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Dans cette partie, nous dégageons les avantages et les inconvénients des mécanismes de financement utilisés par les IMF. De façon générale, la microfinance privilégie les prêts avec responsabilité solidaire. L’expérience a montré que, lorsque les emprunteurs forment un groupe et sont liés les uns avec les autres, le crédit au pauvre peut être bénéfique même si les emprunteurs ne possèdent pas de collatéraux et n’ont aucune histoire de crédits. Il est intéressant de noter que, malgré l’utilisation fréquente du mécanisme de crédit de groupe, une grande partie des IMF ne proposent pas des crédits de groupes mais offrent des crédits individuels. Ce constat soulève plusieurs questions : quels sont les mécanismes incitatifs qui jouent un rôle dans un crédit individuel et dans un crédit de groupe et qu’est-ce qui les différencie ? Dans quelles circonstances les IMF offrent-elles des contrats de crédits de groupe ou individuels ?

Le prêt de groupe est basé sur la responsabilité solidaire. Il s’agit d’un mécanisme qui rend le groupe, plutôt qu’un individu, responsable du remboursement. Il permet d’améliorer le taux de remboursement en incitant les membres du groupe à sélectionner, à contrôler et à faire respecter les engagements du prêt à chacun d’entre eux. La sanction en cas de non remboursement est le refus d’un nouveau prêt pour tous les membres du groupe.

Si le prêt de groupe permet d’atténuer les problèmes posés par l’existence d’asymétrie d’information entre les IMF et les emprunteurs (Karlan, 2007), certaines études montrent que cette dynamique reste insuffisante. Par exemple, Morvant-Roux (2009) montre que le comportement projeté par les IMF au travers de la progressivité des sommes engagées n’est pas toujours conforme à celui observé sur le terrain. En effet, l’uniformité des besoins présumée par les IMF produit une offre homogène non conforme à la réalité de ceux-ci. De plus, les pratiques et comportements des emprunteurs, entre des objectifs et des horizons de court terme et long terme, requièrent des offres adaptées aux besoins.

La responsabilité de groupe peut décourager les bons clients d’emprunter ou créer des tensions entre les membres du groupe et provoquer des mouvements de retrait du groupe. Les mauvais clients peuvent se comporter en passagers clandestins, augmentant ainsi le taux de défaut.

Notre analyse montre que la politique optimale de financement dépend de la structure de marché du crédit et de la nature des politiques publiques en faveur du développement de la production agricole. Dans un marché concurrentiel, les collatéraux sont inversement liés aux taux d’intérêt et interviennent comme un mécanisme d’exclusion. Deux cas sont possibles.

Dans le premier cas, l’emprunteur dispose suffisamment de ressources pour payer les collatéraux. La solution optimale traduit une absence de rationnement du crédit. L’intervention de l’État se traduit par un effet plus important sur les groupes à haut risque. Lorsque les ressources des agriculteurs sont insuffisantes pour payer les collatéraux, les IMF peuvent rationner les crédits à l’équilibre. En termes de bien-être social, lorsque l’information est complète, comme le monopole discrimine parfaitement entre les types d’agents, l’équilibre de monopole conduit au même résultat que l’équilibre concurrentiel. Autrement dit, les deux équilibres déterminent le même niveau de bien-être de premier rang. En revanche, lorsque l’information est asymétrique, l’espérance de bien-être de l’équilibre de monopole est différente de celui de l’équilibre concurrentiel. Devreux et Fishe (1993) ont montré que la stabilité à long terme du groupe requiert que les profits espérés d’un prêt de groupe avec responsabilité solidaire soient supérieurs aux profits espérés d’un prêt individuel.

Dans le cas d’un crédit individuel, nous avons supposé que l’emprunteur avait la possibilité d’utiliser les fonds pour satisfaire certains besoins sociaux. Cette situation conduit l’emprunteur à réaliser un bénéfice privé et réduit sa capacité à rembourser le prêt. Dans ce cas, la collectivité subit une perte sociale. Dans le cas où l’emprunteur adopte un niveau d’effort élevé, la politique optimale de financement dépend aussi de

Partenariats dans le financement de la production agricole en Afrique subsaharienne 103

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la structure de marché du crédit et de la nature de l’intervention de l’État. Lorsque les IMF sont en concurrence avec d’autres organismes (banques commerciales et autres IMF), des ONG, des associations, ou des usuriers, un investissement de premier rang est réalisable sous certaines conditions. Les partenaires financiers obtiennent un profit nul et l’emprunteur s’approprie la totalité du surplus. En situation de monopole, les partenaires financiers réalisent un profit positif alors que le profit de l’emprunteur doit être nul ou égal à son bénéfice privé. La répartition du surplus total est favorable aux partenaires financiers.

CONCLUSION

Nous avons analysé, dans cet article, deux mécanismes de financement agricole utilisés par les institutions de microfinance : le crédit de groupe et le crédit individuel. L’accès aux ressources disponibles sur le marché financier de différents acteurs (organisations de producteurs ou institutions de microfinances), pour financer les activités agricoles se heurte à la question de la garantie. C’est dans l’optique de pallier cette absence de garantie que nous avons proposé un modèle de financement fondé sur un partenariat entre IMF, État et bailleurs de fonds internationaux permettant de couvrir les besoins financiers des populations dans les zones rurales et agricoles. Ce type de contrat s’inscrit dans les dynamiques actuelles en matière de partenariats public-privés.

Le désengagement de l’État dans les pays en développement ne s’est pas traduit par un développement des services bancaires dans les zones délaissées et, comme parallèlement les IMF ne parviennent pas à combler le vide, l’offre reste insuffisante. Ce constat conduit à interroger le rôle de l’État pour promouvoir l’accessibilité des mécanismes financiers pour les populations pauvres. Dans le cadre du modèle proposé ici, l’État intervient de manière directe ou indirecte par l’intermédiaire de l’IMF, qui joue un rôle de prestataire de services de distribution de crédits. Cette approche est récente et de nombreuses expériences sont en cours dans différents pays. En Afrique de l’Ouest par exemple le NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique) et la CEDEAO (Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest) ont lancé des initiatives destinées à mobiliser davantage de financements pour le secteur agricole en élaborant le PDDA (Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine) à travers les Plans d’Investissement Agricole qui se déclinent aux niveaux régional (PRIA) et national (PNIA).

Soulignons ici que les réticences à une intervention directe de l’État sont nombreuses. On peut en effet craindre les distorsions de marché. Cependant, une politique publique de financement de l’agriculture est nécessaire pour lutter contre la pauvreté, le chômage, le changement climatique et promouvoir le développement local, la conservation de biodiversité. Le problème qui se pose dans le contexte actuel est celui du financement. Nous avons proposé la mise en œuvre d’un partenariat innovant entre les IMF, l’État et les bailleurs de fonds qui permet de maximiser l’efficacité de la ressource financière pour atteindre des objectifs aux niveau économique, social, territorial et environnemental.

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Les effets du warrantage sur la croissance des organisations paysannes

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