire, par la nécessité, par le fait que le peuple semble se lever contre le régime…Voilà, ils se réjouissent si sincèrement, ils respirent l’air de la liberté. Tout cela est très bien. Je peux ne pas être d’accord avec tout cela, mais je peux le comprendre. Et le monde entier réagit positivement, car il lui semble qu’il doit réagir de cette manière. Mais en fait, il faut réfléchir à ce qui se passe. Tout cela nous pousse à prendre des décisions qui sortent du champ du droit, de la Constitution… »665. Dans cette citation les guillemets sont des marqueurs de la parole de l’autre. L’usage du nom propre de l’événement « révolution orange » appartient à des commentaires étrangers et à l’opposition. L’oligarque n’adhère ni à cette dénomination, ni aux interprétations de l’événement qu’elle suppose. Il remet en question la légitimité des actions de l’opposition et des commentaires étrangers comme contraignant le pouvoir à des actions anticonstitutionnelles. La référence à la Constitution représente ici un argument d’autorité qui permet de discréditer et de dénoncer les actions de l’autre. Ainsi, les guillemets qui encadrent l’expression « révolution orange » expriment le refus d’adhérer à la dénomination et l’interprétation du monde de l’autre. Comme d’autres

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