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Capital humain et efficacité technique dans le secteur agricole burkinabé

3.2 Frontières de production et les déterminants des efficacités techniques

Le tableau n° 4 ci-dessous présente les différentes frontières de production ainsi que les facteurs déterminants des efficacités techniques.

Les différents tests statistiques, notamment le test de ratio de vraisemblance, rejettent l’absence d’effet d’inefficacité pour tous les modèles. Il indique que tous les modèles sont globalement significatifs. En outre, les paramètres gamma sont significativement inférieurs à 1. Il est égal à 0,91 pour le modèle1 et 0,90 pour les deux autres modèles. Il existe donc des paramètres environnementaux qui ne sont pas sous le contrôle des ménages. En effet, environ 10% des inefficacités techniques des ménages sont dues à ces paramètres externes qui échappent aux ménages. Les tests de signification individuelle des paramètres de la frontière de production indiquent que la plupart des coefficients sont significatifs.

Ces différents résultats économétriques confirment la pertinence du choix de la spécification de la frontière stochastique de production, et attestent qu’ils peuvent être utilisés pour la conduite d’analyses à des fins économiques.

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Modèle 1 : maïs Modèle 2 : coton Modèle 3 : arachide

Variables Coeff. Coeff. Coeff.

Frontière de production Constante 7,652 7,49 6,93 (0,05)*** (0,026)*** (0,003)*** ln (superficie) 0,089 0,04 0,01 (0,006)*** (0,003) (0,009)* ln (actif agricole) 0,0350 0,009 -0,02 (0,011)** (0,005)* (0,017) ln (engrais) -0,014 0,008 0,034 (0,033) (0,009)*** (0,015)* ln (fumier) 0,018 0,01 0,072 (0,0033) (0,0004)*** (0,006) Type de labour labour attelé -0,05 0,03 0,01 (0,015)*** (0,003)*** (0,016) labour motorisé -0,120 -0,01 (0,07)* (0,016) Inefficacité technique Constante 0,05 -24,6 -0,06 (0,02)** (0,04)*** (0,08)* Niveau éducation Primaire -9,10 0 ,04 0,02 (0,01)*** (-0,018)*** (-0,018)* Secondaire et plus -2,68 -6,74 0,11 (0,090)* (0,01)** (0,08)* Age -0,018 -5,532 4,94 (0,011) (0,13)*** (2,62)*

Age2 2,09e-04 0,0462 -4,107e-04

(0,0001)* (0,001)*** (0,021)* Sexe (feminin) -0,053 3,17 -0,011 (0,1) (1,2)*** (5,98)* Appartenance à OP -0,16 -9,5 -0,83 (0,08)* (1,05)*** (4,5)* Taille exploitation -0,03 -1,8 3,89 (0,011)*** (0,1)*** (1,97)* Accès au Crédit -1,33 -0,032 -0,033 (0,063)** (1,71)* (1,71)* sécurisation foncière -1,97 1,57 0,87 (0,09)*** (1,04)*** (5,31)*

Variance des paramètres 2

σ

0,773 9,42 174

γ

0,91 0,90 0,90

Log de vraisemblance -1771,5 -1082,2 -845,12

Nombre d’observations 3945 2645 645

Test de khi-deux de validité des modèles

Hypothèse nulle Test Probabilité Décision

Absence d’effet d’inefficacité Khi-deux 0,000 Rejetée

*** significative à 1% ; ** significative à 5% ; * significative à 10% (.)=p-value

Source : auteur à partir des résultats des estimations.

3.2.1 Analyse des facteurs de production

L’analyse des facteurs de production indique que quelle qu’en soit la spéculation considérée, la terre est le facteur de production qui contribue le plus à l’augmentation de la production. Une hausse de 10% de la superficie emblavée entraine un accroissement de 0,4% et 0,8% de la production totale de coton et de maïs respectivement. Ce résultat indique que c’est le système agricole extensif qui caractérise la production de maïs et de coton. Le même effet est observé dans la production de l’arachide. Le facteur travail influence positivement la production du maïs et du coton. Son effet est non significatif dans la production

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de l’arachide. Les différents résultats montrent que l’engrais chimique a un rôle déterminant dans la production de coton et d’arachide. En outre, une augmentation de 10% du fumier organique entraine une hausse de 0,18% de la production totale de coton. Le fumier organique influence très peu la production du maïs et de l’arachide, car son effet est non significatif dans les modèles 1 et 3.

L’analyse de l’effet du capital physique représenté par le type de labour montre que les labours attelés et motorisés comparés au labour manuel exercent un effet négatif sur la production du maïs. L’effet contraire est observé sur la production de coton. L’effet négatif de l’emploi du capital moderne sur la production de maïs s’expliquerait par le faible taux de mécanisation dans les ménages agricoles produisant le maïs. Un tel résultat pourrait également s’expliquer par une mauvaise utilisation ou une maîtrise insuffisante de ce type de capital et donc par un manque de formation. Ce résultat est similaire à celui de Fontan (2008) qui a mis en évidence l’effet négatif et significatif du capital moderne sur la production de riz en Guinée. En revanche, l’effet positif de la technologie observé sur la production du coton montre qu’il est plus indiqué d’y pratiquer le labour attelé que le labour manuel. Ce résultat est similaire à celui de Combary et Savadogo (2014) qui ont montré que la perte de la productivité globale des facteurs est significativement plus importante chez les exploitations à traction manuelle que chez les exploitations à traction animale dans la production cotonnière au Burkina Faso.

3.2.2 Analyse des déterminants des efficacités techniques

L’analyse des scores d’efficacité a permis de mettre en évidence un gaspillage des ressources productives par les ménages agricoles. Il s’avère important d’explorer les facteurs qui sont à l’origine de ces inefficacités techniques ainsi que ceux qui contribuent à améliorer l’efficacité technique des ménages. L’effet du capital humain mesuré par le niveau d’instruction (educ) atteint par le chef du ménage varie d’une exploitation à une autre. Le fait d’avoir atteint le niveau primaire ou le niveau secondaire et plus améliore l’efficacité technique des producteurs. Ces résultats sont similaires à ceux trouvés par Nana et Atangana (2012). Ils confirment l’idée selon laquelle la formation du capital humain améliore l’utilisation des ressources et la productivité des ménages ruraux.

Le capital social (appartenant_OP) a un effet positif et significatif sur l’efficacité technique. Les ménages agricoles appartenant à des organisations professionnelles agricoles ont un niveau d’inefficacité bas. L’appartenance à une organisation de production agricole est donc un facteur déterminant de l’amélioration de la productivité agricole des producteurs. Ce résultat est conforme à nos attentes. Le capital social est défini comme étant l’ensemble des ressources tirées de la participation à des réseaux de plus en plus formalisés et institutionnalisés. En outre, un des objectifs d’une organisation est d’offrir des services à ses membres. Dans cette perspective, le fait d’avoir dans un ménage au moins un actif agricole appartenant à une organisation de producteurs contribue à accroitre le réseau relationnel du ménage. Les actifs agricoles qui appartiennent à une organisation bénéficient de formations et d’informations. Ces formations et informations reçues contribuent à améliorer leur connaissance sur certaines techniques et pratiques agricoles d’une part, et sur le fonctionnement du marché d’autre part, toutes choses qui améliorent leur efficacité technique et, partant, leur productivité agricole. En effet, le « capital social » apparaît comme une propriété de l’individu et d’un groupe, à la fois stock et base d’un processus d’accumulation qui permettra aux individus bien dotés au départ de mieux se situer dans la compétition sociale (Nana et Atangana, 2012).

Le capital financier, représenté par l’accès au crédit (acces_credit), contribue à réduire l’inefficacité technique des ménages agricoles. Cet effet positif sur l’amélioration de l’efficacité technique est significatif. Ce résultat est en accord avec nos attentes. Le crédit renforce le capital financier des producteurs, améliore l’acquisition des équipements agricoles et des intrants et contribue ainsi à accroitre la productivité agricole. Les politiques agricoles visant à faciliter l’accès des producteurs agricoles aux intrants et/ou à améliorer leur surface financière devraient être encouragées et renforcées pour stimuler la productivité agricole. Ce type de résultat a été trouvé par Combary et Savadogo (2014) dans leur étude sur les sources de croissance de la productivité globale dans les exploitations cotonnières dans l’Ouest du Burkina Faso.

Le capital naturel, capté par le type de sécurisation foncière (securisation_fonciere), est considéré comme un moyen efficace qui devrait sécuriser l’investissement agricole et accroitre la productivité agricole. Ainsi, en favorisant l’accès au crédit, la sécurisation foncière devrait améliorer l’efficacité technique des producteurs par un accroissement des investissements. Il ressort de nos analyses que la détention des droits modernes à la terre contribue à réduire l’inefficacité technique des ménages. Ce résultat est observé dans la production de maïs. Les tenants de l’économie libérale soutiennent que la privatisation du foncier et l’ouverture d’un marché de la terre sont des conditions nécessaires à l’intensification de l’agriculture et à

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une bonne gestion de la fertilité du sol (Le Bris et al., 1991). Un agriculteur qui disposerait d’un titre foncier serait plus motivé pour bien gérer ses terres. Au regard de nos résultats, il apparait cependant que les institutions foncières légales ne garantissent pas mieux l’amélioration de l’efficacité technique des ménages agricoles que le droit coutumier dans la production de coton et d’arachide. Ainsi, le droit coutumier contribue plus à accroitre l’efficacité technique des ménages agricoles dans la production de coton et d’arachide. Le droit coutumier est toujours ancré dans l’esprit des ménages ruraux comme moyen efficace de détention de la terre. Ceci s’explique par la nature de l’agriculture burkinabé : une agriculture familiale où les ménages agricoles conservent encore des liens quasi religieux avec la terre des ancêtres. Ainsi l’irruption d’un marché de la terre bouleverserait l’ordre social et culturel. Ces résultats reposent profondément le débat sur la cohabitation entre le droit moderne et le droit coutumier.

L’âge du chef de ménage (age). Dans les exploitations de maïs et de coton, les ménages dirigés par des chefs de ménage plus jeunes sont plus efficaces que ceux dirigés par des chefs de ménage moins jeunes. Ainsi, l’efficacité technique de ces ménages s’améliore avec l’âge du chef de ménage. Mais cet effet est non linéaire. Il existe un âge seuil au-delà duquel l’effet contraire s’observe. Dans la production de maïs, l’âge seuil au-delà duquel l’effet contraire s’observe est de 43 ans. Il est de 60 ans dans la production de coton. En revanche, dans les exploitations d’arachide, l’efficacité technique se détériore avec l’âge. Mais cette relation est non linéaire. Au-delà de 60 ans, l’efficacité technique s’améliore avec l’âge. Ces différents résultats sont conformes à nos attentes. Il est montré que les chefs de ménage les plus âgés ont moins accès au service de vulgarisation d’une part, et sont moins réceptifs à l’adoption de nouvelles variétés végétales mises en place par la recherche ou à l’emploi de nouvelles technologies de production. D’autre part, grâce à leur expérience ils contribuent de manière significative à l’amélioration de la productivité de leurs ménage.

La taille de l’exploitation (taille_exploi) mesurée par la superficie totale, autre que celle analysée, a un effet positif sur l’efficacité des ménages dans les productions de maïs et de coton.

Le sexe (sexe) du chef de ménage. Dans les exploitations de maïs et de coton, les résultats indiquent que les ménages dirigés par les chefs masculins sont plus efficaces que ceux dirigés par des femmes. Ce type de résultat pourrait s’expliquer par le fait que les hommes sont les plus actifs dans les organisations professionnelles des producteurs (OP) et sont généralement membres dirigeants de ces OP, ce qui leur permet de bénéficier ainsi en premier lieu des services de l’organisation dont la formation et l’information.

CONCLUSION

L’objectif de cette recherche était d’analyser la capacité productive des ménages agricoles dans l’utilisation de leurs facteurs de production et de dégager les facteurs explicatifs de ses inefficacités. Pour atteindre cet objectif l’approche basée sur l’Analyse stochastique des frontières de production (ASF) a été utilisée pour l’estimation des frontières de production. Le facteur terre joue un rôle important dans l’augmentation des productions. Le capital humain contribue à l’amélioration de l’efficacité technique des ménages agricoles. Les ménages agricoles opèrent tous en dessous de leur capacité productive. Il existe un gaspillage dans l’utilisation des ressources productives. Le capital social et le capital financier contribuent à l’amélioration de l’efficacité technique des ménages sur la période d’étude. La détention des droits modernes à la terre réduit l’inefficacité technique des ménages dans la production de maïs. Mais c’est l’effet contraire qui est observé en ce qui concerne la production de l’arachide et du coton. Au regard des conclusions de cette recherche, il est important que les autorités en charge de la conduite de la politique agricole renforcent les offres de formations dispensées aux producteurs en leur donnant un contenu ayant au moins le niveau primaire des écoles classiques ainsi que l’esprit coopératif et associatif dans le monde paysan en encourageant la participation active des femmes, tout en reconnaissant les droits locaux en même temps qu’elles renforcent les institutions foncières modernes.

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