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Le Groupe spécial devrait tirer des déductions défavorables du défaut de coopération des États-Unis

OBSERVATIONS ET DEMANDES DU BRÉSIL CONCERNANT LES DONNÉES FOURNIES PAR LES ÉTATS-UNIS LES

AFFAIRES CITÉES

6. Le Groupe spécial devrait tirer des déductions défavorables du défaut de coopération des États-Unis

446. Compte tenu du fait qu'en réponse aux quatre demandes du Groupe spécial concernant des renseignements sur le montant des versements au titre de contrats accordés aux producteurs actuels de coton upland, les États-Unis n'ont pas communiqué de renseignements relevant de leur contrôle exclusif, le Brésil demande au Groupe spécial de tirer les déductions défavorables ci-après:

 l'application de la méthode du Brésil272 pour imputer les versements PFC, MLA, CCP et DP aux producteurs actuels de coton upland au cours de chacune des campagnes de commercialisation 1999-2002 au moyen de données relevant exclusivement du contrôle des États-Unis aurait donné comme résultat des versements qui étaient plus élevés que ceux estimés à l'aide de la méthode 14/16èmes du Brésil;

 l'application de la méthode des États-Unis pour imputer les versements PFC, MLA, CCP et DP aux producteurs actuels de coton upland au cours de chacune des campagnes de commercialisation 1999-2002 au moyen de données relevant exclusivement du contrôle des États-Unis aurait donné comme résultat des versements qui étaient aussi élevés ou plus élevés que ceux estimés à l'aide de la méthode 14/16èmes du Brésil;

 les renseignements non communiqués par les États-Unis auraient été préjudiciables à leurs arguments selon lesquels les versements PFC, MLA, DP et CCP ne constituaient pas un soutien pour le coton upland, au sens de l'article 13 b) ii) de l'Accord sur l'agriculture, ou encore un soutien "autre que par produit".

447. On trouve le fondement juridique qui permet au Groupe spécial de tirer des déductions défavorables dans la décision de l'Organe d'appel Canada – Aéronefs, qui a constaté ce qui suit: "le pouvoir de tirer des déductions défavorables du refus d'un Membre de fournir des renseignements appartient également a fortiori aux groupes spéciaux qui examinent des allégations concernant l'existence de subventions à l'exportation prohibées. De fait, ce pouvoir nous paraît être un aspect ordinaire de la tâche de tous les groupes spéciaux consistant à déterminer les faits pertinents de tout différend faisant intervenir un accord visé; ce point de vue est étayé par la pratique générale et l'usage des tribunaux internationaux."273 L'Organe d'appel Canada – Aéronefs a déclaré ce qui suit: "Si nous

270 Rapport de l'Organe d'appel Canada – Aéronefs, WT/DS70/AB/R, paragraphe 140.

271 Rapport de l'Organe d'appel Canada – Aéronefs, WT/DS70/AB/R, paragraphes 135 et 140.

272 Voir les réponses données par le Brésil le 20 janvier 2004 aux questions additionnelles, paragraphes 43 à 55.

273 Rapport de l'Organe d'appel Canada – Aéronefs, WT/DS70/AB/R, paragraphe 202; voir également

"Evidence Before International Tribunals," D.V. Sandifer, édition révisée, University Press of Virginia 1975, page 153.

avions statué sur la question qui se posait au Groupe spécial [en référence à la formulation de déductions défavorables], nous aurions certes pu conclure que les faits consignés au dossier justifiaient bien la déduction que les renseignements non communiqués par le Canada comprenaient des renseignements préjudiciables au Canada."274 L'Organe d'appel a fondé son maintien des

"déductions défavorables" sur une interprétation du Mémorandum d'accord et de l'Accord SMC, ainsi que sur la jurisprudence ci-après en matière de droit international:

Affaire du Détroit de Corfou, où la Cour internationale de justice a indiqué ce qui suit:

"… l'État victime d'une violation du droit international se trouve souvent dans l'impossibilité de faire la preuve directe des faits d'où découlerait la responsabilité. Il doit lui être permis de recourir plus largement aux présomptions de fait, aux indices ou preuves circonstancielles. Ces moyens de preuve indirects sont admis dans tous les systèmes de droit et leur usage est sanctionné par la jurisprudence internationale."275

Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, où, sur la base des éléments dont elle disposait, la Cour internationale de justice a pensé qu'elle pouvait raisonnablement inférer qu'une certaine aide avait été fournie à partir du territoire du Nicaragua.276

Affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company Limited, où, dans son opinion individuelle, le juge Jessup a indiqué ce qui suit: "… lorsqu'une partie ne présente pas un document pertinent se trouvant en sa possession quand la demande lui en est faite, on peut présumer que "le document en question, s'il avait été produit, aurait révélé des faits défavorables à cette partie … ."277

Affaire William A. Parker (USA) v. United Mexican State, où les Commissions des réclamations Mexique–États-Unis ont indiqué que "lorsque le plaignant ou le gouvernement défendeur [avaient] connaissance d'éléments de preuve qui influeraient probablement sur sa décision, le fait de ne pas les produire, sans justification, p[ouvait] être pris en compte par la Commission pour arriver à une décision."278 448. Dans l'affaire États-Unis - Gluten de froment, l'Organe d'appel a donné des orientations additionnelles concernant la formulation de déductions défavorables, notant que la partie plaignante devait indiquer quels faits étayaient une déduction donnée et quelles déductions le Groupe spécial aurait dû tirer de ces faits.279

449. Compte tenu de ces critères juridiques, le Brésil expose les faits qui étayent la formulation des trois déductions défavorables susmentionnées et cite les références y afférentes.

450. Premièrement, au moment où ils ont refusé de présenter les renseignements demandés le 20 janvier 2004, les États-Unis avaient connaissance des faits essentiels suivants: 1) ils connaissaient

274 Rapport de l'Organe d'appel Canada – Aéronefs, WT/DS70/AB/R, paragraphe 205.

275 Affaire du Détroit de Corfou, 1949, CIJ 4, page 18, citée dans le rapport de l'Organe d'appel Canada – Aéronefs, WT/DS70/AB/R, note 128.

276 Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, 1986, CIJ 14, pages 82 à 86, paragraphes 152 et 154 à 156, citée dans le rapport de l'Organe d'appel Canada – Aéronefs, WT/DS70/AB/R, note 128.

277 Affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company Limited, 1970, CIJ 3, page 215, paragraphe 97, citée dans le rapport de l'Organe d'appel Canada – Aéronefs, WT/DS70/AB/R, note 128.

278 Recueil des sentences arbitrales, volume IV, 35, page 39, cité dans le rapport de l'Organe d'appel Canada – Aéronefs, WT/DS70/AB/R, note 128.

279 Rapport de l'Organe d'appel États-Unis – Gluten de froment, WT/DS166/AB/R, paragraphe 176.

les dernières estimations faites par le Brésil à l'aide de la méthode 14/16èmes280, 2) ils connaissaient les résultats de la présentation de renseignements sous forme de tableaux dans la base de données de l'EWG281, et 3) ils avaient accès à toutes les données sur les contrats, les rendements, les versements et les superficies plantées par exploitation figurant dans une base de données centralisée qui auraient permis de calculer le montant total du soutien selon diverses méthodes, y compris celle préconisée par les États-Unis. Ces faits étayent la formulation des deux premières déductions (défavorables) demandées par le Brésil.

451. Deuxièmement, les États-Unis étaient pleinement en mesure de calculer le montant des versements imputables aux producteurs actuels de coton upland. Tout d'abord, les données permettraient d'établir le montant total exact des versements au titre de contrats pour le coton upland reçus par les exploitants de coton upland. Ainsi, sans recourir à aucune méthode d'imputation en ce qui concerne les versements autres que pour le coton upland, les États-Unis connaissent le montant exact de tous les versements spécifiques au coton en question. En outre, les États-Unis étaient parfaitement informés de la façon dont le Brésil avait calculé le soutien imputable au riz dans sa pièce n° 368, tableaux 2 et 3 et données correspondantes. Par ailleurs, dans leurs séances d'information concernant les différentes méthodes d'imputation, les États-Unis n'ont laissé planer aucun doute sur le fait qu'ils savaient parfaitement comment calculer le montant des versements à l'aide de diverses méthodes, y compris la méthode 14/16èmes du Brésil, ainsi que la méthode préconisée par eux-mêmes.282 Compte tenu de ces connaissances, possibilités et capacités, le Groupe spécial peut inférer que les États-Unis connaissaient le montant des versements découlant de l'application tant de la méthode d'imputation brésilienne que de leurs propres méthodes. Ces faits étayent la formulation des deux premières déductions (défavorables).

452. Troisièmement, les renseignements systématiquement trompeurs communiqués par les États-Unis concernant leur possession de données sur les superficies et sur les versements au titre de contrats constituent un autre fait étayant la formulation des trois déductions défavorables. Le Brésil a d'abord demandé ces renseignements en novembre 2002 et ensuite à plusieurs reprises jusqu'en décembre 2003. Le Groupe spécial a formulé des demandes similaires. Le gouvernement des États-Unis ont sans conteste, à travers le Bureau administratif de l'USDA de Kansas City et au moyen de leur base de données, collecté, classé et conservé dans une base de données centralisée toutes les données qui répondraient aux demandes du Brésil et du Groupe spécial. Les États-Unis font maintenant valoir qu'ils ne "conservent" (maintain) pas de renseignements concernant le montant des versements au titre de contrats effectués pour les producteurs actuels de coton upland.283 Le sens ordinaire du mot "maintain" (conserver) est "practice habitually" (pratiquer habituellement),

"observe" (observer), "cause to continue (a state of affairs, a condition, an activity)" (faire continuer (un état de choses, une condition, une activité)).284 La prompte réponse du bureau de l'USDA de Kansas City à la demande concernant le riz présentée au titre de la FOIA constitue un élément de preuve convaincant de la pratique habituelle du gouvernement des États-Unis, qui est de "conserver"

des renseignements tant sur les superficies sous contrat que sur les superficies plantées.285 En résumé,

280 Exposée dans les réponses données par le Brésil le 22 décembre 2003 aux questions, paragraphe 8.

281 Communication complémentaire du 18 novembre 2003 présentée à titre de réfutation par le Brésil, section 2.1. Voir également les observations du 28 janvier 2004 du Brésil sur les réponses des États-Unis, paragraphes 20 à 22.

282 Communication complémentaire des États-Unis du 18 novembre 2003, paragraphes 11 à 17;

déclaration orale des États-Unis du 2 décembre 2003, paragraphes 23 et 24, 26 à 28.

283 Réponses données par les États-Unis le 22 décembre 2003 aux questions, paragraphes 6 à 11.

284 New Shorter Oxford Dictionary, édition de 1993, page 1669.

285 Les règles actuelles de l'OMC ne permettent pas au Brésil de recouvrer les dépenses considérables qu'il a encourues dans le présent différend pour prouver de manière circonstancielle ce que les États-Unis avaient en leur possession au cours des 15 derniers mois. Le Groupe spécial devrait prendre en considération le fait que si les déclarations inexactes faites par les États-Unis dans la présente procédure avaient été faites devant des tribunaux fédéraux des États-Unis, cela aurait entraîné des frais et honoraires d'avocats élevés qui auraient été mis à leur charge. Voir par exemple Federal Rule of Civil Procedure 26 g) 2) A), 3) (les sanctions comprennent des frais raisonnables, y compris les honoraires d'avocat dus à la certification fallacieuse de

l'ensemble de déclarations inexactes corrobore la constatation selon laquelle les États-Unis ont cherché à dissimuler les renseignements en question et à induire le Brésil et le Groupe spécial en erreur, car ils savaient que les renseignements demandés nuiraient à leur défense.

453. Quatrièmement, une question importante dans le présent différend était de savoir si les versements au titre de contrats effectués par les États-Unis constituaient un soutien pour le coton upland ou, au contraire, comme les États-Unis l'ont fait valoir, un "soutien autre que par produit".

Comme les États-Unis le savaient le 20 janvier 2004, un élément essentiel de la preuve présentée par le Brésil d'un soutien pour le coton upland est la démonstration de la mesure dans laquelle les versements au titre de contrats dont il est allégué qu'ils sont "découplés" sont réellement effectués aux producteurs actuels de coton upland. Le Brésil a communiqué de nombreux éléments de preuve circonstanciels démontrant ce lien.286 Le refus des États-Unis de fournir les renseignements en question permet au Groupe spécial d'inférer que les États-Unis savaient que ces renseignements seraient préjudiciables à leur argument voulant que ces versements ne soient pas liés à la production actuelle de coton.

454. Pour décider s'il devrait tirer des déductions défavorables, le Groupe spécial pourrait examiner l'incidence jurisprudentielle du refus des États-Unis de coopérer. Si un Membre peut aisément bloquer la demande de renseignements d'un groupe spécial sans aucune conséquence, la voie sera libre pour éluder à l'avenir les disciplines relatives aux subventions et d'autres disciplines de l'OMC. Cela encouragera également les parties à un futur différend à tergiverser et à refuser de fournir les éléments de preuve demandés. À long terme, le système de règlement des différends de l'OMC cessera simplement de fonctionner si le défaut de coopération d'un Membre n'entraîne pas de conséquences. En bref, l'absence de coopération des États-Unis, selon les termes de l'Organe d'appel États-Unis - Gluten de froment, doit être "déplorée", et non récompensée.287

455. Enfin, toute déduction défavorable tirée par le Groupe spécial devient un élément de preuve à partir duquel le Groupe spécial doit procéder à une évaluation objective des faits au titre de l'article 11 du Mémorandum d'accord. Parmi les meilleurs "faits" disponibles figurent les déductions défavorables elles-mêmes. L'Organe d'appel Canada – Aéronefs a été d'avis qu'"un groupe spécial d[evait] tirer des déductions sur la base de tous les faits consignés au dossier pertinents pour la détermination particulière devant être faite,"288 et que "[l]orsqu'une partie refus[ait] de communiquer les renseignements demandés par un groupe spécial au titre de l'article 13:1 du Mémorandum d'accord, ce refus constituera[it] l'un des faits pertinents figurant dans le dossier, et certainement un fait important, qui devr[aie]nt être pris en compte pour déterminer la déduction appropriée devant être tirée."289

7. Le refus des États-Unis de communiquer les renseignements demandés fait de la