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La décision rendue dans l'affaire Japon – Produits agricoles est inappropriée

OBSERVATIONS ET DEMANDES DU BRÉSIL CONCERNANT LES DONNÉES FOURNIES PAR LES ÉTATS-UNIS LES

AFFAIRES CITÉES

11. La décision rendue dans l'affaire Japon – Produits agricoles est inappropriée

488. Les États-Unis allèguent que la décision de l'Organe d'appel Japon – Mesures visant les produits agricoles aurait empêché le Groupe spécial d'utiliser les renseignements que les États-Unis ont refusé de communiquer pour calculer le montant des versements au titre de contrats sur la "valeur totale de la production des bénéficiaires".363 Cependant, cette décision de l'Organe d'appel est inappropriée.364

489. Dans l'affaire Japon – Produits agricoles, la partie plaignante (les États-Unis) n'a pas

"allégué" dans sa demande d'établissement d'un groupe spécial qu'il existait une "mesure" d'essais de remplacement (détermination des niveaux de sorption) qui était moins restrictive pour le commerce.365 Au contraire, la demande d'établissement d'un groupe spécial "alléguait" que les essais par produit (non par variété) étaient suffisants pour assurer au Japon un niveau approprié de protection. En se fondant sur des témoignages d'experts et non sur des arguments ou éléments de preuve présentés par les États-Unis, le Groupe spécial a constaté une violation de l'article 5:6 de l'Accord SPS sur la base de la "mesure" d'essais de remplacement (niveaux de sorption). Cette décision a été rendue malgré un argument présenté par les États-Unis au Groupe spécial selon lequel "il n'était pas … de la compétence du Groupe spécial de faire des constatations au sujet de l'efficacité comparative de traitements de remplacement proposés par des experts techniques."366

490. En appel, l'Organe d'appel a infirmé la constatation du Groupe spécial. Notant qu'un groupe spécial était habilité, au titre de l'article 13:1 du Mémorandum d'accord, à demander des renseignements, il a constaté que "ce pouvoir ne p[ouvai]t pas être utilisé par un groupe spécial pour trancher en faveur d'une partie plaignante qui n'a[vait] pas fourni un commencement de preuve d'incompatibilité sur la base d'allégations juridiques spécifiques qu'elle a[vait] formulées." L'Organe d'appel a constaté que le Groupe spécial avait commis une erreur en se fondant sur des renseignements et avis donnés par des experts pour établir une constatation d'incompatibilité avec l'article 5:6 de l'Accord SPS, "puisque les États-Unis n'[avaient] pas fourni un commencement de preuve d'incompatibilité avec l'article 5:6 sur la base d'allégations concernant la "détermination des niveaux de sorption"".367

491. Dans le présent différend, la situation factuelle est entièrement différente de celle de l'affaire Japon – Produits agricoles. L'"allégation" du Brésil relativement aux données non communiquées est, en premier lieu, que les États-Unis ne bénéficient pas de la protection conférée par la clause de paix parce que, entre autres, les versements au titre de contrats ne relevant pas de la catégorie verte n'assurent pas un soutien pour le coton upland excédant le niveau de soutien décidé par les États-Unis durant la campagne de commercialisation 1992.368 Les "mesures" affectées par les données non communiquées sont les subventions représentées par les versements PFC, les versements d'aide pour perte de parts de marché et les versements directs et anticycliques accordées au titre de la FAIR de 1996 et de la FSRI de 2002369, qui relèvent bel et bien du mandat du Groupe spécial. Les données non communiquées sont également pertinentes pour ce qui est des "allégations" du Brésil concernant des subventions pouvant donner lieu à une action pour établir le volume des subventions accordées pour

363 Lettre du 20 janvier 2004 adressée par les États-Unis au Groupe spécial, page 4.

364 Voir également les observations du 28 janvier 2004 du Brésil sur la question n° 256.

365 WT/DS76/2.

366 Rapport de l'Organe d'appel Japon - Produits agricoles, WT/DS76/AB/R, note 79.

367 Rapport de l'Organe d'appel Japon - Produits agricoles, WT/DS76/AB/R, paragraphe 130.

368 Il s'agit d'une allégation à titre subsidiaire car, comme le Brésil l'a fait valoir, il incombe aux États-Unis la charge de la preuve d'établir qu'ils bénéficient de la protection conférée par la clause de paix. Voir par exemple la première communication du Brésil du 24 juin 2003, paragraphes 110 à 121; la déclaration orale du Brésil du 22 juillet 2003, paragraphes 5 à 11; les réponses données par le Brésil le 11 août 2003 aux questions, paragraphes 48 à 51; les observations du 22 août 2003 du Brésil, paragraphes 42 à 45.

369 Les versements d'aide pour perte de parts de marché étaient fondés sur diverses lois portant ouverture de crédits.

la production de coton upland des États-Unis.370 En outre, les données non communiquées sont pertinentes pour étayer les arguments du Brésil selon lesquels les versements au titre de contrats constituent un "soutien pour le coton upland," car la plupart des versements correspondant à la base de coton upland sont effectués aux producteurs actuels de coton upland. Enfin, les données non communiquées sont pertinentes pour ce qui est d'offrir une base factuelle permettant au Brésil de réfuter les arguments des États-Unis selon lesquels la méthode de la "valeur" préférée par les États-Unis pour imputer les versements donne en résultat des avantages considérablement plus faibles pour le coton upland.371 Le Brésil note que la demande du Groupe spécial du 12 janvier 2004 entre bel et bien dans le cadre de ces divers allégations et arguments du Brésil lorsqu'il déclare que "[l]a divulgation est demandée pour permettre une évaluation des dépenses totales correspondant aux versements PFC, MLA, CCP et directs effectués par le gouvernement fédéral des États-Unis aux producteurs de coton upland au cours des campagnes de commercialisation pertinentes".372

492. La conséquence de la citation par les États-Unis de la décision rendue dans l'affaire Japon – Produits agricoles est que la demande du Groupe spécial des 8 décembre 2003 et 12 janvier 2004 peut être destinée à établir une "allégation" jamais avancée par le Brésil. Cette idée est manifestement contraire au dossier factuel indiqué ci-dessus. En outre, elle témoigne d'une méprise importante sur la différence entre une "allégation" et un "argument". L'Organe d'appel CE – Hormones a été d'avis qu'il existait une distinction entre les allégations juridiques figurant dans le mandat d'un groupe spécial et les arguments utilisés par une partie plaignante pour étayer ses allégations juridiques. L'Organe d'appel a statué qu'"aucune disposition du Mémorandum d'accord ne restrei[gnai]t la faculté d'un groupe spécial d'utiliser librement les arguments présentés par l'une ou l'autre des parties - ou de développer sa propre argumentation juridique - pour étayer ses constatations et conclusions concernant la question à l'examen".373 Bon nombre de groupes spéciaux ont interprété de manière étroite les "allégations"

comme ne comprenant que les allégations juridiques et ont autorisé les parties plaignantes à avancer des arguments ne figurant pas expressément dans une demande d'établissement de groupe spécial.374 Une lecture attentive de la décision de l'Organe d'appel Japon – Produits agricoles montre qu'elle était fondée sur le fait que les États-Unis n'avaient pas avancé d'"allégations" juridiques en rapport avec une "mesure" SPS de remplacement. Le fait que les États-Unis n'avaient pas non plus présenté d'"arguments" juridiques concernant quelque chose qui n'était pas une allégation n'a fait que renforcer le raisonnement sous-jacent.375

493. Cette idée des États-Unis selon laquelle la demande du Groupe spécial des 8 décembre 2003 et 12 janvier 2004 démontrerait indûment le bien-fondé des arguments du Brésil est totalement dénuée de fondement. Dans l'affaire Japon – Produits agricoles, les États-Unis n'ont pas demandé des renseignements à des experts pour étayer une "allégation" ou une "mesure" relevant du mandat du

370 Le Brésil a fait valoir que le montant exact des subventions n'était pas pertinent du point de vue juridique (contrairement aux arguments des États-Unis), mais que les "effets" des subventions étaient ce qui était en cause dans les allégations au titre de l'article 6:3 de l'Accord SMC.

371 Voir la section 10 ci-dessus.

372 Communication du Groupe spécial du 12 janvier 2004, page 2.

373 Rapport de l'Organe d'appel CE – Hormones, WT/DS26/AB/R, paragraphe 156 (pas d'italique dans l'original).

374 Rapport du Groupe spécial CE – Sardines, WT/DS231/R, paragraphes 7.142 à 7.145 ("Les demandes de constatations présentées par le Pérou étaient simplement un résumé de ses arguments et ne constituaient pas des allégations."); rapport de l'Organe d'appel Corée – Sauvegardes concernant les produits laitiers, WT/DS98/AB/R, paragraphes 139 et 140 ("… le fait que les CE se sont fondées sur le rapport de l'OAI durant la phase de réfutation de la procédure du Groupe spécial constitue un nouvel argument, et non une nouvelle allégation et, par conséquent, il n'est pas exclu."); rapport du Groupe spécial, Australie – Saumons, WT/DS18/R, paragraphes 8.24 et 8.25 (Le Groupe spécial a estimé que "cette "nouvelle allégation" constitu[ait]

un nouvel argument, et non une nouvelle allégation".).

375 Rapport de l'Organe d'appel Japon - Produits agricoles, WT/DS76/AB/R, paragraphe 130 (après avoir statué que le Groupe spécial avait fait erreur, l'Organe d'appel a noté ce qui suit: "Les États-Unis n'ont même pas fait valoir que la "détermination des niveaux de sorption" était une mesure de remplacement qui réunissait les trois éléments de l'article 5:6").

Groupe spécial. En revanche, à plusieurs reprises, le Brésil a sollicité les renseignements non communiqués par les États-Unis depuis 14 mois. En outre, les demandes du Groupe spécial des 8 décembre 2003 et 12 janvier 2004 comprenaient la demande du Brésil du 3 décembre 2003, telle qu'elle figure dans la pièce n° 369 du Brésil. En tant que plaideur, le Brésil n'a pas le droit indépendant de demander des renseignements aux États-Unis; cela doit être fait dans le cadre des pouvoirs conférés au Groupe spécial par l'article 13:1 du Mémorandum d'accord. Ainsi, l'affirmation des États-Unis selon laquelle, d'une façon quelconque, le Groupe spécial (et pas seulement le Brésil) recherche des éléments de preuve pour étayer une "mesure", une "allégation" ou même un "argument"

jamais avancé par le Brésil est fallacieuse.

494. En fait, les États-Unis avertissent le Groupe spécial qu'il "doi[]t prendre soin de ne pas utiliser les renseignements réunis [au] titre [de l'article 13:1 du Mémorandum d'accord] pour décharger une partie plaignante de la tâche qui lui incombe d'établir [des éléments] prima facie".376 C'est un curieux argument vu que les États-Unis ont refusé de présenter des renseignements que le Groupe spécial jugeait "nécessaire[s] et approprié[s] … afin de remplir sa mission qui [était] d'aider l'ORD à s'acquitter de ses responsabilités au titre du Mémorandum d'accord et des accords visés".377 Le Brésil doit demander comment le Groupe spécial doit même évaluer les éléments de preuve pour "prendre soin de ne pas utiliser" les renseignements, s'il ne les possède même pas.

495. Enfin, le Brésil note que c'est le premier différend portant sur l'interprétation de la clause de paix, ainsi que de bon nombre de dispositions de la Partie III de l'Accord SMC. À l'évidence, le Brésil ne sait pas comment le Groupe spécial statuera sur les nombreuses questions d'interprétation.

Un bon exemple en est la question de la méthode d'imputation pertinente au titre de la clause de paix, ou la question de savoir si les subventions contestées au titre de la Partie III de l'Accord SMC doivent même être imputées et, dans l'affirmative, au moyen de quelle méthode. Le Brésil est fermement convaincu que la méthode de États-Unis n'est étayée par aucun fondement textuel ou contextuel légitime. Cela étant, pour "couvrir tout le terrain" et conscient de l'absence de toute procédure de renvoi, le Brésil a présenté – ou a tenté de présenter dans le cas des données non communiquées par les États-Unis – un nombre considérable d'éléments de preuve pour permettre au Groupe spécial d'établir les déterminations factuelles étayant toute interprétation juridique possible de ces dispositions de l'OMC, qui n'ont pas été précédemment interprétées. Comme le démontre l'analyse présentée par le Brésil dans la section 3 ci-dessus, les renseignements non communiqués par les États-Unis ont privé le Groupe spécial et le Brésil de la possibilité d'utiliser les renseignements les plus exacts et les plus complets possible – même pour appliquer la méthode inappropriée des États-Unis afin d'imputer les versements au titre de contrats.378

12. Conclusion

496. En résumé, les États-Unis ont refusé de communiquer les renseignements concernant le montant des versements au titre de contrats effectués aux producteurs actuels de coton upland. Il n'existe pas de préoccupations légitimes en matière de confidentialité qui empêcheraient les États-Unis de présenter les données en question. En outre, même s'il en existait, les procédures en matière de confidentialité prévues à l'article 13:1 du Mémorandum d'accord et/ou les procédures de travail du Groupe spécial auraient pu répondre à ces préoccupations.

497. En conséquence, le Brésil demande au Groupe spécial de tirer des déductions défavorables (énumérées à la section 6) et de conclure que les renseignements non communiqués auraient été défavorables à la défense des États-Unis en l'espèce. En outre, le Brésil demande au Groupe spécial d'utiliser les meilleurs renseignements disponibles, y compris les déductions défavorables, pour constater que les chiffres que le Brésil a estimés au moyen de sa méthode, appelée méthode 14/16èmes, sont étayés par les éléments de preuve versés au dossier. Le Brésil note aussi que ses tentatives visant

376 Lettre du 20 janvier 2004 adressée par les États-Unis au Groupe spécial, pages 3 et 4.

377 Communication du Groupe spécial du 12 janvier 2004, page 2.

378 Voir les observations du 28 janvier du Brésil sur la question n° 256.

à appliquer les données récapitulatives viciées et incomplètes des États-Unis à une version simplifiée de sa méthode aussi bien qu'à la méthode des États-Unis donnent des résultats qui confirment encore davantage les résultats obtenus avec la méthode 14/16èmes du Brésil.

ANNEXE I-16

OBSERVATIONS DES ÉTATS-UNIS SUR LES OBSERVATIONS