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Coût d’opportunité de la culture du tabac par rapport à certain es céréales d’hiver ou d’été et aux légumes secs

TABAC EN ALGÉRIE : TABAC OU CULTURES ALTERNATIVES

2.1 Coût d’opportunité de la culture du tabac par rapport à certain es céréales d’hiver ou d’été et aux légumes secs

Aliment de base et produit de première nécessité, les céréales occupent une place importante dans l’alimentation des Algériens où elles représentent 75% des calories consommées. Le blé, insuffisamment produit en Algérie, reste l’aliment de base de la quasi-totalité de la population. Le déficit céréalier algérien ne cesse de se creuser et la production des céréales ne couvre plus les besoins de la population depuis 1970.Le pays n’a pas trouvé de solutions idoines pour répondre aux besoins croissants en maïs, lentilles,

5 L’État a procédé, en 2000, au lancement d’un Plan National pour le Développement Agricole, ayant pour objectif la sécurité alimentaire et le développement des filières agricoles. Élargi à la dimension rurale, un Plan National pour le Développement Agricole et Rural était promulgué en 2002 avec pour ambition la relance du secteur agricole. En 2005, une nouvelle Stratégie de Développement Rural Durable, suivi, en 2006, par des Programmes de Proximité de Développement Rural avaient pour objectif la croissance de toutes les possibilités agricoles de l’Algérie.

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La culture du tabac en Algérie : un coût d’opportunité important sur le développement durable 69

Les Cahiers de l’Association Tiers-Monde n°33-2018

pois secs, céréales d’été, pois chiches, haricots secs, blé dur, blé tendre, orge et avoine. Si les superficies consacrées à la culture du tabac avaient été redirigées vers ces cultures, quels auraient été les gains ? La culture des céréales a longtemps été la spécialisation prédominante de l’agriculture algérienne. Les céréales sont principalement cultivées dans les régions situées en zone humide et subhumide du nord du pays (FAO, 2015). Pratiquée en extensif et en régime pluvial, la céréaliculture s’étend sur trois millions d’hectares, concerne 55% des exploitations agricoles et permet la production, en moyenne, de 2 à 4 millions de tonnes de céréales (Smadhi & Zella, 2009). Outre sa productivité faible (moyenne : 7q/ha), cette production céréalière est trouble et instable ces dernières années en raison de la perturbation de la pluviométrie (Ministère de l’agriculture, 2016). La demande totale de l’Algérie en céréales est estimée à 8 millions de tonnes par an (700 g par habitant et par jour). Le déficit est donc considérable. Les importations en céréales ont atteint 60 millions de quintaux en 2005, pour un coût de 1,5 milliards de dollars américains, soit 43% de la valeur globale des importations du pays (Smadhi & Zella, 2009). L’ampleur de ces volumes place l’Algérie parmi les plus gros importateurs mondiaux de céréales, en occupant 65% du marché africain (Smadhi & Zella, 2009). La facture des importations de blé (tendre et dur) a atteint 1,84 milliards de dollars en 2014, contre 1,71 milliards de dollars en 2012. En 2013, l’Algérie a importé 5% de la production mondiale de céréales (Amar, 2014).

Les légumes secs font partie de la catégorie des produits de première nécessité dont les prix sont réglementés en Algérie. De1966 à 1977, la production de légumes secs a connu une progression notable suite à l’accroissement des superficies. Mais de 1979 à 1983, elle connait une régression de prés de 25% par rapport à 1974-1977 (Hocine, 1991) et atteint son seuil le plus bas en 1982 avec 3 000 tonnes. De plus, les rendements, de l’ordre de 5 quintaux/hectare, en moyenne, durant ces périodes, n’ont pas connu de progression conséquente et la couverture de la consommation par la production nationale passe ainsi, de 60% au cours de la période 1974-1977, à 30%, en moyenne, entre 1990 et 1995. Aujourd’hui, la production de légumes secs est très insuffisante puisque, même si elle a sensiblement augmenté depuis 2000, elle atteignait seulement 50 400 tonnes en 2007 pour des besoins estimés à 280 000 tonnes, soit un taux de couverture de 18% ; le reste des besoins était importé pour un montant de 123 millions USD. La production nationale de légumes secs avait atteint 80 000 tonnes (dont 50% de fèves et 30% de pois chiches) en 2011, ce qui répond aux besoins du marché à hauteur de 25% seulement, et ce qui a contraint l’Algérie à importer 250 000 tonnes de légumes secs(Belaid, 2016).

En 2000, la superficie consacrée à la culture du tabac représente 15 fois celle de la culture du maïs, ce qui fait perdre des opportunités de production de 240 000 q en maïs, si les terres consacrées à la culture du tabac l’étaient à celle du maïs. La filière avicole en Algérie repose sur l’importation de facteurs de production. La principale contrainte est la dépendance en aliments, notamment en maïs, dont les fortes hausses des cours se sont répercutées sur le prix des viandes blanches à la consommation (3 millions tonnes de maïs destiné à l’alimentation animale ont été importées en 2014) (Agroligne, 2015). Ce coût d’opportunités perdues par la culture du tabac est plus important pour le sorgho, 280 000 q, (soit la production multipliée par douze) pourraient être produits. Les opportunités perdues au regard de la production de blé dur, de blé tendre ou d’orge sont moins significatives : 58 000 q de blé dur, 63 000 q de blé tendre ou 49 000 q d’orge.

En 2002, à la place du tabac, la culture des légumes secs aurait réduit la facture d’importation de 2,33% (1 955 341,71$). En 2003, l’économie nationale aurait multiplié par 2,8 la production des pois secs par rapport à 2000. Si les opportunités perdues exprimées en volume apparaissent intéressantes, il faut les comparer aux coûts d’importation des tabacs bruts qui ne seraient plus produits. La substitution de la culture du tabac par celle du maïs aurait coûté 15 millions $ pour importer 6 043 tonnes de tabac brut en 2007, soit une augmentation de la facture d’importation des tabacs bruts de 36,69%. En substituant d’autres cultures à celle du tabac, l’État aurait pu réduire la facture d’importation des céréales (qui s’élève à 2 000 millions USD) de 0,75% (soit 15 millions USD), ou celle des importations de maïs de 9 millions $ (si 400 000 q de maïs étaient produits localement à la place du tabac), ce qui, in fine, se serait traduit par des pertes de 6 millions USD pour l’économie nationale (par la culture du maïs à la place du tabac) mais lui aurait fait gagner une production agricole stratégique qui contribue à la qualité de l’environnement, à la sécurité alimentaire, à la santé publique (De Beyer, 2005), à l’industrie, à l’élevage, etc.

En 2011, l’État a importé 11 000 millions USD d’orge, si sa culture s’était substituée à celle du tabac, il en aurait été produit 34 000 q réduisant la facture d’importation de 6% (6,6 millions USD). Selon la même analyse menée pour le blé dur, dont les importations s’élèvent à 277 millions USD, sa culture aurait produit 81 000 q, réduisant les importations de 3,97% (11 millions USD) en 2011 et de 7,08%en 20126.

70 Nabila KENDI, Younes HIDRA et Nouara KAID-TLILANE

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En 2013, la jachère mobilise la moitié de la SAU en Algérie, le reste est consacré aux céréales (33%), à l’arboriculture (6%), aux fourrages (6%) et aux cultures maraichères (3%).

Troisième importateur mondial de céréales, l’Algérie couvre, en 2014, 80% de ses besoins par les importations . À cette date, le déficit du commerce extérieur agroalimentaire s’élevait à 8,8 milliards € (une aggravation de 15,78% par rapport au déficit de 2013). Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler qu’en 2014, l’économie algérienne était frappée par une crise pétrolière. Cette situation est aggravée par la crise des marchés mondiaux de produits agroalimentaires, source d’inflation importée pour les produits de base et de risques de difficultés d’accès aux produits. Les réserves de change deviennent d’autant plus précieuses en période de crise, les rationaliser devient une question de survie. Les opportunités perdues entre des choix alternatifs en culture céréalière méritent une réflexion.

Figure 2 : Coût d’opportunité de la culture du tabac en Algérie par rapport à certaines céréales d’hiver, céréales d’été et légumes secs de 2000 et 2015 (en q)

Source : calculs réalisés par nos soins.

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